Livv
Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 25 octobre 2007, n° 06-02839

CAEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chometon

Défendeur :

Norval (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Holman

Conseillers :

Mmes Boissel Dombreval, Vallansan

Avoués :

SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte, SCP Terrade Dartois

Avocats :

Mes Crosson du Cormier, Bernard

T. com. Evreux, du 17 oct. 2002

17 octobre 2002

Par contrat du 18 mai 1999, la société Normandie de Valorisation (Norval), qui a pour activité le traitement des résidus de broyage automobiles, a confié à M. Louis Chometon, agent commercial, un mandat de représentation auprès de tous les fournisseurs potentiels de métaux provenant d'incinération et le pouvoir de définir les prix et les modalités d'approvisionnement.

Aux termes de ce contrat, conclu pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 1999, renouvelable, la société Norval a également chargé M. Chometon de mettre en place, dans l'entreprise, l'ensemble des procédures liées au traitement des métaux provenant d'incinération, de réorganiser, sur site, les approvisionnements de toutes les fournitures nécessaires à la production des métaux et à l'entretien des matériels et lui a confié des activités de conseiller en développement technique.

Il était contractuellement prévu que M. Chometon facturerait à la société Norval les prestations contractuelles concernant le service achat et le développement technique à la somme de 35 000 F (5 335,71 euro) hors TVA par mois de présence, outre les frais engagés dans l'intérêt de la société, sur justificatif, et au titre de l'activité commerciale des commissions sur la base de 100 F par tonne de métaux provenant d'incinération achetée, au-delà de trois cent cinquante tonnes par mois.

M. Chometon s'est engagé à réserver à la société Norval l'exclusivité de son travail dans l'activité des métaux provenant d'incinération et à lui proposer en priorité d'éventuelles actions commerciales portant sur des produits nouveaux.

Le 18 avril 2001, les parties ont établi un document, intitulé " proposition ", présenté par la société Norval comme étant un document de travail et qualifié de contrat par M. Chometon.

Par courrier du 27 juin 2001, la société Norval, a pris acte de l'absence d'accord de renégociation du contrat initial, du désir de M. Chometon de ne plus travailler dans l'entreprise et lui a proposé une indemnité de rupture forfaitaire et transactionnelle de 350 000 F (53 357,61 euro), que M. Chometon a refusée.

Par acte du 27 décembre 2001 M. Chometon a fait assigner la société Norval devant le Tribunal de commerce de Rouen, qui a renvoyé l'affaire au Tribunal de commerce d'Evreux à raison de la qualité de juge consulaire du représentant légal de la société Norval en paiement des sommes de:

- 23 253,59 euro au titre du rappel de commissions du 18 avril au 30 juin 2001.

- 7 938,91 euro au titre des commissions d'intérêt sur les résultats commerciaux 18 avril 2001 au 30 septembre 2001.

- 21 405,37 euro au titre du préavis.

- 256 114,35 euro au titre de l'indemnité compensatrice.

- 9 116,45 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Norval a formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts fondée sur la violation de la clause d'exclusivité et par jugement du 17 octobre 2002 le Tribunal de commerce d'Evreux a :

- déclaré irrecevables les réclamations de M. Chometon fondées sur le document du 18 avril 2001 au motif que cet écrit ne constituait pas un contrat.

- fixé à 128 057 17 euro le montant de l'indemnité compensatrice due à M. Chometon à 94 129,77 euro + 30 000 euro les indemnités dues à la société Norval en réparation de concurrence déloyale et préjudice commercial et après compensation a condamné la société Norval à payer à M. Chometon la somme de 3 927,40 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Par arrêt du 15 avril 2004, la Cour d'appel de Rouen a :

- confirmé le jugement en ses dispositions relatives au document du 18 avril 2001.

- réformé pour le surplus le jugement.

