CA Montpellier, 2e ch. A, 24 avril 2007, n° 06-04073
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ismay International (SARL)
Défendeur :
Orchestra Kazibao (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schmitt
Conseillers :
Mmes Plantard, Debuissy
Avoués :
SCP Jougla, SCP Garrigue
Avocats :
Me Laskar, SCP Lafont-Carillo-Guizard
Par contrat du 4 mars 2002 la société Orchestra Kazibao a confié à la société Ismay International, le mandat de vendre à titre exclusif, au nom et pour le compte du mandant, tout produit textile, chaussure et accessoire textile, dans le secteur de la Russie, Ukraine, Géorgie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et Biélorussie, pour une durée de trois années, renouvelable par tacite reconduction, avec effet au 1er janvier 2002. Les parties ont signé un avenant, le 1er juillet 2003, portant sur de nouvelles modalités de règlement des commissions, et l'exclusivité accordée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 octobre 2004, la société Orchestra a fait connaître à la société Ismay International, qu'elle n'entendait pas renouveler par tacite reconduction, le contrat qui arrivait à échéance au 31 décembre 2004, du fait des niveaux de développement souhaités, qui n'étaient pas atteints.
Par acte du 2 mars 2005, la société Ismay International, a assigné la société Orchestra Kazibao en paiement d'une indemnité de rupture, et diverses sommes, à titre de dommages-intérêts. Par jugement du 10 mai 2006, le Tribunal de commerce de Montpellier a:
- rejeté la demande au titre du préavis.
- condamné la société Ismay à cesser jusqu'au 31 décembre inclus, toute représentation directe ou indirecte des produits concurrents dans le secteur concerné par le contrat d'agent commercial, du 4 mars 2002, sous astreinte de 1 000 euro par infraction.
- et, pour le surplus, a ordonné une expertise à Monsieur Marc Boussière.
La société Ismay International, a relevé appel de cette décision, le 13 juin 2006, et a demandé à la cour, par conclusions du 13 octobre 2006, de l'infirmer et de condamner la société Orchestra:
- à lui payer la somme de 453 400,50 euro, au titre d'une indemnité de rupture, due, sauf faute grave, ce qui n'est pas le cas en l'espèce;
- celle de 43 266 euro à titre de dommages-intérêts, pour nonexécution des obligations contractuelles relatives à la remise des échantillons, et à l'entrave injustifiée de l'exercice normal de son mandat;
- celle de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts pour inexécution des obligations contractuelles relatives au paiement des commissions aux échéances conventionnelles;
le tout, avec intérêts légaux à compter de la date de délivrance de l'assignation, avec capitalisation, sur le fondement de l'article 1154 du Code civil;
- à remettre les bordereaux mentionnant la totalité des affaires commissionables sur l'année 2004, sous astreinte de 300 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir;
- à lui payer la somme de 38 488,32 euro TTC, au titre des factures n° 803, 778, 781, 782, 783, 786, 806, 807, 808, avec intérêts légaux à compter du 6 juillet 2005;
- à lui payer la somme de 5 000 euro, au titre de dommages-intérêts pour réticence abusive;
- à lui remettre la liste des affaires traitées et commissions traitées et versées avec Maria Bolchakova ou à Ismay, sur les années 2005, 2006, 2003, et 2004;
- à lui payer la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 12 février 2007, la société Orchestra Kazibao a relevé appel incident, pour demander la condamnation de la société Ismay International, à lui payer la somme de 320 000 euro, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel, moral et de notoriété, de débouter la société Ismay de ses demandes, et de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à cesser, jusqu'au 31 décembre 2006, inclus, toute représentation directe ou indirecte des produits concurrents dans le secteur concerné par le contrat d'agent commercial, du 4 mars 2002, sous astreinte de 1 000 euro par infraction; de condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 euro, pour appel abusif, et celle de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi
Attendu qu'en vertu des articles L. 134-12, et L. 134-13, du Code commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice, en réparation du préjudice subi, sauf notamment, en cas de faute grave.
Attendu qu'en l'espèce, la lettre de rupture des relations, pour non-renouvellement du contrat à son terme, soumise également à ces dispositions, vise le défaut d'atteinte du niveau de développement attendu ; elle invoque, devant la cour, la violation de l'interdiction de représenter des produits concurrents, ayant pour conséquence un défaut de réalisation de l'objectif contractuellement défini, ainsi qu'une violation de l'obligation de l'informer de l'évolution du marché et de la concurrence, dont elle n'a obtenu la preuve, que postérieurement à la rupture.
