CA Versailles, 14e ch., 5 décembre 2007, n° 07-05922
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Concurrence (SA)
Défendeur :
Sony France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frank
Conseillers :
Mmes Louys, Andrich
Avoués :
SCP Lefevre Tardy & Hongre Boyeldieu, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod
Avocat :
Me Choffel
La société Concurrence exploite, depuis 1979, un magasin d'une surface réduite de vente de produits audiovisuels, situé <adresse>. Depuis l'origine, elle mène une politique de marges réduites avec des prix très inférieurs à ceux pratiqués par les grands distributeurs sur des produits de marque à prépondérance Sony, qui représentent depuis toujours 80 à 95 % de ses ventes.
A partir de l'année 2000, la société Concurrence a utilisé internet pour annoncer les produits et prix de son magasin, et à partir de l'année 2006, pour vendre, sous le nom domaine [email protected].
A partir du 1er avril 2001, la société Concurrence a opté pour une vente avec services et, à cet effet, la société Sony France lui a accordé les remises officiellement consenties à son réseau, développant des accords de coopération, dont le dernier, en cours depuis plusieurs années, concernait la coopération commerciale en matière de marketing par le moyen du site internet de Concurrence, pour lequel la société Sony France avait porté la rémunération de la société Concurrence de 2 % à 3 % le 6 avril 2005.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juillet 2006, la société Sony France a rompu les relations commerciales directes qu'elle avait avec la société Concurrence, à effet du 31 juillet 2007, évoquant le degré persistant d'anormalité de celle-ci en raison d'une contestation systématique des décisions de politique commerciale, des revendications comminatoires permanentes et de la succession des procédures engagées par la société Concurrence au cours des années précédentes.
La société Sony France lui indiquait qu'elle pourrait s'approvisionner auprès de grossistes.
Après avoir demandé à la société Sony France de revenir sur cette décision eu égard aux conséquences importantes sur son activité mise en péril, par acte du 29 septembre 2006, la société Concurrence a attrait la société Sony France devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour que la société Sony France soit condamnée :
- sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard, à la poursuite des relations commerciales à compter du 1er août 2007,
- sous astreinte de 500 euro par jour de retard, à signer l'accord de coopération marketing de 3 % et l'accord de services distincts de 3 % à effet du 1er avril 2006,
- au paiement d'une provision de 300 000 euro, ainsi qu'une somme de 1 euro à parfaire en réparation du préjudice,
- à verser 6 % sur les achats effectués depuis le 1er avril 2006, ainsi qu'1 euro au titre du préjudice à parfaire,
- à verser 1 euro, sauf à parfaire, au titre des dommages et intérêts en réparation des fautes commises résultant de l'absence de communication des adresses des grossistes susceptibles d'être contactés, des prestations que ceux-ci sont tenus d'assurer, les informations que ceux-ci sont tenus de donner, de l'absence de réponse aux questions juridiques et commerciales posées concernant le maintien des livraisons en cas de location-gérance, rétrocession des remises et des divers accords de coopération ou de services distincts,
- à verser une provision de 1,5 million d'euro, sauf à parfaire, en représentant le maximum des rémunérations consenties au groupe Référence et au groupement Expert, en abusant de sa puissance de vente en soumettant la société Concurrence à des conditions commerciales ou obligations injustifiées, ou en accordant des dérogations aux revendeurs leur permettant de rétrocéder des rémunérations de toute nature à d'autres revendeurs, sans que ces derniers ne soient contraints de rendre les services correspondants,
- à annuler les avoirs établis de manière séparée, en violation des dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce, et condamner à établir des factures conformées pour rectifier les erreurs de facturation sur les prix de base, les prix unitaires, de remise et ristournes acquises, de promotions omises, l'évaluation du préjudice étant réservé.
Par jugement rendu le 22 juin 2007, le tribunal de commerce a débouté la société Concurrence de ses demandes au titre de la rupture des relations commerciales au 31 juillet 2007 et condamné la société Sony France à verser 80 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice né du refus de signature de tout accord de coopération, à compter du 1er avril 2006.
Le tribunal de commerce a retenu essentiellement que l'abus de dépendance économique ou de puissance de vente n'était pas démontré, que le refus de Sony France de poursuivre une relation commerciale directe n'était ni illicite, ni constitutif d'une mesure discriminatoire.
Il a constaté que la société Concurrence avait signé un accord d'approvisionnement auprès du grossiste Alifax, auquel il a été confirmé par la société Sony France que l'accès à la base Delearnet pour le compte de la société Concurrence lui était permis, que les conditions générales de vente seraient appliquées au chiffre d'affaires cumulé entre les deux sociétés, mais qu'elle n'assurerait plus de livraisons directes à la société Concurrence.
Il a enfin retenu, que la dépendance de la société Concurrence à l'égard de la société Sony France pour les ventes par Internet, tenait à la démarche commerciale agressive de la société Concurrence sur la gamme Sony depuis de nombreuses années, sans que cette interdépendance de notoriété relève d'un comportement fautif de la société Sony France.
