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Décisions

Conseil Conc., 5 novembre 2008, n° 08-D-26

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par le groupement d'intérêt économique (GIE) de taxis UAT Abbeilles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Lemetayer, par Mme Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mmes Béhar-Touchais, Mader-Saussaye, MM. Combe, Flichy, Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 08-D-26

5 novembre 2008

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre en date du 16 février 2006, enregistrée sous le numéro 06/0016 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le GIE de taxis UAT Abbeilles dans le district de l'agglomération caennaise ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les engagements proposés par le GIE UAT Abbeilles ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants du GIE UAT Abbeilles, entendus lors de la séance du 10 septembre 2008 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Dans sa saisine, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a fait valoir que les statuts et le règlement intérieur du GIE UAT Abbeilles, en position dominante dans le district de l'agglomération de Caen, contenaient plusieurs clauses " de nature à entraver l'accès à ce marché et le bon fonctionnement de la concurrence ".

B. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ

2. Le secteur d'activité des taxis se caractérise par la spécificité de son dispositif réglementaire et, s'agissant du marché concerné, par les caractéristiques locales des opérateurs en présence.

a) Le dispositif réglementaire encadrant l'exercice de la profession d'exploitant de taxi

3. L'accès à la profession est subordonné à la détention d'une autorisation de stationnement sur la voie publique et à une exigence de compétence sanctionnée par un certificat de capacité professionnelle.

4. Par dérogation aux règles générales relatives à la liberté des prix et sur le fondement de l'article L. 410-2 du Code de commerce, les tarifs des courses de taxi sont réglementés. Le décret n° 87-238 du 6 avril 1987 définit les différentes composantes à retenir pour fixer les prix maximaux.

5. A Caen, un arrêté préfectoral du 6 janvier 2004 réglemente l'exercice de la profession. Il rappelle en outre, en annexe I, que l'arrêté préfectoral du 9 novembre 1992 a fixé à soixante-deux le nombre de droits de place de taxi autorisés dans le district de l'agglomération de Caen.

b) Les trois principales catégories d'opérateurs intervenant dans l'agglomération de Caen

6. Certains exploitants de taxi se sont regroupés au sein du groupement d'intérêt économique (GIE) UAT Abbeilles afin de mettre en commun un central téléphonique avec numéro d'appel unique. En principe, les courses sont réparties exclusivement par le standard. La désignation des attributaires s'appuie sur un système de localisation GPS embarqué qui détermine le taxi le plus proche du lieu de la course. De 2000 à juillet 2007, le GIE regroupait 55 des 62 taxis autorisés sur le district. Il en comprend aujourd'hui 56. Il est dirigé par un conseil d'administration de onze membres, au nombre desquels figure l'actuel secrétaire général, M. X..., élu par l'assemblée générale en juillet 2007.

7. Aux termes des statuts, l'objet social du groupement consiste à " ... faciliter l'activité des artisans taxis, et améliorer les résultats de cette activité, en particulier par la création des services communs, tels qu'un réseau de radio téléphonie, [...] et d'une manière plus générale, en mettant en œuvre tout moyen propre à développer l'activité de la profession et à accroître les résultats de cette activité ... ".

8. Les clientèles " scolaire " et " médicale " représentent respectivement 7 % et 32 % de l'activité du groupement.

9. Les exploitants qui n'adhèrent pas au GIE UAT Abbeilles ont travaillé, soit avec un autre système de radio téléphone, au sein d'un collectif dénommé " groupement Caen Radio Taxi ", soit de manière " indépendante ", c'est-à-dire sans système de communication commun.

10. Si le groupement Caen Radio Taxi est aujourd'hui dissous, ses trois anciens membres continuent à exploiter en commun un système de radio téléphone. Les clientèles " scolaire " et " médicale " représentent globalement 95 % de leur activité.

11. Les exploitants " indépendants " étaient au nombre de quatre jusqu'en juillet 2007. Depuis que M. Y.... a rejoint le GIE UAT Abbeilles, ils ne sont plus que trois. Le secrétaire général du GIE estime qu'une part prépondérante de leur activité est constituée par le transport scolaire.

C. LES PRATIQUES CONCERNÉES

12. Les pratiques qu'il convient d'examiner sont relatives au fonctionnement du GIE UAT Abbeilles et concernent, d'abord les modalités de traitement des demandes d'admission au groupement, ensuite l'interdiction faite aux membres de recourir à la publicité et au téléphone portable pour traiter une clientèle propre, enfin la détermination des forfaits appliqués par les membres du groupement.

a) Les pratiques relatives au traitement des demandes d'admission au GIE

13. Au 27 mars 2004, l'article 6 des statuts prévoyait notamment : " Les demandes d'adhésion pourront être refusées, pour les motifs suivants :

" ...

