CJCE, 3e ch., 20 novembre 2008, n° C-209/07
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Competition Authority
Défendeur :
Beef Industry Development Society Ltd, Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rosas
Avocat général :
Mme Trstenjak
Juges :
MM. Ó Caoimh, Cunha Rodrigues, Lõhmus, Mme Lindh
Avocat :
Me McFadden
LA COUR (troisième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 81, paragraphe 1, CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant la Competition Authority à Beef Industry Development Society Ltd (ci-après la "BIDS") et à Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd (ci-après "Barry Brothers") à propos de décisions de la BIDS organisant la rationalisation du secteur de la viande bovine en Irlande.
Le litige au principal et la question préjudicielle
3 Il ressort de la décision de renvoi que le litige dont est saisie la Supreme Court s'inscrit dans le contexte des surcapacités affectant la filière bovine en Irlande et, plus particulièrement, le secteur de la transformation (abattage et désossement de la viande).
4 Une étude réalisée en 1998 à la demande conjointe du gouvernement irlandais et des représentants de la filière bovine a conclu à la nécessité de réduire le nombre de transformateurs de 20 à un chiffre compris entre 4 et 6. Ce rapport recommandait également que les entreprises destinées à rester sur le marché (ci-après les "restants") indemnisent celles amenées à se retirer (ci-après les "sortants").
5 En 1999, un groupe de travail mis en place par le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation est parvenu à des conclusions analogues et a recommandé la création, par les transformateurs, d'un fonds d'indemnisation.
6 Conformément à ces conclusions, les dix principaux transformateurs ont créé la BIDS le 2 mai 2002. Cette dernière a préparé un projet de plan de rationalisation prévoyant, notamment, une réduction des capacités de transformation de l'ordre de 25 %, soit l'équivalent d'un volume annuel d'environ 420 000 têtes de bétail.
7 La BIDS envisageait de mettre en œuvre cet objectif au moyen de conventions conclues entre les restants et les sortants, selon les termes d'un accord type dont les principales caractéristiques sont résumées au point suivant.
8 Cet accord type prévoit que les restants indemnisent les sortants, le montant de ces indemnités étant déterminé par les parties. La BIDS verse ces indemnités aux sortants. Les restants remboursent la BIDS au moyen d'une contribution de deux euro par tête de bétail à concurrence de leur volume habituel de transformation et de onze euro au-delà. En contrepartie, les sortants s'engagent:
- à détruire ou à mettre hors d'usage leurs équipements de transformation ou à ne les vendre qu'à des personnes établies en dehors de l'île d'Irlande ou, le cas échéant, aux restants, à condition que ces derniers les utilisent comme matériel de remplacement ou pièces de rechange;
- à ne pas utiliser, pour la transformation de viande bovine, les terrains sur lesquels ces équipements étaient situés, pendant une période de cinq ans, et
- à ne pas concurrencer les restants pendant deux ans sur le marché de la transformation de viande bovine en Irlande.
9 Barry Brothers est une société de transformation de viande bovine. Elle a conclu avec la BIDS un accord conforme aux caractéristiques décrites au point précédent.
10 La BIDS a notifié à la Competition Authority cet accord et l'accord type (ci-après les "accords BIDS").
11 Après avoir indiqué à la BIDS, les 5 et 26 juin 2003, qu'elle estimait que les accords BIDS sont contraires à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Competition Authority a, le 30 juin 2003, demandé à la High Court d'enjoindre à la BIDS et à Barry Brothers de s'abstenir de les mettre en œuvre.
12 Par arrêt du 27 juillet 2006, la High Court a rejeté cette demande. Elle a jugé que l'accord conclu entre la BIDS et Barry Brothers ne tombait pas sous le coup de la prohibition énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE et ne remplissait pas non plus les conditions d'exemption prévues au paragraphe 3 de ce même article.