Sur la signature des accords de coopération commerciale venus à expiration le 31 mars 2006 et de services distincts, qui permettent au distributeur de réaliser des actions marketing ciblées, de procurer au clients une assistance téléphonique, d'obtenir la création d'un stock tampon, mais également au fabricant de recevoir un planning trimestriel d'évolution du marché dans la zone de chalandise, les statistiques de vente, les résultats des enquêtes de satisfaction, le tribunal de commerce a retenu qu'en refusant, le 26 avril 2006, à une date où les relations commerciales n'avaient pas été dénoncées, de renouveler le contrat pour la période 2006/2007, la société Sony France a privé la société Concurrence d'une rémunération sur laquelle celle-ci pouvait légitimement compter asseoir sa politique tarifaire, et avait ainsi engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Sur les autres comportements de la société Sony France dénoncés à faute par la société Concurrence, le tribunal de commerce a retenu que :
- la preuve n'était pas rapportée que les avoirs émis par la société Sony France étaient illicites,
- l'existence de produits réservés à certains distributeurs ne peut être retenue, dès lors que la société Concurrence ne justifie pas avoir commandé le produit en question et s'être vue refuser la livraison (cf courrier du 16 décembre 2005 relatif à Carrefour), et que la société Concurrence n'établit pas qu'elle n'aurait pas eu accès au tarif de Sony relatif à la gamme TV LCD Brava,
- la preuve n'était pas rapportée que le grossiste Alifax bénéficierait de remises sur les achats réalisés pour le compte de la société Concurrence, au titre d'accords de coopération dont la signature a été refusée à la société Concurrence,
- qu'il ne lui appartenait pas de s'engager dans une analyse des conditions commerciales consenties par la société Sony France à l'ensemble de son réseau de distribution ou de grossistes, dès lors que les demandes de la société Concurrence sont fondées sur les dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce et relatives à d'éventuelles conditions discriminatoires qui relèvent de la compétence du Conseil de la concurrence et que la société Concurrence ne justifiait pas être dans une situation comparable au groupement Référence qui bénéficie de conditions tarifaires qu'elle dénonce spécifiquement,
- enfin, que l'absence d'invitation des dirigeants de la société Concurrence à certaines réunions de distributeurs organisées par la société Sony France, ne pouvait établir une discrimination, dans la mesure où il n'est pas établi que tous les distributeurs liés à la société Sony France par un contrat EMA aient été invités, ni que des informations privilégiées aient été communiquées aux sociétés représentées.
La société Concurrence a été autorisée à relever appel à jour fixe, sur requête déposée le 22 août 2007. Elle demande à la cour d'appel de confirmer la décision en ce que le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré compétent, et en ce qu'il a retenu que le refus de signer tout accord de coopération à compter du 1er avril 2006, engageait la responsabilité de la société Sony France, sollicitant la réformation de la décision sur le montant alloué et l'infirmation de la décision du tribunal de commerce sur les autres points.
La société Concurrence demande à la cour d'appel de :
- juger que la société Sony France a commis une faute en prenant et annonçant sa décision de mettre fin aux relations commerciales avec la société Concurrence au 1er août 2007, et compte tenu des conséquences irréversibles qu'aurait la cessation des livraisons, d'ordonner la poursuite de celles-ci, sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard,
- juger que le seul motif invoqué pour refuser de contracter, à savoir l'existence de procédures engagées au sujet de la légalité des conditions de vente, constitue une infraction à l'article L. 442-6 alinéa 4 du Code du commerce et au droit fondamental d'agir en justice, et que la société Sony France a abusé, au préjudice de la société Concurrence, de la puissance de vente et de la relation de dépendance existant,
- constater la puissance de ventes de Sony et la relation de dépendance entre la société Sony France et la société Concurrence au titre de l'article L. 442-6 alinéa 2-b du Code du commerce, et juger que la société Sony France en a abusé au préjudice de la société Concurrence,
- juger, qu'en refusant de livrer à la société Alifax les produits par elle achetés, dans les lieux désignés par Alifax et notamment dans un local appartenant à la société Concurrence, la société Sony France a commis une faute préjudiciable à la société Concurrence,
- juger qu'en refusant l'accès à Dealernet en qualité d'établissement de la société Alifax, la société Sony France a commis une faute préjudiciable à la société Concurrence, la privant des informations indispensables à la distribution des produits Sony et des rémunérations versées aux établissements des revendeurs agréés, telles que remises d'implantation de nouveaux produits, rattrapages de stocks,
- juger que le régime accordé est illicite et ordonner à la société Sony France de la considérer comme un établissement de la société Alifax afin qu'elle puisse rendre les services justifiant la rétrocession par Alifax des honoraires,
Elle demande la condamnation de la société Sony France à :
- livrer les produits commandés par la société Alifax dans les locaux que celle-ci lui indiquera, et de lui permettre l'accès au système Dealernet en qualité d'établissement de la société Alifax, sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard,
- lui communiquer, sous la même astreinte, les informations, éléments liés aux produits de marque Sony, indépendamment de sa source d'approvisionnement nécessaires à la bonne distribution de ces produits, au respect des règles de la concurrence et du droit de la consommation ou indispensables à la vente sur Internet, sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard,
