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Décisions

CJCE, 5e ch., 2 avril 1998, n° C-127/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Norbrook Laboratories Ltd

Défendeur :

Ministry of Agriculture, Fisheries and Food

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Gulmann

Avocat général :

M. Léger

Juges :

MM. Wathelet, Moitinho de Almeida, Puissochet, Sevón

Avocats :

Mes Orr, Hodges, Duffy

CJCE n° C-127/95

2 avril 1998

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnance du 27 mars 1995, parvenue à la Cour le 18 avril suivant, la Court of Appeal in Northern Ireland a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation et à la validité de la directive 81-851-CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires (JO L 317, p. 1), et de la directive 81-852-CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les normes et protocoles analytiques, toxico-pharmacologiques et cliniques en matière d'essais de médicaments vétérinaires (JO L 317, p. 16).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Norbrook Laboratories Ltd (ci-après "Norbrook") au Ministry of Agriculture, Fisheries and Food (ci-après le "MAFF") au sujet de la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché (ci-après l'"AMM") d'un médicament vétérinaire.

La réglementation communautaire

3 La directive 81-851 vise à harmoniser les législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires et, notamment, les conditions de délivrance, de suspension et de retrait des AMM. Son premier considérant expose que toute réglementation en matière de production et de distribution des médicaments vétérinaires doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique. Le deuxième considérant précise toutefois que ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l'industrie et les échanges de médicaments au sein de la Communauté. Les troisième et quatrième considérants soulignent la nécessité d'éliminer les entraves existantes aux échanges des médicaments au sein de la Communauté par voie de rapprochement des dispositions nationales. Au onzième considérant, il est souligné que la directive ne constitue qu'une étape dans la réalisation de l'objectif de la libre circulation des médicaments vétérinaires et que de nouvelles mesures s'avéreront nécessaires, compte tenu de l'expérience acquise, en vue d'éliminer les obstacles à la libre circulation des marchandises qui subsistent encore.

4 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 81-851 dispose:

"Aucun médicament vétérinaire ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation n'ait été préalablement délivrée par l'autorité compétente de cet État membre."

5 L'article 5 prévoit:

"En vue de l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article 4, le responsable de la mise sur le marché introduit une demande auprès de l'autorité compétente de l'État membre.

A cette demande doivent être joints les renseignements et les documents suivants:

1. nom ou raison sociale et domicile ou siège social du responsable de la mise sur le marché et, le cas échéant, du fabricant;

...

3. composition qualitative et quantitative de tous les composants du médicament vétérinaire en termes usuels, à l'exclusion des formules chimiques brutes, et avec la dénomination commune internationale recommandée par l'Organisation mondiale de la santé, dans le cas où une telle dénomination existe;

4. description sommaire du mode de préparation;

...

9. description des méthodes de contrôle utilisées par le fabricant (analyse qualitative et quantitative des composants et du produit fini, essais particuliers, par exemple, essais de stérilité, essais pour la recherche des substances pyrogènes, recherche des métaux lourds, essais de stabilité, essais biologiques et de toxicité, contrôles sur les produits intermédiaires de la fabrication);

..."

6 L'article 6 de la directive 81-851 prévoit que les documents et renseignements énumérés à l'article 5, deuxième alinéa, points 8, 9 et 10, sont établis par des experts. L'article 7 fixe le rôle de ces experts.

7 L'article 8 oblige les États membres à prendre toutes dispositions utiles pour que la durée de la procédure pour l'octroi de l'AMM n'excède pas un délai de 120 jours à compter de la date de présentation de la demande. Toutefois, dans des cas exceptionnels, ce délai peut être prorogé pour une période de 90 jours.

8 L'article 9 prévoit:

"Pour instruire la demande présentée en vertu de l'article 5, les autorités compétentes des États membres:

1. doivent vérifier la conformité avec l'article 5 du dossier présenté et examiner, sur la base des rapports établis par les experts, conformément à l'article 7, si les conditions de délivrance de l'autorisation de mise sur le marché sont remplies;

2. peuvent soumettre le médicament au contrôle d'un laboratoire d'État ou d'un laboratoire désigné à cet effet, pour s'assurer que les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant et décrites dans le dossier, conformément à l'article 5, deuxième alinéa, point 9, sont satisfaisantes;

3. peuvent, le cas échéant, exiger du demandeur qu'il complète le dossier en ce qui concerne les éléments visés à l'article 5. Lorsque les autorités compétentes se prévalent de cette faculté, les délais prévus à l'article 8 sont suspendus jusqu'à ce que les données complémentaires requises aient été fournies. De même, ces délais sont suspendus du temps laissé, cas échéant, au demandeur pour s'expliquer oralement ou par écrit."

9 L'article 11 indique les raisons pour lesquelles l'AMM est refusée. Selon cet article, l'autorisation est refusée, notamment, si le dossier présenté aux autorités compétentes n'est pas conforme aux dispositions des articles 5, 6 et 7.

10 L'article 40 de la directive 81-851 énonce des règles concernant notamment la motivation et la notification de certaines décisions prises dans le cadre de la directive.

11 Selon l'article 41, "Toute décision de refus, de retrait ou de suspension d'une autorisation de mise sur le marché ... ne peut être prise que pour les raisons énumérées dans la présente directive".

12 La directive 81-852 apporte des précisions quant aux exigences afférentes aux renseignements et documents à fournir dans le cadre d'une demande d'AMM.

13 L'article 1er, premier alinéa, de la directive 81-852 prévoit:

"Les États membres prennent toutes les dispositions utiles pour que les renseignements et documents qui doivent être joints à la demande d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament vétérinaire, en vertu de l'article 5, deuxième alinéa, points 3, 4, 6, 8, 9 et 10, de la directive 81-851-CEE, soient présentés par les intéressés, conformément à l'annexe de la présente directive."

14 Cette annexe est divisée en trois parties: la première concerne les essais analytiques (physico-chimiques, biologiques et microbiologiques) des médicaments vétérinaires, la deuxième les essais toxicologiques et pharmacologiques et la troisième les essais cliniques. La première partie est subdivisée en six points: Composition qualitative et quantitative des composants (A), Description du mode de préparation (B), Contrôle des matières premières (C), Contrôles en cours de fabrication (D), Contrôles du produit fini (E) et Essais de stabilité (F).

