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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 5 novembre 2008, n° 2007-17386

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Industrielle des Pondéreux du Havre (SA), SHGT (SA), Le Port Autonome du Havre

Défendeur :

Sogema Société Générale Maritime (SA), Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, Président du Conseil de la Concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Mouillard

Avoués :

Me Teytaud, SCP Bommart Forster & Fromantin

Avocats :

Mes Lapisardi, Bazin, Desplanques, Corruble, Crois, SCP Barraquand Lapisardi, SELARL Molas, Associes, SCPA Gautier, Vroom & Associés

CA Paris n° 2007-17386

5 novembre 2008

Par lettre enregistrée le 22 janvier 2001, complétée par une demande de mesures conservatoires enregistrée le 7 novembre 2001, la Société Générale Maritime (ci-après la SOGEMA) a saisi le Conseil de la concurrence (ci-après le Conseil) de pratiques mises en œuvre en 2000 et 2001 par le port autonome du Havre (ci-après le PAH), la Compagnie industrielle des pondéreux de Havre-CIPHA (ci-après la CIPHA) ainsi que par la SHGT et la société Havre Manutention dans le secteur de la manutention des vracs solides, afin de l'empêcher de développer ses activités au terminal multivrac (MTV) du port autonome du Havre.

Par décision n° 02-D-15 du 1er mars 2002, le Conseil de la concurrence a rejeté la demande de mesures conservatoires, puis, par décision n° 06-S-04 du 18 juillet 2006, a sursis à statuer et a renvoyé le dossier à l'instruction en ce qui concerne l'existence éventuelle d'un abus de position dominante du PAH et de la CIPHA ainsi que d'une entente entre le PAH, la CIPHA, la SHGT et Havre Manutention.

Le Port autonome du Havre est un établissement public de l'Etat chargé notamment de l'exploitation, de l'entretien, de la police du port et de ses dépendances ainsi que de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté. Ses terminaux peuvent accueillir des vracs liquides (pétrole brut, produits pétroliers, hydrocarbures gazeux...) ainsi que des vracs solides (charbon, céréales, ciment...).

L'activité de manutention de vracs solides en cause en l'espèce nécessite le recours à des infrastructures spécifiques installées sur deux terminaux du port du Havre susceptibles d'accueillir les navires minéraliers : le Môle central 6 (ci-après MC 6), et le terminal Multivrac (ci-après MTV).

Le terminal MC 6 est entièrement consacré à l'approvisionnement charbonnier d'EDF, qui s'opère par l'intermédiaire d'une de ses filiales, la Compagnie d'approvisionnement de combustible et de logistique (ci-après CAPCOL). Le MC 6, qui dispose de deux parcs publics de stockage de charbon d'une capacité totale de 220 000 tonnes réservés à cette entreprise, permet l'alimentation, au moyen de bandes transporteuses, de la centrale thermique du Havre située à proximité, qui dispose également d'un parc de stockage de 350 000 tonnes. Ce dispositif est complété par un troisième parc "passif" dédié à EDF, dénommé "Zone 2", dont la capacité de stockage de réserve s'élève à 250 000 tonnes.

Le terminal MTV, qui n'est pas exclusivement consacré au charbon, est appelé à traiter tous les produits pondéreux ou agroalimentaires. L'appontement public de ce terminal servant au déchargement du charbon est équipé de deux portiques ainsi que d'un poste de rechargement sur barges et caboteurs et de bandes transporteuses ainsi que d'un poste de rechargement et de bandes transporteuses conduisant à une tour de répartition. Cet outillage public est financé et géré par le PAH. Au delà de la tour de répartition, sont installés un parc de stockage du charbon ainsi que divers équipements qui ont été concédés à la CIPHA par le PAH.

Le Port autonome du Havre a en effet conclu avec la CIPHA le 7 décembre 1983 un contrat de concession d'outillage public pour une durée de 50 ans. Selon le cahier des charges de ce contrat, l'objet de la concession porte sur "un parc de stockage d'une capacité théorique de 600 000 tonnes, une station de reprise à partir des équipements publics et des équipements de manutention interne, des outillages de rechargement sur wagons et camions, des transporteurs internes reliés à une usine de traitement et des transporteurs de liaison avec les outillages du port et les outillages de rechargement visés ci-dessus ".

L'article 3 du contrat de concession stipule, par ailleurs :

"le concessionnaire pourra engager son capital dans des activités autres que la concession. Ces activités devront être en étroite relation avec celles de la concession, par exemple : construction et exploitation d'une usine de traitement des charbons, activités de manutention, valorisation du charbon et autres activités connexes".

L'article 16 du cahier des charges de la concession, relatif aux obligations du concessionnaire, énonce également :

"Le concessionnaire sera tenu de mettre les appareils à la disposition du public, non seulement pendant les jours et heures réglementaires du travail de la douane, mais encore en dehors de ces périodes, de jour et de nuit, quand le travail à effectuer aura été autorisé par la douane. Lorsque le concessionnaire se chargera de la manutention, il devra affecter le personnel nécessaire pour assurer la bonne utilisation du matériel, conformément aux usages du port".

Enfin, l'article 39 du cahier des charges met à la charge du concessionnaire le paiement au PAH d'une redevance domaniale annuelle de 7,15 F (hors TVA) par mètre carré de terrain mis à sa disposition, variant dans les conditions fixées par cet article.

Par convention du 3 juin 1985, la CIPHA a confié à la SHGT, qui a pour activité la logistique et la gestion des terminaux portuaires, l'exécution d'un certain nombre de tâches nécessaires à son propre fonctionnement et à celui de MTV. Après 2002, la SHGT est devenue la seule entreprise de manutention des vracs solides du port du Havre.

Le port autonome du Havre a conclu par ailleurs le 20 décembre 1999 avec CAPCOL une convention d'exploitation du terminal MC 6.

Compte tenu de la synergie existant entre le port du Havre et le port de Rouen en ce qui concerne le trafic des vracs solides, CAPCOL a demandé en 1999 à la SOGEMA, qui exerce une activité de manutentionnaire de vracs (charbon, céréales, potasse, phosphate etc...) et d'entrepositaire dans différents ports, dont Rouen, Sète et Bordeaux, de s'installer au début du mois de janvier 2000 sur le port du Havre afin de manutentionner l'intégralité de son trafic charbon.

C'est dans ces conditions que CAPCOL et la SOGEMA ont conclu le 20 octobre 1999 une convention d'une durée de deux ans portant sur la manutention du charbon pris en charge par CAPCOL et transitant, avec ou sans passage en stock, par le poste minéralier MC 6 et la zone 2, ainsi que sur la manutention de ce combustible au terminal MTV. La SOGEMA était chargée des opérations de déchargement des navires, de la gestion du parc de stockage et des opérations de chargement des trains et des barges acheminant le charbon pour CAPCOL.

Cette convention n'a, toutefois, pas été renouvelée.

Les ressources du PAH comprennent, notamment, en application de l'article R. 113-3 du Code des ports maritimes les produits des droits des ports, les revenus des domaines immobiliers et les produits de l'exploitation de l'outillage public directement administré ou affermé par le port.

L'utilisation de l'outillage public du port servant au chargement, au déchargement et au transbordement des cargaisons des navires donne lieu, pour la période considérée, à deux types de tarification : les tarifs publics, d'une part, et les tarifs conventionnels ou "spéciaux", d'autre part.

Les tarifs publics applicables au terminal MTV et au terminal MC 6, sont publiés chaque année dans une brochure intitulée "Tarifs et conditions d'usage des engins de manutention". Ils comportent diverses rubriques correspondant aux prestations de manutention telles que le déchargement des navires avec utilisation des portiques et des bandes transporteuses du PAH, les transbordements directs bord-à-bord ou encore le chargement.

Dans le cadre de son contrat de concession, la CIPHA bénéficie d'un "tarif spécial" relatif à l'usage de l'outillage public géré par le PAH, qui lui facture directement les frais d'utilisation de son outillage. La grille tarifaire applicable comporte, comme les tarifs publics, diverses rubriques de prestations de manutention. Par ailleurs, dans le cadre de la convention d'exploitation de terminal conclue entre le Port autonome du Havre et CAPCOL sur le MC 6, une nouvelle grille tarifaire pour l'utilisation de l'outillage géré par le Port autonome du Havre sur le terminal MC 6 a été instituée en fonction de différents types de tonnages annuels.

Ces tarifs conventionnels sont très sensiblement inférieurs aux tarifs publics.

Dans sa saisine, la SOGEMA imputait au PAH ainsi qu'à la CIPHA et à la SHGT des pratiques d'abus de position dominante et des pratiques d'entente qui l'avaient empêchée de réaliser des opérations de manutention sur le terminal MTV et qui, plus généralement, avaient fait obstacle à son projet de développement de ses activités sur ce terminal.

S'agissant tout d'abord de l'abus de position dominante reprochée au Port autonome du Havre, la plaignante soutenait qu'elle avait été victime d'une discrimination tarifaire en raison de l'application par cet établissement public des tarifs publics pour des prestations de manutention à l'aide de l'outillage public du port, alors qu'elle aurait dû bénéficier des tarifs spéciaux consentis à CIPHA lorsque celle-ci fait procéder à de telles opérations par l'intermédiaire de ses sous-traitants, la SHGT ou Le Havre Manutention. Ainsi, la SOGEMA soulignait que lorsqu'elle avait procédé le 24 février 2001 à des opérations de manutention liées au déchargement et au stockage sur le parc de la CIPHA du charbon transporté par le navire Toscanini, le PAH, qui n'avait pas répondu à sa demande, formulée par fax du 2 novembre 2000, de lui appliquer les tarifs conventionnels appliqués à la CIPHA, lui avait finalement facturé l'utilisation de l'outillage public selon le tarif public, lui imposant ainsi vin surcoût de 237 230 euro.

La SOGEMA faisait également valoir, en ce qui concerne des opérations "de bord à bord" des 16 juin et 10 juillet 2000 n'impliquant pas, cette fois-ci, l'utilisation du parc de stockage de la CIPHA, que le PAH lui avait également indiqué que les tarifs publics lui seraient appliqués alors que cet établissement public a finalement facturé des tarifs plus favorables à la CIPHA et à son sous-traitant. Les entreprises concernées, CPU et TERVAL avaient alors refusé les propositions tarifaires de la SOGEMA établies à partir des tarifs publics, au motif que celles-ci ne correspondaient pas aux propositions du marché local.

S'agissant, ensuite, de l'abus de position dominante reproché à la CIPHA, la SOGEMA soutenait que cette entreprise avait recours au tarif privilégié dont elle bénéficie pour l'utilisation de l'outillage de manutention afin d'écarter toute concurrence sur le terminal MTV dans l'activité de manutention. Elle lui imputait une stratégie visant à ne permettre d'accéder à son installation de stockage à des tarifs raisonnables qu'à condition que la manutention lui soit confiée, activité dont elle assure ensuite la sous-traitance. La plaignante exposait ainsi que CAPCOL avait été conduite à réclamer à plusieurs reprises à la CIPHA, à la fin de 1999 et au début de 2000, le bénéfice de la tarification hors manutention applicable pour le stockage du charbon sur le terminal MTV, en lui indiquant que la SOGEMA serait son manutentionnaire. N'ayant pas reçu le tarif correspondant aux seules prestations de stockage, hors prestations de manutention, CAPCOL avait alors été contrainte de demander à la CIPHA de lui faire parvenir avant le 31 janvier 2000 les tarifs publics en vigueur au 1er février 2000, tarifs qui lui avaient finalement été communiqués par le PAH.