- lui rembourser, en conséquence du prononcé de la nullité des accords de coopération et des accords de services en vigueur, à compter du 1er avril 2006, pour violation des dispositions des articles L. 441-7 et L. 442-6 du Code de la consommation, par rémunération de services déjà rémunérés dans le cadre du barème de remise ou ristournes, et en raison de l'impossibilité de faire restituer les sommes perçues par les bénéficiaires de ces accords, le montant des sommes indûment perçues par ces bénéficiaires, pour faire disparaître la discrimination illicite,
- lui verser, une provision de 1,5 million d'euro, somme à parfaire après expertise à valoir sur le maximum des rémunérations consenties de manière dérogatoire en violation des dispositions de l'article L. 442-6 du Code du commerce, par la société Sony France au groupe Référence,
- lui verser, une provision de 20 000 euro à valoir sur la réparation du préjudice né de l'établissement, en violation de l'article L. 441-3 du Code de commerce, d'avoirs séparés pour rectifier les erreurs de factures,
- mettre fin au système de rattrapage des prix, illicite au regard des dispositions de l'article L. 442-5 et L. 442-6 du Code de commerce, sous astreinte de 500 euro par jour de retard,
- réparer le préjudice, à évaluer par expertise, né de l'entrave à l'accès aux produits similaires des autres marques, par le lien entre l'exposition et la vente de plus d'un produit en violation de l'article L. 442-6-2-b du Code de commerce,
- réparer le préjudice, à évaluer par expertise, né de l'absence de communication des adresses des grossistes censés pouvoir se substituer à elle dans l'approvisionnement de la société Concurrence, et constater que la société Sony France n'apporte aucune preuve de l'existence de ces grossistes,
- réparer le préjudice, à évaluer par expertise, né des pratiques interdisant toute possibilité de cession ou de location-gérance à la société Concurrence, dont le fonds connaît une dévalorisation.
Subsidiairement, la société Concurrence demande, à défaut de poursuite des relations commerciales et de livraison directe par Sony France, sa condamnation à réparer le préjudice subi, du fait de la rupture abusive des relations commerciales, de la pratique discriminatoire à l'égard de la société Alifax et par ricochet, à son égard, et du refus de communiquer les éléments nécessaires à la distribution de ces produits ou indispensables à la vente sur Internet, et sollicite la désignation aux frais avancés de la société Sony France, d'un expert pour donner les éléments lui permettant de fixer les préjudices qu'elle subit.
Enfin, la société Concurrence conclut à la condamnation de la société Sony France à lui verser 30 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Sony France soulève in limine litis, l'incompétence de la cour d'appel de Versailles, au regard des dispositions de l'article L. 420-7 du Code du commerce, à connaître des moyens fondés sur une violation du droit de la concurrence tendant à l'infirmation de la décision, qui a reconnu valable la décision de mettre un terme à la relation contractuelle.
La société Sony France soulève, en application des dispositions de l'article 918 du nouveau Code de procédure civile, l'irrecevabilité des prétentions introduites par la société Concurrence dans ses conclusions d'appel n° 2 et qui n'étaient pas contenues dans sa requête à jour fixe et à défaut, conformément aux dispositions des articles 564 et suivants du nouveau Code de procédure civile, l'irrecevabilité des prétentions comme nouvelles en cause d'appel, des demandes de la société Concurrence relatives :
- au refus de livraison de la société Concurrence entre le 1er janvier et le 31 juillet 2007,
- à la nullité des accords de coopération commerciale et de services distincts,
- au refus d'octroi des nouvelles conditions commerciales,
- au refus de compensation pour baisse des prix en juillet 2007,
- aux retards de livraison en août, septembre et octobre 2007,
- au refus de vente de produits réservés,
- au refus d'accorder des remises d'implantation, à la concurrence déloyale résultant des ventes directes via le site Internet Sony Style,
- au respect des contrats de services distincts signés entre Sony France et Alifax d'une part et entre Concurrence et Alifax d'autre part,
- au refus de vendre des téléviseurs LCD Sony,
- à l'interdiction d'utiliser le mot-clé Sony sur Google.
Subsidiairement, elle conclut à leur débouté.
Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Concurrence de ses demandes et forme appel incident sur sa condamnation relative au versement de dommages et intérêts, au regard de l'absence de signature des accords de coopération, sollicitant son infirmation en l'absence d'obligation de conclure des accords de coopération commerciale et de services distincts avec la société Concurrence, pour la période 1er avril 2006 au 31 mars 2007 et le débouté de toutes les demandes de la société Concurrence sur ce point.
Sur la résiliation contractuelle, elle rappelle qu'elle a le droit de mettre un terme à sa relation avec la société Concurrence, que le motif qu'elle a invoqué, à savoir la dégradation irréversible de la relation entre les parties, est réel.
Elle expose à cet égard, que si elle a pris cette décision au mois de juillet 2006, c'est aussi à raison de deux événements intervenus quelques temps auparavant ; le dépôt le 19 mai 2006 d'une plainte pénale avec constitution de partie civile qui la vise nommément et l'accuse des délits d'établissement et d'usage d'attestation inexacte, de tentative d'escroquerie au jugement et de subornation de témoin et la sentence du 13 juillet 2006 rendue par le tribunal arbitral, déboutant la société Concurrence des demandes indemnitaires formées à hauteur d'environ 18 millions d'euro, ainsi que de l'ensemble de ses accusations de discrimination, de non-respect des contrats ou d'abus de dépendance.
