CJCE, gr. ch., 30 novembre 2004, n° C-16/03
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
Peak Holding AB, Axolin-Elinor AB
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Skouris
Présidents de chambre :
MM. Jann, Timmermans, Rosas, Mme Silva de Lapuerta
Avocat général :
Mme Stix-Hackl
Juges :
MM. Gulmann, Puissochet, Schintgen, Cunha Rodrigues, Avocats : Mes Gozzo, Azelius
LA COUR (grande chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 7, paragraphe 1, de la première directive 89-104-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après la "directive").
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Peak Holding AB (ci-après "Peak Holding") à Axolin-Elinor AB (ci-après "Axolin-Elinor"), anciennement Handelskompaniet Factory Outlet i Löddeköpinge AB (ci-après "Factory Outlet") à l'époque de la survenance dudit litige, à propos des modalités de commercialisation par Factory Outlet d'un lot de vêtements revêtus de la marque Peak Performance, dont Peak Holding est titulaire.
Le cadre juridique
3 L'article 5 de la directive, intitulé "Droits conférés par la marque", est libellé comme suit:
"1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:
a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;
[...]
3. Si les conditions énoncées [au paragraphe 1] sont remplies, il peut notamment être interdit:
[...]
b) d'offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d'importer [...] les produits sous le signe;
[...]"
4 L'article 7 de la directive, dans sa version initiale, intitulé "Épuisement du droit conféré par la marque", disposait:
"1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.
[...]"
5 Conformément à l'article 65, paragraphe 2, de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après l'"EEE"), lu en combinaison avec l'annexe XVII, point 4, de cet accord, l'article 7, paragraphe 1, de la directive, dans sa version initiale, a été modifié aux fins dudit accord, l'expression "dans la Communauté" étant remplacée par les mots "sur le territoire d'une partie contractante".
Le litige au principal et les questions préjudicielles
6 Peak Holding, société du groupe danois IC-Companys, est titulaire, notamment, de la marque Peak Performance. Le droit d'utiliser cette marque a été conféré à Peak Performance Production AB (ci-après "Peak Performance Production"), société apparentée audit groupe. Cette société produit et vend des vêtements et accessoires sous cette marque en Suède et dans d'autres pays.
7 À l'époque de la survenance du litige au principal, Factory Outlet, société de droit suédois, pratiquait dans des boutiques en Suède la vente directe de vêtements et d'autres articles, pour une large part des produits de marque provenant d'importations parallèles, de réimportations ou obtenus en dehors des circuits de distribution ordinaires du titulaire de la marque considérée.
8 À la fin de l'année 2000, Factory Outlet a commercialisé, en particulier, un lot d'environ 25 000 vêtements de marque Peak Performance, après avoir fait paraître dans la presse des annonces proposant la vente de ces articles à moitié prix.
9 Lesdits articles étaient issus des collections de Peak Performance Production des années 1996 à 1998. Ils avaient été fabriqués hors de l'EEE pour le compte de cette société. Ils avaient été importés dans l'EEE pour y être vendus.
10 Selon Factory Outlet, les vêtements proposés à la vente entre 1996 et 1998 l'avaient été dans des magasins appartenant à des revendeurs indépendants, tandis que, selon Peak Holding, ils l'avaient été dans les boutiques de Peak Performance Production.
11 En novembre et décembre 1999, tous les vêtements du lot faisaient partie de vêtements proposés à la vente aux consommateurs finals à Copenhague (Danemark), dans les locaux de Base Camp, magasin mis à disposition par Carli Gry Denmark A/S, société sœur de Peak Performance Production. Le lot se composait donc de marchandises demeurées invendues après les soldes.
12 Peak Performance Production a vendu ce lot à COPAD International (ci-après "COPAD"), entreprise établie en France. D'après Peak Holding, le contrat conclu à cette occasion stipulait que ledit lot ne devait pas être revendu dans des pays européens autres que la Russie et la Slovénie, à l'exception de 5 % de la quantité totale, qui pouvaient être vendus en France. Factory Outlet a contesté l'existence d'une telle restriction et a soutenu que, en tout état de cause, elle n'en avait pas connaissance lorsqu'elle a acheté le lot.