13 La Competition Authority a formé un recours contre cette décision devant la Supreme Court qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"Lorsqu'une juridiction constate à suffisance de droit que:
a) il existe des surcapacités dans le secteur de la transformation de la viande bovine, lesquelles sont évaluées à environ 32 %, sur la base de la production maximale;
b) les effets de ces surcapacités auront des conséquences graves sur la rentabilité du secteur dans son ensemble à moyen terme;
c) bien que [...] les effets de ces surcapacités n'aient pas encore été ressentis d'une manière significative, des consultants indépendants ont indiqué que, à court terme, ces surcapacités ne devraient pas pouvoir être éliminées par le jeu normal du marché, mais que, au fur et à mesure, elles vont entraîner des pertes très importantes et aboutir finalement à ce que des transformateurs et des installations quittent le secteur;
d) des transformateurs représentant approximativement 93 % du marché de l'offre de viande bovine du secteur ont convenu de prendre des mesures en vue d'éliminer les surcapacités et sont disposés à payer des prélèvements destinés au financement des indemnisations au profit des transformateurs acceptant de cesser leur production, et que ces transformateurs, qui représentent dix entreprises, constituent une personne morale (la 'société') dans le but de mettre en œuvre un accord présentant les caractéristiques suivantes:
- les [sortants] [...] qui abattent et transforment 420 000 animaux par an, représentant approximativement 25 % des capacités actives, concluront un accord avec les [restants] en vue de quitter le secteur dans les conditions suivantes;
- les sortants souscriront une clause de non-concurrence valable pour une durée de deux ans, portant sur la transformation du bétail dans toute l'île d'Irlande;
- les installations des sortants seront fermées;
- les terrains des installations fermées ne seront pas employés à une activité de transformation de viande bovine pendant cinq ans;
- une indemnisation sera versée aux sortants en plusieurs fois, au moyen de prêts consentis par les restants à la société;
- des prélèvements volontaires seront payés à la société par tous les restants à un taux de deux euro par tête du volume habituellement abattu, exprimé en pourcentage, et de onze euro par tête du volume abattu au-delà de ce volume;
- les prélèvements serviront à rembourser les prêts et [ils] prendront fin avec le complet remboursement des prêts;
- les équipements des sortants employés à la transformation première de la viande bovine ne seront vendus à des restants que pour servir d'équipements de secours ou de pièces de rechange, ou seront vendus en dehors de l'île d'Irlande;
- la liberté des restants en ce qui concerne la production, les prix, les conditions de vente, l'importation et l'exportation, les augmentations de capacités ou d'autres points ne sera pas affectée, et
qu'il est convenu qu'un tel accord est susceptible, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, d'avoir un effet appréciable sur le commerce entre les États membres, un tel accord doit-il être considéré comme ayant pour objet, distingué de son effet, d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et, par conséquent, comme incompatible avec l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne?"
Sur la question préjudicielle
14 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si des accords ayant des caractéristiques telles que celles des accords BIDS doivent être considérés comme restrictifs de la concurrence et prohibés par l'article 81, paragraphe 1, CE en raison de leur seul objet ou si, au contraire, il est nécessaire, pour parvenir à une telle conclusion, de démontrer au préalable l'existence des effets anticoncurrentiels de tels accords.
15 Il y a lieu de rappeler que, pour relever de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE, un accord doit avoir "pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun". Selon une jurisprudence constante depuis l'arrêt du 30 juin 1966, LTM (56-65, Rec. p. 337, 359), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction "ou", conduit d'abord à la nécessité de considérer l'objet même de l'accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Au cas cependant où l'analyse des clauses de cet accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence, il conviendrait alors d'en examiner les effets et, pour le frapper d'interdiction, d'exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible.
16 Pour apprécier si un accord est prohibé par l'article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est donc superflue lorsqu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, 496, ainsi que du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105-04 P, Rec. p. I-8725, point 125). Cet examen doit être effectué à la lumière du contenu de l'accord et du contexte économique dans lequel il s'inscrit (arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679, point 26, ainsi que du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C-551-03 P, Rec. p. I-3173, point 66).
17 La distinction entre "infractions par objet" et "infractions par effet" tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence.
18 Dans leurs observations écrites déposées devant la Cour, tant la Competition Authority que le gouvernement belge et la Commission des Communautés européennes estiment que les accords BIDS poursuivent manifestement un objet anticoncurrentiel rendant superflue l'analyse de leurs effets concrets et considèrent que ces accords ont été conclus en méconnaissance de la prohibition énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE.
19 En revanche, la BIDS soutient que lesdits accords ne relèvent pas de la catégorie des infractions par objet, mais devraient, au contraire, être analysés à la lumière de leurs effets concrets sur le marché. Elle fait valoir que les accords BIDS, d'une part, ne poursuivent pas un but anticoncurrentiel et, d'autre part, n'entraîneront pas de conséquences néfastes pour les consommateurs ainsi que, plus généralement, pour la concurrence. Elle précise que le but de ces accords est non pas de porter atteinte à la concurrence et au bien-être des consommateurs, mais de rationaliser la filière bovine pour la rendre plus concurrentielle en réduisant les surcapacités de production, sans pour autant les éliminer.