Elle rappelle qu'au cours des six années ayant précédé la décision de Sony France de rompre la relation contractuelle, la société Concurrence a engagé pas moins de onze procédures à son encontre, soit six plaintes devant le Conseil de la concurrence en 1999, en 2001 (deux plaintes), en 2002 et en 2005 (deux plaintes), une assignation devant le Tribunal de commerce de Paris en 2001, une assignation en contrefaçon devant le TGI de Paris en 2005, une procédure d'arbitrage initiée en septembre 2003 et deux actions pénales en 2001 (citation directe) et en 2006 (plainte avec constitution de partie civile).
Elle soutient que la conclusion d'un accord commercial annuel en juin 2006, indispensable pour régir les conditions commerciales applicables à la société Concurrence durant la période de préavis, ne permettait pas à la société Concurrence de croire que la relation contractuelle allait se poursuivre en dépit des conflits persistants les opposant, et fait remarquer que cet accord commercial, comme tous les précédents, a été conclu pour une durée déterminée d'un an et ne permettait donc pas à la société Concurrence de penser que ses relations avec Sony France se prolongeraient nécessairement au-delà.
Elle dénie que la transaction intervenue au mois d'avril 1998 induise une renonciation de Sony France à son droit de rompre sa relation avec Concurrence, comme le protocole d'accord signé le 21 avril 1998 qui se limite à organiser un processus de résolution des litiges pour l'avenir (conciliation et arbitrage), sans pour autant contenir le moindre engagement de nature commerciale ou la moindre renonciation à une résiliation de la relation.
Elle demande à la cour d'appel de constater que les accords liant la société Concurrence à Sony France lui offraient la possibilité d'y mettre un terme et qu'elle n'a jamais renoncé à ce droit, notamment pas dans les protocoles transactionnels intervenus en 1998.
Elle relève que la société Concurrence conteste en réalité, non pas le caractère suffisant du préavis d'un an dont elle a bénéficié, mais la liberté qu'avait Sony France, comme tout opérateur, de quitter une relation contractuelle et que sa demande tendant à voir ordonner la reprise des relations contractuelles directes revient en effet à faire juger qu'il existerait pour Sony France une obligation de rester éternellement dans ce lien contractuel, quels que soient les comportements de ce revendeur et la dégradation de leur relation.
Elle conclut à l'absence de puissance de vente de Sony France et de dépendance économique de la société Concurrence, relevant qu'il existe des sources alternatives d'approvisionnement pour la société Concurrence en produits Sony et en produits d'autres marques, et qu'il n'est pas porté atteinte au droit de la société appelante de poursuivre une activité de vente sur Internet ; en conséquence, elle conclut à l'absence de résiliation abusive à ce titre.
Elle demande à la cour d'appel, de retenir comme valide et fondée la décision de résiliation contractuelle prise par la société Sony France et débouter la société Concurrence de l'ensemble de ses demandes à ce titre et, subsidiairement, de dire et juger que la demande tendant à une mesure d'expertise n'est ni justifiée, ni fondée, que les demandes indemnitaires provisionnelles et définitives formées par la société Concurrence sont sans fondement et en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses prétentions.
En ce qui concerne les autres demandes formulées par la société Concurrence relatives à des pratiques considérées comme illicites, la société Sony France oppose qu'elle n'a pas l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à la société Concurrence et que la demande de la société Concurrence se fondant sur l'illégalité des avoirs de régularisation est irrecevable, en l'absence d'indications précises des avoirs concernés et de leur communication ; subsidiairement, elle soutient que la méthode de l'avoir de régularisation est parfaitement admise, que la société Concurrence n'en a jamais subi le moindre préjudice pour le calcul de sa revente à perte, dès lors que ces avoirs de régularisation sont tous intervenus quelques jours après l'émission de la facture, objet des erreurs et en tout cas avant le terme des délais de paiement, ce qui permettait donc à l'acheteur qu'est la société Concurrence, d'inscrire dans sa comptabilité ces deux pièces comptables, d'y retracer l'opération d'achat à son véritable prix et ainsi de calculer sans difficulté son seuil de revente à perte.
Elle indique que la jurisprudence invoquée par la société Concurrence porte sur une question étrangère au présent litige ; que l'arrêt de la Cour de cassation en date du 6 décembre 2006 concernait l'obligation pour toute entreprise de mentionner la dénomination précise des services rendus, sans pouvoir se référer à un accord de coopération commerciale conclu antérieurement ; que le préjudice dont la société Concurrence réclame l'indemnisation, à savoir "la désorganisation et le temps nécessaire pour tenir des comptes perturbés ", est totalement déconnecté de la faute qu'elle invoque.
Elle dénie imposer des prix en exécutant les conditions commerciales de rattrapage des prix, relève que la société Concurrence n'établit pas que des conditions dérogatoires seraient accordées par la société Sony France à d'autres distributeurs et conclut au débouté des prétentions de celle-ci sur ce point. Elle relève que la société Concurrence qui se contentait de demander en première instance que ce système soit déclaré illicite, présente devant la cour d'appel deux demandes nouvelles tendant à ce que Sony France soit condamnée à mettre fin sous astreinte à ce système de rattrapage des prix et à l'indemniser du préjudice qu'elle aurait subi, sans détailler la nature et le montant du préjudice invoqué.