Mais attendu que la preuve alléguée, est représentée par un mail du 5 janvier adressé par la société Ismay à la société Catimini, faisant état de paiement reporté par des clients, relatif à l'hiver 2004, probablement des ventes de cette saison, et d'annulation de commande par d'autres clients. La société Ismay explique, et justifie avoir sous-loué ses locaux, à la société Céleste, qui avait adressé le mail litigieux par erreur à la société Orchestra.
Attendu que ce seul document, fait certes, ressortir l'existence de relations contractuelles avec une société concurrente. Toutefois, compte tenu des contestations soulevées par la société Ismay, qui doivent être considérées comme sérieuses, au vu des pièces versées à l'appui de son argumentation, ne peut être retenu comme probant de la faute commise par la société Ismay.
Attendu en conséquence que la société Orchestra qui ne démontre pas la faute grave que son agent commercial aurait commise, doit être, d'une part condamnée à lui payer une indemnité réparatrice, évaluée à 157 500 euro, représentant environ dix huit mois de commissions, qui répare la perte de toutes les rémunérations, et exclut l'indemnisation pour perte de la clientèle russe, sollicitée; d'autre part, déboutée de sa demande en réparation du préjudice subi résultant des agissements déloyaux de la société Ismay,
Attendu que les autres préjudices invoqués par la société Ismay, liés à la violation, par la société Orchestra, de ses obligations conventionnelles, à savoir, celui résultant du défaut d'échantillons de la collection 2005, à vendre en été 2004, et le retard apporté au règlement des commissions afférentes à la période du mois de juin 2004, au mois de novembre 2004, ne repose sur aucune justification. Invoquer la violation d'obligations contractuelles, sans justifier du préjudice qu'elle a entraîne, ne suffit pas à obtenir une indemnisation.
Attendu que la société Orchestra ne conteste pas la demande en paiement de commissions d'un montant de 38 488,32 euro, et ne l'a jamais contesté, s'étant contenté de répondre à la lettre de rappel du 8 mars 2005, et à la mise en demeure du 6 juillet 2005, adressées par la société Ismay, qu'une procédure était en cours et qu'elle devait s'adresser à son conseil. Il sera fait droit à cette demande.
Attendu qu'il y a lieu aussi de faire droit à la demande de production du bordereau des affaires commissionables pour l'année 2004, malgré la contestation de la société Orchestra, qui invoque de manière inopérante, l'envoi régulier de balances récapitulant la balance des virements, qui n'équivaut pas à un état des affaires génératrices de commissions. Cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 100 euro, par jour de retard, commençant à courir 15 jours après la signification de la présente décision, pendant un délai de deux mois.
Attendu que la société Ismay prétend encore que la société Orchestra a enfreint la clause de d'interdiction de débauchage, imposée aux deux parties, pendant la durée du mandat, et les deux années suivant la fin du contrat. Elle fait valoir que la société Orchestra a embauché, dès le mois de février 2005, Madame Bolchkova, qui était son agent permanent en Russie.
Mais attendu que le contrat de prestation du 17 janvier 2001, liant Madame Bolchkova, avec la société Ismay, a pris fin, deux années plus tard, et il n'est pas justifié qu'il a été renouvelé. L'autre contrat invoqué est un contrat d'approvisionnement et de paiement, conclu avec la société Ismay (Russie), dont la gérante est Madame Bolchkova, mais dont la personne ne se confond pas avec la société dont elle est la dirigeante.
Attendu que la demande du chef de ce prétendu débauchage, est mal fondée et doit être rejetée ; qu'il en est de même de celle pour réticence abusive, qui ne repose sur aucune démonstration et justification de l'abus allégué.
Attendu que la société Orchestra qui succombe, doit supporter la charge de frais exposés par la société Ismay, et non compris dans les dépens, à hauteur de 1 500 euro.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme la décision déférée, et statuant à nouveau Condamne la société Orchestra Kazibao, à payer à la société Ismay International, la somme de 157 500 euro, à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts légaux à compter du 2 mars 2005, date de l'assignation. Dit que les intérêts se capitaliseront pourvu qu'ils soient dus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du Code civil. Condamne la même, à remettre à la société Ismay, la liste des affaires commissionables de l'année 2004, sous astreinte de 100 euro, par jour de retard, commençant à courir 15 jours après la signification de la présente décision, pendant un délai de deux mois. Condamne la société Orchestra Kazibao à payer à la société Ismay, la somme de 38 488,32 euro, au titre des factures impayées, avec intérêts légaux à compter du 6 juillet 2005. Déboute la société Ismay de ses autres demandes. Condamne la société Orchestra Kazibao à payer à la société Ismay, la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la même aux entiers dépens, qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.