- [...],

- antécédents dans le travail/moralité,

- époux ou épouse taxi dans une autre commune ou groupement.

[...] "

14. Depuis le 16 avril 2005, le même article, qui ne précise plus les motifs pour lesquels les demandes d'admission pourront être refusées, stipule :

" ...

- L'admission d'un nouveau membre repreneur d'un de nos adhérents est subordonnée à l'accord de la majorité du conseil d'administration.

- L'admission d'un membre supplémentaire au groupement est subordonnée à l'accord de la majorité des 55 artisans taxi du GIE.

- Les décisions de refus [...] sont notifiées par écrit au demandeur et motivées [...].

[...] "

15. Courant 2000, le GIE UAT Abbeilles a tout d'abord refusé l'admission de cinq artisans taxi dont celle de M. Y.... Quatre de ces artisans avaient déjà été membres du groupement. Trois d'entre eux ont vu leur candidature à nouveau refusée après réexamen mais le GIE a agréé les repreneurs à qui ils allaient céder leur activité. Ensuite le quatrième, après avoir renouvelé sa demande, a obtenu d'être intégré.

16. La troisième demande d'adhésion de M. Y... (le cinquième demandeur) remonte au 26 mars 2004. Les statuts et le règlement intérieur du GIE ont été modifiés le lendemain, soit le 27 mars. Ce sont ces modifications qui ont alors permis de motiver le nouveau refus opposé à M. Y... dont la candidature avait pourtant été déposée la veille de ces modifications. La notification du refus, faite le 23 avril 2004, indique que l'admission de M. Y... était incompatible avec la situation professionnelle de son épouse.

17. A l'origine détentrice d'une autorisation d'exercer sur la commune de Troarn, celle-ci était devenue salariée d'un artisan taxi caennais, non membre du GIE Abbeilles, auquel elle avait cédé sa licence. Bien que l'activité de Mme Y... ait toujours été cantonnée à la commune de Troarn qui est située hors du district de l'agglomération, M. Z..., alors secrétaire général du GIE, justifiait le refus opposé à M. Y... par le risque de détournement de clientèle que son épouse faisait courir au groupement du fait de sa situation professionnelle. L'actuel secrétaire général indique pour sa part que la situation de Mme Y... ne faisait courir en réalité aucun risque au GIE dans la mesure où elle " était basée [avec son taxi à] Troarn et que son employeur [bien qu'en exercice sur le district de l'agglomération de Caen] s'occupait principalement des scolaires ".

18. Par courrier du 26 octobre 2004, le GIE a proposé à M. Y... d'intégrer, le moment venu, son hypothétique repreneur, sous réserve que ce dernier satisfasse aux conditions financières habituelles, c'est-à-dire au règlement d'un droit d'entrée de 1 000 euro et d'une caution pour le matériel de 899 euro.

19. Finalement, faisant pour la première fois application de la procédure prévue à l'article 6 des statuts du 16 avril 2005, le GIE a donné une suite favorable à la quatrième demande de M. Y... au mois de juillet 2007.

20. Globalement, pour les mois de septembre, octobre et novembre, en comparant les années 2006 et 2007, c'est-à-dire en comparant une période où l'accès au GIE lui était refusé et une même période de l'année où il avait été admis dans celui-ci, l'activité de M. Y..., exprimée en chiffre d'affaires, a augmenté de près de 7 %.

b) Les pratiques relatives à la publicité et au recours au téléphone portable

21. Depuis le 27 mars 2004, les articles 6 et 11 du règlement intérieur prévoient notamment, à l'égard des membres du groupement, que " Toute publicité pour son propre compte est interdite (Pages jaunes et pages blanches) " et que le " Travail extérieur au groupement (avec la concurrence) par téléphone portable, ... contre le GIE " constitue un " motif de suspension pour une durée de un mois " dans la mesure où " c'est le standard qui doit distribuer toutes les courses ".

22. Selon l'actuel secrétaire général, les artisans taxi membres du GIE sont aujourd'hui tous répertoriés sur un ou plusieurs sites internet " globaux " c'est-à-dire non personnels. L'usage du téléphone portable serait très répandu parmi les membres et le groupement n'aurait jamais exercé de mesures de rétorsion à l'encontre de ces comportements.

c) Les pratiques relatives à la détermination d'un forfait

23. L'article 11 du règlement intérieur, dans sa version antérieure au 27 mars 2004, stipulait notamment :

" 2°/ Constituent des motifs de suspension pour une durée de 1 mois :

- [...].