Elle demande également, de constater l'absence de toute faute de Sony France du fait d'un prétendu défaut d'information de la société Concurrence en cas de cession ou de location-gérance, du fait d'un prétendu défaut de communication à la société Concurrence des informations nécessaires pour la vente sur Internet, du fait d'un prétendu défaut de communication à la société Concurrence des informations relatives aux grossistes, du fait de la pratique qualifiée de " rétrocession " de conditions commerciales, du fait d'un prétendu refus d'accorder un accès à Dearlernet à la société Concurrence au 1er semestre 2007, et la débouter de ses prétentions.
Elle conclut au constat de l'absence de justification des prétendues mesures de rétorsion à l'égard de Monsieur et Madame X et à l'irrecevabilité ou au débouté des demandes formées à ce titre par la société Concurrence.
Elle sollicite enfin la condamnation de la société Concurrence à lui verser une somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.
Motifs de l'arrêt
Sur la rupture des relations contractuelles :
Considérant que les relations contractuelles entre les parties se sont développées dans le cadre du contrat EMA, à durée déterminée renouvelable tacitement pour une année du 31 mars au 1er avril de l'année civile suivante, dont l'article 10 prévoit son non-renouvellement sous réserve d'un préavis de 30 jours et sa résiliation à tout moment et sans motif par chacune des parties, sous réserve d'un préavis de 60 jours et d'accords commerciaux annuels fixant les conditions commerciales applicables année après année, dont le dernier pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, a été signé en juin 2006 par la société Concurrence ;
Considérant que la société Sony France a décidé de rompre les relations commerciales, notamment en ne renouvelant pas le contrat EMA et les accords commerciaux annuels, décision notifiée par écrit à la société Concurrence, une année avant sa date d'effet ;
Considérant que force est de constater que les vingt-sept années de relations commerciales entre les parties ont été ponctuées par de nombreuses procédures engagées par la société Concurrence, sans que par ailleurs, celles-ci puissent constituer un juste motif, dès lors qu'avancer l'existence de procédures judiciaires peut constituer une mesure de rétorsion ou d'intimidation visant des actions en justice dont certaines sont encore pendantes ;
Qu'il y a lieu de relever néanmoins, que la société Sony France est fondée à considérer que les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Concurrence sont dégradées ;
Considérant que la société Concurrence ne justifie pas, en outre, qu'elle ait été à travers ses dirigeants ou ses salariés, victime de mesures de mise à l'écart par la société Sony France, dès lors qu'elle ne verse sur ce point aucun élément de nature à l'établir ;
Considérant que les relations commerciales établies peuvent être rompues sans motif en respectant un préavis écrit et, dès lors que la société Sony France n'avait pas à indiquer le motif de la rupture, la pertinence de celui-ci est sans incidence sur la validité de la rupture ;
Considérant que les accords signés entre les parties antérieurement à la présente instance, et notamment le protocole signé en 1998, ont fait l'objet d'une sentence arbitrale du 13 juillet 2006, aux termes de laquelle le tribunal arbitral a retenu qu'il "ne contient aucune obligation pour la société Sony France de contribuer au développement, ni même au maintien du niveau d'activité de la société Concurrence, pas plus qu'il ne recèle d'obligation de maintenir les conditions de vente consenties à la société Concurrence" ;
Considérant qu'il ne peut être fait obligation à la société Sony France de contracter avec la société Concurrence et la demande de cette dernière tendant à la poursuite des relations commerciales sous astreinte ne peut prospérer ;
Considérant que la rupture de relations commerciales peut être fautive et engager la responsabilité de son auteur lorsqu'elle intervient brutalement ou lorsqu'elle met le co-contractant dans l'impossibilité de s'approvisionner en produits nécessaires à son activité ;
Considérant que la société Concurrence ne prétend pas que l'annonce par écrit d'une rupture à effet à plus d'un an, caractérise une rupture brutale ;
Considérant que, bien que d'autres fabricants, tout aussi renommés, produisent des équipements équivalents à ceux commercialisés par la société Sony France, il est constant que les produits Sony constituent la part prépondérante des ventes réalisées par la société Concurrence et de son chiffre d'affaires ;
Considérant que l'état de dépendance économique suppose une impossibilité de substituer à un fournisseur donné un ou plusieurs autres pouvant répondre à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables et qu'en l'espèce, la société Concurrence ne bénéficiait pas de conditions exclusives ;
Considérant que si la société Concurrence justifie que la vente des produits Sony a atteint au cours des dernières années une proportion extrêmement importante des ventes réalisées, elle ne peut prétendre que l'impossibilité de s'approvisionner en produits Sony dans des conditions identiques à celles qui lui étaient faites dans le cadre des relations commerciales directes, établit son état de dépendance économique à l'égard de la société Sony France et l'abus de celle-ci ;
Considérant que, l'argument selon lequel les ventes réalisées en 2006 démontrent que Sony n'est pas "substituable" et se situe toujours dans les trois premières marques selon les produits, ce qui la rend incontournable, ne peut être retenu au regard des statistiques de parts de marché dressées par l'institut GFK sur la période de mai 2007 ; que les parts de marché Sony par rapport à ses concurrents restent inférieures à celles de la période 2000/2001, au cours de laquelle l'état de dépendance de la société Concurrence vis-à-vis de Sony France a été écarté par les décisions rendues entre les parties par le Conseil de la concurrence, la Cour d'appel de Paris et la Cour de cassation ;
Considérant que la société Concurrence outre les produits Sony, commercialise les produits de marques Philips, Samsung, LG, Toshiba, Panasonic, Yamaha, Pioneer et Denon qui, ensemble, couvrent toutes les familles du secteur commercial en cause ;
Considérant qu'il apparaît dès lors, que la société Concurrence qui n'apporte la démonstration de son impossibilité de s'approvisionner en produits équivalents auprès d'autres marques, s'est elle-même placée dans cette situation à l'égard de la société Sony France, en axant principalement son activité sur la vente des produits Sony ;
Considérant encore, qu'il résulte des éléments versés aux débats que depuis la rupture des relations commerciales directes existant avec la société Sony France, cette dernière ne s'est pas opposée à ce que la société Alifax lui fasse les conditions commerciales qu'elle entendait lui faire, en rétrocédant les avantages concédés dans le cadre des accords commerciaux existant entre Sony France et Alifax, et que le caractère précaire de cette situation n'est pas avéré par la seule expression de craintes du représentant de la société Alifax dans un courrier adressé au représentant de la société Concurrence en octobre 2007 ;
Considérant que si la société Concurrence prétend que la société Sony France ne lui a pas adressé une liste de grossistes susceptibles de l'approvisionner en produits Sony, elle ne démontre pas que, d'une part, la société Sony France, en refusant la poursuite des relations commerciales, serait contrainte de fournir à la société Concurrence les moyens permettant de les poursuivre ou prendre position sur les conséquences d'une éventuelle mise en location-gérance du fonds de la société Concurrence, et la rupture ne peut être qualifiée de fautive au seul motif que son auteur n'aurait pas donné une liste de grossistes ou revendeurs agréés ou répondu à ces interrogations ;
Que l'état de dépendance économique n'est pas avéré et en conséquence, la société Concurrence, qui ne démontre pas être dans l'impossibilité de trouver d'autres sources d'approvisionnement en produits Sony ou en produits similaires lui permettant de poursuivre son activité commerciale, doit être déboutée de ses prétentions de ce chef ;
Sur les relations commerciales pendant la durée du préavis et les pratiques dénoncées comme illicites :
Considérant que la société Sony France soutient qu'aucune faute ne peut lui être imputée pour avoir refusé de conclure avec la société Concurrence un contrat de coopération commerciale, dès lors que cette catégorie particulière de contrat ne s'inscrit pas dans les conditions commerciales générales d'un fournisseur, mais relève de sa pleine liberté de contracter ;
Considérant que la société Concurrence sollicite l'octroi d'une provision de 185 000 euro, à parfaire sur le préjudice qui lui a été causé, du fait du refus de la société Sony France de signer à la fois un contrat de coopération et un contrat de services distincts qui génèrent un taux de rémunération globale de 6 % ;
Considérant que, comme l'a retenu à juste titre la décision attaquée, la société Sony France qui a avisé en juillet 2006 la société Concurrence de la cessation des relations commerciales qu'elle entretenait jusqu'alors avec elle à compter du 31 juillet 2007, respectant ainsi un délai de prévenance d'une année, a privé brutalement la société Concurrence de la perspective de ressources et rémunérations dont elle bénéficiait depuis de longues années en exécution des contrats commerciaux successifs de coopération et de services distincts, sans qu'aucune défaillance n'ait été reprochée à la société Concurrence dans les années antérieures et sans que preuve ne soit rapportée que la société Concurrence n'aurait pas été en mesure de réaliser les prestations et les services ;
Considérant que, réformant la décision entreprise sur le quantum des dommages et intérêts, dès lors que la perte de chance de rémunération doit être appréciée au regard des conséquences de deux contrats qui n'ont pas été reconduits pendant la période où la société Sony France avait maintenu ses relations commerciales, il y a lieu de condamner la société Sony France à verser 100 000 euro en réparation du préjudice causé ;
Considérant que l'accueil de la prétention de la société Concurrence à la réparation d'un préjudice né de la perte de chance de rémunération en l'absence de la signature des contrats évoqués ci-dessus, qu'elle pouvait légitimement espérer au regard des relations commerciales passées, rend sans objet sa demande tendant à ce qu'en conséquence de la nullité des conditions générales de vente Sony et des accords commerciaux de coopération et de services distincts exécutés depuis le 1er avril 2006 entre la société Sony France et d'autres sociétés qui ne sont pas dans la cause, la société Sony France soit condamnée à lui verser le montant correspondant à l'intégralité des rémunérations payées à ces tiers, pour faire disparaître une discrimination dont l'appréciation du caractère illicite suppose que les diverses sociétés en cause soient dans des conditions comparables ;
Considérant que la société Concurrence se prévaut des difficultés et de leur retentissement sur le prix de vente des produits en raison de leur livraison dans des locaux autres que ses propres entrepôts, en l'espèce dans ceux de la société Alifax, et du refus de la société Sony France de la considérer comme établissement de la société Alifax, l'empêchant ainsi d'avoir accès à des données indispensables ;
