Livv
Décisions

CA Agen, 1re ch. civ., 6 février 2008, n° 07-00598

AGEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Idealfrance (SAS), Dudule (SARL)

Défendeur :

Guiot (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Salomon

Conseillers :

M. Nolet, Mme Imbert

Avoués :

SCP Teston-Llamas, SCP Vimont

Avocats :

SCP Guignard Garcia Trassard, SCP Cornet Vincent Segurel

T. com. Libourne, du 16 sept. 2003

16 septembre 2003

Les sociétés Idéal France et Dudule entretenaient des relations commerciales suivies avec une société Guiot qui leur vendait à des tarifs préférentiels ses produits destinés à la vente aux grandes surfaces. Se plaignant de la brutalité de la rupture de ses relations résultant, selon elles, d'une augmentation sans préavis des tarifs qui leur étaient jusqu'alors consentis par la société Guiot, les sociétés Idéal France et Dudule l'ont assignée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce en paiement de dommages et intérêts ;

Par jugement du 16 septembre 2003, le Tribunal de commerce de Libourne s'est déclaré incompétent territorialement au profit du Tribunal de commerce de Nantes pour statuer sur les demandes présentées par ces deux sociétés. Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que quel que soit le fondement de la responsabilité (délictuelle ou contractuelle) il n'était pas concerné ;

Par arrêt en date du 27 janvier 2004, la Cour d'appel de Bordeaux, statuant sur contredit, a confirmé cette décision en considérant, qu'au regard des relations habituelles et stables entre les parties depuis plusieurs années, il s'agissait au cas d'espèce d'une responsabilité contractuelle de sorte que la SARL Guiot ayant son siège social dans le ressort du Tribunal de commerce de Nantes, seule cette juridiction était compétente, une clause attributive de compétence figurant en outre dans ses tarifs ;

Par arrêt en date du 6 février 2007, la Cour de cassation a reproché à la Cour d'appel de Bordeaux d'avoir statué ainsi au motif que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de relations commerciales et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engageait la responsabilité délictuelle de son auteur ;

L'arrêt a été cassé et renvoyé devant la Cour d'appel d'Agen ;

La SARL Guiot fait valoir au principal que le Tribunal de commerce de Nantes a été logiquement saisi par l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux et que l'affaire se trouve actuellement au rôle de la mise en état dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen. Elle indique que la juridiction compétente en matière délictuelle est celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ce qui ramène à la compétence du Tribunal de commerce de Nantes. Au surplus, et alors que la question de la compétence n'était toujours pas tranchée, à l'audience du 11 décembre 2006, ses adversaires ont insisté pour que le tribunal de commerce saisi au fond fixe une date de plaidoirie ;

Subsidiairement si la Cour d'appel d'Agen estimait que le Tribunal de commerce de Libourne était compétent, elle ne pourrait pas évoquer le fond car elle n'est pas juridiction d'appel du Tribunal de commerce de Libourne ;

Encore plus subsidiairement, si la cour décidait d'évoquer le fond de l'affaire, elle devrait faire application de l'article 76 du Code de procédure civile et mettre en demeure la société Ideal France de conclure au fond ;

De leur côté, les sociétés Idéal France et Dudule estiment que la Cour d'appel d'Agen est compétente pour statuer au fond compte tenu du renvoi opéré par la Cour de cassation. Elles sollicitent la condamnation de la société Guiot au paiement de diverses sommes au titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice commercial et de leur préjudice d'image avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et capitalisation des intérêts outre leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

Motifs

Aux termes de l'article L. 442-6 5° du Code du commerce "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur commerçant industriel ou artisan... de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ;

Au cas d'espèce les sociétés Ideal France et Dudule qui entretenaient des relations commerciales suivies avec la société Guiot qui leur vendait à des tarifs préférentiels ses produits destinés à la vente aux grandes surfaces, se plaignent de la brutalité de la rupture de ces relations résultant selon elles d'une augmentation sans préavis des tarifs qui leur étaient jusqu'alors consentis. C'est pourquoi ces deux sociétés ont assigné la société Guiot sur la base de cet article qui met en jeu la responsabilité délictuelle de l'auteur présumé de la rupture;

En vertu de l'article 46 alinéa 3 du nouveau Code procédure civile, en matière délictuelle, le demandeur peut saisir, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

La juridiction du lieu où demeure le défendeur est le Tribunal de commerce de Nantes puisque le siège social de la société Guiot est à Saint-Colomban (44) ;

Le lieu du fait dommageable est suivant une jurisprudence constante le lieu d'où est parti le refus de contracter c'est-à-dire là encore le siège social de la société Guiot, la compétence étant attribuée au Tribunal de commerce de Nantes ;

Le lieu où le dommage a été subi est incontestablement le lieu où les produits en cause étaient destinés à être vendus c'est-à-dire dans le ressort du Tribunal de commerce de Libourne comme cela est justifié par les sociétés Ideal France et SARL Dudule ;

C'est cette dernière juridiction que ces deux sociétés avaient choisi pour juger leur action ;

Le Tribunal de commerce de Libourne était bien compétent pour juger cette affaire ;

En application de l'article 86 du nouveau Code procédure civile il appartient à la Cour d'appel d'Agen de renvoyer l'affaire devant la juridiction compétente soit le Tribunal de commerce de Libourne ;

La demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile est fondée ;

Les dépens seront mis à la charge de la société Guiot.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort après renvoi de cassation ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 6 février 2007 ; Vu l'article L. 442-6 5° du Code du commerce et encore l'article 86 du nouveau Code de procédure civile ; Infirme le jugement en date du 16 septembre 2003 du Tribunal de commerce de Libourne en ce qu'il s'est déclaré incompétent territorialement pour juger de l'affaire ; Dit que cette juridiction était compétente ; Renvoie en conséquence l'affaire devant elle ; Dit qu'il sera procédé par le greffe de la Cour aux diligences prescrites par l'article 87 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Guiot à payer à la SAS Ideal France et à la SARL Dudule chacune la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les entiers dépens ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP Teston Llamas sur le fondement de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.