20 Cette dernière argumentation ne saurait être accueillie.
21 En effet, pour déterminer si un accord relève de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de s'attacher à la teneur de ses dispositions et aux buts objectifs qu'il vise à atteindre. À cet égard, à supposer même qu'il soit établi que les parties à un accord ont agi sans aucune intention subjective de restreindre la concurrence, mais dans le but de remédier aux effets d'une crise sectorielle, de telles considérations ne sont pas pertinentes aux fins de l'application de ladite disposition. En effet, un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s'il n'a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d'autres objectifs légitimes (arrêt General Motors/Commission, précité, point 64 et jurisprudence citée). Ce n'est que dans le cadre de l'article 81, paragraphe 3, CE que des éléments tels que ceux invoqués par la BIDS peuvent, le cas échéant, être pris en considération aux fins d'obtenir une exemption de la prohibition énoncée au paragraphe 1 du même article.
22 La BIDS fait en outre valoir que la notion d'infraction par objet devrait être interprétée de manière restrictive. Seuls relèveraient de cette catégorie les accords ayant pour objet la fixation horizontale de prix, la limitation de la production ou la répartition des marchés, accords dont les effets anticoncurrentiels sont à ce point évidents qu'ils ne nécessitent aucune analyse économique. Les accords BIDS ne seraient pas assimilables à ce type d'accords ni à d'autres formes d'ententes complexes. La BIDS soutient qu'un accord portant sur la réduction de surcapacités sectorielles ne peut pas être assimilé à un accord visant à "limiter la production" au sens de l'article 81, paragraphe 1, sous b), CE. En effet, cette notion devrait être comprise comme visant une limitation de la production totale du marché plutôt que celle de la production de certains opérateurs qui se retirent volontairement du marché, sans entraîner une baisse de la production.
23 Toutefois, ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé au point 48 de ses conclusions, les types d'accords envisagés à l'article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées.
24 Dès lors, il convient d'examiner si des accords ayant des caractéristiques telles que celles décrites par la juridiction de renvoi ont pour objet de restreindre la concurrence.
25 Selon la BIDS, si un accord n'affecte pas la production totale sur un marché et n'entrave pas la liberté des opérateurs d'agir de manière autonome, tout impact anticoncurrentiel pourrait être exclu. Dans l'affaire au principal, la sortie de certains opérateurs du marché ne serait pas pertinente, car les restants seraient en mesure de satisfaire la demande.
26 La BIDS ajoute que la structure du marché ne permet pas aux transformateurs d'influencer celui-ci dès lors que, à hauteur de 90 %, la demande est extérieure à l'Irlande. Sur le marché irlandais, la puissance des transformateurs serait largement contrecarrée par la puissance d'achat des quatre grands distributeurs. Il conviendrait également de prendre en considération la concurrence que pourraient exercer de nouveaux opérateurs entrant sur le marché concerné.
27 La BIDS relève que les cas dans lesquels une limitation de l'offre a été jugée comme relevant des infractions par objet concernaient des accords accessoires à des accords de fixation horizontale de prix ou de production [décisions 80-1334-CEE de la Commission, du 17 décembre 1980, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CEE (IV/29.869 - Verre coulé en Italie) (JO L 383, p. 19), et 94-601-CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CE (IV/C/33.833 - Carton) (JO L 243, p. 1)], auxquels les accords BIDS ne sont pas comparables.
28 Selon la BIDS, la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence ne permettent pas de conclure à l'existence d'une restriction par objet [voir, notamment, décisions 84-380-CEE de la Commission, du 4 juillet 1984, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CEE (IV/30.810 - Fibres synthétiques) (JO L 207, p. 17), et 94-296-CE de la Commission, du 29 avril 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CE (IV/34.456 - Stichting Baksteen) (JO L 131, p. 15), ainsi que arrêt du Tribunal du 31 janvier 2001, Weyl Beef Products e.a./Commission, T-197-97 et T-198-97, Rec. p. II-303].
29 Les accords BIDS ne pourraient être comparés au gel de capacités envisagé par les conférences maritimes dans la décision 94-980-CE de la Commission, du 19 octobre 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81] du traité CE (IV/34.446 - Trans Atlantic Agreement) (JO L 376, p. 1), puisque celui-ci n'était pas suffisant pour éliminer les surcapacités sectorielles.
30 Enfin, les accords BIDS ne prévoiraient ni gel ou non-utilisation de capacités, ni échange d'informations, ni quotas ou autres mesures visant à préserver les parts de marché des restants.