- Un forfait non respecté.

- [...]. "

24. En pratique, le GIE UAT Abbeilles applique des tarifs forfaitaires à la SNCF et au conseil général du Calvados lorsque ceux-ci le sollicitent pour des transports.

25. La SNCF a renouvelé à compter du 1er février 2004 et pour une durée de trois ans un contrat passé avec le GIE, concernant le transport en taxi du personnel SNCF pour les besoins de l'exploitation, des voyageurs en rupture de correspondance, et des plis urgents pour raisons de service. Un contrat similaire a également été conclu à compter du 1er février 2004 avec " Caen Radio Taxi ". Le paiement des prestations est effectué aux conditions prévues par le contrat selon un tarif négocié, inférieur au tarif maximum réglementé. Les factures sont libellées au nom du GIE et réglées par la SNCF.

26. Le conseil général du Calvados recourt notamment aux taxis pour assurer le transport scolaire des enfants handicapés. Chaque année, il procède à une consultation et retient la proposition la moins disante. A cette occasion, il peut arriver que des membres du GIE soumissionnent. Ainsi, un artisan, membre du GIE, a été attributaire de 6 lots. Bien que le GIE ne soit jamais candidat, les lots qui n'ont pas trouvé acquéreur lors de la consultation finissent par lui être attribués. Dans ce cas, le barème forfaitaire négocié entre le groupement et le conseil général est très proche du tarif maximum réglementé. La facturation et le règlement sont faits de la même façon que pour la SNCF.

D. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENTS

27. Au vu des éléments ci-dessus décrits et à la suite du souhait exprimé par le GIE UAT Abbeilles que soit examinée la possibilité de clore la procédure au vu d'engagements, ainsi que le prévoit l'article L. 464-2, I, premier alinéa, du Code de commerce, lors de l'audition des représentants du GIE le 30 avril 2008, le rapporteur a communiqué une évaluation préliminaire des pratiques en cause, faisant état de préoccupations de concurrence. Les 6 mai et 13 juin 2008, le GIE a transmis au Conseil de la concurrence ses propositions d'engagements. Le test de marché publié sur le site Internet du Conseil le 24 juin 2008 n'a pas suscité d'observations dans le temps imparti.

1. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE

28. L'évaluation préliminaire a conduit à exprimer quatre préoccupations de concurrence. La première porte sur la coexistence de procédures distinctes d'examen des demandes d'admission, la deuxième sur le défaut d'objectivité des motifs justifiant le rejet de ces demandes, la troisième sur les entraves au développement de la clientèle propre à chacun des membres et enfin la quatrième sur la détermination et l'application des forfaits pratiqués par les adhérents.

a) Préoccupation n° 1 : La coexistence de deux procédures distinctes d'examen des demandes d'adhésion

29. Selon l'article 6-1 des statuts dans leur version du 16 avril 2005, l'admission d'un nouveau membre " repreneur " de l'un des adhérents du GIE est subordonnée à l'accord de la majorité du conseil d'administration, tandis que celle d'un membre " supplémentaire " au groupement est subordonnée à l'accord de la majorité des 55 artisans taxi du GIE.

30. Par décision n° 01-D-32 du 27 juin 2001 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Saint-Laurent-du-Var, le Conseil a déjà eu l'occasion de considérer que la différence de traitement inscrite dans les statuts d'un groupement pour l'admission des artisans selon qu'ils ont ou non racheté une licence détenue par l'un des membres opère une discrimination artificielle entre les artisans candidats au groupement et constitue une clause prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

31. En l'espèce, bien que la disposition des statuts n'ait été appliquée qu'une seule fois pour finalement procéder à l'admission de M. Y..., la coexistence de deux procédures d'admission introduit une différence de traitement non justifiée entre les candidats " repreneurs " admis sur simple vote du conseil d'administration et les candidats " supplémentaires " dont l'admission requiert le vote de l'assemblée générale du groupement, ce qui suscite donc une préoccupation de concurrence.

b) Préoccupation n° 2 : Le défaut d'objectivité des motifs pour justifier les rejets de demande d'adhésion

32. Comme l'ont illustré les rejets successifs des demandes d'adhésion de M. Y..., le GIE UAT Abbeilles a parfois invoqué des motifs clairement discriminatoires pour empêcher un artisan de bénéficier des services du GIE. Tel est le cas du critère d'incompatibilité tenant à la situation du conjoint, introduit dans les statuts le jour suivant la date figurant sur la demande d'admission de M. Y.... Au regard de ce critère, si la lutte contre des détournements de la clientèle apportée par les moyens du GIE au profit d'artisans extérieurs pouvait être légitime, elle n'autorisait pas une clause des statuts excluant d'emblée les candidatures de personnes se trouvant dans une situation déterminée qui n'avait pas plus de chances que d'autres de favoriser le détournement de clientèle. Comme indiqué précédemment, l'actuel secrétaire général du GIE a estimé que le risque de détournement de clientèle du fait de la situation des époux Y... n'avait que peu de chance de survenir.