Enfin, la SOGEMA affirmait que des accords commerciaux conclus entre la CIPHA et la SHGT sur les conditions de réception des tonnages de CAPCOL sur le terminal MTV comportaient des clauses anticoncurrentielles, révélant une entente imputable à la CIPHA et à la SHGT : la CIPHA n'était en effet prête à l'accepter en qualité d'entreprise sous-traitante de Havre Manutention, elle-même sous-traitante de SHGT, qu'à condition, d'une part, qu'elle suspende sa demande d'établissement d'un terminal sur le site du MTV formulée auprès du PAH, et à condition, d'autre part, qu'elle s'engage à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT, clause qui n'avait toutefois pas été maintenue dans un second projet d'accord .

La SOGEMA ayant refusé de retirer sa demande d'établissement de terminal, la société CAPCOL avait alors décidé, le 31 octobre 2000, de faire décharger le navire MV/Manna par la CIPHA, dans des conditions tarifaires qui se sont révélées plus favorables.

Le 29 novembre 2006, divers griefs d'abus de position dominante et d'entente ont été notifiés à la CIPHA, au PAH et à la SHGT.

Par décision n° 07-D-28 du 13 septembre 2007, le Conseil a décidé :

"Article 1er : le Conseil n'est pas compétent pour statuer sur les griefs tirés d'un abus de position dominante du port autonome du Havre et d'une entente entre celui-ci et la CIPHA du fait de l'approbation des tarifs d'utilisation des outillages publics concédés à la CIPHA sur le terminal MTV : la saisine de la société SOGEMA est déclarée, dans cette mesure, irrecevable.

Article 2 : Il est établi que le port autonome du Havre et la société CIPHA ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 3 : Il est établi que les sociétés CIPHA et SHGT ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 4 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

* Au port autonome du Havre, une sanction de 2 600 000 euro ;

* À la CIPHA, une sanction de 150 000 euro ;

* à la SHGT, une sanction de 55 000 euro ;

Article 5 : Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, le port autonome du Havre, la CIPHA et la SHGT feront publier le texte figurant au point 184 de la présente décision, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans le journal "Paris-Normandie" et dans le journal spécialisé "L'Antenne" (....)."

LA COUR,

Vu le recours en annulation et/ou subsidiairement en réformation de la décision du Conseil formé le 17 octobre 2007 par la société CIPHA ainsi que par la société SHGT ;

Vu l'exposé des moyens déposé par ces deux sociétés le 19 novembre 2007 et leurs conclusions récapitulatives, déposées le 27 juin 2007 ;

Vu le recours en annulation et/ou subsidiairement en réformation de la décision du Conseil formé à titre incident par le PAH le 21 novembre 2007 ;

Vu l'exposé des moyens déposé par cet établissement public le 22 novembre 2007, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 30 juin 2008 ;

Vu le mémoire déposé par la société SHGT le 4 avril 2008, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 2 septembre 2008 ;

Vu les observations écrites du Conseil, déposées le 2 mai 2008 ;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, déposées le 5 mai 2008 ;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties avant l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 16 septembre 2008, en leurs observations orales, les conseils des parties, qui ont été en mesure de répliquer, ainsi que les représentants du Conseil de la concurrence et du ministre de l'Economie et le Ministère public ;

Sur ce,

Sur la compétence du Conseil de la concurrence

Considérant qu'il est reproché :

1°) au port autonome du Havre d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des infrastructures portuaires sur la basse vallée de la Seine en se livrant à des pratiques de discrimination tarifaire à rencontre de la société SOGEMA et en approuvant l'offre couplée de la CIPHA dans les conditions prévues à l'article R. 115-1 6 du Code des ports maritimes, pratiques qui ont eu pour objet et pour effet de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention des vracs solides sur le terminal MTV du port du Havre (grief n° 1) ;

2°) à la CIPHA d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des capacités disponibles de stockage de charbon sur la basse vallée de la Seine en se livrant à des pratiques d'offre couplée pour les prestations de stockage et de manutention sur le terminal MTV et en imposant des conditions de nature anticoncurrentielle à l'encontre de la SOGEMA dans ses projets d'accords commerciaux avec la société CAPCOL, pratiques qui ont eu pour objet et pour effet de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention des vracs solides sur le terminal MTV du port du Havre (grief n° 2) ;

3°) au port autonome du Havre de s'être entendu avec la CIPHA dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce, en approuvant les tarifs de la prestation globale offerte par la CIPHA dans les conditions prévues à l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes, sans exiger l'établissement d'un barème distinct pour l'utilisation des installations de stockages concédées et le service accessoire de la manutention. Le port autonome du Havre a approuvé par là même la politique commerciale suivie par la CIPHA pour limiter l'accès d'autres manutentionnaires sur le marché de la manutention du terminal MTV, qu'il est venu renforcer par l'édiction de tarifs publics applicables aux tiers pour l'utilisation des outillages publics gérés par lui deux fois plus élevés que ceux négociés avec la CIPHA, mettant ses concurrents dans l'impossibilité de présenter une offre compétitive (grief n° 3) ;

4°) à la SHGT de s'être entendue avec la CIPHA dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce, en approuvant les conditions imposées par la CIPHA à la SOGEMA dans des projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000 négociés avec la société CAPCOL aux termes desquelles la SOGEMA devait retirer sa demande de terminal sur le MTV et s'engager à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT (grief n°4) ;

5°) à la CIPHA de s'être entendue avec le port autonome du Havre dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce, en proposant à l'approbation du port selon la procédure prévue par les articles R. 115-15 et R. 115-16 du Code des ports maritimes, les tarifs de sa prestation globale incluant les prestations de manutention et de stockage du charbon sans présenter de tarifs distincts pour chacune de ces prestations (grief n° 5) ;

6°) à la CIPHA de s'être entendue avec la SHGT dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce, en présentant à l'approbation de celle-ci les conditions qu'elle imposait à la SOGEMA dans les projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000 négociés avec la société CAPCOL aux termes desquelles la SOGEMA devait retirer sa demande de terminal sur le MTV et devait s'engager à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT (grief n° 6);

Considérant que le Conseil, dont la compétence était contestée par le PAH ainsi que par la CIPHA et la SHGT, s'est reconnu compétent pour se prononcer, dans certaines limites, sur les griefs suivants :

- abus de position dominante du PAH du fait de s'être livré à des pratiques de discrimination tarifaire à l'encontre de la SOGEMA en ce qui concerne l'utilisation de l'outillage public géré par lui-même (première partie du grief n° 1) ;

- abus de position dominante de la CIPHA du fait de ses offres couplées pour les prestations de stockage et de manutention sur le terminal MTV et du fait d'avoir imposé des conditions de nature anticoncurrentielle à l'encontre de la SOGEMA dans ses projets d'accords avec CAPCOL (grief n°2);

- entente entre la CIPHA et la SHGT pour imposer à la SOGEMA des conditions de nature anticoncurrentielle dans les projets d'accord entre la CIPHA et CAPCOL (grief n° 4 et grief n°6) ;

Considérant que le PAH objecte que ses décisions de fixation des tarifs de l'outillage public portuaire sur le quai MTV constituent l'exercice d'une prérogative de puissance publique relevant de la compétence exclusive des juridictions administratives et que, dès lors, les pratiques qui lui sont reprochées ne pouvaient, même dans le cadre ainsi délimité par le Conseil, être examinées par cette autorité ;

Considérant que la CIPHA et la SHGT prétendent, de leur côté, que le rabais consenti par la CIPHA est lié au tarif préférentiel obtenu en qualité de concessionnaire de l'outillage public portuaire et que, dans ces conditions, l'appréciation de la légalité de ce tarif relève de la juridiction administrative ; qu'en effet :

- la fourniture d'outillage public portuaire constitue un service public et que c'est précisément la légalité de la tarification des redevances pour service rendu dans le cadre de ce service public qui est en cause en l'espèce ;

- que le principe, le montant et les modalités de révision des tarifs dont il s'agit sont prévus et fixés par un contrat administratif conclu dans le cadre d'une délégation de service public, et que, dès lors, il importe peu, d'une part, que ces tarifs ne concernent pas à proprement parler les activités concédées, puisqu'ils sont conçus pour contribuer à l'équilibre financier de la concession d'outillage public, à laquelle ils sont ainsi étroitement liés et, d'autre part, que ces tarifs soient ou non négociés, la question de la recherche de l'exercice d'une prérogative de puissance publique ne se posant, en effet, que dans l'hypothèse où le tarif en question ne serait pas fixé par un contrat ou un acte administratif;

- qu'en tout état de cause, ces tarifs ne sont pas négociés dans les conditions prévues par un contrat de droit privé, puisque la décision de fixation tarifaire, à laquelle la CIPHA ne peut pas s'opposer, appartient en dernier ressort au PAH ;

- qu'une telle décision relève également de la gestion du domaine public, dont les quais du MTV font partie ainsi que les outillages publics du port, qui en constituent l'accessoire indispensable, avec une mise en œuvre de prérogatives de puissance publique ;

Que les requérantes soutiennent également que le fait, pour la CIPHA, d'avoir proposé à ses clients un rabais ou un tarif préférentiel dans le cadre de la fourniture de prestations portuaires globales, incluant non seulement des opérations liées au stockage mais également des opérations de manutention, constitue une pratique non détachable du contrat de concession et des décisions réglementaires du PAH ; qu'en effet, en fixant un tarif spécial en faveur du concessionnaire pour l'utilisation de l'outillage public, le contrat prévoit qu'il n'est destiné à être appliqué que lorsque la CIPHA propose les prestations de manutention, prestations accessoires aux services concédés ; que la CIPHA et la SHGT concluent ainsi :

" En outre la pratique reprochée à la CIPHA ayant consisté à appliquer ce tarif d'outillage préférentiel dans le cadre uniquement d'une fourniture de prestations globales est directement rattachée aux décisions par lesquelles le PAH approuve chaque année ses tarifs publics et aux tarifs publics eux-mêmes, dont l'appréciation de la fixation relève du seul juge administratif et qu'en validant les tarifs publics le PAH validait le fait que la CIPHA n 'appliquait pas son tarif spécial pour l'utilisation de l'outillage public lorsqu'elle ne réalisait pas les opérations de manutention. En effet, les tarifs publics prévoient trois prestations :

- le déchargement correspondant au tarif public d'outillage (et non le tarif préférentiel) et excluant la manutention,

- la reprise sur parc,

- le stationnement (stockage).

Ainsi, en validant ces tarifs publics, le PAH validait le fait que la CIPHA n'appliquait pas son tarif spécial pour l'utilisation de l'outillage public lorsque la CIPHA ne réalisait pas les opérations de manutention. Dès lors, la pratique qui est reprochée à la CIPHA n'est pas détachable de la décision par laquelle le PAH approuvait, chaque année, les tarifs publics. Or, comme l'a, à juste titre, décidé le Conseil de la concurrence, il n'est pas compétent pour examiner le grief d'abus de position dominante tiré de l'approbation, par le PAH, de la grille tarifaire des outillages concédés à la CIPHA" ;

Mais considérant que, dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de service, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire ;

Que seules les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes publiques ;

Considérant, en l'espèce, que c'est à juste titre que, pour apprécier sa compétence au regard de tels principes, le Conseil a opéré une distinction entre, d'une part, le tarif conventionnel applicable à la CIPHA pour l'utilisation de l'outillage public de manutention géré par le port autonome du Havre et, d'autre part, les tarifs pour l'utilisation des outillages publics de stockage concédés à la CIPHA ;

Considérant, en premier lieu, s'agissant du tarif conventionnel, que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil s'est déclaré compétent pour qualifier, au regard des règles de la concurrence, un tel tarif dont la détermination ne révèle pas l'exercice d'une prérogative de puissance publique ;

Considérant qu'il est vrai que ce tarif est évoqué par l'annexe de la convention de concession d'outillage public conclue entre le P AH et la CEPH A pour l'exploitation du parc de stockage, qui stipule que "l'association d'intérêt (...) établie entre le PAH et la CIPHA doit comprendre l'application en faveur du concessionnaire d'un tarif spécial relatif à l'usage de l'outillage public géré par le PAH. (...) le port autonome s'engage à appliquer les conditions tarifaires définies ci-après [i.e. taxe d'outillage de déchargement - taxe d'outillage de chargement] à toute tonne de charbon chargée ou déchargée à l'appontement, destinée aux installations de la CIPHA ";

Que force est cependant de constater, non seulement que ce tarif porte sur des prestations qui n'entrent pas dans le champ de la concession - s'agissant en effet, non de prestations relatives au parc de stockage et autres équipements constituant l'objet de la concession, mais de prestations de manutention, facultatives pour le concessionnaire - mais encore qu'il n'est pas déterminé de façon unilatérale par l'établissement public et fait l'objet d'une négociation aboutissant à la signature d'une convention ;

Qu'enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'appréciation du caractère éventuellement discriminatoire de ce tarif au regard de la qualification d'abus de position dominante se détache de l'appréciation de la légalité du contrat de concession ;

Considérant, en second lieu, s'agissant des tarifs relatifs à l'utilisation des outillages publics de stockage concédés à la CIPHA, qu'il est constant que ceux-ci sont établis dans les conditions prévues par le cahier des charges du contrat de concession et par l'annexe au cahier des charges relative à la rémunération du concessionnaire et sont susceptibles de faire l'objet d'une homologation qui présente le caractère d'une décision administrative ;

Que l'article 26 du cahier des charges, qui figure dans le titre IV intitulé tarifs, stipule, en effet :

"Dans les six mois précédant la mise en exploitation du centre Multivrac, il sera établi selon la procédure définie à l'article R. 115-5 du Code des ports maritimes, un barème des tarifs d'usage des installations qui sera alors annexé au présent cahier des charges. La modification de ces tarifs interviendra dans les conditions prévues à l'article R. 115-6 du Code des ports maritimes. Les principes d'établissement de ces tarifs sont définis à l'annexe au cahier des charges relative à la rémunération du concessionnaire " ;

Que l'article R. 115-5 du Code des ports maritimes énonce, par ailleurs : "Les tarifs et les conditions d'usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés, lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de l'obligation de service public, sont institués selon la procédure définie par les articles R. 115-9 à R. 115-13. Ils figurent en annexe au cahier des charges qui doit prévoir que leur modification est opérée selon la procédure fixée par l'article R. 115-16";

Qu'en vertu de l'article R. 115-16 de ce Code, enfin, les projets modificatifs, par rapport au barème initial annexé au cahier des charges, des tarifs et conditions d'usage des installations concédées sont proposées pour approbation au port autonome, qui procède à leur affichage dans les endroits les plus fréquentés du port pendant quinze jours et ces tarifs sont réputés approuvés si le conseil d'administration du port n'émet pas d'opposition dans un délai de quinze jours ; qu'en cas d'opposition, le ministre de tutelle est saisi et, sauf confirmation par le ministre dans le délai d'un mois, celle-ci est levée de plein droit à l'expiration dudit délai ;

Considérant qu'il en résulte que, compte tenu de la nature administrative de la décision d'homologation, le Conseil n'était pas compétent pour examiner la seconde partie du grief d'abus de position dominante (grief n° 1) fait au PAH et qui est tirée de l'approbation par celui-ci de l'offre couplée de la CIPHA dans les conditions prévues à l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes ;

Que, de même, en s'abstenant de prendre position sur les agissements de la CIPHA et les différenciations tarifaires, le PAH a agi en qualité d'organisateur du service portuaire et a mis en œuvre des prérogatives de puissance publique, son abstention s'analysant comme une décision implicite de rejet qui revêt, elle aussi, un caractère administratif ;

Qu'il s'ensuit que le Conseil n'était pas non plus compétent pour examiner le grief n° 3 et le grief n° 5 tirés de l'existence d'une entente entre la CIPHA et le PAH matérialisée, en ce qui concerne l'établissement public, par l'approbation officielle des tarifs d'utilisation des outillages publics concédés;

Considérant, en revanche, que s'il est vrai que la décision d'homologation constitue, comme le refus d'homologation, une décision administrative, les tarifs homologués n'en revêtent pas pour autant une nature administrative ;

Qu'en l'occurrence, les pratiques reprochées à la CIPHA en ce qui concerne la tarification de l'utilisation de l'outillage concédé résultent, dès l'origine, indépendamment d'une homologation postérieure, de décisions prises à son initiative et de façon autonome et, si les tarifs publics tels qu'ils ont été fournis à CAPCOL par le Port Autonome du Havre par lettre du 1er février 2000 et par la CIPHA par lettre du 15 février 2000 sont effectivement, aux termes du cahier des charges, soumis à des règles visant à assurer un certain bénéfice comptable au concessionnaire, aucune de ces règles ne contraint toutefois la CIPHA à présenter ces tarifs en groupant, comme le relate la notification de griefs sur les offres couplées, un certain nombre de prestations ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil est compétent pour connaître des pratiques tarifaires de la CIPHA concernant les outillages publics concédés qui font l'objet des griefs adressés à cette société ;

Sur la procédure

Considérant que la société CIPHA et la société SHGT poursuivent également l'annulation de la décision déférée en raison de la violation par le Conseil :

- des principes de l'égalité des armes, du contradictoire et d'impartialité, la décision déférée comportant une mention selon laquelle le rapporteur a présenté, en l'absence des parties, un rapport oral avant le délibéré ;

- du principe du contradictoire, dès lors que le conseil des requérantes a vainement sollicité la communication d'un courrier du 11 octobre 2001 adressé à CAPCOL par la SOGEMA, pièce indispensable pour assurer leur défense ;

- du principe d'impartialité, la procédure ayant été conduite à charge par le rapporteur à compter de la séance du Conseil du 31 mai 2006 ;

Mais considérant, tout d'abord, que la mention non équivoque figurant à la fin de la décision attaquée, ainsi libellée : "Délibéré sur le rapport oral de Mme Seulin, par M. Lasserre, Président, Mmes Aubert et Perrot, vice-présidentes.", ne peut s'analyser que comme une référence au rapport oral effectué lors de la séance du Conseil, expressément rappelée au début de la décision, laquelle énonce : "La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du gouvernement, les représentants de la SOGEMA, du port autonome du Havre, de la CIPHA et de la SHGT entendus lors de la séance du 4 juillet 2007" ;

Que, dès lors, cette mention ne peut, à l'évidence, signifier que la rapporteure a assisté ou même participé au délibéré ;

Considérant, ensuite, que le rapporteur, maître de la conduite des investigations, n'était pas tenu d'exiger, sur la demande d'une partie, la communication du courrier du 11 octobre 2001 adressé à CAPCOL par la SOGEMA, dans lequel cette entreprise se bornait à retracer les difficultés rencontrées dans le cadre de ses relations avec la CIPHA et la SHGT en raison des conditions qui lui étaient imposées pour assurer la manutention des livraisons de charbon de CAPCOL sur le MTV et à faire état de l'engagement de la procédure devant le Conseil ;

Qu'au demeurant, les requérantes ne démontrent pas l'incidence qu'aurait pu avoir sur l'exercice des droits de la défense le défaut de production de ce courrier ;

Considérant, enfin, que sous couvert d'un grief non fondé de partialité fait au rapporteur, les requérantes discutent, en réalité, la pertinence du raisonnement suivi par le Conseil pour décider que les pratiques dénoncées étaient caractérisées et leur étaient imputables, ce qui constitue précisément le fond du débat ;

Que le moyen sera écarté ;

Sur le fond

En ce qui concerne la délimitation des marchés :

Considérant que la société CIPHA et la société SHGT poursuivent encore l'annulation de la décision déférée en ce qu'elle a constaté l'existence de trois marchés distincts des infrastructures portuaires, du stockage du charbon et de la manutention, alors qu'au cas d'espèce, le marché pertinent est celui de la fourniture des prestations portuaires globales ;

Qu'en effet, la délimitation de ce marché correspond, selon elles :

- à la demande effective des chargeurs qui font appel à un seule entreprise, telle la CIPHA, qui a des obligations et des responsabilités correspondant à celles d'un opérateur de terminal, et qui est susceptible de leur fournir, à des tarifs compétitifs, des prestations portuaires globales correspondant à l'ensemble des opérations liées au transit des marchandises ;

- aux prestations proposées concrètement par les différents opérateurs intervenant sur le marché du charbon de la basse vallée de la Seine, soit :

¤ la CIPHA, qui propose sur le MTV la fourniture de prestations globales, allant du déchargement du navire jusqu'au rechargement du charbon après stockage,

¤ la SOGEMA à Rouen (Grand couronne) qui, propriétaire de l'ensemble des installations, y offre la fourniture de prestations globales ;

¤ la SOGEMA également sur le MC 6, site sur lequel elle a signé avec CAPCOL une convention en vertu de laquelle elle était chargée de la gestion de toutes les opérations sur ce terminal (manutention et gestion des parcs de stockage, chargement des trains et des barges acheminant le charbon pour la société CAPCOL) ;

- aux circonstances de l'espèce, puisque la SOGEMA ne demandait pas à intervenir uniquement en qualité de manutentionnaire, alors que, si tel avait été le cas, elle se serait adressée au PAH pour négocier le tarif de la taxe d'outillage public et que, ne l'ayant pas fait, elle a préféré s'appuyer sur CAPCOL, qui s'est adressée à la CIPHA pour les opérations de stockage et de fourniture d'installations portuaires ;

- à la réalité économique, le stockage ne pouvant être séparé de la manutention ;

Que, pour sa part, le PAH conteste la délimitation géographique du marché pertinent limité selon le Conseil "aux ports maritimes susceptibles d'accueillir des navires chargés de charbon dans la basse vallée de la Seine, c'est-à-dire, sans préjudice de la question de savoir si, en réalité, compte tenu de leurs conditions d'accueil différentes des navires. Le Havre et Rouen ne constituent pas chacun un marché pertinent" ; que le requérant fait valoir que le marché pertinent ne peut être défini de cette manière, en examinant seulement la destination du charbon déchargé au Havre, que ce soit au terminal MC 6 ou au MTV ; qu'il convient, en effet, de procéder à une analyse de la demande au niveau du port autonome du Havre, et plus particulièrement de celle du consommateur prépondérant, EDF, en ces termes : "Lorsque EDF a un besoin d'électricité non satisfait par ses centrales nucléaires et hydrauliques, elle examine les conditions économiques les plus avantageuses sur l'ensemble de son parc et c'est uniquement à l'issue de cet examen qu'il est décidé de faire appel à l'une ou l'autre de ces centrales (voire d'acheter de l'électricité chez nos voisins.) Or, dans le cadre de cet examen, EDF prend nécessairement en compte l'ensemble des éléments : source d'approvisionnement, comparaison de prix du charbon, du fuel ou du gaz, rentabilité intrinsèque des centrales, localisation de la demande, coût de l'approvisionnement (comparaison gazoduc/frais portuaires,...), disponibilité des quais... Les ports ne sont donc qu'un des éléments de cette "chaîne" et c'est la raison pour laquelle le PAH est en concurrence non seulement avec Rouen, mais également avec Dunkerque, par exemple " ;

Mais considérant que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil retient :

- d'une part, s'agissant de la délimitation des marchés en termes de produits, que peuvent être distingués, en premier lieu, les marchés des différentes infrastructures portuaires, sur lesquels interviennent le PAH et la CIPHA, en deuxième lieu, le marché du stockage, sur lequel interviennent la CIPHA et la SOGEMA et, en dernier lieu, le marché de la manutention, sur lequel interviennent la CIPHA, la SHGT, Havre Manutention et la SOGEMA;

- d'autre part, s'agissant de la dimension géographique de ces différents marchés liés entre eux, qu'il suffit de retenir un marché géographique limité aux ports maritimes susceptibles d'accueillir des navires chargés de charbon dans la basse vallée de la Seine, c'est-à-dire Le Havre et Rouen;

Considérant, en premier lieu, sur la délimitation des marchés en termes de produits, que la CIPHA n'est pas fondée à critiquer la distinction entre les marchés qui a été opérée par le Conseil au motif qu'elle offrirait, à la demande des chargeurs, comme la SOGEMA sur d'autres sites de la basse vallée de la Seine, des prestations globales dans des conditions telles qu'elles lui conféreraient les responsabilités et les obligations d'un opérateur de terminal ;

Considérant, en effet, qu'en ce qui concerne la qualité en laquelle la CIPHA et la SOGEMA interviennent sur les différents terminaux du Havre et de Rouen, la cour relève :

- que, sur le MTV, la CIPHA est liée au PAH par un contrat de concession portant sur l'exploitation d'un outillage de stockage et de rechargement de pondéreux et en vertu duquel elle est habilitée à proposer une prestation de stockage et non par une convention d'opérateur de terminal au sens de l'article R. 115-14 du Code des ports maritimes, et qu'il est constant, au surplus, qu'à l'époque des faits, d'autres entreprises offraient leurs services sur le terminal MTV, telles la société SHGT, la société SMEG et la société CHAMAR ;que la CIPHA ne serait fondée à se présenter en application de ces dispositions comme "opérateur de terminal" ou comme ayant les obligations et les responsabilités d'un tel opérateur, que dans la mesure où, d'une part, elle serait la seule à intervenir sur le terminal concerné, après avoir intégré l'ensemble des opérations et l'ensemble des personnels nécessaires à leur mise en œuvre sur ce terminal, ce qui, au vu du dossier, n'est pas le cas pour la CIPHA sur le terminal considéré et où, d'autre part, elle aurait été tenue d'assurer le financement de l'ensemble des équipements du MTV, ce qui n'est pas non plus le cas, puisque la requérante n'a financé que les équipements permettant d'assurer les opérations, effectuées postérieurement au déchargement des marchandises sur ce terminal, de stockage et de reprise ;

- que, sur le MC 6, la SOGEMA démontre que la qualité d'opérateur intégré de terminal lui est imputée à tort par la CIPHA dans la mesure où elle se bornait à facturer à CAPCOL une prestation de "manutention hors-outillage" ; que, sur ce terminal, dédié exclusivement au trafic d'EDF et où il n'existe pas de capacité de stockage disponible pour un tiers, c'est en effet la société CAPCOL, filiale d'EDF, qui a signé avec le PAH, qui est resté propriétaire de l'ensemble des installations, une convention aux termes de laquelle un tarif négocié d'outillage s'applique aux tonnages déchargés sur ce terminal, tarif concernant par voie de conséquence tout manutentionnaire, tel, à l'époque des faits, la SOGEMA traitant les tonnages d'EDF ;

- que sur le terminal de Rouen-Grand Couronne, s'il est vrai, en revanche, que SOGEMA fournit bien un service global, elle n'intervient cependant pas en qualité d'opérateur de terminal, mais seulement en qualité de concessionnaire d'outillages publics astreint à des obligations de service public, dans le cadre, très particulier, d'opérateur "d'une surface d'arrière quai" dont EDF est locataire, cette entreprise disposant seule, par ailleurs, de la maîtrise de la manutention des marchandises accueillies sur ce site ;

Considérant qu'en ce qui concerne le caractère global des prestations en cause, au delà de la qualité ou du défaut de qualité d'opérateur de terminal, les allégations de la CIPHA sont contredites, non seulement par l'objet même de la concession d'outillage public dont elle bénéficie, qui se limite à l'exploitation d'un parc de stockage, sans lui conférer de droit sur l'activité de manutention, mais encore par le fait que plusieurs chargeurs, dont CAPCOL, ont, comme le révèle la saisine, manifesté le souhait de dissocier les opérations de manutention de celles de stockage, de sorte qu'il n'est pas démontré que les prestations considérées portant sur l'outillage public, la manutention et le stockage seraient, du point de vue des chargeurs, substituables ;

Considérant, en second lieu, sur la dimension géographique des marchés en cause, qu'après avoir rappelé qu'un marché géographique pertinent comprend le territoire sur lequel les offres de biens et de services en cause des entreprises concernées sont sujettes à des effets de substitution et sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes, le Conseil a pertinemment relevé (points 67 et 68 de la décision), qu'en l'espèce, s'agissant d'un marché de services portuaires, sa délimitation est liée aux " hinterlands" des ports, définis comme les zones d'influence économique, structurées et innervées par des axes de desserte terrestre des ports et, en principe, deux ports dont les "hinterlands" pour un produit débarqué à leurs quais ne se recoupent pas ou se recoupent marginalement ne font pas partie du même marché géographique ;

Que le Conseil a justifié la délimitation à laquelle il a procédé (points 69 et 70 de la décision), dès lors qu'il ressort du dossier :

- que les utilisateurs des services portuaires du port de Havre pour l'approvisionnement en charbon sont essentiellement situés en Normandie et en Ile-de-France : ces utilisateurs représentent la totalité des volumes pour le charbon exclusivement "EDF" passant par le MC 6 et plus de 80 % pour le charbon passant par le MTV ;

- qu'ils ne disposent pas d'une solution alternative pour faire acheminer ce combustible jusqu'à leurs installations, hormis celle du port de Rouen, qui ne peut toutefois accueillir tous les types de navire pouvant accéder au port du Havre, du moins pas à pleine charge;

- que, compte tenu du poids du charbon, qui requiert pour le transport intérieur en gros des moyens fluviaux ou ferroviaires pour lesquels la distance est un facteur déterminant de choix, les utilisateurs peuvent difficilement faire acheminer ce matériau depuis des ports maritimes plus lointains, contrairement aux marchandises plus facilement transportables ;

- que les utilisateurs situés dans d'autres régions que la Normandie et l'Ile-de-France, soit sont soumis aux mêmes contraintes, soit ne reçoivent que marginalement du charbon importé par la Seine ;

- qu'en tout cas, aucun élément du dossier ne permet de conclure que le port du Havre est en concurrence significative avec d'autres ports maritimes que Rouen, pour l'acheminement du charbon ;

- que, s'agissant enfin de la situation particulière d'EDF mise en exergue par le PAH au soutien de sa contestation de la délimitation du marché géographique, s'il est vrai que cette entreprise procède à l'approvisionnement en charbon de ses centrales thermiques à partir de différents ports, il convient toutefois de prendre en considération, non comme le préconise le requérant, la demande globale d'EDF pour l'ensemble de ses sites mais, compte-tenu des contraintes, non contestées, inhérentes au transport du charbon et de la nécessité de disposer de stocks de sécurité dans le port maritime le plus proche, la demande spécifique d'EDF pour chaque site ou du moins pour des sites situés dans la même zone ; qu'au demeurant, la cour observe que le PAH, qui se borne à faire état d'informations données par cette entreprise sur son site internet, ne démontre pas qu'elle aurait eu recours à des parcs de stockage situés hors de la basse vallée de la Seine pour alimenter en charbon les centrales thermiques établies dans ce secteur géographique ;

En ce qui concerne la situation de la CIPHA sur le marché du stockage du charbon sur la basse vallée de la seine :

Considérant que la CIPHA critique également la décision déférée en ce qu'elle a constaté qu'elle était en position dominante sur ce marché en raison de ses capacités de stockage, alors que:

- dans la communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence citée par le Conseil, la Commission européenne accorde une place prépondérante au critère des parts de marché pour déterminer la situation d'une entreprise sur le marché pertinent ;

- le Conseil s'est abstenu de mettre en œuvre une série d'autres critères, auxquels il a lui-même habituellement recours pour établir le pouvoir de marché d'une entreprise et qui seraient pertinents au cas d'espèce, tels que l'appartenance ou non à un groupe puissant, l'accès préférentiel ou non à certaines matières premières ou sources de financement ou encore l'existence et la nature de barrières à l'entrée sur le marché considéré ;

- qu'en outre, les capacités de stockage ne peuvent constituer le principal critère du pouvoir de marché, dans la mesure où le stockage du charbon ne constitue pas une activité distincte de la manutention et de la fourniture des installations portuaires, comme en font foi, en particulier, l'absence de contrat de stockage et la mention de tarifs de stockage dans les contrats de fourniture de prestations portuaires globales, étant de surcroît précisé que les chargeurs ne choisissent pas le lieu de déchargement seulement en fonction des capacités de stockage mais également en considération de critères techniques, comme l'accessibilité des navires ou les modalités de déchargement, ou encore de critères économiques comme le coût de la tonne de charbon transportée du navire à sa destination finale ;

- que le Conseil aurait dû également faire intervenir d'autres critères tels que les parts de marché qui, s'agissant d'un marché de stockage, peuvent être appréciés au regard des tonnages réalisés, de la taille économique des différents opérateurs et de la structure de la demande, et encore des avantages spécifiques dont bénéficient les opérateurs, de l'accessibilité des navires ainsi que des cadences ou des capacités de stockage elles-mêmes ;

- que l'analyse menée à partir de l'ensemble de ces critères aurait précisément dû conduire le Conseil à conclure que la CIPHA ne disposait pas d'une position dominante sur le marché pertinent :

¤ au regard des parts de marché en volume traité sur le marché "fournisseurs de prestations globales", et, même s'il devait être retenu, sur le marché des "parcs de stockage charbon" ;

¤ au regard de la taille économique des différents opérateurs et de la structure de la demande ;

qu'ainsi, s'il est vrai que la CIPHA dispose d'un actionnaire puissant constitué par Total, celui-ci ne joue toutefois qu'un rôle mineur sur le marché des chargeurs de charbon sur la basse vallée de la Seine où ses parts de marché ( déchargements) s'élèvent, en moyenne, entre 1999 et 2001, à 9 %, alors que, sur la même période, les parts de marché d' EDF, auquel appartient la société CAPCOL, se sont élevées, en moyenne, à 77 % ;

¤ au regard des avantages spécifiques des différents opérateurs, étant précisé, à ce sujet :

* qu'en sa qualité de concessionnaire d'outillage public, la CIPHA doit procéder à l'amortissement des investissements réalisés en exécution de ce contrat et que, chargée de la gestion d'un service public, elle est, comme telle, assujettie à des obligations qui ne pèsent pas sur ses concurrentes ;

* que la SOGEMA, qui appartient à un groupe qui a reçu de substantielles aides publiques, a bénéficié d'importants avantages constitués par un contrat d'exclusivité avec CAPCOL au MC 6, par la prise en charge intégrale par cette entreprise de la masse salariale de ses ouvriers et, enfin, par des tarifs d'outillages publics négociés par CAPCOL au MC 6 et ce, sans avoir réalisé d'investissements ;

¤ au regard de l'accessibilité des navires et des cadences de déchargement, le terminal MTV étant, comme le Conseil le relève lui-même, handicapé par son emplacement qui génère un temps d'accès plus long au quai, source d'un surcoût de remorquage de 50 %, la CIPHA disposant, pour sa part, sur le MTV d'une cadence de déchargement des navires inférieure à celle de la SOGEMA sur le MC 6 ;

¤ au regard des capacités de stockage du charbon, les requérantes critiquant à ce propos la méthode de calcul et les chiffres retenus par le Conseil :

*en ce qui concerne la détermination de ses capacités de stockage, la CIPHA soutient que l'évaluation du Conseil fixée à 1850 000 tonnes est purement théorique, ses "capacités opérationnelles de stockage" ne dépassant pas, compte tenu des autorisations administratives en vigueur, 850 000 tonnes ; que, par ailleurs, le chiffre de 1 million de tonnes qui lui est opposé par le Conseil au titre de ses propres annonces commerciales, correspond seulement à des capacités théoriques supplémentaires de stockage qu'elle ne sera susceptible de proposer à ses clients qu'à long terme, après obtention d'une série d'autorisations administratives ;

* en ce qui concerne le calcul des capacités de stockage sur la basse vallée de la Seine, la requérante prétend que la pratique poursuivie consistant en un abus de position dominante, le Conseil n'était pas fondé à se référer aux lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales pour exclure les parcs de stockage EDF de Grand couronne ainsi que le parc de stockage du MC 6,dédié au trafic EDF, au motif que le stockage du charbon serait une "production interne" ; qu'en tout état de cause, la Commission européenne a pris soin de rappeler que les critères exposés dans ses lignes directrices devaient être appliqués en tenant compte des circonstances propres à chaque cas; que, dans ce dossier, les capacités de stockage d'EDF ne peuvent être exclues en raison du rôle déterminant joué par cette entreprise dans l'importation du charbon et en raison d'une série d'éléments techniques tels que, notamment, le lien étroit de dépendance entre les terminaux CIPHA et SOGEMA de Grand Couronne et le niveau d'activité d'EDF, le degré d'intégration du parc de stockage CAPCOL de Grand Couronne et des installations de stockage et de manutention de la SOGEMA, ses capacités de stockage et le statut de terminal public du terminal MC 6 d'EDF ; qu'en conséquence, compte tenu des capacités de stockage de SOGEMA au MC 6 (21 %), de SOGEMA à Grand couronne (19 %), et de SOGEMA EDF/Grand couronne (22 %), et à supposer que le marché stockage du charbon en basse-Seine puisse être retenu comme un marché pertinent, la CIPHA, avec 38 %, ne pourrait être considérée comme se trouvant en position dominante sur ce marché ; Mais considérant que c'est au terme d'une analyse pertinente que le Conseil a constaté que la CIPHA disposait d'une position dominante sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine, sans avoir pour autant à se référer à l'ensemble des critères et des éléments énumérés par la requérante ;

Considérant, en premier lieu, sur la pertinence du choix de la capacité de stockage des opérateurs comme critère prépondérant du pouvoir de marché, qu'il est constant que si les ventes constituent généralement le critère de référence permettant de caractériser la position d'une entreprise sur un marché déterminé, il n'en demeure pas moins que ce critère peut être relayé par d'autres critères s'avérant plus pertinents au regard des produits ou de l'industrie concernés;

Que le Conseil s'est utilement référé pour cela à la communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JOCE 1997, C 372, p. 5), qui énonce : "Si les ventes sont généralement la référence pour calculer des parts de marché, il y a néanmoins d'autres références, selon les produits ou l'industrie spécifiques en question, qui peuvent offrir l'information utile, telles que, notamment, la capacité, le nombre d'opérateurs dans l'offre des marchés, les unités de flottes dans le cas de l'aérospatiale ou des réserves tenues dans le cas des secteurs tels que l'exploitation minière";

Qu'en l'espèce, le Conseil a justifié son choix des capacités de stockage pour déterminer la position des opérateurs sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine, en relevant avec pertinence, non seulement que l'activité de stockage est sujette à de fortes variations dans des délais relativement rapprochés, selon les contrats de stockage conclus, mais encore que l'attractivité des opérateurs sur le marché est largement liée à leur capacité d'offre; Que la CIPHA n'est pas fondée à critiquer la pertinence de la méthode du Conseil en se prévalant de l'existence d'un marché de la fourniture des prestations portuaires globales incluant les activités de stockage, de manutention et de fourniture des infrastructures portuaires, dès lors que, sur ce point, le Conseil (point 66 de la décision), approuvé par la cour, a constaté, en termes de produits, l'existence de trois marchés distincts des infrastructures portuaires, du stockage et de la manutention ;

Qu'au surplus, la capacité de stockage de la CIPHA, évaluée à un seuil minimal de 1 850 000 tonnes, constitue une donnée dont cette entreprise fait elle-même état pour attirer la demande sur le marché où elle opère et que, dans ces conditions, le Conseil est en droit d'apprécier son pouvoir de marché au regard de cette donnée, présentée par elle-même comme un atout concurrentiel ;

Que la CIPHA a ainsi affirmé elle-même, sans réserves, que ses capacités de stockage la rendait plus attractive que ses concurrents :

- en indiquant qu'elle disposait de la plus importante capacité de stockage de la basse Seine au cours d'une réunion avec EDF Trading, le 26 avril 2000 ;

- en déclarant dans un courrier du 1er décembre 2003 adressé aux services d'enquête : "La capacité de stockage constitue [...] un atout déterminant de la CIPHA dans son évaluation concurrentielle vis-à-vis de Rouen et du MC 6. Le MC 6 ne dispose que d'une capacité de 250 000 tonnes sur le parc PAH Est, de plus le charbon est stocké sur une hauteur importante et les possibilités d'intervention restent limitées en cas d'auto échauffement des stocks. Rouen SOGEMA offre une large capacité de stockage de plus d' un million de tonnes dédiées presque exclusivement au trafic de CAPCOL Pour la CIPHA, la capacité se décompose en : -1er zone : 850 000 tonnes ; - 2e zone : 1 million de tonnes. Cet atout a été partiellement valorisé lors d'opérations de compactage de charbon pour le compte de CAPCOL, dans le cadre de stockage de longue durée (stocks stratégiques) ";

- en mentionnant dans la plaquette de présentation de ses activités une capacité de stockage de 850 000 tonnes en première zone et jusqu'à 2 millions de tonnes en seconde zone ; Que de telles capacités sont d'ailleurs confirmées dans la brochure intitulée "le Havre, pôle d'importation du charbon vapeur", éditée par le port autonome du Havre et dont la CIPHA s'abstient de critiquer la teneur, qui souligne que cette entreprise dispose d'un stockage de 2 millions de tonnes et également dans une brochure intitulée " Le port du Havre" qui, pas plus que la précédente, n'est critiquée par la requérante, qui précise que la CIPHA dispose d'un parc de stockage de 2 millions de tonnes équipé des moyens techniques pour le criblage, le broyage, le mélange, le stockage de longue durée et la réexpédition sur trains complets ;

Considérant, en deuxième lieu, sur les modalités du calcul de la capacité de stockage de charbon sur la basse vallée de la Seine, que c'est ajuste titre que le Conseil a procédé à ce calcul en excluant les surfaces de stockage d'EDF ;

Qu'en effet, et sans qu'il soit nécessaire de se référer par surcroît aux lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales concernant la notion de service intermédiaire (point 90 de la décision), il suffit de constater que les parcs de stockage d'EDF à Rouen et au Havre sont exclusivement affectés au charbon de cette entreprise (point 91 de la décision) ;

Que, dans ces conditions, ses capacités de stockage, qui ne sont pas disponibles pour d'autres utilisateurs, ne peuvent être considérées comme participant à l'offre sur le marché de la mise à disposition des capacités de stockage et qu'ainsi, elles ne doivent pas être prises en compte pour apprécier la position des opérateurs qui font l'offre, à la différence des capacités offertes par leur détenteur en provenance d'aires de stockage ouvertes à des tiers ;

Que c'est dans ces conditions que la décision déférée conclut à bon droit :

- que, sur la basse vallée de la Seine, seules sont disponibles pour les utilisateurs, d'une part, les capacités de stockage de la CIPHA et, d'autre part, celles de la SOGEMA à Rouen et que sur les 2 270 000 tonnes de capacités disponibles, la CIPHA en détient 81,5 % et la SOGEMA, 18,5 %, ce qui suffit à établir la dominance de la requérante ;

- qu'au demeurant, à supposer que la capacité de stockage de la CIPHA se limite à 850 000 tonnes par suite de l'exclusion des 1 000 000 tonnes supplémentaires qu'elle s'attribue dans sa communication commerciale, cette entreprise disposerait encore de 67 % des capacités de stockage ; qu'enfin, même en allant jusqu'à tenir compte des capacités de stockage, internes au groupe EDF, de CAPCOL, la CIPHA détiendrait 57 % de ces capacités, la SOGEMA en détiendrait 13 % et EDF - CAPCOL en détiendrait 30 % ;

Considérant, en dernier lieu, que le Conseil ne s'est pas exclusivement référé aux capacités de stockage et qu'il a également pris en compte d'autres critères que le critère prépondérant des capacités de stockage, ce qui lui a permis de relever :

- s'agissant de l'activité constatée de stockage (point 96 de la décision), qu'en 1999 et en 2001, le parc de stockage de la CIPHA a reçu presque le double des tonnages stockés sur le parc de la SOGEMA, à Rouen ; que les chiffres de l'année 2000, pendant laquelle le parc de la CIPHA du Havre n'a accueilli que 426 151 tonnes de charbon, contre 932 406 tonnes pour le parc SOGEMA à Rouen, constituent une exception qui trouve son explication dans le litige tarifaire, décrit dans la saisine, qui est survenu entre la CIPHA et la société CAPCOL;

- que la CIPHA détient les seules capacités disponibles permettant d'accueillir les grands navires non allégés, le port de Rouen ne pouvant la concurrencer sur ce point, faute de profondeur suffisante ;

- que cette entreprise est le partenaire historique et jusque là privilégié du PAH, lequel est en situation de position dominante sur le marché des infrastructures portuaires destinées au charbon;

En ce qui concerne l'abus de position dominante reproché au port autonome du Havre:

Considérant qu'il est constant qu'il existe une double tarification pour l'utilisation des outillages publics gérés par le PAH, puisqu'à côté des tarifs publics pour l'utilisation de cet outillage au terminal MTV, ont été institués des tarifs spécifiques, d'un montant moins élevé, pour favoriser l'activité du concessionnaire dans le cadre du contrat de concession consenti à la CIPHA ;

Qu'il convient de rappeler que les pratiques de discrimination tarifaire reprochées à cet établissement public consistent :

- à avoir refusé d'appliquer à la SOGEMA les tarifs négociés avec la CIPHA, concessionnaire du parc de stockage du MTV, pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port, lorsqu'elle a voulu décharger du charbon sur le MTV, et de lui avoir appliqué les tarifs publics, deux fois plus élevés ;

- à avoir appliqué ces mêmes tarifs négociés à la CIPHA lorsque cette entreprise est intervenue comme simple manutentionnaire pour des opérations de transbordement direct sans utilisation du parc de stockage, alors que les tarifs publics ont été appliqués à la SOGEMA pour ces opérations ;

Considérant que le PAH, qui ne conteste pas être en position dominante sur le marché des infrastructures portuaires destinées au charbon et qui ne conteste pas non plus l'existence d'une différenciation tarifaire, soutient que l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention du charbon du Havre n'a nullement été entravé ; qu'il prétend justifier la différence de tarif en soutenant que, chargé du fonctionnement et du développement de l'équipement portuaire, il n'était en droit de faire bénéficier une entreprise de tarifs dérogatoires qu'en cas de dépôt d'un projet industriel, entraînant, par exemple, des trafics supplémentaires, condition qui n'était pas réunie en l'espèce, puisque la SOGEMA ne lui a jamais soumis un dossier en ce sens ; qu'au surplus, il était loisible à cette entreprise d'effectuer les opérations de manutention sur le MC 6 en se rapprochant au besoin de CAPCOL pour en vérifier la faisabilité ;

Mais considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil a décidé qu'en appliquant de manière discriminatoire des tarifs de manutention qui ont eu pour effet de désavantager la SOGEMA dans la concurrence sur le marché de la manutention, voire de l'évincer, le PAH a commis un abus de position dominante prohibé par l'article L. 420-2 du Code de commerce, qui dispose que l'exploitation abusive d'une position dominante peut consister notamment en conditions de vente discriminatoires ;

Considérant, en effet :

- que l'article 3 du contrat de concession autorise le concessionnaire à engager son capital dans d'autres activités à condition d'être en étroite relation avec la concession, telle la manutention;

- que l'article 16 du cahier des charges relatif aux obligations du concessionnaire impose à celui-ci de mettre les appareils à la disposition du public ;

Que le Conseil a exactement analysé la portée de ces clauses, en relevant que l'objet de la concession ne concerne que le parc de stockage et son outillage et non la manutention, activité facultative pour le concessionnaire, qui ne dispose d'aucun monopole au titre de cette activité, qui peut être exercée par la CIPHA mais aussi par toute autre entreprise ;

Qu'à cet égard, le titre IV du cahier des charges porte, d'une part, sur les tarifs de location du parc de stockage et de son outillage (article 26) et, d'autre part, sur la tarification des éventuelles prestations complémentaires de la CIPHA comme la manutention (article 31) ;

Que, par ailleurs, l'annexe spéciale au contrat de concession consacrée aux conditions d'usage des outillages gérés par le PAH prévoit que "l'association d'intérêt (...) établie entre le PAH et la CIPHA doit comprendre l'application en faveur du concessionnaire d'un tarif spécial relatif à l'usage de l'outillage public géré par le PAH (...) le port autonome s'engage à appliquer les conditions tarifaires définies ci-après [taxe d'outillage de déchargement- taxe d'outillage de chargement] à toute tonne de charbon chargée ou déchargée à l'appontement, destinée aux installations de la CIPHA " ;

Qu'il résulte de ces clauses du contrat de concession, et spécialement du fait que la CIPHA n'a aucun monopole pour la manutention, que la tarification spéciale doit s'appliquer atout manutentionnaire chargeant ou déchargeant du charbon à l'appontement du MTV, dès lors que ce charbon est destiné aux installations de la CIPHA et pas seulement à cette dernière ou à ses sous-traitants lorsqu'elle se charge de l'activité de manutention ;

Que cette tarification spéciale est destinée à rendre le parc de stockage de la CIPHA plus attractif, quel que soit le manutentionnaire choisi, et non à favoriser des opérateurs particuliers ;

Que, dans ces conditions, la tarification différente appliquée par le PAH pour l'utilisation de son outillage public de chargement ou de déchargement des bateaux pour du charbon stocké ou transitant par le MTV, selon que la manutention est confiée soit à la CIPHA ou à ses sous-traitants, soit à une autre entreprise, en l'occurrence la SOGEMA, constitue une discrimination non justifiée par une incitation économique ;

Que, de même, la différence de tarification appliquée à la CIPHA et à ses sous-traitants d'une part, aux autres manutentionnaires d'autre part pour les opérations qui n'appellent pas l'utilisation du parc de stockage, comme les opérations de transbordement direct, n'a pas non plus de justification et relève d'un comportement discriminatoire ;

Que, contrairement à ce que soutient le PAH, la faculté dont aurait disposé la SOGEMA de transférer ses activités sur le MC 6 est, à l'évidence, sans emport sur l'existence des pratiques tarifaires illicites auxquelles il s'est livré sur le terminal MTV, tout comme les conditions dans lesquelles la SOGEMA été conduite à lui présenter un projet d'extension de ses activités sur le terminal MTV ;

Qu'ainsi, en appliquant à la SOGEMA, en février 2001, des tarifs publics au lieu des tarifs spéciaux pour le déchargement du charbon du navire Toscanini, alors que ce charbon était destiné à être stocké sur le parc de la CIPHA, le PAH a été à l'origine d'un désavantage de 237 230 euro par rapport à la CIPHA si celle-ci avait assuré les opérations de manutention en cause ;

Que, de même, ces pratiques discriminatoires ont conduit la SOGEMA à voir lui échapper les prestations qu'auraient pu lui confier la CPU et la société Terval dans le courant de l'été 2000 et CAPCOL en octobre 2000 pour le déchargement du navire MV/Manna;

En ce qui concerne l'abus de position dominante reproché à la CIPHA :

Considérant qu'au soutien de son recours, la CIPHA prétend, en premier lieu :

- que les conditions de l'existence de l'offre couplée qui lui est reprochée ne sont pas réunies, dès lors:

¤ que le parc de stockage de la CIPHA sur le MTV a été considéré à tort par le Conseil comme un "produit liant", alors que ce parc n'est pas indispensable pour les importateurs de charbon ; qu'en effet, contrairement à ce qu'a estimé le Conseil, lorsque les capacités du parc de stockage du MC 6 sont atteintes, EDF dirige alors son charbon vers le port de Rouen et qu'en ce cas, il suffit de "doubler la rotation" de la SOGEMA au MC 6 et à Grand couronne pour traiter l'ensemble du tonnage mis au stock; que c'est d'ailleurs ce qui s'est produit durant l'année 2000, puisque CAPCOL, premier chargeur sur la basse vallée de la Seine a considérablement réduit ses trafics sur le MTV (CIPHA) à cette époque et ce, sans incidence sur son activité ;

¤ que la CIPHA, qui intervient sur le marché de la manutention en qualité de fournisseur d'une prestation globale comprenant le stockage, ne propose jamais des prestations séparées de manutention, qualifiées par le Conseil de "produit lié";

- que de surcroît, elle est contrainte d'assurer la fourniture de prestations portuaires globales et d'opérer elle-même le choix du manutentionnaire dans le cadre d'une offre couplée :

¤ du fait de l'interdépendance technique entre les outillages publics du PAH et ceux qui lui sont concédés, qui lui impose une stricte coordination des opérations portuaires en cause, alors que sa responsabilité est susceptible d'être engagée, non seulement du fait des opérations réalisées par ses sous-traitants, mais encore en sa qualité d'utilisatrice des outillages publics du PAH et d'exploitante au sens de la législation sur les installations classées ;

¤ en raison des obligations que lui impose sa qualité de concessionnaire d'outillage public portuaire au niveau des investissements qu'elle doit réaliser et en ce qui concerne l'exploitation du service public (contraintes horaires, obligation d'accepter tous les chargements, tarifs publics approuvés par le port) ;

Considérant que la CIPHA soutient, en second lieu :

- que les pratiques d'offre couplée qui lui sont reprochées sont dépourvues d'objet anticoncurrentiel, dès lors que la fourniture d'une prestation globale demandée par les chargeurs correspond à une réalité économique, que la demande ponctuelle et non renouvelée de prestations séparées de CAPCOL à laquelle le Conseil se réfère n'a été faite pour les besoins de la cause, s'agissant d'un client de la SOGEMA, et que les demandes des sociétés CPCU et TERVAL portent, en réalité, sur une opération de "transbordement direct sur barges", c'est-à-dire des prestations sans stockage de charbon ;

- que l'offre couplée n'a pas non plus pu avoir d'effet anticoncurrentiel dès lors:

¤ que la présence de la SOGEMA ayant été imposée par CAPCOL, avec qui elle bénéficiait d'une exclusivité et qui de surcroît était un client important de la CIPHA, cette offre n' a pu faire obstacle au développement de l'activité de manutention de la SOGEMA sur le MTV ;

¤ que la SOGEMA, qui n'a pas fourni au PAH les renseignements nécessaires à l'instruction de sa demande d'installation sur le MTV n'a, en réalité, jamais eu l'intention de s'installer sur ce terminal pour concurrencer directement la CIPHA, sa candidature étant de surcroît dépourvue de viabilité économique puisque portant sur un projet parc de stockage de petite dimension qui aurait généré peu de recettes ;

¤ que l'activité de manutention de la SOGEMA sur le MC 6 n'a pas pu être affectée puisqu'au terme d'une procédure de mise en concurrence, l'accord la liant à CAPCOL n'a finalement pas été renouvelé ;

¤ que les chargeurs souhaitent s'adresser à un seul interlocuteur leur proposant un service global et ne formulent pas une demande de fourniture de services séparés ;

Mais considérant que, lorsqu'un opérateur économique, en position dominante sur le marché d'un produit dit "liant", lie de façon obligatoire, la vente de ce produit, considéré comme indispensable, à la vente d'un autre produit, dit produit "lié", cette pratique de couplage est, sauf circonstances particulières, constitutives d'un abus de cette position dominante ;

Considérant qu'au cas d'espèce, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil a décidé qu'en pratiquant une offre couplée, la CIPHA a abusé de sa position dominante sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine, afin d'exclure des concurrents sur le marché connexe de la manutention au terminal MTV ;

Que la CIPHA, en situation de position dominante sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine, stockage qui constitue le "produit liant", et intervenant directement en qualité de manutentionnaire sur le marché connexe de la manutention lie, en effet, au moyen d'un rabais, la location des installations de stockage à la vente des prestations de manutention, constituant le "produit lié", en concurrence sur le marché connexe ;

Que le Conseil ajustement relevé :

- que, dans le courrier du 18 janvier 2000 adressé à CAPCOL, la CIPHA indique que sa proposition consiste en une prestation incluant tant l'utilisation de l'outillage de manutention que le stockage, le relevage et le compactage et que retirer l'un des composants essentiels bouleverserait l'économie de la proposition ;

- qu'au cours des négociations commerciales qui ont été engagées avec la société CAPCOL, la CIPHA a proposé un tarif de 22 F/t pour le déchargement des navires et mise au stock, tarif que l'on retrouve dans les projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000 ;

- qu'il ressort toutefois du barème des tarifs publics d'usage des installations concédées à la CIPHA que le tarif de location des outillages pour le déchargement d'un navire, transfert et mise au parc CIPHA est de 34,56 F/t, hors prestation de manutention, ce qui confirme que, comme le constate le Conseil, lorsqu'elle se charge des prestations de manutention pour décharger et mettre en place sur le parc de stockage le charbon importé par CAPCOL, la CIPHA consent un rabais très important par rapport aux tarifs officiels et au coût total supporté par le chargeur lorsque cette prestation n'est pas incluse ;

- que, dans ces conditions, l'utilisation des outillages publics gérés par le port au tarif public, auquel s'ajoute la location des outillages concédés et le stockage au tarif public, ainsi que les coûts de manutention revêt un caractère dissuasif pour les importateurs de charbon par rapport à la prestation (offre couplée), nettement plus avantageuse, proposée par la CIPHA ;

- que c'est le rabais consenti par la CIPHA qui constitue le lien entre le produit liant, constitué par le stockage, et le produit lié, constitué par la manutention ;

- que les entreprises de manutention concurrentes ne disposent pas de solution alternative pour pouvoir concurrencer en prix les offres de la CIPHA, puisque ce sont les tarifs publics pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port et la location de l'outillage concédé qui leur sont appliqués ;

- qu'il ressort du dossier que, dans environ 80 % des cas, le charbon déchargé sur le terminal MTV est destiné à être stocké sur les parcs de la CIPHA, ce qui, en l'absence d'autres emplacements de stockage, rend les chargeurs captifs, les autres parcs de stockage du port du Havre étant exclusivement dédiés au charbon EDF et CAPCOL s'étant engagée à ne décharger et à ne stocker du charbon sur le MTV que lorsque les capacités du MC 6 sont atteintes ; qu'ainsi, dans l'un ou l'autre cas, l'importateur de charbon ne peut se passer des installations de stockage de la CIPHA lorsque les navires qu'il affrète ne peuvent accoster à Rouen ; que la cour observe, pour sa part, que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir du fait, qu'en 2000, les tonnages d'EDF ont été stockés à Rouen - Grand Couronne et non sur le parc de la CIPHA dès lors que, comme l'a relevé avec pertinence le Conseil dans le cadre de son analyse de l'activité de stockage (point 96 de la décision), la situation observée en 2000 constitue précisément une exception résultant du litige survenu entre la CIPHA et la société CAPCOL et de la difficulté qui en est résultée de trouver un accord sur le stockage et le déchargement du charbon EDF sur le terminal MTV;

- que, contrairement à ce que soutient la CIPHA, l'offre couplée ne trouve pas de justification dans les obligations particulières qu'elle assume en qualité de concessionnaire, ces obligations devant être assumées quel que soit le manutentionnaire ;

- qu'une prétendue demande des chargeurs tendant à la réalisation des prestations portuaires par un opérateur unique ne permet pas non plus de justifier les pratiques anticoncurrentielles dénoncées dès lors que, comme l'illustrent les faits à l'origine de la saisine, CAPCOL a précisément souhaité dissocier les opérations de manutention des opérations de stockage, tandis que les sociétés Terval et CPU étaient prêtes à faire appel à la SOGEMA pour la manutention de leur charbon, mais que les prix résultant dés pratiques en cause les en ont dissuadées ;

Considérant que la CIPHA invoque, en tout état de cause, l'application des dispositions de l'article L. 420-4 du Code de commerce en soutenant que les pratiques qui lui sont reprochées ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, car trouvant une justification dans la défense de ses intérêts légitimes ainsi que dans une contribution au progrès économique ;

Que la requérante prétend ainsi qu'elle était en droit d'assurer la défense de ses intérêts légitimes en raison de la mise au point par la SOGEMA d'une stratégie consistant, en se "servant" de CAPCOL, à "maîtriser" sa seule concurrente sur le marché de la fourniture de prestations globales afin de bénéficier de tarifs compétitifs concernant l'outillage public sans avoir pour autant procédé à des investissements comparables aux siens, puis à la reléguer au rôle de sous-traitant avant de la placer dans une situation de dépendance économique puis, par une pression sur les prix, de l'éliminer progressivement ;

- tout comme la SHGT qui, ne pouvant survivre sans son activité de manutention de charbon, se trouvait dans une situation identique - se retrouvant ainsi finalement en situation de monopole ;

Que la CIPHA soutient également que son activité, préservée par ces pratiques de défense à l'égard de la volonté d'hégémonie de la SOGEMA, constitue un progrès économique dès lors que, investie d'une mission de service public et soumise à une série d'obligations de service public en vertu d'un contrat de concession dont l'équilibre financier est assuré par la manutention, en protégeant ses intérêts, elle protège aussi l'intérêt des utilisateurs, des chargeurs et, au delà, l'intérêt général ;

Mais considérant que c'est à juste titre que le Conseil a décidé que la pratique d'offre couplée dénoncée n'était justifiée ni par la défense d'intérêts légitimes ni par une contribution au progrès économique au sens de l'article L.420-4 I du Code de commerce qui dispose : " Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques : (...) 2° Dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause (...)" ;

Considérant, en premier lieu, que si la SOGEMA avait finalement pu bénéficier de tarifs spéciaux pour l'utilisation de l'outillage public portuaire de manutention et avait pu présenter une offre de manutention économiquement viable, aucun élément du dossier n'établit que cette entreprise aurait nécessairement fini par acquérir une situation de monopole sur le marché de la fourniture des prestations globales ou, le cas échéant, sur le marché de la manutention de la basse vallée de la Seine ; qu'ainsi la CIPHA n'était pas fondée à riposter en mettant en œuvre la remise couplée qui lui est reprochée ;

Qu'à cet égard, le Conseil relève avec pertinence, d'une part, que, sur le terminal MTV, la SOGEMA, restant contrainte de recourir au parc de stockage de la CIPHA aux tarifs imposés par celle-ci, n'était pas en mesure de proposer une prestation globale et, d'autre part, que sur le MC 6, si elle était à la fois manutentionnaire de CAPCOL et chargée de la gestion des parcs de stockage du charbon destiné à EDF, un terme a toutefois été mis a cette situation par suite du non renouvellement de la convention conclue avec CAPCOL, limitée à deux ans, le 31 décembre 2001 ;

Considérant, en second lieu, que la CIPHA n'est pas fondée à invoquer le bénéfice d'un progrès économique dans les conditions fixées par l'article L. 420-4 I 2° du Code de commerce proscrivant l'élimination de la concurrence, dès lors qu'il ressort du dossier (point 135 de la décision) que, compte tenu du caractère particulièrement avantageux de l'offre couplée de la CIPHA par rapport aux tarifs officiels de location des outillages publics, la société CAPCOL a finalement décidé de confier à la CIPHA la manutention du charbon transporté par le navire MV/Manna, et qu'ainsi cette dernière est parvenue à éliminer toute concurrence sur la manutention au terminal MTV au détriment des entreprises clientes ;

Et considérant que c'est à juste titre que le Conseil a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'examiner le second grief d'abus de position dominante reproché à la CIPHA, relatif aux clauses contenues dans les projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000, qui se confond, en réalité, avec celui de l'entente anticoncurrentielle conclue entre la CIPHA et la SHGT ;

En ce qui concerne l'entente reprochée à la CIPHA et à la SHGT :

Considérant que les requérantes prétendent que cette pratique n'est pas caractérisée, dès lors :

- qu'elle met en cause la CIPHA, alors que cette société ne dispose pourtant d'aucune autonomie vis-à-vis de la SHGT, société appartenant au même groupe qu'elle qui détenait 37 % de son capital et à qui elle avait confie par convention son secrétariat général ainsi que sa gestion administrative et financière, étant de surcroît observé que les deux entreprises avaient le même directeur commercial ;

- qu'au demeurant, aucun élément du dossier ne permet d'établir que la SHGT aurait participé à la réunion mentionnée par les projets d'accord commerciaux visés par le grief n° 6 et aurait donné son accord aux clauses critiquées qu'ils comportent, l'insertion de ces clauses ayant de surcroît été suggérée par CAPCOL, qui était la première à en bénéficier ;

- qu'au surplus, ces clauses ont été rédigées dans le cadre de négociations commerciales menées par cette entreprise pour son propre compte et pour celui de SOGEMA ; que la seule clause qui a été maintenue dans le second projet concernait une demande de SOGEMA tendant à obtenir une autorisation d'installation sur le MTV, demande dont il a déjà été dit que la portée devait être relativisée, de sorte que la clause en question ne pouvait avoir d'objet anticoncurrentiel ;

- que figurant dans des projets qui n'ont finalement pas été signés, ces clauses n'ont, de toute façon, pu d'avoir d'effet anticoncurrentiel ;

- qu'en tout état de cause, à supposer même que ces clauses révèlent une entente entre la CIPHA et la SHGT, le contexte dans lequel sont intervenues les négociations qui ont abouti à leur rédaction révèle :

¤ que les deux entreprises cherchaient seulement à assurer la défense d'intérêts légitimes en résistant à la pression de CAPCOL pour sauvegarder leur activité sur le MTV, seul terminal sur lequel la SOGEMA n'était pas en situation de monopole sur les marchés de la manutention et de la fourniture de prestations portuaires globales ;

¤ que les pratiques dénoncées ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans la mesure où elles ont permis d'assurer un progrès économique au sens de l'article L. 420-4 alinéa 2 du Code de commerce ; Mais considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil a décidé que la CIPHA et SHGT avaient participé à une entente anticoncurrentielle prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Considérant, tout d'abord, que c'est à tort que les requérantes se prévalent de l'impossibilité d'un concours de volontés anticoncurrentielles du fait d'un défaut d'autonomie de la CIPHA vis-à-vis de la SHGT, dès lors, d'une part, que le capital de la CIPHA étant détenu à hauteur de 38,75 % par la société Total Coal, de 9 % par SEA Invest, de CEF Energie à hauteur de 8,5 % de CPE pour 4 %, le montant de participation de la société SHGT, limitée à 38,75 %, ne permet pas de conclure au défaut d'autonomie qui est allégué et que, d'autre part, la convention du 3 juin 1985 liant ces deux sociétés pour l'exploitation du parc de stockage du terminal MTV ne prive la société CIPHA ni de la fonction de direction générale, ni des fonctions techniques d'exploitation et d'entretien ni de la maîtrise d'ouvrage ;

Considérant, ensuite, sur la caractérisation de l'entente, que l'article 8 de la première version du projet d'accord du 24 octobre 2000 est ainsi rédigé : "le présent contrat sous-entend des accords complémentaires entre des sociétés non signataires du présent accord. Cependant, la réalisation de ce contrat est totalement subordonnée au constat par les parties des engagements suivants, pris lors de la réunion du 18 octobre 2000 et approuvés par la SHGT, Havre Manutention, CAPCOL et CIPHA.

Ceux-ci sont les suivants :

- SOGEMA suspend auprès du PAH sa demande d'établissement d'un terminal sur le site du centre Multivrac, CAPCOL adressera à CIPHA copie du courrier de la SOGEMA ;

- SOGEMA s'est engagée auprès du PAH et du GEMO à ne pas traiter les trafics de CIPHA et de SHGT. Afin d'appliquer la présente convention, Havre Manutention notifiera auprès du PAH et du GEMO son accord pour que le trafic CAPCOL traité au centre Multivrac le soit dans le mode d'organisation ci-avant décrit et pour la période considérée. CIPHA adressera à CAPCOL copie du courrier de Havre Manutention. L'application du présent contrat est suspendue au constat que les engagements ci-dessus ont bien été réalisés " ;

Que ce projet d'accord signifiait que la SOGEMA pourrait assurer la sous-traitance des opérations réalisées par Havre Manutention, sous-traitante de SHGT, elle-même sous-traitante de la CIPHA, en permettant ainsi à cette entreprise de conserver officiellement la manutention du charbon destiné à EDF sur le MTV, à condition toutefois que la SOGEMA s'engage, d'une part, à suspendre sa demande de terminal sur le MTV formulée auprès du PAH, et, d'autre part, à ne pas traiter les trafics de CIPHA et de SHGT ;

Que l'objet anticoncurrentiel des clauses imposant de tels engagements à la SOGEMA, exactement qualifiées par le Conseil de "conditions suspensives anticoncurrentielles ", ne peut être sérieusement contesté puisque, dans le premier cas, il s'agissait de l'empêcher de développer à la fois une activité de manutention et de stockage sur le MTV et, dans le second cas, de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention sur le terminal MTV ;

Que l'article 8 du projet indiquant que les engagements dont s'agit ont été "pris lors de la réunion du 18 octobre 2000 et approuvés par la SHGT (...) et CIPHA ", ce projet de contrat permet établir qu'une concertation anticoncurrentielle a eu lieu entre la CIPHA et la SHGT, étant observé que cette entreprise n'a jamais contesté sa présence à cette réunion ni son approbation expresse telle que mentionnée dans ce texte ;

Qu'au demeurant les deux clauses incriminées servaient directement ses intérêts puisque la CIPHA a finalement assuré avec elle comme sous-traitant, les prestations de manutention pour le compte de la CAPCOL ; qu'ainsi elle n'est pas fondée à soutenir désormais qu'elle n'aurait pas donné son accord aux clauses critiquées ;

Que, s'il est vrai qu'une seconde version du projet d'accord ne comporte plus la seconde clause imposant à la SOGEMA de ne pas traiter les trafics de CIPHA et de SHGT, ce projet n'en a pas moins conservé un objet anticoncurrentiel par suite du maintien de la première clause ;