15 Le point A de la première partie énonce:

"Les renseignements et documents qui doivent être joints à la demande d'autorisation en vertu de l'article 5, deuxième alinéa, point 3, de la directive 81-851-CEE sont présentés conformément aux prescriptions suivantes en donnant toutes justifications en cas de modifications par rapport à ces prescriptions pour des raisons tenant à l'état d'avancement de la science.

1. Par `composition qualitative' de tous les composants du médicament, il faut entendre la désignation ou la description:

- du ou des principes actifs, - du ou des constituants de l'excipient...

- des éléments de mise en forme pharmaceutique destinés à être ingérés ou, plus généralement, administrés à l'animal.

Ces indications sont complétées par tous renseignements utiles sur le récipient et, éventuellement, sur son mode de fermeture.

..."

16 Aux termes du point B, premier alinéa, de la première partie,

"La description sommaire du mode de préparation, jointe à la demande d'autorisation en vertu de l'article 5, deuxième alinéa, point 4, de la directive 81-851-CEE, est énoncée de façon à donner une idée satisfaisante du caractère des opérations mises en œuvre."

17 Le deuxième alinéa du point B indique ce que cette description doit comporter au minimum.

18 Selon le point C, premier et deuxième alinéas, de la première partie,

"Pour l'application du présent paragraphe, il faut entendre par `matières premières' tous les composants du médicament et, si besoin est, le récipient, tels qu'ils sont visés au point A, paragraphe 1.

Les renseignements et documents qui doivent être joints à la demande d'autorisation en vertu de l'article 5, deuxième alinéa, points 9 et 10, de la directive 81-851-CEE comprennent notamment les résultats des essais qui se rapportent au contrôle de qualité de tous les constituants mis en œuvre. Les renseignements et documents sont présentés conformément aux prescriptions suivantes".

19 Postérieurement aux faits du litige au principal, les directives 81-851 et 81-852 ont été modifiées à plusieurs reprises. Ces modifications ne sont donc pas concernées par les questions préjudicielles.

La réglementation nationale

20 Au Royaume-Uni, les directives 81-851 et 81-852 ont été considérées comme mises en œuvre par le Medicines Act 1968, modifié, et par divers autres actes, adoptés sur son fondement.

21 Selon le Medicines Act 1968, l'autorité compétente en matière d'AMM, la Licensing Authority, se compose des ministres de la Santé et/ou de l'Agriculture, lesquels délèguent certains pouvoirs d'exécution au Veterinary Medicines Directorate du MAFF.

Le litige au principal

22 Norbrook fabrique et distribue des médicaments à usage vétérinaire dans le monde entier. Parmi ces médicaments figure un produit injectable connu sous la dénomination "Pen & Strep", utilisé pour le traitement de l'infection bactérienne chez les bovins, les porcins et les ovidés. Le Pen & Strep contient principalement deux principes actifs, la pénicilline de procaïne et le sulfate de dihydrostreptomycine (ci-après le "DHS").

23 Le DHS est fabriqué par Norbrook à partir du sulfate de streptomycine (ci-après le "SS") par réduction ou hydrogénation, ce qui a pour effet de provoquer une modification de la structure moléculaire du SS. Une fois produit, le DHS est mélangé, pour fabriquer le produit final Pen & Strep, à l'autre principe actif, à savoir la pénicilline de procaïne, et aux ingrédients non actifs connus sous le terme d'excipients.

24 Bien qu'il soit possible d'acheter le DHS auprès d'autres fabricants de produits pharmaceutiques, et en particulier auprès de Rhône-Poulenc Industries SA en France, Norbrook, depuis un certain nombre d'années, fabrique elle-même la plus grande partie du DHS nécessaire à la production du Pen & Strep à un moindre coût, à partir du SS acheté sur le marché libre.

25 Le Pen & Strep a été mis sur le marché pour la première fois au Royaume-Uni en 1968. Après l'entrée en vigueur du Medicines Act 1968, le 1er septembre 1971, Norbrook s'est vu accorder automatiquement une autorisation valable pour le Pen & Strep.

26 Conformément à la directive 81-851, toutes les autorisations précédemment accordées pour ce genre de produits ont été revues par la suite, afin de s'assurer que les produits concernés étaient conformes aux règles communautaires. Ainsi, le 28 août 1987, Norbrook a déposé une demande en vue d'obtenir une autorisation "révisée", dans laquelle elle indiquait que le fabricant du DHS serait Rhône-Poulenc Industries SA.

27 A la suite d'une demande présentée par Norbrook le 9 mars 1990 et tendant à la modification de la demande originaire, il est apparu qu'elle se proposait de fabriquer elle-même le DHS. Le MAFF a alors sollicité un certain nombre d'informations sur l'identité, la localisation, les méthodes de fabrication, ainsi que sur les méthodes de contrôle des fournisseurs de SS.

28 Le 13 mai 1991, le MAFF a fait savoir à Norbrook que l'autorisation préalablement accordée pour le Pen & Strep expirait le 12 mars 1991 et que l'autorisation "révisée" qui la remplaçait ne lui permettait pas d'utiliser le DHS d'une autre source que Rhône-Poulenc Industries SA, qui était indiquée dans sa demande du 28 août 1987. Quant à la modification de la demande, aucune décision finale ne pouvait être prise aussi longtemps que les renseignements demandés n'avaient pas été communiqués. C'est cette demande de renseignements supplémentaires qui est à l'origine du présent renvoi préjudiciel.

29 Sur recours introduit par Norbrook, l'affaire a été jugée en première instance, le 11 décembre 1992, par la High Court of Justice in Northern Ireland.

30 Le MAFF a interjeté appel de ce jugement devant la Court of Appeal in Northern Ireland et Norbrook a formé un appel incident.