33. La version des statuts du 16 avril 2005 ne comporte plus aucun critère de refus d'admission mais, de ce fait, elle peut encore laisser place à l'arbitraire. Certes, les circonstances de l'espèce montrent que les refus opposés traduisaient plus des défiances personnelles qu'une volonté de fausser la concurrence. Cependant, ces refus ont néanmoins un effet anticoncurrentiel car compte tenu de la situation locale, l'accès au GIE peut se révéler indispensable à un artisan taxi souhaitant ne pas cantonner son activité aux clientèles spécifiques que sont les " scolaires " et la clientèle " médicale ".

34. A cet égard, la satisfaction de la clientèle courante dépend du délai de la prise en charge et est étroitement liée à la réactivité et donc à la disponibilité et à la proximité de l'offre, c'est-à-dire au nombre de taxis susceptibles d'être sollicités quel que soit le lieu, la date ou l'heure. La dimension du GIE UAT Abbeilles confère un avantage déterminant à ses membres. Ni le groupement " Caen Radio Taxi " ni les " indépendants ", ne peuvent constituer une véritable alternative.

35. Par ailleurs, dans la décision n° 01-D-32 du 27 juin 2001, précédemment citée, le Conseil a considéré, au regard de la position économique d'un GIE qui réunissait 13 des 17 artisans taxi disposant du seul système de radiotéléphone, que ce système représentait un facteur essentiel de contact avec la clientèle, et que, dès lors, l'absence de critères objectifs de sélection des demandes d'admission et le caractère discrétionnaire des décisions prises à cet égard avaient pu faire obstacle à l'accès d'un nouvel entrant sur le marché concerné et limiter l'accès à la clientèle des artisans exclus du groupement. Il a considéré être en présence de pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

36. De la même façon, le système de radiotéléphone exploité par le GIE UAT Abbeilles, qui détient une part de marché proche de 90 %, représente " un facteur essentiel de contact avec la clientèle ".

37. Dès lors, l'absence ou le caractère dénué d'objectivité des motivations des décisions de refus d'admission interdisant l'accès au marché de la clientèle courante justifie une préoccupation de concurrence.

c) Préoccupation n° 3 : Les entraves au développement de la clientèle de chacun des membres du groupement

38. L'article 6 du règlement intérieur du GIE UAT Abbeilles dispose dans sa version en vigueur lors de la saisine : " ... toute publicité pour son propre compte est interdite (pages jaunes et pages blanches. "

39. L'article 11 du même règlement prévoit : " constituent des motifs de suspension pour une durée :

i. de 1 mois :

* travail extérieur au groupement (avec la concurrence) par téléphone portable : c'est le standard qui doit distribuer toutes les courses,

* travail contre le GIE, ... "

40. A plusieurs reprises, le Conseil de la concurrence s'est prononcé sur l'interdiction faite par un GIE à ses membres de lui faire concurrence.

41. Dans ses décisions n° 97-D-54 du 9 juillet 1997, n° 00-D-77 du 21 mars 2001, et n° 01- D- 32 du 27 juin 2001, le Conseil a considéré que ce type de disposition est prohibé par l'article L. 420-1 du Code de commerce dans la mesure où il a pour objet et peut avoir pour effet de limiter l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence par les membres du GIE.

42. En l'espèce, les cas dans lesquels les membres du GIE ont eu une relation directe avec les clients ne paraissent pas avoir fait l'objet d'une sanction de la part du groupement.

43. Cependant, l'interdiction de toute publicité et d'utilisation d'un téléphone personnel pour contacter des usagers faite aux membres tend à empêcher ceux-ci de se constituer une clientèle propre et d'instaurer une concurrence entre eux ou avec le GIE, ce que ne justifie normalement pas une structure comme un GIE.

44. Dès lors, la combinaison des articles 6 et 11 du règlement intérieur suscite une préoccupation de concurrence.

d) Préoccupation n° 4 : La détermination et l'application des forfaits pratiqués par les adhérents du GIE UAT Abbeilles

45. Le GIE UAT Abbeilles a négocié avec la SNCF et le conseil général du Calvados des tarifs forfaitaires. Son règlement intérieur prévoit de suspendre les membres qui ne respectaient pas ces forfaits.