13 Factory Outlet a assuré qu'elle avait acquis le lot auprès de Truefit Sweden AB, société de droit suédois.
14 Il est constant que le lot n'a pas quitté l'EEE depuis le moment où il est sorti des entrepôts de Peak Performance Production au Danemark jusqu'à sa livraison à Factory Outlet en Suède.
15 Soutenant que les modalités de commercialisation choisies par Factory Outlet, en particulier ses annonces publicitaires, portaient atteinte à ses droits de marque, Peak Holding a, le 9 octobre 2000, introduit une procédure devant le Lunds tingsrätt (Suède). Elle a demandé à cette juridiction de condamner Factory Outlet au versement de dommages-intérêts, de lui interdire de commercialiser ainsi que de vendre des vêtements et autres articles issus du lot en question, et d'ordonner la destruction de ces marchandises.
16 Factory Outlet a conclu au rejet des prétentions de la requérante. Elle a soutenu que les marchandises litigieuses avaient été mises sur le marché dans l'EEE par Peak Holding, de sorte que celle-ci ne serait pas en droit d'interdire l'utilisation de la marque lors de la vente de ces marchandises.
17 Factory Outlet a soutenu, premièrement, que les marchandises avaient été mises sur le marché du fait de leur importation, par Peak Performance Production, dans le marché intérieur et du paiement des droits de douane y afférents, avec l'intention de vendre lesdites marchandises dans la Communauté. Elle a fait valoir, deuxièmement, que les marchandises avaient été mises sur le marché du fait qu'elles avaient été proposées à la vente par des revendeurs indépendants. Elle a soutenu, troisièmement, qu'elles avaient été mises sur le marché du fait qu'elles avaient été commercialisées par Peak Performance Production dans ses propres magasins ainsi que dans le magasin de Base Camp et que, dans ces circonstances, elles avaient été proposées aux consommateurs. Factory Outlet a affirmé, quatrièmement, que, en tout état de cause, les marchandises avaient été mises sur le marché du fait qu'elles avaient été vendues à COPAD, indépendamment du point de savoir si elles l'avaient été avec ou sans restriction de revente dans le marché intérieur.
18 Peak Holding a contesté que les marchandises aient été mises sur le marché par le titulaire de la marque ou avec son consentement. Selon elle, même s'il y avait eu épuisement du droit de marque du fait que les marchandises avaient été proposées à la vente dans le magasin de Base Camp, cet épuisement avait été interrompu et le droit de marque rétabli après que les marchandises eurent été retournées dans les entrepôts.
19 Le tingsrätt a rejeté la demande, estimant que les marchandises avaient été effectivement commercialisées du fait de leur mise à disposition des consommateurs dans le magasin de Base Camp et que le droit conféré par la marque n'avait pu être rétabli postérieurement à cet événement.
20 Peak Holding a interjeté appel du jugement du tingsrätt devant la juridiction de renvoi.
21 Considérant que la solution du litige opposant Peak Holding à Axolin-Elinor soulève la question de l'interprétation de l'expression "mis dans le commerce" contenue à l'article 7, paragraphe 1, de la directive, le Hovrätten över Skåne och Blekinge a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Doit-on considérer que des marchandises ont été mises dans le commerce du fait que le propriétaire du droit de marque:
a) les a importées dans le marché commun, en acquittant les droits à l'importation, en vue de les vendre sur ce marché?
b) les a proposées à la vente dans ses propres magasins ou dans celui d'une société apparentée, sans pour autant qu'il y ait eu vente?
2) Dans l'hypothèse où des marchandises ont été mises dans le commerce suivant l'une des deux propositions alternatives reprises ci-dessus et que le droit de marque aurait été épuisé de ce fait, sans qu'il y ait eu vente des marchandises, le titulaire du droit de marque peut-il interrompre cet épuisement en replaçant les marchandises en entrepôt?
3) Doit-on considérer que des marchandises ont été mises dans le commerce du fait que le titulaire de la marque les a cédées à une autre entreprise dans le marché intérieur, également dans l'hypothèse où, lors de la vente, le titulaire de la marque avait posé comme condition que les marchandises ne seraient pas revendues dans le marché commun?
4) La circonstance que le titulaire du droit de marque a autorisé l'acquéreur, lors de la cession du lot dont faisaient partie les marchandises, à revendre une petite partie des marchandises dans le marché commun, sans spécifier nommément les marchandises auxquelles s'appliquait cette autorisation a-t-elle une incidence sur la réponse à la troisième question?"