31 Considérant que la solution du litige nécessitait l'interprétation du droit communautaire, la Court of Appeal in Northern Ireland a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Les directives du Conseil 81-851-CEE et 81-852-CEE (et, en particulier, les articles 5, 8, 9, 11, 29 à 31, 35, 40, 41 de la directive 81-851-CEE ainsi que la première partie de l'annexe de la directive 81-852-CEE, dans leur version originaire) doivent-elles être interprétées comme permettant à l'autorité compétente d'un État membre, dans les circonstances telles que celles décrites dans l'ordonnance de renvoi,

a) d'exiger de celui qui sollicite une autorisation de mise sur le marché pour un médicament vétérinaire (`le médicament') qu'il identifie - ou fasse en sorte que soient identifiés vis-à-vis de l'autorité compétente - les noms et adresses du ou des fabricants d'une substance particulière (`la substance') dont il entend se procurer certaines quantités, en tant que celle-ci entre dans la fabrication, par le demandeur, de l'un des principes actifs (`le principe actif') du produit, et qu'il fournisse - ou fasse en sorte que soient fournis - à l'autorité compétente les détails du site ou des sites de fabrication de la substance, ainsi que les procédés de fabrication et les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant de la substance;

b) d'exiger de celui qui sollicite une autorisation de mise sur le marché qu'il fournisse à l'autorité compétente, en vue de leur homologation, les résultats des expérimentations devant être effectuées sur chaque lot de la substance achetée par le demandeur et s'abstienne de mettre en vente un lot quelconque du produit jusqu'à ce qu'une telle homologation ait été donnée pour le lot considéré de la substance dont il s'agit;

c) d'exiger du demandeur (que ce soit par des conditions d'autorisation spécifiques ou en réservant l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché, ou par tout autre moyen) soit qu'il se conforme à l'une des deux exigences précitées (ou aux deux) ou qu'il ne commercialise le produit que si celui-ci a été préparé en utilisant les quantités de principe actif achetées auprès d'un tiers déterminé au lieu du principe actif fabriqué par le fabricant lui même;

d) de suspendre le délai d'octroi de l'autorisation de mise sur le marché prévu à l'article 8 de la directive 81-851-CEE jusqu'à ce que le demandeur ait accepté de fournir l'information visée au point a) ci-dessus?

2) La circonstance que le processus de fabrication du produit soit continu ou discontinu est-elle pertinente aux fins des réponses aux questions 1) a) à 1) d) et quelle serait, dans ce cas, l'incidence sur les réponses à ces questions?

3) La circonstance qu'il soit raisonnablement impossible à un demandeur d'obtenir tout ou partie des informations visées dans la question 1) a) serait-elle, le cas échéant, pertinente aux fins des réponses aux questions 1) a) à 1) d) et, dans l'affirmative, quelle serait l'incidence sur les réponses à ces questions?

4) a) Si les demandes d'information supplémentaire et les autres exigences décrites dans la question 1 ci-dessus, ou l'une ou l'autre d'entre elles, sont prima facie admissibles en vertu des directives du Conseil 81-851-CEE et 81-852-CEE, de telles demandes et de telles exigences doivent-elles satisfaire au principe de proportionnalité édicté par le droit communautaire?

b) En cas de réponse affirmative à la question sous a), ces principes doivent-ils être appliqués en l'espèce par la juridiction nationale ou par la Cour de justice?

c) i) Si ces principes doivent être appliqués par la Cour, les demandes et exigences précitées, ou l'une ou l'autre d'entre elles, enfreignent-elles les principes de proportionnalité?

ii) Si ces principes doivent être appliqués par la juridiction nationale, suivant quels critères et quelles considérations la proportionnalité des demandes et exigences doit-elle être appréciée?

5) Convient-il d'interpréter les articles 30 à 36 du traité CE en ce sens qu'ils interdisent tout ou partie des demandes et exigences décrites ci-dessus?

6) a) L'article 40 de la directive du Conseil 81-851-CEE doit-il être interprété comme s'appliquant aux demandes et exigences décrites ci-dessus?

b) Dans l'affirmative, dans quelles circonstances et par rapport à quels critères les motifs invoqués à l'appui de telles demandes et exigences doivent-ils être considérés comme inadéquats aux fins de l'article 40 et est-ce que ces demandes et exigences ont été en l'espèce motivées à suffisance de droit?

7) a) La responsabilité d'un État membre peut-elle être engagée, en droit communautaire, aux fins de l'indemnisation d'une entreprise pour le préjudice qu'elle a subi du fait qu'elle s'est vu imposer les demandes et conditions décrites ci-dessus, dès lors qu'elles sont:

i) incompatibles avec les dispositions des directives du Conseil 81-851 et/ou 81-852;

ii) contraires aux principes de proportionnalité;

iii) interdites par les articles 30 à 36 du traité CE;

iv) insuffisamment motivées au sens de l'article 40 de la directive 81-851?

b) En cas de réponse affirmative aux questions 7) a), i), ii), iii) et iv), ou à une ou l'autre d'entre elles, dans quelles conditions cette responsabilité est-elle engagée?"

Sur le degré d'harmonisation des conditions d'octroi de l'AMM

32 Pour répondre aux questions posées, il convient, à titre liminaire, de se demander si les directives 81-851 et 81-852 réglementent de manière exhaustive les conditions d'octroi de l'AMM de sorte que, d'une part, l'autorité compétente ne peut soumettre une telle autorisation à aucune autre condition que celles énoncées par ces directives et que, d'autre part, elle doit respecter toutes les prescriptions prévues par l'article 5 de la directive 81-851.

33 Il ressort de l'ensemble du système établi par les directives 81-851 et 81-852 qu'elles établissent des règles précises et détaillées quant aux demandes d'AMM, à leur instruction et aux décisions qui y font suite.

34 L'article 41 de la directive 81-851 interdit clairement aux États membres d'imposer, pour la délivrance d'une AMM, d'autres exigences que celles prévues par cette directive.

35 Cette interdiction traduit l'objectif d'harmonisation des procédures nationales en matière de délivrance d'AMM en vue d'éliminer les entraves à la libre circulation des médicaments vétérinaires, tel qu'il est énoncé notamment aux troisième et quatrième considérants de la directive 81-851.

36 La Cour a d'ailleurs déjà jugé que l'article 21 de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), doit être interprété en ce sens que la suspension ou le retrait d'une AMM ne peuvent être décidés que pour les raisons prévues par cette directive ou dans d'autres dispositions applicables du droit communautaire (arrêt du 7 décembre 1993, Pierrel e.a., C-83-92, Rec. p. I-6419). Or, comme M. l'avocat général l'a relevé au point 42 de ses conclusions, les objectifs et de nombreux articles des directives d'harmonisation en matière d'AMM de médicaments à usage humain et vétérinaire, dont l'article 21 de la directive 65-65 et l'article 41 de la directive 81-851, sont similaires.

