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Décisions

Cass. soc., 22 octobre 2008, n° 07-42.595

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

BP France (SA), Esso (SA)

Défendeur :

Picard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mazars (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Fossaert

Avocat général :

M. Cavarroc

Avocats :

Me Blanc, SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner

Cons. prud'h. Bobigny, du 14 sept. 2006

14 septembre 2006

LA COUR : - Vu la connexité, joint les pourvois n° 07-42.595 et 07-42.769 ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2007), que par deux contrats successifs de location-gérance, la société Mobil, aux droits de laquelle se trouve la société Esso, a confié à la société Picard l'exploitation d'une station-service à compter du 1er septembre 1994 ; que la société BP s'est substituée à la société Mobil à compter du 22 janvier 1997 ; que M. Picard, gérant de la société Picard, a mis fin au contrat à compter du 27 juin 1998 ; qu'il a demandé le bénéfice de l'article L. 781-1 du Code du travail pour la période du 1er septembre 1994 au 27 juin 1998 et le paiement de diverses sommes à titre de salaires, indemnités et dommages-intérêts pour privation de repos et congés ;

Sur le moyen unique du pourvoi de la société BP : - Attendu que la société BP fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la transaction signée le 19 février 1998 et le moyen tiré du risque de contrariété de décisions entre l'arrêt à intervenir et l'arrêt rendu le 19 décembre 2002 par la chambre commerciale de la Cour d'appel de Paris, alors, selon le moyen : 1°) qu'ayant signé, à titre personnel et en qualité de gérant de la société locataire-gérante d'une station-service, une transaction aux termes de laquelle les parties reconnaissaient " avoir été remplies de tous leurs droits pour toute la période du 1er octobre 1996 au 30 septembre 1997. Elles déclarent n'avoir plus à élever l'une contre l'autre aucune revendication et en conséquence se désistent expressément, respectivement l'une à l'égard de l'autre, de toute instance et action ayant trait à l'exploitation de la station-service pendant ladite période, à quelque titre que ce soi ", dépourvue de toute ambiguïté, M. Picard n'était plus recevable à demander le bénéfice de l'article L. 781-1 du Code du travail (violation des articles 1134 et 2052 du Code civil et 122 du Code de procédure civile) ; 2°) que le gérant de la société locataire-gérante d'une station-service qui reconnaît dans une transaction la validité du contrat de location-gérance n'est plus recevable à demander le bénéfice de l'article L. 781-1 du Code du travail qui suppose établi le caractère fictif de la société, ce qui est incompatible avec la reconnaissance de la validité de la convention de location-gérance ; que la signature par M. Picard, à titre personnel et en qualité de gérant de la société Picard locataire-gérante d'une station-service, d'une transaction aux termes de laquelle les parties ont reconnu " en tant que de besoin... par la présente transaction, la validité du contrat susvisé dans toutes ses dispositions " interdisait au gérant de se prévaloir de l'article L. 781-1 du Code du travail (même grief) ; 3°) qu'une partie peut valablement renoncer à un droit acquis, fût-il d'ordre public ; qu'une transaction peut porter sur les droits résultant pour un travailleur de l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail dès lors qu'elle intervient après la rupture des relations contractuelles ; que la transaction signée le 19 février 1998, concernant une période contractuelle antérieure expirant le 30 septembre 1997, était donc parfaitement valable (violation par refus d'application des articles 1134 et 2048 du Code civil et par fausse application de l'article 6 du même Code) ; 4°) que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société BP France invoquant la contrariété de décisions judiciaires entre 1°) l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 décembre 2002 ayant condamné M. Picard, en sa qualité de caution de la société Picard, à payer la somme de 52 006,40 euro à la société BP France, 2°) la décision qui accueillerait les demandes de M. Picard relatives au remboursement des sommes versées comme caution et au paiement de salaires et d'indemnités de congés payés (violation de l'article 455 du Code de procédure civile) ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la transaction du 19 février 1998 avait pour cadre le contrat de gérance ayant lié la société Picard et la société BP et exclusivement pour objet de convenir des modalités relatives au règlement par ces deux sociétés des sommes qu'elles restaient devoir l'une envers l'autre et que M. Picard n'était intervenu à titre personnel que pour garantir, en sa qualité de caution solidaire, la bonne exécution par la société Picard de la transaction, laquelle ne concernait nullement ses rapports individuels avec la société BP fondés sur les dispositions de l'article L. 781-1, devenu L. 7321-1 à L. 7321-4 du Code du travail, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, a exactement décidé que l'action de M. Picard engagée sur ce fondement était recevable ;

Attendu, d'autre part, que pour rejeter la demande en nullité du cautionnement consenti par M. Picard, la cour d'appel s'est fondée sur l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 19 décembre 2002 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi de la société Esso : - Vu l'article L. 143-14, devenu L. 3245-1 du Code du travail ; - Attendu que pour décider que la demande de M. Picard n'était pas prescrite, l'arrêt retient que ce dernier, compte tenu de son incertitude quant à la nature exacte des contrats l'ayant lié successivement à la société Esso puis à la société BP, était dans l'impossibilité matérielle de déterminer le montant des rémunérations qui lui étaient dues et qu'il ne sollicite pas le payement d'un arriéré de salaires, mais des indemnités destinées à réparer le préjudice né du non-respect par ces sociétés des dispositions du Code du travail en matière de rémunération, congés payés, jours de repos et horaire de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande, quel qu'en soit le fondement, tendant au paiement de sommes ayant la nature de salaire se prescrit par cinq ans, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une impossibilité d'agir pour le salarié, a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen : - Vu l'article 625 du Code de procédure civile ; - Attendu que la cassation de l'arrêt du chef de l'arrêt déclarant non prescrite la demande de M. Picard entraîne par voie de conséquence nécessaire la cassation du chef de l'arrêt condamnant la société Esso, solidairement avec la société BP, à payer des dommages-intérêts ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action de M. Picard et condamné solidairement la société BP France et la société Esso SAF, venant aux droits de la société Mobil, à payer à M. Picard la somme de 60 000 euro de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues, l'arrêt rendu le 5 avril 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.