- fixé l'indemnité de rupture à la somme de 53 300 euro, l'indemnité due au titre de la concurrence déloyale à la somme de 78 451,64 euro, débouté la société Norval de sa demande en réparation de préjudice commercial et après compensation, condamné M. Chometon à payer à la société Norval la somme de 25 151,64 euro outre la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Chometon a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt et la Cour de cassation par arrêt du 7 juin 2006 a:

- cassé mais seulement en ce qu'il avait fixé l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la cessation du contrat d'agent commercial à la somme de 53 300 euro et avait condamné M. Chometon à payer après compensation des sommes respectivement dues entre les parties à la société Norval la somme de 25 151,54 euro, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen et ce au visa de l'article L. 134-12 du Code de commerce

* au motif "que pour limiter le montant de l'indemnité compensatrice du préjudice subi par la cessation du contrat d'agent commercial à la somme de 25 151,64 euro, l'arrêt retient que la rémunération mensuelle forfaitaire fixée contractuellement, qui n'est pas liée à l'activité d'agent commercial de M. Chometon, ne saurait constituer la base de calcul de l'indemnité compensatrice déterminée en fonction du montant des commissions versées à l'agent commercial ;

* qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité est calculée sur la totalité des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Vu les conclusions signifiées

* le 11 septembre 2007 par M. Chometon qui conclut à la réformation du jugement et demande paiement des sommes de 168 057,17 euro au titre de l'indemnité de rupture, 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* le 17 septembre 2007 par la société Norval qui conclut au rejet des réclamations et demande paiement d'une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les parties s'accordent à considérer au vu de l'arrêt de la Cour de cassation, que seul reste à juger le montant des indemnités dues à M. Chometon dont en l'absence de faute grave, le principe est irrévocablement acquis.

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en raison du préjudice subi.

Ce préjudice est caractérisé par la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature, l'origine de la clientèle étant, contrairement aux allégations de la société Norval sans incidence sur l'existence de ce préjudice. Il doit être pris en considération toutes les rémunérations auxquelles l'agent pouvait raisonnablement prétendre dans la poursuite du mandat.

Aux termes d'un usage professionnel constant, cette indemnité est fixée à deux années de commission ou autres rémunérations calculées sur la moyenne brute des trois dernières années ou de l'ensemble des années antérieures si la durée du contrat est inférieure à trois ans, et ce mode de calcul doit être retenu dès lors que le mandant n'apporte pas la preuve que le préjudice de l'agent a été moindre.

En l'espèce, si M. Chometon n'a pas atteint le quota requis pour générer à son profit des commissions, il est fondé à prétendre à une indemnité, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat, qui doit être fixée par référence à la rémunération mensuelle de 5 335,71 euro hors taxes.

Le mandant ne rapporte pas la preuve lui incombant de ce que compte tenu d'éléments particuliers, le préjudice subi par l'agent est moindre, étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'examiner à nouveau les faits de concurrence déloyale, définitivement sanctionnés, dont la commission par M. Chometon établit au contraire que l'activité de celui-ci avait vocation à se maintenir, voire à se développer jusqu'au seuil requis pour générer des commissions, sans frais supplémentaires de prospection ou de démarchage.

Au vu de l'ensemble de ces éléments il sera fait droit à la réclamation de l'indemnité de rupture correspondant à deux années de rémunération contractuelle mensuelle de 35 000 F (5 335,71 euro) soit

5 335,71 x 24 = 128 057,17 euro

Par ailleurs, pour obtenir un bien équivalent, M. Chometon devra investir l'indemnité de rupture et ainsi acquitter, aux termes de la législation fiscale en vigueur, 16 % au titre de la plus value, 11 % au titre de la CSG.

En application du principe de réparation intégrale, l'indemnité de remploi est donc due puisqu'elle constitue une conséquence fiscale directe de l'indemnité de résiliation qui n'aurait pas existé si le contrat s'était poursuivi.

Il sera alloué de ce chef la somme de 34 575,43 euro correspondant à 27 % de l'indemnité de rupture.

L'indemnité totale s'élève en conséquence à la somme de :

128 057,17 euro + 34 575,43 euro = 162 632,60 euro

La résistance à une action ne dégénère en faute susceptible d'entraîner une condamnation à des dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou tout au moins une erreur équivalente au dol.

En l'espèce M. Chometon ne démontre pas en quoi l'argumentation développée par la société Norval présenterait de telles caractéristiques.

En conséquence sa demande en dommages et intérêts infondée, sera rejetée.

Succombant sur la procédure la société Norval a contraint l'intimé à exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 5 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2006, - Réforme le jugement; - Condamne la société NorvalL à payer à M. Louis Chometon la somme de 162 632,60 euro; - Déboute M. Chometon de sa demande en dommages et intérêts ; - Condamne la société Norval à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - Condamne la société Norval aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.