37 Le Gouvernement du Royaume-Uni conteste cette interprétation restrictive au motif que l'article 9, point 3, de la directive 81-851 permet à l'autorité compétente d'exiger du demandeur d'une AMM qu'il fournisse des informations supplémentaires.

38 Il y a lieu cependant de relever que, selon le libellé même de cette disposition, le pouvoir de l'autorité compétente d'exiger que le dossier soit complété ne concerne que "les éléments visés à l'article 5". Son champ d'application ne couvre dès lors que les renseignements et documents prévus à l'article 5.$

39 La fonction de l'article 9, point 3, doit donc être limitée à permettre à l'autorité compétente, d'une part, d'inviter le demandeur d'une AMM à régulariser un dossier auquel manquerait un renseignement ou document prévu par les directives 81-851 et 81-852 et, d'autre part, d'exiger du demandeur des spécifications complémentaires lorsque ces directives donnent expressément cette faculté à l'autorité compétente.

40 Par ailleurs, il résulte de l'économie générale des directives 81-851 et 81-852 ainsi que du libellé même de plusieurs de leurs dispositions - en particulier les articles 9, point 1, et 11 de la directive 81-851 et l'article 1er, premier alinéa, de la directive 81-852 - que la demande d'AMM doit remplir toutes les conditions énumérées par l'article 5 de la directive 81-851.

41 Cette interprétation est en effet la seule qui permette d'assurer la réalisation de l'objectif essentiel de la sauvegarde de la santé publique.

Sur la première question

42 La première question comporte, en substance, deux parties distinctes. La première partie, résultant de ses points a) à c), porte sur les exigences imposées par les directives 81-851 et 81-852 pour obtenir une AMM. La seconde partie, contenue dans le point d), concerne les conditions de suspension du délai d'octroi d'une telle autorisation.

Sur les exigences imposées par les directives 81-851 et 81-852 pour obtenir une AMM

43 Par la première partie de la première question, le juge de renvoi demande en substance si les directives 81-851 et 81-852 doivent être interprétées en ce sens qu'elles n'autorisent pas l'autorité compétente à exiger du demandeur d'une AMM, en premier lieu, qu'il communique les nom et adresse du ou des fabricants d'une substance qui entre dans la fabrication de l'un des principes actifs du médicament concerné (ci-après la "substance") ainsi que des informations sur son ou ses sites de fabrication, en deuxième lieu, qu'il fournisse des renseignements sur le processus de fabrication ainsi que sur les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant de ladite substance, en troisième lieu, qu'il transmette les résultats des expérimentations effectuées sur chaque lot de cette substance en vue de leur homologation et, en quatrième lieu, à titre d'alternative aux conditions précitées, qu'il achète le principe actif dans la préparation duquel entre cette substance auprès d'un tiers déterminé.

Sur les renseignements relatifs au fabricant de la substance

44 En vertu de l'article 5, deuxième alinéa, point 1, de la directive 81-851, la demande d'AMM doit indiquer le "nom ou [la] raison sociale et [le] domicile ou [le] siège social du responsable de la mise sur le marché et, le cas échéant, du fabricant".

45 Il ressort du libellé de cette disposition que les renseignements devant être joints à la demande ne concernent que le responsable de la mise sur le marché ou, le cas échéant, le fabricant du produit fini. L'article 5, deuxième alinéa, point 1, de même que les autres dispositions des directives 81-851 et 81-852, n'exige en effet ni la mention des nom et adresse du ou des fabricants ni la transmission d'informations relatives au(x) site(s) de fabrication de la substance.

46 Cette interprétation est confortée par le fait que, ultérieurement, la directive 92-18-CEE de la Commission, du 20 mars 1992, modifiant l'annexe de la directive 81-852 (JO L 97, p. 1), a introduit l'obligation, pour le demandeur d'une AMM, d'indiquer "son nom et son adresse, le nom et l'adresse du ou des fabricants et des sites impliqués aux différents stades de la production (incluant le fabricant du produit fini et le ou les fabricants du ou des principes actifs), et, le cas échéant, le nom et l'adresse de l'importateur" (titre I, première partie, point A, deuxième alinéa).

47 Enfin, il résulte des points 38 et 39 du présent arrêt que l'article 9, point 3, de la directive 81-851 ne saurait non plus justifier l'exigence des renseignements en cause.

48 Toutefois, il convient de préciser que, s'il s'avère que seule l'indication des nom et adresse du ou des fabricants ainsi que d'informations relatives au(x) site(s) de fabrication de la substance constitue un moyen fiable pour obtenir une autre information exigée par les directives 81-851 et 81-852, l'autorité compétente doit être autorisée à les réclamer. En effet, dans une telle hypothèse, la demande ne porte pas sur les renseignements relatifs au fabricant de la substance en tant que tels, mais sur les informations nécessaires qu'ils peuvent apporter quant aux autres renseignements exigés.

Sur les renseignements relatifs au processus de fabrication et aux méthodes de contrôle utilisés par le fabricant de la substance

49 La question de savoir si l'autorité compétente peut exiger du demandeur d'une AMM des renseignements relatifs au processus de fabrication de la substance et aux méthodes de contrôle utilisées par son fabricant concerne l'interprétation de l'article 5, deuxième alinéa, points 3, 4 et 9, de la directive 81-851 et des points A, B et C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852, qui ont trait respectivement à la composition qualitative et quantitative des composants du médicament, à la description du mode de préparation et au contrôle des matières premières.

50 Ainsi qu'il a été exposé aux points 33 à 39 du présent arrêt, les dispositions de l'article 5, deuxième alinéa, points 3, 4 et 9, de la directive 81-851 doivent être interprétées de façon stricte en ce sens qu'elles n'autorisent l'autorité compétente qu'à exiger les renseignements et documents expressément énoncés dans ces dispositions, tels qu'ils sont précisés dans l'annexe de la directive 81-852.

51 Les renseignements et documents qui peuvent être exigés varient selon la qualification de la substance au regard des dispositions précitées.

52 Sans qualifier le SS, le juge de renvoi se borne à indiquer que cette substance entre dans la fabrication du DHS qui, pour sa part, est un principe actif. Il ajoute que le DHS est fabriqué à partir du SS par réduction ou hydrogénation, ce qui a pour effet de provoquer une modification de la structure moléculaire du SS.