46. Le Conseil de la concurrence comme la cour d'appel de Paris ont déjà eu à se prononcer sur ce type de pratique.

47. Si, dans sa décision n° 96-D-53, le Conseil a estimé que l'élaboration de prix forfaitaires applicables à certaines courses de taxis ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle lorsque les prix ont un caractère indicatif, il a dans sa décision n° 97-D-54, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 1998, considéré que la diffusion par un GIE auprès de ses membres de forfaits de courses dont l'application a été présentée comme une obligation et qui, en outre, ont fait l'objet d'un affichage à l'intérieur d'une gare, a conféré à ces forfaits le caractère de prix minimaux imposés aux adhérents du GIE.

48. Au cas d'espèce, les prix ne sont déterminés ni par un syndicat ni par le GIE UAT Abbeilles, mais sont négociés entre ce dernier et des organismes clients.

49. Le barème des tarifs " SNCF " remis aux membres du GIE UAT Abbeilles comprend la mention " indicatif " et les forfaits sont inférieurs au tarif maximum réglementé.

50. S'agissant des tarifs appliqués au conseil général, les entreprises susceptibles d'assurer le transport scolaire des enfants handicapés sont chaque année remises en concurrence, à l'occasion d'une nouvelle consultation. Il est arrivé que certains membres du GIE aient été attributaires de lots. A la suite de cette consultation, les lots qui n'ont pas trouvé acquéreur sont attribués au GIE UAT Abbeilles selon un barème de tarification " Conseil général " qui est très proche du tarif maximum réglementé.

51. S'il peut être admis que les membres du groupement soient tenus d'appliquer des forfaits préalablement négociés entre le GIE UAT Abbeilles et certains organismes clients pour des prestations bien déterminées lorsque ces membres interviennent pour le compte du GIE, en revanche, une clause du règlement intérieur de celui-ci imposant à ses membres le respect des forfaits sans autre précision suscite par sa formulation une préoccupation de concurrence, même si sa mise en œuvre n'a pas été constatée.

2. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE GIE UAT ABBEILLES

52. Afin de répondre à ces préoccupations, le GIE UAT Abbeilles a proposé des engagements consistant à modifier ses statuts et son règlement intérieur.

a) Engagement n° 1 : Engagement de modifier les statuts

53. L'engagement n° 1 est destiné à répondre aux préoccupations de concurrence n° 1 et n° 2. Il a consisté à proposer la modification des dispositions statutaires se rapportant à l'admission des nouveaux membres. Figurant jusqu'alors à l'article 6, les dispositions concernées seraient désormais énoncées à l'article 10.

54. L'article 10 du projet de statuts, intitulé " Admission de nouveaux membres ", est libellé comme suit :

" Le groupement peut, au cours de son existence, admettre de nouveaux membres, personnes physiques ou morales.

Seules seront admises à présenter leur candidature les personnes physiques ou morales exerçant ou envisageant d'exercer leur activité dans le domaine visé article deux ci-dessus relatif à l'objet, ainsi que les personnes ayant en projet la reprise de l'activité d'un membre actif du groupement.

Toute candidature devra être remise par écrit au président du conseil d'administration accompagnée de tous documents justificatifs de l'activité professionnelle du candidat ainsi que du versement du droit d'entrée, et ceci un mois au moins avant le début l'activité envisagée du candidat. Le conseil d'administration statue à la majorité et dans les 15 jours sur l'ouverture ou non d'une période probatoire de 12 mois.

Toute décision d'admission ou de rejet de candidature est notifiée au postulant par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle est souveraine, sans recours, et doit être motivée. Le rejet du candidat entraînera le remboursement à celui-ci du droit d'entrée.

Dans les 12 mois suivant l'ouverture de cette période, une assemblée générale ordinaire sera convoquée à l'effet de se prononcer sur la demande d'admission. La première assemblée générale ordinaire annuelle qui sera tenue après ce délai statuera sur l'admission définitive.

La période probatoire de 12 mois sera mise à profit par le candidat pour s'approprier les règles de fonctionnement du groupement. Il devra pendant cette période acquitter les cotisations dans les mêmes conditions que les membres du groupement et faire équiper son véhicule conformément au règlement intérieur. N'étant pas membre du groupement, le candidat n'a vocation qu'à utiliser les services du groupement et à participer au résultat d'exploitation du GIE.