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
22 À la lumière des circonstances de l'affaire au principal, la juridiction de renvoi demande en substance, par sa première question, si l'article 7, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que des produits revêtus d'une marque sont considérés comme ayant été mis dans le commerce dans l'EEE lorsque le titulaire de la marque les a importés dans l'EEE en vue de les vendre dans celui-ci ou lorsqu'il les a offerts à la vente à des consommateurs dans l'EEE, dans ses propres magasins ou dans ceux d'une société apparentée, mais sans parvenir à les vendre.
Observations soumises à la Cour
23 Peak Holding et la Commission considèrent que l'épuisement du droit conféré par la marque n'intervient que lors de la vente du produit dans l'EEE par le titulaire de la marque ou avec son consentement. Le droit ne serait pas épuisé dans les hypothèses visées par la première question préjudicielle.
24 Axolin-Elinor fait valoir que l'épuisement du droit du titulaire de la marque a lieu du seul fait de l'importation, du dédouanement et de l'entreposage du produit dans l'EEE en vue de sa vente. Subsidiairement, elle soutient que le droit conféré par la marque est épuisé lorsque le titulaire de celle-ci propose le produit à la vente aux consommateurs, même si l'offre n'aboutit pas.
25 Le Gouvernement suédois estime que les différentes versions linguistiques de la directive doivent être comprises comme exigeant que le titulaire de la marque ait pris une mesure à destination du marché pour qu'une marchandise puisse être considérée comme mise dans le commerce.
26 Un produit ne devrait donc pas être considéré comme mis dans le commerce dans l'EEE du seul fait qu'il a été importé, dédouané, puis entreposé dans celui-ci par le titulaire, aucune de ces mesures n'étant dirigée vers le marché.
27 L'épuisement interviendrait, au plus tard, lorsque le titulaire du droit de marque ou quiconque ayant obtenu le droit d'utiliser cette marque propose la marchandise à la vente aux consommateurs dans l'EEE.
28 En revanche, l'épuisement ne se réaliserait pas lorsque le titulaire de la marque propose ses produits, dans l'EEE, à des revendeurs, car une offre de vente ne porte fréquemment que sur une certaine quantité des produits en question. Dans cette dernière hypothèse, il serait impossible d'identifier ceux pour lesquels l'épuisement est intervenu. Par ailleurs, une offre non suivie d'une cession ne pourrait pas être considérée comme un acte de disposition suffisamment définitif de la part du titulaire.
29 L'épuisement interviendrait lors d'une cession effective à un revendeur, à condition qu'elle apparaisse comme une mesure tournée vers le marché. Une cession entre sociétés d'un même groupe devrait être considérée comme une mesure interne au groupe, qui n'entraînerait pas l'épuisement du droit.
Réponse de la Cour
30 Il convient de rappeler que les articles 5 à 7 de la directive procèdent à une harmonisation complète des règles relatives aux droits conférés par la marque et définissent ainsi les droits dont jouissent les titulaires de marques dans la Communauté (arrêts du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied, C-355-96, Rec. p. I-4799, points 25 et 29, et du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss, C-414-99 à C-416-99, Rec. p. I-8691, point 39).
31 La notion de "mise dans le commerce" dans l'EEE utilisée à l'article 7, paragraphe 1, de la directive constitue un élément déterminant de l'extinction du droit exclusif du titulaire de la marque prévu à l'article 5 de cette directive (voir arrêt du 8 avril 2003, Van Doren + Q, C-244-00, Rec. p. I-3051, point 34).
32 Elle doit donc recevoir une interprétation uniforme dans l'ordre juridique communautaire (voir, par analogie, arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss, précité, points 41 à 43).
33 Le seul libellé de l'article 7, paragraphe 1, de la directive ne permet pas de déterminer si des produits importés dans l'EEE ou proposés à la vente dans celui-ci par le titulaire de la marque doivent être considérés comme ayant été "mis dans le commerce" dans l'EEE au sens de cette disposition. Dès lors, l'interprétation de la disposition en cause doit être recherchée en considération de l'économie et des objectifs de la directive.