53 Selon Norbrook, le SS n'est ni un principe actif ni un composant de tout autre type du Pen & Strep, mais une substance qui disparaît dans le processus de fabrication du DHS. Elle en déduit que le SS ne relève pas de l'article 5, deuxième alinéa, point 3, de la directive 81-851, tel que précisé au point A de la première partie de l'annexe de la directive 81-852.

54 Quant à l'article 5, deuxième alinéa, point 4, de la directive 81-851 et au point B de la première partie de l'annexe de la directive 81-852, relatifs au mode de préparation, Norbrook estime que, s'ils imposent de mentionner le SS, ils n'autorisent pas l'autorité compétente à exiger des renseignements sur son processus de fabrication ni sur les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant, étant donné que les références, faites dans ces dispositions, notamment à la "préparation", à la "fabrication" et à la "formule", viseraient le produit fini, à savoir le Pen & Strep.

55 Enfin, selon Norbrook, l'article 5, deuxième alinéa, point 9, de la directive 81-851 et le point C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 ne permettraient pas non plus d'exiger les renseignements litigieux étant donné que le SS ne serait pas une "matière première" telle que définie au point C.

56 Le Gouvernement du Royaume-Uni fait valoir, en revanche, que le point A, 1), de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 donne un sens large à l'expression "composition ... de tous les composants" utilisée à l'article 5, deuxième alinéa, point 3, de la directive 81-851. Selon lui, cette disposition impose que les particularités du DHS soient indiquées. Comme, en l'espèce au principal, le DHS est produit à partir du SS dans le cadre d'un processus continu de fabrication, les précisions relatives au SS seraient utiles pour l'appréciation exacte des risques que le DHS peut présenter pour la santé publique.

57 Le Gouvernement du Royaume-Uni soutient en outre que le SS est une matière première au sens du point C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 ou qu'à tout le moins il convient de le traiter comme tel. Il précise qu'une information portant uniquement sur le DHS ne renseignerait pas suffisamment sur l'innocuité globale du produit fini.

58 La Commission relève, quant à elle, qu'une interprétation stricte des directives 81-851 et 81-852, telles que rédigées initialement, pourrait aboutir à ce que les autorités britanniques soient empêchées de demander des renseignements sur le SS qui, dans le processus de production du Pen & Strep, se trouve en amont de la matière première, mais non sur le DHS. Selon la Commission, ces directives ne prévoyaient en effet que le contrôle des matières premières et ce n'est qu'ultérieurement qu'elles ont été modifiées sur ce point.

59 La Commission observe toutefois que, dans le cas d'espèce, il pourrait être argumenté que le DHS et le SS sont très proches l'un de l'autre et que les risques majeurs d'impuretés liés à la fabrication se trouvent dans la production du SS. L'autorité compétente devrait dès lors pouvoir demander des informations sur la méthode de fabrication du SS pour disposer de toutes les garanties quant à la qualité de cette substance.

60 Premièrement, il convient de relever qu'il ressort de l'article 5, deuxième alinéa, point 4, de la directive 81-851 et du point B de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 que ces dispositions visent uniquement la description du mode de préparation du produit fini et non du mode de préparation des composants de ce produit. Ces dispositions ne visent donc pas une substance telle que le SS.

61 Deuxièmement, le point C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 définit la notion de "matières premières" par renvoi à la notion de "composant" décrite au point A, 1), puis énonce les prescriptions suivant lesquelles les renseignements et documents relatifs au contrôle de ces matières premières doivent être présentés.

62 Ainsi, pour des matières premières inscrites dans les pharmacopées, le point C, 1), prévoit notamment qu'une simple référence à cette pharmacopée est suffisante pour l'application de l'article 5, deuxième alinéa, point 9, de la directive 81-851.

63 Même si tel est le cas, les dispositions du point C, 1), en particulier ses quatrième, septième et huitième alinéas, prévoient, le cas échéant, le recours à de plus amples informations afin de pouvoir contrôler que la matière première a été préparée selon une méthode qui n'est pas susceptible de laisser des impuretés. Ces informations peuvent porter sur la méthode de fabrication et de contrôle de la matière première.

64 Pour ce qui est des matières premières non inscrites dans une pharmacopée, il ressort des dispositions du point C, 2), de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 que des renseignements relatifs à leur méthode de fabrication et de contrôle peuvent être exigés.

65 Il appartient dès lors à la juridiction nationale de décider si le SS est une matière première au sens du point C, premier alinéa, de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 et, dans l'affirmative, de faire application des dispositions dudit point C à la lumière des éléments d'interprétation donnés ci-dessus.

66 Dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi arriverait à la conclusion que le SS n'est pas une matière première au sens du point C, premier alinéa, de la première partie de l'annexe de la directive 81-852, tant le Gouvernement du Royaume-Uni que la Commission soutiennent que, même dans cette circonstance, les particularités de l'espèce au principal permettent à l'autorité compétente de réclamer les renseignements en cause. Le DHS et le SS seraient en effet très proches l'un de l'autre et les risques majeurs d'impuretés se trouveraient dans la production du SS. Dès lors, seules les informations demandées quant au SS permettraient d'apprécier la pureté du DHS.

67 Il convient de rappeler à cet égard que, ainsi qu'il ressort de son premier considérant, la directive 81-851 tend en premier lieu à la sauvegarde de la santé publique. Aussi, lorsque, après vérification des documents et renseignements énumérés à l'article 5, il apparaît que le médicament est nocif, l'article 11, premier alinéa, point 1, permet de refuser l'AMM. C'est à cet effet que, comme il a été relevé ci-dessus, le point C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 permet à l'autorité compétente d'exiger, dans certaines conditions, des spécifications appropriées afin de s'assurer de la qualité du produit fini.

68 Il y a donc lieu de conclure que, dans des circonstances particulières où seules des informations relatives au processus de fabrication et à la méthode de contrôle de la substance à partir de laquelle un principe actif est fabriqué permettraient de vérifier la pureté de celui-ci et, partant, de s'assurer que le médicament ne présente pas un caractère nocif, l'autorité compétente doit être autorisée à exiger ces informations. Il incombe au juge national de vérifier que l'espèce dont il est saisi est constitutive de telles circonstances.

