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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 15 mai 2008, n° 06-17024

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nouvelles Editions de l'Université (SARL)

Défendeur :

Gorrias (ès qual.), Chriqui (ès qual.), Nouveau Quartier Latin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

Mes Couturier, Huyghe

Avocats :

Mes Cavarec, Touati-Sitbon

T. com. Paris, du 24 mai 2006

24 mai 2006

Vu l'appel interjeté par la société Nouvelles Editions de l'Université, du jugement prononcé le 24 mai 2006 par le Tribunal de commerce de Paris qui, avec exécution provisoire, l'a condamnée à payer à la société Nouveau Quartier Latin la somme de 50 000 euro ainsi que les dépens;

Vu les dernières écritures signifiées le 20 février 2008 par la société Nouvelles Editions de l'Université, appelante;

Vu les dernières écritures signifiées le 7 février 2008 par la société Nouveau Quartier Latin, intimée et appelante à titre incident;

Sur ce:

Considérant que la société Nouvelles Editions de l'Université édite les guides du Petit Futé;

Que la société Nouveau Quartier Latin exerce une activité de diffuseur distributeur, principalement auprès d'une clientèle de libraires, collectivités et grossistes;

Que la société Nouvelles Editions de l'Université a confié à la société Nouveau Quartier Latin la diffusion d'une partie de son catalogue de guides ; que la relation commerciale a duré 18 ans;

Considérant que la société Nouvelles Editions de l'Université, en mai 2003, a souhaité mettre fin à ces relations commerciales ; qu'elle a en conséquence, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 5 mai 2003, avisé la société Nouveau Quartier Latin qu'elle souhaitait l'arrêt de leurs relations au 1er novembre 2003, soit avec un préavis de six mois;

Que, le 20 mai 2003, la société Nouveau Quartier Latin indiquait qu'elle s'opposait à cette rupture, d'autant plus que, compte tenu des mois d'été, le préavis n'était que de quatre mois;

Que les parties ont discuté de l'éventuelle prorogation du préavis; que c'est alors que deux traites acceptées par le Nouveau Quartier Latin, correspondant à des factures des 31/03 et 30/04/03, ont été retournées impayées, pour défaut de provision;

Que la société Nouvelles Editions de l'Université, estimant qu'il y avait là une inobservation majeure par la société Nouveau Quartier Latin de ses obligations, a mis fin au contrat, avec effet immédiat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 août 2003;

Que la société Nouveau Quartier Latin a répondu à cette lettre, par courrier du 4 août 2003, dénonçant l'attitude de l'éditeur du Petit Futé, et indiquant qu'elle s'estimait en droit de retenir le paiement des factures en cause jusqu'à ce que les parties aient redéfini, ensemble, de quelle façon les retours d'ouvrages, consécutifs à la rupture du contrat, seraient gérés;

Considérant que la société Nouvelles Editions de l'Université a fait assigner la société Nouveau Quartier Latin en référé devant le Tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir, à titre provisionnel, le montant de trois factures impayées (en date des 31/03, 31/04 et 30/05/03) soit 42 040,18 euro ; que la société Nouveau Quartier Latin ayant soulevé l'existence d'une contestation sérieuse, le tribunal a désigné un huissier audiencier pour faire les comptes entre les parties, qui a réduit le montant dû à la société Nouvelles Editions de l'Université à 27 739,95 euro;

Considérant que la société Nouveau Quartier Latin, par acte du 12 novembre 2003 a fait assigner la société Nouvelles Editions de l'Université devant le Tribunal de commerce de Paris afin de l'entendre condamner au paiement de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice consécutif à une rupture intervenue sans préavis, ainsi que 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Que la société Nouvelles Editions de l'Université a conclu au rejet des demandes et sollicité, reconventionnellement, la condamnation de la société Nouveau Quartier Latin à lui payer 1 000 euro au titre du solde de sa créance, 7 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que la société Nouvelles Editions de l'Université poursuit l'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce le 24 mai 2006 en faisant valoir que, contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges, il y a en réalité eu deux ruptures:

- la première rupture, en date du 5 mai 2003, avec un préavis de six mois, conforme aux usages, dix-huit années de relations commerciales n'étant pas une garantie d'éternité, et le fait que le préavis couvre la période estivale ne justifiant pas un allongement, d'autant que, contrairement à ce qui est soutenu, les affaires ne sont pas "gelées tout l'été" mais seulement moins intenses, et que la diffusion du Petit Futé ne constituait qu'une petite partie de l'activité du Nouveau Quartier Latin;

- la seconde rupture, avec effet immédiat, en date du 11 août 2003, en raison du non-respect d'obligations contractuelles essentielles, puisque les traites acceptées sont revenues avec la mention "sans provision" ;

Que la société Nouvelles Editions de l'Université indique que l'argument avancé par le Nouveau Quartier Latin selon lequel il n'aurait pas payé en raison de pourparlers en cours, ne tient pas face à une traite, sur laquelle il y a eu un accord, et qui est retournée sans provision, et insiste sur le fait que c'est cette dernière société qui s'est elle-même mise en position de rompre totalement les relations contractuelles des parties;

Considérant que l'argumentation ainsi développée n'est toutefois pas de nature à remettre en cause la décision du tribunal qui a pertinemment relevé que, en procédant à la résiliation immédiate du contrat le 11 août 2003, alors que les retards de paiement pouvaient en partie s'expliquer par les négociations en cours sur la durée du préavis, et le problème de la prise en charge des retours, la société Nouvelles Editions de l'Université a commis une rupture brutale de relations commerciales établies, qui engage sa responsabilité;

Considérant en effet que l'argument tenant à un manquement grave de la société Nouveau Quartier Latin constitué par le retour de trois traites pour défaut de provision se révèle être, à l'évidence, un prétexte destiné à couper court aux contestations élevées par cette société, compte tenu du fait qu'il résulte des pièces versées aux débats que, contractuellement, les ventes de mars étaient payées au 30 juin, celles d'avril au 30 juillet, et celles de mai au 30 août ; que, d'ailleurs, le courrier de rupture du 11 août 2003, fait part "d'inquiétudes", et d'une "grande incertitude" quant à la capacité de la société Nouveau Quartier Latin à honorer ses engagements, et ne mentionne qu'un seul défaut de paiement, celui de la traite émise en règlement des ventes du mois d'avril 2003, et payable au 31/07/2003;

Considérant que c'est aussi à bon droit que les premiers juges ont dit qu'eu égard à l'ancienneté des relations commerciales entretenues par les parties, le préavis devait couvrir une année;

Considérant que la société Nouveau Quartier Latin critique le jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à 50 000 euro; qu'elle soutient qu'eu égard au chiffre d'affaires qu'elle avait réalisé en 2002 sur les produits des Nouvelles Editions de l'Université (158 000 euro), au chiffre d'affaires réalisé au jour de la rupture, en août 2003 (84 716,52 euro), et à la marge brute qu'elle réalise habituellement (32,85 %), ainsi qu'au préjudice, en terme d'image que lui a causé cette rupture, il doit lui être alloué une somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts;

Considérant cependant que tant l'argumentation de la société Nouveau Quartier Latin que les pièces versées aux débats démontrent que les premiers juges ont exactement réparé le préjudice causé à cette société par la rupture litigieuse en lui allouant une indemnité de 50 000 euro ; que le jugement sera donc confirmé aussi sur ce point;

Considérant que l'équité commande que soit allouée à la société Nouveau Quartier Latin une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en complément de la somme allouée au même titre en première instance;

Considérant que la société Nouvelles Editions de l'Université, qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel;

Par ces motifs, Déclare les appels recevables, Confirme le jugement, Condamne la société Nouvelles Editions de l'Université à payer à la société Nouveau Quartier Latin la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes contraires aux motifs ci-dessus, Condamne la société Nouvelles Editions de l'Université aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.