31 À cet égard, il ressort du dossier et des indications fournies par la juridiction de renvoi que l'objet des accords BIDS est de modifier de manière sensible la structure du marché grâce à un mécanisme destiné à encourager la sortie d'entreprises concurrentes.
32 Les éléments portés à la connaissance de la Cour démontrent que les accords BIDS visent à améliorer la rentabilité globale d'entreprises offrant plus de 90 % des services de transformation de viande bovine sur le marché irlandais en leur permettant d'approcher, voire d'atteindre, leur échelle d'efficience minimale. Pour ce faire, ces accords poursuivent deux objectifs principaux. Il s'agit, d'une part, d'augmenter le degré de concentration du marché concerné en réduisant de manière significative le nombre d'entreprises offrant des services de transformation et, d'autre part, d'éliminer près de 75 % des capacités de production excédentaires.
33 Les accords BIDS visent donc essentiellement à permettre à plusieurs entreprises de mettre en œuvre une politique commune ayant pour objet de favoriser la sortie du marché de certaines d'entre elles et de réduire, par voie de conséquence, les surcapacités qui affectent leur rentabilité en les empêchant de réaliser des économies d'échelle.
34 Ce type d'accords se heurte de manière patente à la conception inhérente aux dispositions du traité CE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché. L'article 81, paragraphe 1, CE vise en effet à interdire toute forme de coordination qui substitue sciemment une coopération pratique entre entreprises aux risques de la concurrence.
35 Dans le cadre de la concurrence, les entreprises ayant souscrit aux accords BIDS n'auraient eu, en l'absence de ceux-ci, d'autres moyens pour améliorer leur rentabilité que d'intensifier leur rivalité commerciale ou de recourir à des opérations de concentration. Avec ces accords, il leur serait loisible d'éviter un tel processus et de mutualiser une partie importante des coûts nécessaires pour accroître le degré de concentration du marché grâce, notamment, au prélèvement de deux euro par unité produite par chacun des restants.
36 En outre, les moyens mis en œuvre pour atteindre l'objectif des accords BIDS comportent également des restrictions dont l'objet présente un caractère anticoncurrentiel.
37 S'agissant, en premier lieu, de la contribution de onze euro par tête de bétail abattue au-delà du volume de production habituel de chacun des restants, elle représenterait, selon la BIDS, la contrepartie à payer par les restants pour l'acquisition de la clientèle des sortants. Toutefois, force est de relever, ainsi que Mme l'avocat général l'a fait au point 85 de ses conclusions, qu'une telle mesure constitue également un obstacle au développement naturel des parts de marché à l'égard de certains des restants qui, du fait du caractère dissuasif de cette contribution, sont incités à ne pas dépasser leur volume habituel de production. Cette mesure risque donc de conduire certains opérateurs à geler leur production.
38 S'agissant, en second lieu, des restrictions imposées aux sortants en ce qui concerne la disposition et l'utilisation de leurs installations de production, les accords BIDS comportent également, de par leur objet même, des restrictions à la concurrence dans la mesure où ils visent à éviter que ces installations ne puissent être utilisées par de nouveaux opérateurs entrant sur le marché aux fins de concurrencer les restants. Or, ainsi que la Competition Authority l'a souligné dans ses observations écrites, les investissements nécessaires pour la construction d'une installation nouvelle de transformation étant largement supérieurs aux coûts de la reprise d'une installation existante, ces restrictions visent manifestement à dissuader toute nouvelle entrée de concurrents sur l'ensemble du territoire de l'île d'Irlande.
39 Enfin, le fait que lesdites restrictions, ainsi que la clause de non-concurrence imposée aux sortants, soient limitées dans le temps n'est pas susceptible de remettre en cause la constatation du caractère anticoncurrentiel de l'objet des accords BIDS. Ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé au point 86 de ses conclusions, de tels éléments peuvent, tout au plus, être pertinents aux fins de l'examen des quatre conditions dont la réunion est requise par l'article 81, paragraphe 3, CE pour échapper à l'interdiction énoncée au paragraphe 1 du même article.
40 Au regard des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée qu'un accord ayant des caractéristiques telles que celles de l'accord type conclu entre les dix principaux transformateurs de viande bovine en Irlande, membres de la BIDS, et prévoyant, notamment, une réduction des capacités de transformation de l'ordre de 25 % a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre), dit pour droit:
Un accord ayant des caractéristiques telles que celles de l'accord type conclu entre les dix principaux transformateurs de viande bovine en Irlande, membres de Beef Industry Development Society Ltd, et prévoyant, notamment, une réduction des capacités de transformation de l'ordre de 25 % a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE.