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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 5 novembre 2008, n° 2008-00138

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Conseil Départemental du Nord de l'Ordre des médecins

Défendeur :

Nordpathologie (SEARL), Leduc, Paquet, Delerive, Président du Conseil de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Mouillard

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Garnier

Avocats :

Mes de Rouvre, Tack

CA Paris n° 2008-00138

5 novembre 2008

Saisi par MM. Leduc, Delerive et Paquet, médecins exerçant au sein de la société Nordpathologie, de pratiques visant à s'opposer à la liberté des prix des services proposés aux établissements publics de santé à l'occasion d'appels d'offres pour des examens anatomo-cyto-pathologiques, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007, décidé que le Syndicat national des médecins anatomo-cytopathologistes, le Conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins (ci-après le Conseil départemental) et le Centre de pathologie Liberté, société d'exercice libéral à responsabilité de médecins, avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en ce qui concerne la fourniture de prestations d'anatomo-cyto-pathologie aux hôpitaux dans le cadre d'appels d'offres et leur a donc infligé, respectivement, les sanctions pécuniaires de 20 000 euro, 12 000 euro et 12 000 euro, tout en ordonnant la publication à leurs frais communs d'une partie de la décision dans " Le Quotidien du médecin " ainsi que dans " Le Moniteur hospitalier ", outre la diffusion par le Syndicat à ses membres du même texte, par voie de circulaire, et par le Conseil départemental dans son bulletin.

LA COUR :

Vu le recours formé par le Conseil départemental le 7 janvier 2008, rectifié le 7 février suivant pour ce qui est du numéro de la décision, tendant à l'annulation, subsidiairement à la réformation de cette décision ;

Vu le mémoire déposé le 7 février 2008 par le Conseil départemental à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 9 juillet 2008, par lequel il demande à la cour :

- à titre principal, de constater que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'une entente prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce car ils sont justifiés par les dispositions du Code de la santé publique et les impératifs découlant de la déontologie des médecins, en conséquence d'annuler la décision et de le mettre hors de cause, d'ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public des sommes versées par lui au titre de la sanction pécuniaire prononcée par la décision, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

- à titre subsidiaire, de constater que la sanction pécuniaire infligée par le Conseil de la concurrence a un caractère manifestement disproportionné, en conséquence de réformer la décision en ce qui concerne le montant de la sanction, d'ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public du trop-perçu versé par lui au titre de cette sanction, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

- en toute hypothèse, de condamner le ministre chargé de l'Economie à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu le mémoire en réponse de MM. Leduc, Delerive et Paquet, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de gérants de la société Nordpathologie, déposé le 26 mars 2008 et tendant à titre principal à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement au rejet de celui-ci, ainsi qu'à l'allocation d'une somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts et d'une autre du même montant sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 21 mai 2008 ;

Vu le courrier déposé le 30 mai 2008 par lequel le ministre chargé de l'Economie informe la cour que, partageant l'analyse du Conseil, il n'entend pas user de la faculté que lui réservent les articles R. 464-18 et R. 464-19 du Code de commerce de déposer des observations écrites et orales ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties avant l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 30 septembre 2008, en leurs observations orales, le conseil du requérant qui a été mis en mesure de répliquer et a eu la parole en dernier, celui de MM. Leduc, Delerive et Paquet ainsi que le représentant du Conseil de la concurrence et le Ministère public ;

Vu la note en délibéré déposée le octobre 2008 par le Conseil départemental, conformément à l'article 445 du Code de procédure civile ;

Sur ce :

Considérant que MM. Leduc, Delerive et Paquet soulèvent l'irrecevabilité du recours formé par le Conseil départemental, d'abord en ce qu'il est tardif, la déclaration ayant été déposée le 7 janvier 2008 alors que la décision avait été notifiée le 4 décembre 2007, ensuite en ce que, en tout état de cause, cette déclaration est nulle puisqu'elle vise la décision n° 07-D-42 alors que la décision soumise à la censure de la cour porte le numéro 07-D-41, peu important qu'une décision rectificative d'une erreur matérielle dans l'orthographe du patronyme des concluants soit intervenue et ait donné lieu à une seconde notification, celle-ci n'ayant pu faire courir un nouveau délai ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 464-8 du Code de commerce, la décision peut être frappée de recours dans le délai d'un mois à compter de sa notification aux parties ;

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure que le Conseil de la concurrence a notifié la décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 au Conseil départemental le 30 novembre 2007, cette notification ayant été reçue le 4 décembre suivant ;

Que, saisi par MM. Leduc, Delerive et Paquet d'une demande de rectification de cette décision en ce que leurs patronymes y étaient mal orthographiés, le Conseil de la concurrence a procédé aux corrections demandées et notifié le 5 décembre 2007 la décision rectifiée au Conseil départemental qui l'a reçue le 7 décembre suivant ;

Que le Conseil départemental a déposé le lundi 7 janvier 2008 une déclaration de recours contre la décision n° 07-D-42 rendue le 28 novembre 2007 par le Conseil de la concurrence puis, s'étant aperçu de son erreur quant au numéro de la décision, a procédé à une déclaration rectificative le 7 février 2008 ;

Considérant que, si l'erreur sur le numéro de la décision est dépourvue de conséquence dès lors que la décision annexée à la déclaration de recours initiale était bien celle qui statuait sur la saisine n° 03/0090F et que les parties n'ont pu se méprendre à ce sujet, se pose en revanche la question de la recevabilité du recours, tardif au regard de la première notification, reçue le 4 décembre 2007 ;

Considérant à cet égard que, si le Conseil de la concurrence a notifié aux parties la rectification opérée en leur adressant une ampliation de la décision rectifiée dans les mêmes formes que la décision elle-même, cette seconde notification avait seulement pour objet de leur permettre, le cas échéant, de contester la rectification ; que, nonobstant ses mentions ambiguës à cet égard, cette notification n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de recours ouvert par la première notification, régulière, de la décision, étant observé que les erreurs corrigées, simples erreurs de plume, n'affectaient ni le sens de la décision, ni sa motivation de sorte que cette première notification avait mis les parties en mesure d'en apprécier la teneur et d'exercer, si bon leur semblait, leur droit de recours dans le délai légal ;

Considérant qu'il suit de là que le recours déclaré le 7 janvier 2008 est tardif et doit être déclaré irrecevable ;

Considérant que l'examen du dossier ne laisse pas apparaître que le Conseil départemental ait abusé de son droit de recours ni fait preuve en l'exerçant d'un " acharnement procédural " contre les parties saisissantes, dont la demande de dommages et intérêts est dès lors infondée ; que, de même, il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Déclare irrecevable le recours formé par le Conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins contre la décision n° 07-D-41 rendue le 28 novembre 2007 par le Conseil de la concurrence ; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile présentées par MM. Leduc, Delerive et Paquet ainsi que par le Conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins ; Condamne le Conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins aux dépens.