L'admission devient définitive vis-à-vis des autres membres du groupement à l'issue de l'assemblée la prononçant et implique la création d'une part en cas de nouveau membre.

Elle ne devient opposable aux tiers qu'après sa publication au registre du commerce et des sociétés.

Le rejet d'admission est notifié au postulant par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette décision est souveraine, sans recours, et doit être motivée. Dans ce cas, le droit d'entrée reste acquis au groupement.

Les refus d'adhésion pourront être basés notamment sur l'un des motifs suivants :

- avoir fait l'objet d'un retrait de permis de conduire sous l'emprise d'un état alcoolique ;

- avoir fait l'objet d'au moins deux plaintes écrites de clients auprès du syndicat des artisans taxis du Calvados ou de la préfecture et de la mairie. "

b) Engagement n° 2 : Engagement de modifier le règlement intérieur

55. L'engagement n° 2 est destiné à répondre aux préoccupations de concurrence n° 3 et n° 4. Dans le cadre d'une refonte du règlement intérieur, le GIE UAT Abbeilles propose une modification du dispositif de sanction applicable aux membres du groupement. Le nouvel article 17 remplacerait les dispositions énoncées aux articles 6 et 11 en vigueur jusqu'alors.

56. L'article 17 du projet de règlement intérieur, intitulé " Faits fautifs et sanctions applicables ", serait libellé comme suit :

" Les comportements fautifs, tels qu'ils sont définis dans cet article de manière non exhaustive, feront l'objet chacun d'une sanction que le conseil de discipline a charge de prononcer et d'appliquer (sauf pour les suspensions de radio pendant trois ou 24 heures), sans préjudice d'une demande d'exclusion sur laquelle l'assemblée générale peut être amenée à se prononcer en cas de cumul ou récidive ou de refus d'application de la sanction prononcée.

Liste non exhaustive de comportements pouvant donner lieu à la prononciation de sanctions, sauf dans l'hypothèse où le membre aurait déjà été réservé par un client l'ayant préalablement contacté en direct :

Suspension de radio pendant trois heures :

- refus de prendre une course à crédit dans l'agglomération ;

- refus d'assurer une course qui se situe dans le district caennais, que ce soit une course au comptant ou à crédit ;

- chargement d'un autre client que celui nommé par le standard.

Suspension de radio pendant 24 heures :

- refus de prendre les courses des scolaires et handicapés ;

- chauffeur fumant dans le véhicule sur plainte du client ;

- dépassement d'un prix indicatif donné par le standard ;

- véhicule non entretenu ;

- plein de carburant du véhicule du groupement non effectué ;

- la restitution du véhicule du groupement non nettoyé ou endommagé sans déclaration auprès du responsable.

Suspension de radio pendant un mois :

- un transport d'enfant, de sang ou de prélèvements non déposé au bon destinataire, laissé seul ou sans surveillance ;

- ne pas se rendre sur une course attribuée par le standard ;

- absence de paiement ou paiement incomplet des cotisations, ou apports en compte courant ;

- port de tenue incorrecte ;

- non-remplacement d'un service pour lequel le chauffeur est désigné.

Exclusion :

- usurpation d'une course ;

- plainte écrite émanant de clients ;

- retrait du permis de conduire pour état d'alcoolémie ;

- les lignes Twisto bâclées, horaires non respectés ou clients mal traités ;

- propos diffamatoires contre le groupement d'intérêt économique ;

- insultes envers le personnel et les membres du groupement d'intérêt économique ;

- refus de porter la publicité " Abbeilles Taxi " ;

- refus du tour de garde définie à l'article 5 ;

- oubli ou non-remplacement du service du matin ou de nuit du service Twisto ou tout service capable de nuire au groupement d'intérêt économique ;

- absence de règlement de cotisations ;

- absence de règlement de la location du véhicule de remplacement.

Le conseil de discipline pourra prononcer des sanctions moindres que celles prévues ci-dessus, si les circonstances le justifient.

Les sanctions infligées ne suspendent pas le règlement des cotisations.

En cas d'exclusion du groupement, le démontage du système d'attribution de course est effectué par Leroux et Brochard ou Inéo Suez aux frais de l'exclu.