Considérant que la société Sony France justifie que la société Alifax en sa qualité de revendeur a accès au système Dealernet, qu'elle reçoit par les informations technico-commerciales sous-format électronique ainsi que les fiches produits et les catalogues et tous les éléments indispensables à la vente sur site Internet ;
Que la société Concurrence ne peut que s'adresser à son co-contractant pour obtenir les documents qui lui sont nécessaires et ne peut prétendre les obtenir directement de la société Sony France, alors que l'absence de relations directes avec la société Concurrence a motivé la rupture dont la Sony France est l'auteur ;
Considérant en outre, que la société Concurrence ne peut exposer qu'en l'absence de carte de garantie fournie directement par la société Sony France ou de l'accès au service après-vente elle est empêchée de vendre sur Internet les produits Sony, alors que sur ce point, elle ne justifie pas que l'ensemble des consommateurs internautes ne soit pas contraint de télécharger directement sur le site Sony cette garantie, ou d'accéder aux services après-vente spécifiques, comme l'a précisé la société Sony France, dans un courrier adressé à la société Concurrence le 12 juillet 2007 ;
Que ne rapportant pas la preuve qu'elle ne peut, du fait de la société Sony France, obtenir les éléments de son actuel fournisseur, la société Alifax ou encore que celui-ci se voit interdire par la société Sony France de le faire, la société Concurrence ne justifie pas d'une faute de la société Sony France et d'un préjudice s'y rapportant résultant de l'impossibilité de continuer son activité ;
Considérant que les demandes et les moyens exposés à leur soutien relatifs aux relations existant entre la société Alifax, la société Sony France et la société Concurrence, et à la nécessité pour la société Concurrence d'être considérée par la société Sony France comme un établissement de la société Alifax, comme les demandes d'indemnisation relatives au refus de compensation pour baisse des prix en juillet 2007, aux conditions de la livraison à compter du 1er août 2007, aux refus de vendre des téléviseurs LCD correspondant à des faits postérieurs au terme du préavis qui n'ont pas été évoqués devant le premier juge, sont irrecevables comme formulées pour la première fois en cause d'appel ;
Considérant encore que la société Concurrence ne peut reprocher à faute à la société Sony France, une décision prise par la société Sony Corporation de réserver aux seules sociétés du groupe Sony la possibilité d'être référencées par le service Adwords de Google à partir des noms des marques Sony et que le non-renouvellement du contrat EMA emporte nécessairement disparition de la possibilité pour la société Concurrence de se présenter comme distributeur agréé Sony ;
Considérant que la société Concurrence dénonce l'illégalité de la rétrocession de rémunérations, s'appliquant à des services qui ne sont pas rendus, consentie à la société Alifax (qui la rétrocède à la société Concurrence) et au groupe Référence et aux sites Internet exploités par des revendeurs ayant des magasins de détail, induisant une discrimination et des dérogations entraînant la nullité des conditions générales de vente Sony au titre de l'article L. 442-6 du Code du commerce ;
Que la nullité des conditions générales de vente Sony, au regard des dérogations consenties aux autres revendeurs comme les groupes Expert/Référence et l'examen de la demande indemnitaire s'y rapportant, suppose que l'existence d'une discrimination illicite soit établie ;
Que bien qu'ayant une activité très importante, la société Concurrence ne peut légitimement se comparer avec le Groupement Référence, centrale de référencement regroupant différentes enseignes dont : Expert, Connexion, Digital, Pulsat qui elles-mêmes en recouvrent d'autres, et tenir pour discriminatoire par exemple le fait de ne pas bénéficier de ristournes liées à une centralisation des achats (1,4 %) ;
Que comme l'a relevé le Tribunal de commerce de Nanterre, la société Concurrence compare des situations et conditions qui ne sont pas comparables et ne peut prétendre que les mêmes avantages à conditions et obligations égales ne lui ont pas été concédés ;
Considérant que la société Concurrence reproche à la société Sony France la rectification par avoirs des erreurs commises lors de l'établissement de factures, soutenant qu'il lui est impossible de tenir compte dans le calcul du seuil de revente à perte, des rectifications apportées à une facture par l'émission d'un avoir ;
Considérant que d'une part, selon l'article L. 442-2 du Code du commerce, le fait pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 euro d'amende ; que d'autre part, le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur, exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006 et de 15 % à compter du 1er janvier 2007 ;
Que l'obligation de délivrer une facture, qui doit se suffire à elle-même et obligatoirement mentionner un prix exact, incombe au vendeur ;
Considérant que la société Sony France qui se borne à soutenir que la pratique de l'avoir est admise, et que les avoirs sont émis dans un délai raisonnable permettant à l'acheteur de régler le prix exact, ne répond pas à la critique explicite de la société Concurrence qui soutient ne pouvoir annexer à une facture un avoir pour justifier qu'elle satisfait à l'obligation qui lui est imposée sous peine de sanction pénale par l'article L. 442-2 du Code du commerce ;
Considérant qu'il est indiscutable que le calcul du seuil de revente à perte est indispensable à l'activité normale d'un commerçant qui est légalement obligé de se référer à la facture d'achat et que la possibilité de justifier qu'il n'est pas en infraction doit lui être donnée par le vendeur des produits qu'il achète en vue de les revendre ;
