CA Douai, 2e ch. sect. 2, 11 septembre 2008, n° 07-04112
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
République 42 (SARL)
Défendeur :
Okaïdi (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Fossier
Conseillers :
Mme Neve de Mevergnies, M. Cagnard
Avoués :
Me Quignon, SCP Carlier-Régnier
Avocats :
Mes Bensoussan, Debruyne
Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing le 6 juin 2007 ayant débouté la SARL République 42 de toutes ses demandes fins et conclusions et l'ayant condamnée à payer à la société Okaïdi les sommes de 8 033,33 euro au titre de solde de factures, 12 159 euro en réparation des pertes de redevances de franchise, 75 000 euro en application de la clause pénale prévue au contrat de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en déboutant la SA Okaïdi du surplus de ses demandes.
Vu l'appel de la SARL République 42 enregistré le 29 juin 2007.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 21 mars 2008 pour la société République 42 qui sollicite en application des articles 1134, 1142 et suivants, 1152, 1162, 1184 et 1231 du Code civil, L. 442-6-1 du Code de commerce et du contrat de franchise :
- l'infirmation du jugement, sauf sur le rejet des prétentions de la SA Okaïdi en paiement de dommages et intérêts pour désorganisation des services logistiques et procédure abusive,
et demande à la cour :
- de dire que le non-renouvellement du contrat par la société Okaïdi a été réalisé dans les conditions déloyales et doit être assimilé à une résiliation abusive du contrat de franchise aux torts du franchiseur, en conséquence de condamner la société Okaïdi à lui payer la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts et de constater que la clause restrictive de concurrence post-contractuelle n'est pas applicable,
- à titre subsidiaire, de constater la nullité de ladite clause,
- à titre encore plus subsidiaire, de constater que la clause pénale ne peut-être mise en œuvre pendant la durée du contrat, et en toute hypothèse en réduire le montant à 1 euro en raison de son caractère manifestement excessif,
- en tout état de cause, de débouter la société Okaïdi de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, de la condamner à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'utilisation abusive de son fichier clientèle, ainsi que la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Vu les conclusions déposées le 25 mars 2008 pour la SA Okaïdi qui sollicite :
- le rejet de toute demande de la société République 42,
- la validation de la clause de non-concurrence post-contractuelle,
- la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions et la condamnation à titre reconventionnel de la SARL République 42 à lui payer les sommes de :
8 033,33 euro en paiement du solde de ses dettes
12 159 euro pour perte de redevances de franchise
10 000 euro pour désorganisation des services logistiques
75 000 euro par application de la clause pénale contractuelle prévue
10 000 euro pour procédure abusive
8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 mars 2008
Motifs de la décision
Sur la résiliation
L'article 2 du contrat de franchise intervenu entre la SA Okaïdi, franchiseur, et la SARL République 42, franchisé, précise que celui-ci est conclu pour une durée de six années à compter de la date d'ouverture du magasin, obligatoirement prolongée de la période nécessaire pour terminer la saison en cours (le 31 janvier ou le 30 juillet) ; dans l'année qui précède l'arrivée du terme du contrat et au plus tard neuf mois avant l'arrivée de ce terme, les parties s'obligent à se rencontrer afin d'envisager la possibilité de renouveler le contrat pour une période de trois ans, une décision devant intervenir six mois avant l'arrivée du terme ; en cas d'accord un avenant de renouvellement doit être signé dans ce délai de six mois.
Les parties se sont rencontrées le 8 juillet 2004 au sujet d'un renouvellement du contrat de franchise, mais la SA Okaïdi a notifié à la SARL République 42, par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 2004, sa volonté de ne pas renouveler le contrat arrivant à expiration le 31 janvier 2005, elle a toutefois proposé, afin de permettre à la SARL République 42 d'organiser la réutilisation de son site, de le proroger d'une année, soit jusqu'au 31 janvier 2006, en demandant au franchisé de lui répondre avant le 20 septembre 2004.
La SA République 42, par lettre recommandée avec avis de réception datée par erreur du 28 octobre 2004, mais envoyée le 28 septembre 2004 à la SA Okaïdi qui l'a reçue le 30 septembre, a accepté la prorogation d'une année proposée, tout en évoquant la possibilité d'une sortie de sa part moyennant un délai d'information restant à définir ; la SA Okaïdi lui a répondu le 29 novembre 2004 qu'une sortie anticipée était difficilement envisageable, même si elle restait ouverte à une telle possibilité si les circonstances le permettaient.
Dans un nouveau courrier du 2 décembre 2004 la SARL République 42 exposait à la SARL Okaïdi que la fin du contrat à la date du 31 janvier 2006 était problématique pour elle et sollicitait le bénéfice d'une opinion d'exploitation supplémentaire jusqu'au 31 juillet 2006 à laquelle s'est opposée à la SA Okaïdi par courriers des 10 décembre 2004 et 5 janvier 2005, en confirmant, le 15 mars 2005, son acceptation que le non-renouvellement du contrat prenne effet au 31 janvier 2006.
Il ressort de la convention conclue par les parties et des échanges de courriers ci-dessus évoqués que, le contrat venant à expiration le 31 janvier 2005, en l'absence d'accord nécessaire pour un renouvellement à défaut pour le franchisé d'un tel droit à renouvellement, la SARL République 42 a seulement obtenu un délai supplémentaire d'un an d'exercice, et le contrat est arrivé à son terme le 31 janvier 2006.
La société Okaïdi n'avait dans ces circonstances, aucune obligation de motiver et justifier sa décision de refuser à la SARL République 42 le renouvellement du contrat de franchise auquel celle-ci ne pouvait prétendre de plein droit ; il est donc inutile de rechercher si les griefs avancés malgré tout par la société Okaïdi sont exacts ou non, la notion de loyauté dans les relations contractuelles, invoquée par la SARL République 42, n'ayant pas être appréciée dans le cadre arrivé à son échéance par survenance du terme.
Aucune faute, et donc aucune réparation ne peut être due à la SARL République 42 du fait de l'arrivée à échéance de son contrat de franchise et du désaccord de la société Okaïdi pour un éventuel renouvellement, au regard des dispositions contractuels initiales.
Le jugement sera confirmé sur ce point, et la SARL République 42 déboutée de sa demande en dommages et intérêts au regard d'un prétendu comportement déloyal de la société Okaïdi à son égard dans son refus de renouveler le contrat.
Sur le comportement fautif de la SARL République 42.
Il ressort du procès-verbal le constat d'huissier du 22 décembre 2005, dressé à la demande de la société Okaïdi, que le magasin de la SARL République 42, situé 42 avenue la République à Saint-Nazaire, est fermé au public, que les vitrines et l'intérieur du magasin sont vides.
Un autre constat d'huissier établi le 19 janvier 2006 fait apparaître que les mêmes lieux sont en travaux et supportant un affichage annonçant l'ouverture prochaine, le 1er février d'une boutique " Vert Baudet " et invitant la clientèle à découvrir la collection sur le site Internet www.vertbaudet.fr
Il est ainsi suffisamment établi que la SARL République 42 a cessé d'exploiter son magasin à l'enseigne Okaïdi avant l'échéance contractuelle et contrairement à ses obligations. La SARL République 42 n'est pas fondée pour s'en disculper à faire valoir que la société Okaïdi a organisé l'ouverture d'un autre magasin en succursale dans la même zone de chalandise sans démontrer que cette ouverture a été effective avant l'échéance de son propre contrat de franchise.
C'est donc à bon droit que la société Okaïdi réclame le paiement des redevances sur le chiffre d'affaires qui lui ont échappé du fait de cette fermeture anticipée. Le calcul auquel elle se livre pour aboutir à la somme de 12 159 euro ne peut être écarté au seul motif invoqué par la SARL République 42 qu'il s'agit de documents établis par la société Okaïdi elle-même. En effet la société Okaïdi (sa pièce numéro 25) reprend les chiffres d'affaires " objectivés " (au sens de fixés pour objectif) par rapport à ceux réalisés pour la période de décembre 2004 et janvier 2005 d'une part, de décembre 2005 et janvier 2005 d'autre part ; elle a constaté un écart annuel de -7 % en 2004-2005 et de -5,84 % en 2005-2006 entre les résultats prévisionnels et les résultats réels ; la SARL République 42 ne conteste pas ces chiffres ou n'apporte aucun élément de nature à faire douter de leur objectivité ; il apparaît que plus aucun chiffre d'affaires n'a été réalisé par la SARL République 42 postérieurement au 17 décembre 2005 et que pour la période du premier décembre 2005 au 31 janvier 2006 elle n'a donc réalisé qu'un chiffre d'affaires de 109 769 euro par rapport à un chiffre d'affaires objectivé de 238 395 euro, ramené à 224 473 euro après application de l'écart annuel constaté ; en appliquant le taux de redevance contractuellement défini, de 10,6 % sur la différence, la société Okaïdi établit donc à juste titre à 12 159 euro le montant de la redevance sur chiffre d'affaires qui lui a échappé en raisons de la fermeture anticipée, fautive, du magasin par la SARL République 42.
Le jugement mérite donc confirmation de ce chef.
S'agissant de la désorganisation des services logistiques et de la gestion des stocks encore invoquée par la société Okaïdi du fait de la fermeture anticipée du magasin, il y a lieu d'observer, avec la SARL République 42, qu'aucun élément n'est versé aux débats permettant d'établir la réalité de ce préjudice et le montant de celui-ci ; en conséquence la demande sera rejetée.
Sur la clause de non-concurrence et de non-affiliation
L'article 13 du contrat de franchise contient une clause de non-affiliation ainsi libellée : " en cas de rupture du contrat pour quelque cause que ce soit, de non-renouvellement à l'exception d'une résiliation anticipée aux torts exclusifs du franchiseur, le franchisé s'interdit de créer, d'exploiter ou de s'affilier, directement ou indirectement, à une chaîne concurrente. Cette interdiction de non-affiliation s'appliquera, à compter de la date de rupture du contrat, pour une durée d'une année sur la zone de chalandise telle que décrite à l'article 1 ainsi qu'en annexe 6 des présentes ". Le non-respect de l'une ou l'autre de ces obligations entraîne le paiement par le franchisé au franchiseur d'une somme de 500 000 F (75 000 euro) à titre de clause pénale.
La zone de chalandise est définie à l'annexe 6 comme étant en centre-ville, la rue où le magasin est situé.
Cette clause, limitée dans le temps et dans l'espace, visant uniquement une chaîne de vente de vêtements pour enfants concurrents, n'est cependant pas uniquement indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le franchiseur au franchisé. Elle excède en effet cet intérêt légitime et vise également, comme l'indique la société Okaïdi elle-même dans ses conclusions (page 19), à lui procurer un délai pendant lequel elle pourra reconstituer un réseau local, qui repose, certes, sur la renommée de la marque, mais aussi sur le savoir-faire du franchisé qui a su développer une clientèle comme le démontrent l'évolution de ses résultats de 1998 à 2005 et les comptes-rendus élogieux des différentes visites-bilan effectuées par le franchiseur. Or cette disproportion au regard de la stricte protection du savoir-faire du franchiseur par rapport à la clause de non-concurrence imposée au franchisé n'est pas compensée par une contrepartie financière. En conséquence la présente clause doit être déclarée nulle et le jugement réformé en ce qu'il a condamné la SARL République 42 à payer à la société Okaïdi la somme de 75 000 euro en application à cette clause.
Sur le comportement fautif de la société Okaïdi
S'agissant de l'ouverture d'un magasin à l'enseigne Okaïdi dans la même zone de chalandise que les locaux exploités par la société République 42, celle-ci ne justifie pas de l'ouverture d'un tel magasin pendant la durée du contrat la liant à la société Okaïdi. Il n'y a donc pas lieu de lui attribuer des dommages et intérêts.
En ce qui concerne l'utilisation après la fin des relations contractuelle avec la société Okaïdi du fichier clients qu'elle a constitué lors de son activité, la société République 42 ne peut reprocher à la société Okaïdi une faute dans l'envoi d'un chèque cadeau à Mme Liebault le 28 avril 2006 alors que celui-ci n'est que le prolongement et le respect des obligations issues du programme de fidélisation mis en place ; en revanche l'invitation adressée à Melle Beucher pour des ventes privées qui se tenaient les 22, 23 et 24 juillet 2006 excède l'autorisation donnée par les franchisés, par avenant ou en pratique comme c'est le cas pour la société République 42 non signataire de l'avenant (pièce numéro 5 de la société Okaïdi), qui autorisait seulement le franchiseur à utiliser le fichier clients dans le cadre de son activité de vente à distance, à laquelle ne se rattache pas une vente privée. La SARL République 42 caractérise ainsi la faute de la société Okaïdi et le préjudice qui en résulte constitué par le bénéfice indûment tiré par celle-ci de l'exploitation, sans bourse délier, d'une clientèle dont elle n'a pas la propriété. En l'état des pièces versées au dossier, de la nature de la faute et de la durée des relations contractuelles entre les parties, la cour est en meure de fixer à 10 000 euro le montant des réparations dues à la SARL République 42.
Sur les autres demandes
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a condamné la SARL République 42 à payer à la société Okaïdi la somme de 8 033,33 euro au titre du solde de facture impayée ; il sera donc confirmé de ce chef.
Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré sur la condamnation de la SARL République 42 à payer à la société Okaïdi les sommes de 8 033,33 euro et 12 159 euro, ainsi que sur le rejet de la demande de la SARL République 42 en dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat, L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Condamne la société Okaïdi à payer à la SARL République 42 la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts, Déboute la société Okaïdi de sa demande sur le fondement de la clause de non-concurrence, Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Laisse à la charge de chacune des parties le montant de ses dépens de première instance et d'appel.