Toute suspension d'une durée cumulée de 30 jours entraîne la non-éligibilité au conseil d'administration pendant trois ans à partir de la date où ce seuil est atteint. "

II. Discussion

57. Selon les dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence " peut accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles ".

a) Sur l'engagement n° 1, relatif au traitement des demandes d'admission

58. Dans la nouvelle rédaction proposée, l'article 10 des statuts du GIE harmonise en premier lieu les conditions d'admission des nouveaux membres en supprimant la distinction entre les candidats " repreneurs " et les candidats " supplémentaires " et prévoit que le conseil d'administration peut décider l'ouverture d'une période probatoire de douze mois avant l'admission définitive du candidat par l'assemblée générale du groupement. Il énonce en second lieu que l'admission pourra être refusée notamment pour deux motifs tenant, soit à un retrait de permis de conduire pour conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, soit à l'existence de deux plaintes adressées par des clients au syndicat des artisans taxis du Calvados, à la préfecture ou à la mairie.

59. Le dispositif proposé soulève trois remarques :

- la première tient au caractère facultatif ou obligatoire de la période probatoire : telle qu'elle est rédigée, la dernière phrase de l'alinéa 31 peut être interprétée comme autorisant le conseil d'administration à prendre une décision de rejet sans ouvrir une période probatoire, ou le cas échéant une décision définitive d'admission sans que le candidat ait à effectuer cette période probatoire ce qui, dans cette dernière hypothèse, introduit un nouveau risque de discrimination entre, d'une part les candidats astreints à la période probatoire et d'autre part ceux qui en seraient dispensés ;

- la deuxième tient à la mention aux alinéas 4 et 9 de l'article 10 que les décisions de rejet d'admission de nouveaux membres sont " souveraines, sans recours " alors que ces décisions doivent pouvoir être contestées ;

- la troisième tient à l'insertion du terme " notamment " au 10ème et dernier alinéa de l'article 10, qui autoriserait le GIE à invoquer les motifs de refus d'adhésion les plus variés sans offrir une garantie suffisante d'objectivité et de gravité.

60. Les représentants du GIE en ayant convenu au cours de la séance, l'engagement concernant l'article 10 a été modifié comme suit dans le projet de statuts examiné :

" Article 10 : Admission de nouveaux membres

Le groupement peut, au cours de son existence, admettre de nouveaux membres, personnes physiques ou morales.

Seules seront admises à présenter leur candidature les personnes physiques ou morales exerçant ou envisageant d'exercer leur activité dans le domaine visé à l'article 2 ci-dessus relatif à l'objet, ainsi que les personnes ayant en projet la reprise de l'activité d'un membre actif du groupement.

La procédure d'adhésion comprend deux phases consécutives. La première est constituée par une décision relative à l'ouverture d'une période probatoire, la seconde est constituée par une décision relative à l'admission définitive du candidat en tant que membre du groupement.

Toute candidature devra être remise par écrit au président du conseil d'administration accompagnée de tous documents justificatifs de l'activité professionnelle du candidat ainsi que du versement du droit d'entrée, et ceci un mois au moins avant le début d'activité envisagé du candidat.

10-1 L'ouverture de la période probatoire

Dans un premier temps et pour tous les candidats à l'adhésion, le conseil d'administration statue à la majorité et dans les quinze jours sur l'ouverture d'une période probatoire de douze mois.

Dès ce stade, toute décision, favorable comme défavorable, est notifiée au postulant par lettre recommandée avec accusé de réception.

Lorsqu'une décision n'est pas favorable à un candidat, elle doit être motivée et fondée sur des motifs graves et objectifs, tels des plaintes répétées manifestement justifiées auprès de la Marie, Préfecture ou du syndicat des artisans Taxis du Calvados émanant de clients mécontents etc., se rapportant aux conditions dans lesquelles ce candidat a exercé son activité professionnelle au cours des deux années précédant la date de la remise de sa candidature. Le candidat doit être mis à même d'être entendu sur ces motifs avant adoption d'une décision défavorable. Le rejet d'une candidature entraînera le remboursement du droit d'entrée au postulant concerné.

Lorsque la décision se prononce en faveur de l'ouverture de la période probatoire, cette dernière sera mise à profit par le candidat pour qu'il s'approprie les règles de fonctionnement du groupement. Il devra pendant cette période de 12 mois acquitter les cotisations dans les mêmes conditions que les membres du groupement et faire équiper son véhicule conformément au règlement intérieur. N'étant pas membre du groupement, le candidat n'a vocation qu'à utiliser les services du groupement et à participer au résultat d'exploitation du GIE.

10-2 L'admission définitive du candidat

Après les douze mois suivant l'ouverture de la période probatoire, une assemblée générale ordinaire, suivie d'une assemblée générale extraordinaire le cas échéant, sera convoquée à l'effet de se prononcer sur l'admission définitive.