Qu'à cet égard, c'est à juste titre que le Conseil relève que l'entente a également produit l'effet escompté puisque CAPCOL a écarté la SOGEMA au profit de la CIPHA et de son sous traitant, la SHGT, pour procéder en novembre 2000 au déchargement du charbon du navire MV/Manna ;

Considérant, enfin, que, pour les motifs qui viennent d'être énoncés dans le cadre de l'analyse de l'abus de position dominante reproché à la CIPHA, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer la défense de leurs intérêts légitimes ni l'existence d'un progrès économique au sens de l'article L. 420-4 du Code de commerce ;

Sur les sanctions

Considérant que le PAH conteste le montant de la sanction qui lui a été infligée par le Conseil en ce que la décision déférée relève, pour apprécier la gravité des pratiques :

- qu'il aurait empêché la SOGEMA de développer une activité de manutentionnaire sur le quai MTV alors qu'une seule opération, le déchargement du navire Toscanini, est en cause, et que la SOGEMA pouvait par ailleurs étendre son activité sans contrainte sur le quai MC 6;

- qu'il serait à l'origine du départ de cette entreprise du Havre, alors que ce départ a été provoqué par le non-renouvellement du contrat qui la liait à la société CAPCOL ;

- que le port autonome, qui avait retenu les projets d'installation de la société SOGEMA sur des terrains situés sur le MTV, avait demandé en vain par courrier du 21 juin 2000 des précisions afin de procéder à l'instruction du dossier au plan technique et tarifaire ;

Considérant que la CIPHA et la SHGT soutiennent, pour leur part, que le Conseil a méconnu les exigences de l'article L. 464-2 alinéa 3 du Code de commerce au regard du principe de proportionnalité :

- en ne prenant pas en considération le statut de concessionnaire de la CIPHA, qui lui imposait une série d'obligations et qui la contraignait également à trouver des ressources afin d'assurer l'équilibre financier du contrat de concession ;

- en relevant un important dommage à l'économie, alors que les chargeurs ne sollicitent jamais de prestations portuaires séparées et que les pratiques dénoncées n'ont pas eu pour résultat d'exclure la SOGEMA du port du Havre, puisque cette entreprise n'avait pas obtenu le renouvellement de son contrat avec CAPCOL et qu'au surplus, elle aurait pu effectuer des prestations sur la terminal MTV en se rapprochant de la CIPHA ou encore en négociant un tarif d'outillage public portuaire avec le PAH ;

- en estimant, sans le démontrer, que les pratiques poursuivies avaient eu pour effet de contraindre les différents prestataires concernés à choisir un manutentionnaire "moins efficace" que la SOGEMA ;

Considérant, en ce qui concerne la détermination des sanctions par le Conseil, que l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose :

"Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos." ;

En ce qui concerne la gravité des pratiques :

Considérant, s'agissant tout d'abord de l'abus de position dominante commis par le PAH, que le Conseil ajustement rappelé :

- que la discrimination tarifaire est significative, par son étendue comme par ses effets puisque la CIPHA pouvait bénéficier d'un tarif net au déchargement de 9,88 F/tonne, assortie de possibilités de ristournes, alors qu'à l'inverse la SOGEMA se voyait proposer le tarif public s'élevant à 20 F/tonne ; qu'à l'occasion du déchargement du navire Toscanini, l'application injustifiée de ce tarif à la SOGEMA l'a contrainte à supporter un surcoût de 237 230 euro ; que l'utilisation de ce tarif pour des opérations de bord à bord n'appelant pas l'utilisation du parc de stockage a aussi empêché la SOGEMA de concurrencer effectivement les opérateurs locaux auprès de la CPU et de la société Terval ; que l'attitude du port autonome a également contribué à empêcher la SOGEMA de décharger le navire MV/Manna pour CAPCOL et d'exercer leur activité au terminal MTV ;

- que la gravité particulière de la discrimination tarifaire incriminée tient en outre à ce qu'elle émane d'un opérateur public chargé d'une mission de service public qui gère les outillages publics de déchargement des navires indispensables aux utilisateurs ;

- que le tarif privilégié a été attribué au seul concessionnaire CIPHA et de surcroît au titre de ses activités accessoires de manutention, alors que cette entreprise, qui est la seule à disposer sur le port du Havre de capacités de stockage de charbon, d'une part pour CAPCOL lorsque le MC 6 ne peut être utilisé et, d'autre part, pour tous les autres importateurs, est incontournable ;

- que ce traitement discriminatoire a eu pour effet d'aggraver l'effet d'éviction des manutentionnaires autres que ceux choisis par la CIPHA du fait de ses propres pratiques ; Que, s'agissant ensuite de l'abus de position dominante reproché à la CIPHA, le Conseil retient avec pertinence :

- que l'objet et l'effet anticoncurrentiels des pratiques d'offre couplée sont sensibles compte tenu de la différence entre, d'un côté, le tarif appliqué à la CIPHA par le PAH - tarif net au déchargement de 9,88 F/tonne - et, de l'autre côté, le tarif applicable à CAPCOL

- 22 F/t dans l'hypothèse où CAPCOL confiait à la CIPHA l'intégralité de l'opération et 34,56 F/t hors manutention, dans le cas où CAPCOL conservait la SOGEMA comme manutentionnaire - différence qui a incité CAPCOL à écarter la SOGEMA et à choisir à la CIPHA et son sous-traitant, la SHGT ;

- que la gravité de cette pratique résulte aussi de ce qu'elle révèle une stratégie de la CIPHA tendant à l'éviction des autres manutentionnaires sur le MTV, conduite et mise en œuvre grâce à une concession d'outillage public contribuant à sa position dominante sur le marché du stockage et lui laissant le droit d'exercer des activités complémentaires à celles de la concession, telles que la manutention ;

Que, s'agissant enfin de l'entente entre la CIPHA et la SHGT, c'est avec raison que la décision attaquée :

- relève que le refus légitime par la SOGEMA de la condition suspensive anticoncurrentielle qui lui était imposée dans le projet d'accord commercial a mis fin à ses activités de manutention sur le MTV ;

- constate, après avoir analysé les déclarations du directeur de la SHGT faites dans le cadre de l'enquête (point 163 de la décision), que le but avoué de la SHGT était donc bien qu'il n'y ait sur le MTV ou le MC 6 qu'un seul manutentionnaire pour le vrac au Havre, que la CIPHA a pleinement adhéré à cet objectif mais que, à défaut de l'atteindre, le but de l'entente anticoncurrentielle était d'empêcher les différents manutentionnaires de se concurrencer pour l'obtention des contrats de manutention, gelant ainsi les positions de chaque entreprise et ne les incitant nullement, ni à diminuer leurs tarifs, ni à améliorer leur productivité;

- conclut que cette pratique est grave, puisqu'elle a eu pour effet d'exclure la SOGEMA de la manutention sur le MTV, même en qualité de sous-traitante de Havre Manutention ;

En ce qui concerne le dommage à l'économie :

Considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil a estimé qu'un tel dommage est important et certain dans la mesure où :

- après le départ de la SOGEMA, la SHGT s'est trouvée en situation de monopole pour la manutention du charbon au Havre ;

- les pratiques ont directement conduit à l'éviction de la SOGEMA de la manutention sur le terminal MTV et indirectement à son éviction du terminal MC 6 ; qu'à ce sujet, cette entreprise est fondée à préciser que, le développement d'une clientèle sur le terminal MTV lui ayant été interdit, elle n'a pas pu dégager des recettes qui lui auraient permis de déposer une offre compétitive au moment du renouvellement du contrat conclu avec CAPCOL sur le terminal MC 6, ce qui, en définitive, l'a conduite à fermer son établissement du Havre ; qu'en revanche, il n'est pas démontré, mais sans que cela conduise pour autant à atténuer l'ampleur du dommage à l'économie appréciée par le Conseil que, comme l'affirme la décision déférée (point 168), les pratiques auraient également eu pour effet de contraindre les différents prestataires opérant sur le MTV à choisir un manutentionnaire moins efficace que la SOGÉMA sur le plan des prestations proprement dites ;

- les pratiques en cause ont significativement réduit ou visé à réduire la concurrence pouvant s'exercer dans le domaine du stockage et de la manutention sur le MTV et que cette réduction de concurrence est dommageable à plusieurs titres :

¤ en raison des caractéristiques propres de ce terminal, non exclusivement consacré au charbon à la différence du MC 6 mais également susceptible d'accueillir tous les types de produits pondéreux ou agro-alimentaires et qui, comme tel, présentait ainsi des perspectives de marché plus favorables dans le domaine des vracs solides et pouvait aussi, dans le contexte d'une forte réduction des tonnages de charbon déchargés, représenter un marché attractif avec, de surcroît, des capacités de stockage supérieures ;

¤ en raison du fait que la participation de la SOGEMA à l'activité de stockage et de manutention sur le MTV aurait pu contribuer à modérer la position dominante de la CIPHA et de ses sous-traitants sur le marché du stockage et à exercer sur ces entreprises une pression concurrentielle susceptible de conduire à une diminution des prix ;

- dans la mesure, enfin, où, au regard de l'importance du marché de la manutention exactement évaluée par le Conseil (points 174 à 179 de la décision), la SOGEMA aurait, en étendant au MTV son activité de manutention jusqu'alors concentrée sur le MC 6, également été en mesure d'exercer une pression concurrentielle significative sur la CIPHA et ses manutentionnaires sous-traitants ; que la réduction de la concurrence sur ce marché a ainsi conduit à une augmentation des prix, compte tenu, d'une part, de la faible élasticité des prix caractérisant la demande de manutention et, d'autre part, des barrières à l'entrée générées par les pratiques de discrimination tarifaire et de couplage ;

En ce qui concerne la situation des sociétés concernées :

Considérant que c'est encore par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a décidé :

- que le PAH, établissement public gestionnaire des infrastructures portuaires, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire dont la SOGEMA a été victime au niveau l'utilisation de l'outillage portuaire de manutention, qu'il a réalisé pour le dernier exercice clos (2006) un chiffre d'affaires de 184 695 595 euro et qu'au regard des éléments généraux et individuels constatés précédemment, il y avait lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2600 000 euro ;

- que, de son côté, la CIPHA, concessionnaire d'outillage public destiné au stockage du charbon sur le terminal MTV du port autonome du Havre, a également pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques tendant à empêcher ou limiter l'accès de nouveaux concurrents sur les marchés du stockage et de la manutention sur le terminal MTV, que le montant de son chiffre d'affaires pour le dernier exercice clos (2005) s'est élevé à 7 983 484 euro et qu'en fonction des éléments généraux ci-dessus décrits et de ces éléments individuels, il convenait de lui appliquer une sanction de 150 000 euro ;

- que, dans le cadre d'une réunion préparatoire aux projets d'accords commerciaux entre la CIPHA et CAPCOL, la SHGT a participé aux pratiques tendant à empêcher ou limiter l'accès de nouveaux concurrents sur le marché connexe de la manutention sur le terminal MTV, pratique dont elle a été le principal bénéficiaire, que le montant de son chiffre d'affaires pour le dernier exercice clos (2005) s'est élevé à 6 409 193 euro et qu'au regard des éléments généraux et individuels constatés précédemment, une sanction pécuniaire de 55 000 euro devait lui être infligée;

Considérant qu'en l'état de l'ensemble des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, les sanctions pécuniaires respectivement infligées aux requérantes sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation des entreprises sanctionnées au regard, notamment, de leur comportement et de leurs faculté contributives ;

Et considérant que l'injonction de publication prononcée par le Conseil est justifiée au regard de l'importance des marchés concernés et de l'ampleur des pratiques poursuivies ;

Que les recours seront rejetés ;

Par ces motifs, Rejette les recours. Condamne le Port autonome du Havre, la société CIPHA et la société SHGT aux dépens, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.