34 L'article 5 de la directive confère au titulaire de la marque un droit exclusif lui permettant d'interdire à tout tiers, notamment, d'importer des produits revêtus de sa marque, de les offrir, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins. L'article 7, paragraphe 1, contient une exception à cette règle, en ce qu'il prévoit que le droit du titulaire est épuisé lorsque les produits ont été mis dans le commerce dans l'EEE par le titulaire ou avec son consentement (voir arrêts précités Zino Davidoff et Levi Strauss, point 40, et Van Doren + Q, point 33).
35 La Cour a constaté que la directive vise, notamment, à assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque pour la première mise en circulation des produits qui en sont revêtus (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a., C-427-93, C-429-93 et C-436-93, Rec. p. I-3457, points 31, 40 et 44).
36 Elle a par ailleurs relevé que, en précisant que la mise sur le marché en dehors de l'EEE n'épuise pas le droit du titulaire de s'opposer à l'importation de ces produits effectuée sans son consentement, le législateur communautaire a ainsi permis au titulaire de contrôler la première mise dans le commerce dans l'EEE des produits revêtus de la marque (voir arrêts du 1er juillet 1999, Sebago et Maison Dubois, C-173-98, Rec. p. I-4103, point 21; Zino Davidoff et Levi Strauss, précité, point 33, et Van Doren + Q, précité, point 26).
37 Elle a souligné, en outre, que l'article 7, paragraphe 1, de la directive vise à rendre possible la commercialisation ultérieure d'un exemplaire d'un produit revêtu d'une marque sans que le titulaire de la marque puisse s'y opposer (voir arrêts du 23 février 1999, BMW, C-63-97, p. I-905, point 57, ainsi que Sebago et Maison Dubois, précité, point 20).
38 Enfin, elle a jugé que, pour que la marque puisse jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité CE entend établir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir, notamment, arrêt du 18 juin 2002, Philips, C-299-99, Rec. p. I-5475, point 30).
39 Dans la présente affaire, il n'est pas contesté que, lorsqu'il vend à un tiers, dans l'EEE, des produits revêtus de sa marque, le titulaire met ces derniers dans le commerce au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive.
40 Une vente, qui permet au titulaire de réaliser la valeur économique de sa marque, épuise les droits exclusifs conférés par la directive, plus particulièrement celui d'interdire au tiers acquéreur de revendre les produits.
41 En revanche, lorsque le titulaire importe ses produits en vue de les vendre dans l'EEE ou les propose à la vente dans celui-ci, il ne les met pas dans le commerce au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive.
42 En effet, de tels actes ne transfèrent pas aux tiers le droit de disposer des produits revêtus de la marque. Ils ne permettent pas au titulaire de réaliser la valeur économique de la marque. Même après de tels actes, le titulaire conserve son intérêt au maintien d'un contrôle complet des produits revêtus de sa marque, afin, notamment, d'assurer leur qualité.
43 Par ailleurs, il y a lieu de relever que l'article 5, paragraphe 3, sous b) et c), de la directive, relatif au contenu du droit exclusif du titulaire, distingue notamment entre l'offre des produits, leur mise dans le commerce, leur détention à ces fins et leur importation. Dès lors, le libellé de cette disposition confirme également qu'une importation ou une offre des produits dans l'EEE ne peut être assimilée à une mise dans le commerce de ceux-ci.
44 Il convient donc de répondre à la première question que l'article 7, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que des produits revêtus d'une marque ne peuvent pas être considérés comme ayant été mis dans le commerce dans l'EEE lorsque le titulaire de la marque les a importés dans l'EEE en vue de les vendre dans celui-ci ou lorsqu'il les a offerts à la vente à des consommateurs dans l'EEE, dans ses propres magasins ou dans ceux d'une société apparentée, mais sans parvenir à les vendre.
Sur la deuxième question
45 La deuxième question n'est posée que dans l'hypothèse où il serait répondu par l'affirmative à la première question.
46 Il n'est donc pas nécessaire d'y répondre.
Sur la troisième question
47 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, la stipulation, dans un contrat de vente conclu entre le titulaire de la marque et un opérateur établi dans l'EEE, d'une interdiction de revente dans celui-ci exclut qu'il y ait mise dans le commerce dans l'EEE au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive et fait donc obstacle à l'épuisement du droit exclusif du titulaire en cas de revente dans l'EEE en violation de l'interdiction.