Sur l'homologation préalable des lots de la substance achetés par le demandeur d'une AMM

69 Il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient le Royaume-Uni, aucune des dispositions des directives 81-851 et 81-852 ne prévoit la possibilité, pour l'autorité compétente, d'exiger que les résultats des expérimentations sur chaque lot de la substance lui soient fournis en vue de leur homologation. Il convient de préciser à cet égard que le point C, 1), septième alinéa, de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 ne concerne que la déclaration des essais de routine dans la demande d'AMM et non une homologation préalable de chaque lot entrant dans la fabrication du médicament.

Sur l'obligation d'acheter le principe actif auprès d'un tiers déterminé

70 Il convient de constater que rien dans le libellé des directives 81-851 et 81-852 ne permet de subordonner l'octroi d'une AMM à l'achat du principe actif auprès d'un tiers déterminé.

71 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de répondre à la première partie de la première question que l'article 5, deuxième alinéa, de la directive 81-851, lu en combinaison avec les autres dispositions de cette directive et la directive 81-852, doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise pas l'autorité compétente à exiger d'autres renseignements et documents que ceux qui sont expressément énumérés dans cette disposition, tels qu'ils sont précisés dans l'annexe de la directive 81-852. Plus particulièrement, l'autorité compétente n'est pas autorisée à exiger du demandeur d'une AMM que

- il communique les nom et adresse du ou des fabricants de la substance ainsi que des informations sur son ou ses sites de fabrication, à moins que seule l'indication de ces informations constitue un moyen fiable pour obtenir un renseignement prévu par les directives 81-851 et 81-852,

- il communique les résultats des expérimentations effectuées sur chaque lot de la substance en vue de leur homologation,

- il achète le principe actif auprès d'un tiers déterminé.

En revanche, le point C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 autorise à imposer la fourniture de renseignements sur le processus de fabrication et les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant d'une matière première. A cet effet, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si la substance est une matière première au sens du premier alinéa de cette disposition. S'il apparaît que tel n'est pas le cas, de tels renseignements pourront néanmoins être exigés dans la mesure où les particularités du processus de fabrication de la matière première à partir de la substance ne laissent aucun autre moyen d'apprécier la pureté de la matière première.

La suspension du délai d'octroi de l'AMM

72 Au point d) de sa première question, le juge de renvoi demande en substance si l'autorité compétente peut suspendre le délai d'octroi d'une AMM prévu à l'article 8 de la directive 81-851 jusqu'à ce que le demandeur ait fourni les informations relatives au processus de fabrication, aux méthodes de contrôle et au fabricant de la substance.

73 Eu égard à l'examen de la première partie de la première question, cette question doit être comprise comme visant les informations que l'autorité compétente serait autorisée à demander sur la base de l'article 9, point 3, de la directive 81-851.

74 A cet égard, il y a lieu de relever que l'article 8 de la directive 81-851 prévoit un délai maximal de 120 jours pour le traitement de la demande d'AMM, délai qui peut être prorogé, dans les cas exceptionnels, pour une période de 90 jours.

75 Quant à l'article 9, point 3, de la même directive, qui permet à l'autorité compétente d'exiger, le cas échéant, du demandeur qu'il complète le dossier en ce qui concerne les éléments visés à l'article 5, il prescrit que, lorsqu'il est fait usage de cette faculté, les délais prévus à l'article 8 sont suspendus jusqu'à ce que les données complémentaires requises aient été fournies.

76 Il ressort donc clairement de ces dispositions que le recours à l'article 9, point 3, de la directive 81-851 suspend le délai d'octroi d'une AMM.

77 Il convient, par conséquent, de répondre à la deuxième partie de la première question que, lorsque l'autorité compétente exige du demandeur d'une AMM qu'il fournisse des informations en vertu de l'article 9, point 3, de la directive 81-851, les délais prévus à l'article 8 de la même directive sont suspendus jusqu'à ce que ces informations soient fournies.

Sur la deuxième question

78 Par sa deuxième question, le juge de renvoi demande si le fait que le processus de fabrication du médicament soit continu ou discontinu a une incidence sur les réponses apportées à la première question.

79 Il convient de relever que ni l'ordonnance de renvoi ni les observations déposées devant la Cour ne donnent de précision quant à la signification des expressions "production continue" et "production non continue". Comme la Commission l'a toutefois fait observer, la production continue ou non continue ne vise pas la production du SS mais le produit fini.

80 Dans ces conditions, rien ne permet de considérer que les réponses apportées à la première question seraient différentes selon que la production du médicament serait ou non continue.

81 Il convient donc de répondre à la deuxième question que le fait que le processus de fabrication d'un médicament soit continu ou discontinu n'a pas d'incidence sur les réponses apportées à la première question.

Sur la troisième question

82 Par sa troisième question, la juridiction nationale demande en substance quelle pertinence a, au regard de la première question, l'impossibilité pratique pour le demandeur d'une AMM de fournir certaines informations.

83 Vu les réponses apportées à la première question, la troisième question doit être comprise comme concernant l'obligation de fournir un renseignement ou un document prévu à l'article 5 de la directive 81-851.

84 Ainsi qu'il a été relevé aux points 40 et 41 du présent arrêt, la demande d'octroi d'une AMM doit remplir toutes les conditions prévues à l'article 5 de la directive 81-851 pour que l'autorisation puisse être délivrée. Dès lors que le strict respect de ces conditions a pour objectif de préserver la santé publique, même une impossibilité pratique de fournir une information ne saurait justifier une dérogation à ces conditions. Il appartient au demandeur d'une AMM de prendre ses dispositions pour répondre à ces exigences.

85 Il convient dès lors de répondre à la troisième question que l'autorité compétente n'est pas autorisée à dispenser le demandeur d'une AMM de fournir un renseignement ou document prévu par l'article 5 de la directive 81-851 même s'il apparaît que l'obtention de cette information est pratiquement impossible dans un cas concret.

Sur la quatrième question

86 Par sa quatrième question, la juridiction nationale demande en substance si le principe de proportionnalité restreint le pouvoir de l'autorité compétente de demander des informations complémentaires et d'imposer les autres exigences décrites dans la première question et, dans l'affirmative, s'il appartient à la Cour ou à la juridiction nationale d'appliquer ce principe.

87 Eu égard aux réponses données à la première question, la quatrième question n'appelle de réponse qu'en ce qui concerne l'obligation, prévue à l'article 5, deuxième alinéa, points 3, 4 et 9, de la directive 81-851 et aux points A, B et C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852, de donner des renseignements sur le processus de fabrication et les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant de la substance.