Considérant que si l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 6 décembre 2006 invoqué par la société Concurrence, concernait l'obligation pour toute entreprise de mentionner la dénomination précise des services rendus sans pouvoir se référer à un accord de coopération commerciale conclu antérieurement, il rappelle une règle de portée générale selon laquelle "les mentions exigées par l'article L. 441-3 du Code du commerce doivent figurer sur les factures sans qu'il soit nécessaire de se référer aux documents qui les fondent" et qu'ainsi, "le prix unitaire hors TVA des produits vendus" élément essentiel, doit figurer sur la facture d'achat ;
Considérant dès lors, que la pratique des avoirs corrigeant le montant d'une facture et non pas obligatoirement le prix unitaire hors TVA des produits vendus, oblige le commerçant à annexer cet avoir à une facture dont le montant est erroné, l'exposant ainsi à des difficultés, une désorganisation et une perte de temps pour suivre des comptes nécessairement perturbés et irréguliers ;
Que cette pratique non contestée par la société Sony France cause nécessairement un préjudice à la société Concurrence acheteur revendeur ;
Considérant que la société Concurrence qui a saisi la juridiction du fond d'une demande de condamnation à titre provisoire, expose dans sa requête en autorisation d'assigner à jour fixe qu'elle évalue provisoirement ce préjudice à 20 000 euro en attente de recensement des cas de rectifications ;
Considérant qu'en l'absence de poursuites engagées contre la société Concurrence, le préjudice ne résulte que d'une désorganisation et le recensement des divers avoirs rectificatifs émis pendant toute la durée des relations commerciales et leur soumission éventuelle à un expert, n'apparaissent pas utiles à son évaluation ;
Qu'il y a lieu de condamner sur ce point la société Sony France à verser à la société Concurrence la somme de 15 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette pratique ne répondant pas aux obligations incombant au vendeur ;
Considérant encore, que la société Concurrence qui soutient que le système de rattrapage des prix selon lequel, en cas de baisse des tarifs, la société Sony France rembourse la différence entre le montant des achats effectués et donc facturés depuis quatre semaines sous forme d'avoirs, sans annuler les factures ce qui fait que ces baisses ne peuvent être prises en compte pour le calcul du seuil de revente à perte et qui constitue une imposition de prix ou de marge au titre de l'article L. 442-5 du Code du commerce et impose des conditions discriminatoires puisque des produits déjà achetés et déjà revendus reçoivent sans contrepartie une rémunération postérieure, se borne à indiquer qu'elle attendra que la cour d'appel se prononce pour quantifier son préjudice qui résulte de la garantie de marge pour ses concurrents informés à l'avance et sollicite de la cour d'appel qu'elle "condamne la société Sony France à y mettre fin sous astreinte de 500 euro par jour de retard et à indemniser le préjudice induit de la société Concurrence dont somme à parfaire";
Considérant qu'il n'y a pas lieu de répondre à ce moyen qui ne soutient aucune demande de réparation ;
Que le prononcé d'une astreinte est inutile, dès lors qu'il n'est pas établi que le système perdure au bénéfice ou au détriment de la société Concurrence ;
Considérant enfin, que la société Concurrence sollicite la réparation du préjudice, à déterminer par expertise, né de la violation des dispositions de l'article L. 442-6-2-b du Code du commerce, en ayant lié l'exposition à la vente de plus d'un produit, et ainsi entravé l'accès à des produits similaires d'autres marques, elle fait valoir que depuis les décisions judiciaires déjà intervenues sur ce point, la rémunération prévue dans les conditions commerciales faites par la société Sony France des engagements d'assortiment ou de gamme lui interdisait de développer la commercialisation d'autres marques ;
Considérant que l'abus de dépendance visé à l'article L. 442-6-I-2°-b du Code de commerce a, comme préalable nécessaire, la démonstration d'une impossibilité d'approvisionnement ou de débouché auprès d'autres opérateurs,
Que d'une part, sauf procédé déloyal ou fraude non établis en l'espèce, il ne peut être reproché à la société Sony France de consentir des rémunérations spéciales, dès lors que la société Concurrence ne démontre pas qu'elle n'a pu s'adresser à d'autres marques et diversifier les produits proposés à la revente ;
Que d'autre part, il a déjà été relevé que la part prépondérante des produits de marque Sony était la conséquence d'une politique commerciale délibérée de la part de la société Concurrence ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ;
Considérant que chacune des parties qui succombe partiellement en ses prétentions conservera la charge des dépens qu'elle a exposés ;
Par ces motifs, Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire en dernier ressort ; Infirme partiellement la décision rendue entre les parties le 22 juin 2007, par le Tribunal de commerce de Nanterre en ses dispositions relatives à la réparation du préjudice né du refus de signer tout accord de coopération à compter du 1er avril 2006 et en sa disposition déboutant la société Concurrence de sa demande d'indemnisation du préjudice né de la pratique des avoirs rectificatifs ; Statuant à nouveau sur les deux dispositions infirmées ; Condamne la société Sony France à verser à la société Concurrence les sommes suivantes : - 100 000 euro (cent mille euro) au titre du préjudice né de la perte de chance d'une rémunération pendant le délai du préavis, - 15 000 euro (quinze mille euro) en réparation du préjudice né de la désorganisation induite par la pratique des avoirs émis en rectification de factures antérieures ; La confirme pour le surplus ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens qu'elle a exposés à l'occasion de l'instance devant la cour d'appel.