L'admission devient définitive vis-à-vis des autres membres du groupement à l'issue de l'assemblée la prononçant. Elle implique la création d'une part en cas de nouveau membre.

Toute décision, favorable comme défavorable, est notifiée au postulant par lettre recommandée avec accusé de réception.

Lorsqu'une décision n'est pas favorable à un candidat, elle doit être motivée et fondée sur des motifs graves et objectifs, tels un retrait de permis pour conduite en état d'ivresse, des plaintes répétées manifestement justifiées auprès de la Mairie, Préfecture ou du syndicat des artisans Taxi du Calvados émanant de clients mécontents, des manquements répétés au cours de la période probatoire au respect des statuts et du règlement intérieur etc.. Le candidat doit être mis à même d'être entendu sur ces motifs avant adoption d'une décision défavorable. Dans ce cas, le droit d'entrée reste acquis au groupement.

Lorsque la décision est favorable à l'admission d'un candidat, elle ne devient opposable aux tiers qu'après sa publication au registre du commerce et des sociétés. "

61. Le Conseil considère que la nouvelle rédaction de l'article 10 des statuts, qui unifie le fonctionnement de la période probatoire, prévoit la motivation des décisions de rejet ainsi que la nature des motifs et ne fait plus état de l'impossibilité d'exercer un recours contre les décisions de rejet, permet d'assurer que l'examen des demandes d'admission de nouveaux membres au groupement interviendra dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.

b) Sur l'engagement n° 2, relatif au dispositif de sanction

62. En réponse aux préoccupations de concurrence n° 3 et n° 4, l'article 17 du règlement intérieur dans la rédaction proposée ne prévoit plus aucune sanction contre le " travail extérieur au groupement (avec la concurrence) par téléphone portable, la " publicité pour son propre compte " ou " un forfait non respecté ".

63. En outre, selon le deuxième alinéa de l'article 17 un comportement n'est plus considéré comme fautif et sanctionné lorsque ce comportement est justifié par le fait que le membre du groupement s'est préalablement engagé vis-à-vis de sa clientèle propre, c'est-à-dire sans passer par le standard du GIE.

64. En marge des préoccupations de concurrence précédemment définies, le Conseil de la concurrence a remarqué que le dispositif de sanction proposé, en ce qu'il prévoit l'exclusion du membre qui a fait l'objet d'une " plainte écrite émanant de clients ", est très sévère et manque d'objectivité alors qu'une telle plainte peut être dénuée de fondement.

65. Les représentants du GIE ayant souscrit à cette remarque au cours de la séance, l'article en question a été modifié à cet égard comme suit :

" Article 17 : Faits fautifs et sanctions applicables ...

* Exclusion :

- plusieurs plaintes écrites manifestement justifiées auprès de la Mairie, Préfecture ou du syndicat des artisans Taxi du Calvados émanant de clients mécontents (abus de tarifs...) ;

- ... "

66. Le Conseil de la concurrence considère que le règlement intérieur du GIE qui a supprimé les obstacles à la constitution d'une clientèle propre à un artisan taxi membre du groupement et qui lui permet ainsi de faire concurrence au groupement et aux autres membres de ce dernier dans les situations où il ne travaille pas au nom du groupement répond aux exigences du maintien de la concurrence sur le marché de transport par taxi à Caen.

c) Sur la portée des engagements

67. Les statuts et le règlement intérieur du GIE UAT Abbeilles modifiés par les engagements pris par les représentants du groupement, tels qu'ils sont reproduits au paragraphe 56, avec la modification figurant au paragraphe 65, et au paragraphe 60 de la présente décision, ont été adoptés par l'assemblée générale extraordinaire du GIE du 30 septembre 2008. Un exemplaire de ces documents a été communiqué au Conseil.

68. Pour permettre au Conseil de la concurrence de s'assurer que les engagements intégrés dans les dispositions des statuts et du règlement intérieur ne seront pas modifiés, le GIE s'est engagé à communiquer au Conseil les procès-verbaux des assemblées générales extraordinaires à intervenir à compter de la date de la présente décision jusqu'au 31 décembre de l'année 2011.

69. Il y a donc lieu d'accepter et de rendre obligatoires les engagements du GIE UAT Abbeilles, ce qui conduit à clore la procédure.

Décision

Article 1er : Le Conseil accepte les engagements pris par le GIE UAT Abbeilles, qui font partie intégrante de la présente décision. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la date de notification de la décision.

Article 2 : Il est mis fin à la procédure enregistrée sous le numéro 06/0016 F.

1 " Le conseil d'administration statue à la majorité [...] sur l'ouverture ou non d'une période probatoire de douze mois ".