Observations soumises à la Cour
48 Peak Holding souligne que l'épuisement prévu à l'article 7, paragraphe 1, de la directive suppose une mise dans le commerce par le titulaire lui-même ou avec son consentement. L'épuisement nécessiterait ainsi le consentement du titulaire dans les deux cas. Il ne surviendrait donc pas à l'occasion de la vente du produit par le titulaire de la marque si celui-ci stipule qu'il conserve ses droits de marque. Dans le cas où cette stipulation ne serait pas respectée, le produit n'aurait pas été mis dans le commerce avec le consentement du titulaire, de sorte que l'épuisement ne se produirait pas.
49 Axolin-Elinor, le Gouvernement suédois et la Commission considèrent qu'une stipulation comme celle visée par la troisième question ne fait pas obstacle à l'épuisement, qui intervient en vertu de la loi. Une telle stipulation ne serait pas opposable aux tiers. Le non-respect d'une interdiction de revente correspondrait à une infraction contractuelle et non à une violation de droits intellectuels. L'effet juridique de l'épuisement à l'égard des tiers ne serait donc pas laissé à la disposition des parties contractantes, quels que soient les effets que l'accord est censé avoir en ce qui concerne les obligations. Une interprétation différente serait contraire à l'objectif de l'article 7, paragraphe 1, de la directive.
Réponse de la Cour
50 L'article 7, paragraphe 1, de la directive subordonne l'épuisement communautaire soit à une mise dans le commerce dans l'EEE par le titulaire de la marque lui-même, soit à une mise dans le commerce dans l'EEE par un tiers, mais avec le consentement du titulaire.
51 Il résulte de la réponse à la première question que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, la mise dans le commerce dans l'EEE par le titulaire suppose une vente des produits, par celui-ci, dans l'EEE.
52 Dans le cas d'une telle vente, l'article 7, paragraphe 1, de la directive ne subordonne pas, en outre, l'épuisement du droit conféré par la marque à un consentement du titulaire à une commercialisation ultérieure des produits dans l'EEE.
53 L'épuisement se produit par le seul effet de la mise dans le commerce dans l'EEE par le titulaire.
54 La stipulation éventuelle, dans l'acte de vente opérant première mise dans le commerce dans l'EEE, de restrictions territoriales au droit de revente des produits concerne les seuls rapports des parties à cet acte.
55 Elle ne saurait faire obstacle à l'épuisement prévu par la directive.
56 Il convient donc de répondre à la troisième question que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, la stipulation, dans un contrat de vente conclu entre le titulaire de la marque et un opérateur établi dans l'EEE, d'une interdiction de revente dans celui-ci n'exclut pas qu'il y ait mise dans le commerce dans l'EEE au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive et ne fait donc pas obstacle à l'épuisement du droit exclusif du titulaire en cas de revente dans l'EEE en violation de l'interdiction.
Sur la quatrième question
57 La quatrième question suppose qu'il ait été répondu à la troisième question que la stipulation visée par cette dernière exclut qu'il y ait mise dans le commerce dans l'EEE en cas de revente dans celui-ci en violation de la restriction territoriale convenue.
58 Il n'est donc pas nécessaire d'y répondre.
Sur les dépens
59 Les frais exposés par le Gouvernement suédois et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, LA COUR (grande chambre) dit pour droit:
1) L'article 7, paragraphe 1, de la première directive 89-104-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992, doit être interprété en ce sens que des produits revêtus d'une marque ne peuvent pas être considérés comme ayant été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen lorsque le titulaire de la marque les a importés dans l'Espace économique européen en vue de les vendre dans celui-ci ou lorsqu'il les a offerts à la vente à des consommateurs dans l'Espace économique européen, dans ses propres magasins ou dans ceux d'une société apparentée, mais sans parvenir à les vendre.
2) Dans des circonstances telles que celles du litige au principal, la stipulation, dans un contrat de vente conclu entre le titulaire de la marque et un opérateur établi dans l'Espace économique européen, d'une interdiction de revente dans celui-ci n'exclut pas qu'il y ait mise dans le commerce dans l'Espace économique européen au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive 89-104, telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, et ne fait donc pas obstacle à l'épuisement du droit exclusif du titulaire en cas de revente dans l'Espace économique européen en violation de l'interdiction.