88 Comme il a été déjà constaté dans le présent arrêt, l'autorité compétente est tenue à une application stricte des dispositions des directives 81-851 et 81-852 en ce que le demandeur d'une AMM doit fournir tous les renseignements et documents qu'elles mentionnent. A cet égard, les directives ne laissent donc pas place à un pouvoir d'appréciation de la part de l'autorité compétente tel qu'elle devrait s'assurer, au regard du principe de proportionnalité, qu'un renseignement ou document prévu par ces directives peut être exigé dans un cas concret.

89 Il y a lieu toutefois de se demander si ces dispositions elles-mêmes respectent le principe de proportionnalité. A cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour, selon laquelle, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en œuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêt du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84-94, Rec. p. I-5755, point 57).

90 S'agissant d'un domaine où le législateur communautaire est appelé à effectuer des appréciations complexes en fonction d'éléments techniques et scientifiques susceptibles d'évoluer rapidement, le contrôle juridictionnel de l'exercice de sa compétence doit se limiter à examiner s'il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir ou si le législateur n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (voir, notamment, arrêt Royaume-Uni/Conseil, précité, point 58).

91 Pour soutenir que le principe de proportionnalité a été violé en l'espèce, Norbrook fait valoir que la nature de l'exigence de fournir des renseignements sur le processus de fabrication et les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant de la substance, en particulier la fréquente impossibilité de la satisfaire et les conséquences de cette impossibilité, est hors de proportion avec le risque infinitésimal qui pourrait découler de l'ignorance du processus de fabrication et des méthodes de contrôle.

92 A ce propos, il y a lieu de rappeler que l'objectif essentiel de la réglementation en matière de production et de distribution des médicaments vétérinaires est la sauvegarde de la santé publique (premier considérant de la directive 81-851). Le degré très élevé des exigences imposé par les directives 81-851 et 81-852 traduit cet impératif.

93 Comme il a été déjà relevé au point 84 du présent arrêt, il appartient au demandeur d'une AMM de prendre ses dispositions pour répondre à ces exigences.

94 Eu égard à la prééminence de l'objectif de la santé publique, les difficultés particulières invoquées par Norbrook pour fournir les renseignements en cause ne démontrent pas que le Conseil aurait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation en arrêtant les dispositions de l'article 5, deuxième alinéa, points 3, 4 et 9, de la directive 81-851 et des points A, B et C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 en ce que celles-ci prévoient l'obligation de fournir des renseignements sur le processus de fabrication et les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant de la substance.

95 Il convient donc de conclure que l'examen de la quatrième question n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité, au regard du principe de proportionnalité, des dispositions susmentionnées des directives 81-851 et 81-852.

Sur la cinquième question

96 Vu les réponses données à la première question, la cinquième question du juge de renvoi doit être comprise comme visant à savoir si les directives 81-851 et 81-852 sont conformes aux articles 30 à 36 du traité en ce qui concerne les renseignements et documents exigés dans le cadre d'une demande d'AMM.

97 A cet égard, il suffit de constater, d'une part, que l'harmonisation des procédures nationales en matière de délivrance d'une AMM a précisément pour but d'éliminer les entraves à la libre circulation des médicaments vétérinaires. D'autre part, même si les exigences d'un niveau élevé imposé par les directives 81-851 et 81-852 constituent en elles-mêmes des restrictions, aucun élément du dossier ne permet de conclure qu'elles ne seraient pas justifiées par la sauvegarde de la santé publique qui est l'objectif essentiel des deux directives.

98 Il y a donc lieu de conclure que l'examen de la cinquième question n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité, au regard des articles 30 à 36 du traité, des directives 81-851 et 81-852.

Sur la sixième question

99 Par sa sixième question, la juridiction nationale demande, en substance, si l'article 40 de la directive 81-851 doit être interprété en ce sens qu'une demande portant sur les renseignements évoqués dans la première question doit être motivée et, dans l'affirmative, quelles sont les conditions auxquelles doit répondre une telle motivation.

100 Eu égard aux réponses données à la première question, la sixième question doit être comprise comme concernant les renseignements complémentaires demandés par l'autorité compétente en vertu de l'article 9, point 3, de la directive 81-851 au cours de l'instruction de la demande d'AMM.

101 L'article 40, premier alinéa, de la directive 81-851 prévoit que "Toute décision prise aux termes des articles 11, 36, 37 et 38, et toute décision négative prise aux termes de l'article 10, point 2, et de l'article 19, paragraphe 3, ainsi que toute décision de refus d'autorisation de fabrication ou d'importation en provenance de pays tiers, de suspension ou de retrait de l'autorisation de fabrication doivent être motivées de façon précise".

102 Il ressort du libellé de cet alinéa et des dispositions auxquelles il renvoie qu'il ne concerne que des décisions de refus, de retrait et de suspension mais non des demandes présentées par l'autorité compétente en vertu de l'article 9, point 3, de la directive 81-851.

103 Il y a lieu d'ajouter qu'une obligation de motivation d'une demande de renseignements complémentaires ne peut pas non plus être tirée d'un principe général de droit communautaire. Certes, le droit communautaire impose l'obligation de motiver les décisions nationales affectant l'exercice d'un droit fondamental conféré par le traité aux particuliers (voir, notamment, arrêt du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222-86, Rec. p. 4097, points 14 et 15). Une telle obligation ne concerne cependant pas, compte tenu de sa finalité, une mesure d'instruction telle que celle en l'espèce, par laquelle l'autorité compétente invite le demandeur d'une AMM à compléter un dossier. En cas de refus d'une telle autorisation, fondé sur le fait que le demandeur de l'AMM n'a pas répondu à la demande de renseignements complémentaires, l'autorité compétente est, en tout état de cause, tenue de motiver sa décision.

104 Il convient donc de répondre à la sixième question que l'article 40 de la directive 81-851 doit être interprété en ce sens qu'une demande de renseignements complémentaires fondé sur l'article 9, point 3, de cette directive ne doit pas être motivée.

Sur la septième question

105 Par sa septième question, la juridiction nationale demande, en substance, si un État membre est tenu de réparer les dommages causés au demandeur d'une AMM par des demandes de renseignements et des exigences violant le droit communautaire et, dans l'affirmative, quelles sont les conditions de cette responsabilité.

106 A cet égard, il y a lieu de rappeler d'abord que, ainsi que la Cour l'a itérativement jugé, le principe de la responsabilité de l'État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au système du traité (arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6-90 et C-9-90, Rec. p. I-5357, point 35; du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46-93 et C-48-93, Rec. p. I-1029, point 31; du 26 mars 1996, British Telecommunications, C-392-93, Rec. p. I-1631, point 38; du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5-94, Rec. p. I-2553, point 24, et du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a., C-178-94, C-179-94, C-188-94, C-189-94 et C-190-94, Rec. p. I-4845, point 20).

107 Pour ce qui est des conditions dans lesquelles un État membre est tenu de réparer les dommages ainsi causés, il résulte de la jurisprudence précitée qu'elles sont au nombre de trois, à savoir que la règle de droit violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées (arrêts précités Brasserie du pêcheur et Factortame, point 51; British Telecommunications, point 39; Hedley Lomas, point 25, et Dillenkofer e.a., point 21). L'appréciation de ces conditions est fonction de chaque type de situation (arrêt Dillenkofer e.a., point 24).

108 Quant à la première condition, il convient de relever que, en prescrivant que la demande d'AMM ne peut être refusée que pour les raisons énumérées dans la directive 81-851, cette directive engendre, pour les particuliers, le droit d'obtenir une autorisation si certaines conditions sont réunies. Celles-ci sont déterminées, comme il a été constaté dans le présent arrêt, de manière précise et exhaustive dans les directives 81-851 et 81-852. Le contenu du droit conféré au demandeur d'une AMM peut donc être suffisamment identifié sur la base de ces directives.

109 En ce qui concerne la deuxième condition, la Cour a déjà jugé que, d'une part, une violation est suffisamment caractérisée lorsqu'un État membre, dans l'exercice de son pouvoir normatif, a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs (voir arrêts précités Brasserie du pêcheur et Factortame, point 55, British Telecommunications, point 42, et Dillenkofer, point 25) et que, d'autre part, dans l'hypothèse où l'État membre en cause, au moment où il a commis l'infraction, n'était pas confronté à des choix normatifs et disposait d'une marge d'appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l'existence d'une violation suffisamment caractérisée (voir arrêts précités Hedley Lomas, point 28 et Dillenkofer, point 25).

110 Quant à la troisième condition, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier s'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par le particulier.

111 Enfin, il résulte d'une jurisprudence constante depuis l'arrêt Francovich e.a., précité, points 41 à 43, que, sous réserve du droit à réparation qui trouve directement son fondement dans le droit communautaire dès lors que les trois conditions relevées ci-dessus sont réunies, c'est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation.

112 Il y a donc lieu de répondre à la septième question qu'un État membre est tenu de réparer les dommages causés au demandeur d'une AMM par des demandes de renseignements et des exigences violant les directives 81-851 et 81-852, dès lors que la règle de droit communautaire violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers. Sous cette réserve, c'est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé par une violation du droit communautaire qui lui est imputable, étant entendu que les conditions fixées par la législation nationale applicable ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation.

Sur les dépens

113 Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par la Court of Appeal in Northern Ireland, par ordonnance du 27 mars 1995, dit pour droit:

1) L'article 5, deuxième alinéa, de la directive 81-851-CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires, lu en combinaison avec les autres dispositions de cette directive et la directive 81-852-CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les normes et protocoles analytiques, toxico-pharmacologiques et cliniques en matière d'essais de médicaments vétérinaires, doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise pas l'autorité compétente à exiger d'autres renseignements et documents que ceux qui sont expressément énumérés dans cette disposition, tels qu'ils sont précisés dans l'annexe de la directive 81-852. Plus particulièrement, l'autorité compétente n'est pas autorisée à exiger du demandeur d'une autorisation de mise sur le marché que

- il communique les nom et adresse du ou des fabricants d'une substance qui entre dans la fabrication de l'un des principes actifs du médicament concerné ainsi que des informations sur son ou ses sites de fabrication, à moins que seule l'indication de ces informations constitue un moyen fiable pour obtenir un renseignement prévu par les directives 81-851 et 81-852,

- il communique les résultats des expérimentations effectuées sur chaque lot d'une telle substance en vue de leur homologation,

- il achète le principe actif auprès d'un tiers déterminé.

En revanche, le point C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852 autorise à imposer la fourniture de renseignements sur le processus de fabrication et les méthodes de contrôle utilisées par le fabricant d'une matière première. A cet effet, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si ladite substance est une matière première au sens du premier alinéa de cette disposition. S'il apparaît que tel n'est pas le cas, de tels renseignements pourront néanmoins être exigés dans la mesure où les particularités du processus de fabrication de la matière première à partir de la substance ne laissent aucun autre moyen d'apprécier la pureté de la matière première.

Lorsque l'autorité compétente exige du demandeur d'une autorisation de mise sur le marché qu'il fournisse des informations en vertu de l'article 9, point 3, de la directive 81-851, les délais prévus à l'article 8 de la même directive sont suspendus jusqu'à ce que ces informations soient fournies.

2) Le fait que le processus de fabrication d'un médicament soit continu ou discontinu n'a pas d'incidence sur les réponses apportées à la première question.

3) L'autorité compétente n'est pas autorisée à dispenser le demandeur d'une autorisation de mise sur le marché de fournir un renseignement ou document prévu par l'article 5 de la directive 81-851 même s'il apparaît que l'obtention de cette information est pratiquement impossible dans un cas concret.

4) L'examen de la quatrième question n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité, au regard du principe de proportionnalité, de l'article 5, deuxième alinéa, points 3, 4 et 9, de la directive 81-851 et des points A, B et C de la première partie de l'annexe de la directive 81-852.

5) L'examen de la cinquième question n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité, au regard des articles 30 à 36 du traité CE, des directives 81-851 et 81-852.

6) L'article 40 de la directive 81-851 doit être interprété en ce sens qu'une demande de renseignements complémentaires fondée sur l'article 9, point 3, de cette directive ne doit pas être motivée.

7) Un État membre est tenu de réparer les dommages causés au demandeur d'une autorisation de mise sur le marché par des demandes de renseignements et des exigences violant les directives 81-851 et 81-852, dès lors que la règle de droit communautaire violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers. Sous cette réserve, c'est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé par une violation du droit communautaire qui lui est imputable, étant entendu que les conditions fixées par la législation nationale applicable ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation.