CA Paris, 18e ch. C, 5 avril 2007, n° 06-12455
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Picard
Défendeur :
BP (Sté); Esso (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Taillandier
Conseillers :
Mmes Métadieu, Bézio
Avocats :
Mes Jourdan, Foyard, Damerval, Nicolay-Thibaud
LA COUR,
Statuant sur le contredit en date du 28 septembre 2006 (dossier 06-12455) et l'appel en date du 2 octobre 2006 (dossier 06-12526) formés par Jean-Luc Picard d'un jugement rendu le 14 septembre 2006 par le Conseil de prud'hommes de Bobigny qui s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige, a mis hors de cause la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil, ordonné une mesure d'instruction, et s'est déclaré incompétent sur la demande de restitution du cautionnement versé par la SARL Picard à la société BP au profit du tribunal de commerce;
Vu les dernières écritures et observations orales en date du 1er mars 2007 de Jean-Luc Picard qui demande à la cour de:
- s'agissant des sociétés BP France et Esso SAF venant aux droits de la société Mobil
Vu l'arrêt de cette cour du 1er juillet 2004 lui reconnaissant le bénéfice des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail, applicables à certaines catégories de travailleurs
Vu le rejet du pourvoi des compagnies financières par la Cour de cassation
- dire et juger que la SA BP France et la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil en ne respectant pas les dispositions du Code du travail visées par l'article 781-1 du Code du travail lui ont causé un préjudice
- dire qu'il aurait dû recevoir une rémunération conforme à la convention collective nationale de l'industrie du pétrole au coefficient 230 pour un horaire de 84 heures
- dire que son préjudice au titre du non-respect des dispositions impératives du Code du travail correspond à une somme de 228 602 euro valeur 1998, calculée selon les rémunérations et accessoires qu'il aurait dû recevoir
- dire que les SA BP France et société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil ont négligé d'organiser son travail de façon à lui permettre de bénéficier de repos annuels et hebdomadaires
- les condamner à lui payer une somme de 18 000 euro à titre de dommages-intérêts pour lui avoir imposé de facto un horaire hebdomadaire de plus du double de l'horaire légal autorisé
- dire qu'il est en droit de se prévaloir du bénéfice de la participation aux fruits de l'expansion
- dire que les SA BP France et société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil devront justifier de son immatriculation au régime général de la sécurité sociale et du versement des cotisations correspondantes
- dire qu'aucune prescription n'a pu courir à l'encontre de ses réclamations jusqu'à la reconnaissance définitive de son statut par l'arrêt de rejet de la Cour de cassation
- dire non prescrites ses demandes
- le dire fondé à soulever la nullité d'ordre public du cautionnement qu'il a dû fournir à la SA BP France en contravention avec son statut vis-à-vis de la société
En conséquence,
- condamner la SA BP France à lui rembourser la somme de 61 901,31 euro avec intérêts au taux légal à compter du règlement
- condamner la SA BP France à lui payer une somme de 100 000 euro en réparation de son préjudice causé par la vente obligée de sa maison de campagne
En tant que de besoin,
- désigner un expert pour vérifier les calculs qu'il présente et déterminer entre autre le montant de sa participation aux fruits de l'expansion dû par les deux sociétés
- condamner les sociétés BP France et Esso SAF venant aux droits de la société Mobil au paiement de la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
* s'agissant plus spécifiquement de la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil
- statuer comme précédemment requis
- dire que l'expert qui sera désigné aux frais de la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil aura également pour mission de calculer les conséquences fiscales et sociales du statut qui lui a été reconnu pour la durée la concernant
- débouter la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil de toutes ses demandes, fins et conclusions;
Vu les dernières écritures et observations orales en date du 1er mars 2007 de la SA BP France qui demande à la cour de:
Avant tout examen au fond
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas répondu aux fins de non-recevoir qu'elle avait opposées
Y ajoutant,
A titre principal,
- opposer à Jean-Luc Picard deux fins de non-recevoir pour impossibilité d'agir en justice et risque de contrariété de décisions judiciaires
- confirmer le jugement en ce qu'il a appliqué la prescription des demandes de Jean-Luc Picard pour la période antérieure au 27 septembre 1997
Au fond
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une mesure d'instruction
- le confirmer en ce qui concerne la reconnaissance de son incompétence sur la demande de restitution du cautionnement
Y ajoutant,
- débouter Jean-Luc Picard de sa demande en nomination d'un expert et de versement d'une provision au cas où la cour ferait droit sur ce point à la demande de Jean-Luc Picard, mettre à sa charge le montant de la consignation qui sera fixée et donner mission expresse à l'expert de:
- fixer le salaire dû par BP France, pendant la période non soumise à prescription, soit du 27 septembre au 27 juin 1998 à un montant de 14 707,14 euro
- opérer la compensation à due concurrence entre tous les salaires que la SA BP France serait éventuellement reconnue devoir payer à Jean-Luc Picard et la somme de 14 879,02 euro montant reçu de la société Picard pour la période non soumise à prescription du 27 septembre 1997 au 27 juin 1998
- constater que Jean-Luc Picard n'a droit ni à des indemnités de congés annuels, ni à dommages-intérêts pour non-respect desdits congés, ni prime d'ancienneté
- fixer la participation de Jean-Luc Picard, au cas où la cour ferait droit à la demande à 338,75 euro pour l'année 1997 et 46,86 euro pour l'année 1998
- débouter Jean-Luc Picard de toute demande relative à son cautionnement tant en remboursement des sommes versées à ce titre que du prétendu préjudice de Jean-Luc Picard pour la vente de sa maison
Au cas où la cour ferait droit à la demande de Jean-Luc Picard concernant la caution,
- condamner Jean-Luc Picard à lui rembourser la somme versée à la société Picard en exécution du protocole du 19 février 1998 en deniers ou quittances, soit 28 965,31 euro
- condamner Jean-Luc Picard au paiement de la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens;
Vu les dernières écritures et observations orales en date du 1er mars 2007 de la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil qui demande à la cour de:
- dire l'appel de Jean-Luc Picard recevable mais mal fondé
A titre principal
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en particulier en ce qu'il a déclaré la demande de Jean-Luc Picard irrecevable comme prescrite à son égard
À titre subsidiaire
- juger que Jean-Luc Picard se verra appliquer la convention collective nationale des services de l'automobile, poste chef de station, échelon 20
Pour le surplus,
- désigner tel expert qu'il plaira avec notamment pour mission de distinguer les périodes d'exploitation de la station SARL Picard dans le cadre de relations contractuelles avec Mobil Oil France aux droits de laquelle elle se trouve, puis avec BP en indiquant pour chaque période:
le montant des salaires théoriques de Jean-Luc Picard
le montant des salaires reçus par Jean-Luc Picard de la SARL Picard en tant que gérant en distinguant la période du 1er septembre 1994 au 21 janvier 1997 (Mobil) et celle du 22 janvier 1997 au 27 juin 1998 (BP)
- débouter Jean-Luc Picard de l'ensemble de ses autres demandes;
Sur ce, LA COUR,
Il existe entre les litiges enrôlés sous les numéros 06-12455 et 06-12526 un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.
Il convient donc d'ordonner leur jonction.
Le 1er septembre 1994, la société Mobil a conclu pour trois ans avec Jean-Luc Picard représentant la SARL Picard en cours de constitution un contrat de gérance d'un fonds de commerce de station-service incluant un mandat de distribution des carburants et combustibles sous exclusivité Mobil.
La SA BP France s'est substituée à la société Mobil aux droits de laquelle se trouve la société Esso SAF en janvier 1997 et a renouvelé le 1er septembre 1997 le contrat de gérance de la station-service comprenant mandat de distribuer ses produits pétroliers.
Comme pour le précédent contrat, Jean-Luc Picard et son épouse, se sont portés caution hypothécaire personnelle à concurrence de 430 000 F au profit de BP France, cette garantie couvrant toutes les sommes qui pourraient être dues à cette dernière par Jean-Luc Picard en qualité de gérant de la SARL Picard en raison de son exploitation en gérance.
Les résultats de la SARL Picard ont été constamment déficitaires et Jean-Luc Picard a adressé à la SA BP France une lettre de démission à effet du 27 juin 1998.
Par jugement en date du 10 janvier 2000 confirmé par arrêt rendu par cette cour le 19 décembre 2002, le Tribunal de commerce de Paris a condamné Monsieur et Madame Picard à payer à la SA BP France la somme de 52 006,41 euro (341 139,71 Francs) avec intérêt au taux légal à compter du 29 juin 1999, correspondant au paiement de facture sde carburant.
Le 27 septembre 2002, il a saisi le Conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir le bénéfice de l'article L. 781-1 du Code du travail et la condamnation des sociétés BP France et Mobil à lui verser un rappel de salaire et des indemnités.
Ces dernières ont soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal de commerce.
Par jugement du 27 novembre 2003, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent.
Par arrêt en date du 1er juillet 2004, désormais définitif, les pourvois formés par les sociétés intimées ayant été rejetés par un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation le 28 novembre 2006, cette chambre a rejeté les contredits des sociétés SA BP France et Esso SAF venant aux droits de la société Mobil et renvoyé les parties devant le Conseil de prud'hommes de Bobigny, décision soumise à l'examen de la cour.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la SA BP France
La SA BP France expose que la SARL Picard a signé différents protocoles transactionnels tant avec BP que Mobil et invoque les termes du dernier protocole signé le 19 février 1998, aux termes desquelles les parties ont reconnu:
7° Moyennant la présente transaction, les parties aux présentes reconnaissent avoir été remplies de tous leurs droits pour toute la période du 01/10/1996 au 30/09/1997. Elles déclarent n'avoir plus à élever l'une contre l'autre aucune revendication et en conséquence se désistent expressément, respectivement l'une à l'égard de l'autre, de toute instance et action ayant trait tant à l'exploitation de la station-service pendant ladite période, à quelque titre que ce soit, notamment pour ce qui est du compte d'exploitation, des comptes entre les parties, des pertes d'exploitation (en particulier avances, frais, salaires, pertes de gestion tels que prévus par les articles 1999 et 2000 du Code civil), du taux de commission appliqué, des prix et tarifs pratiqués et par voie de conséquence de la validité du contrat de gérance, ainsi que les accords interprofessionnels. En tant que de besoin, les parties reconnaissent par la présente transaction, la validité du contrat susvisé en toutes ses dispositions, notamment les prix. La SARL déclare avoir accepté chaque changement de prix intervenu au cours du contrat. Les parties reconnaissent également la validité des accords interprofessionnels ".
Elle souligne le fait qu'il est précisé que Jean-Luc Picard s'est porté garant de la bonne exécution de transaction et qu'il agissait tant en son nom personnel qu'en qualité de caution solidaire de la SARL.
Elle soutient qu'à partir du moment où par une formule contractuelle librement acceptée par Jean-Luc Picard, ce dernier a déclaré se désister de toute action ou instance et de toute revendication à l'égard de la société BP France pour toute la période pendant laquelle la société Picard était son mandataire, il lui est impossible d'agir en justice contre cette dernière pour quelque motif que ce soit, puisque l'engagement de Jean-Luc Picard recouvre tous les motifs de réclamation personnelle, même en raison d'une nouvelle qualité qu'il invoquerait telle celle de salarié.
Jean-Luc Picard réplique que la SA BP France confond la situation de la SARL Picard qui était effectivement en relation contractuelle avec BP avec celle de Jean-Luc Picard qui s'est vu reconnaître à titre définitif le statut de l'article 781-1 du Code du travail, que la transaction invoquée ne peut porter atteinte aux droits d'ordre public de Jean-Luc Picard auxquels il n'a jamais renoncé et qui n'étaient ni visés ni suggérés dans la transaction.
Aux termes de l'article 2048 du Code civil, les transactions se renferment dans leur objet: la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.
Ce principe est d'interprétation stricte.
Il est fait mention dans l'exposé des faits du protocole, du cadre juridique ayant présidé au rapprochement entre les parties, à savoir le contrat de gérance ayant lié successivement la SARL Picard à Mobil puis BP, et il est expressément indiqué que "des difficultés sont apparues puisque les conditions d'exploitation ne permettaient plus selon la SARL de dégager un résultat d'exploitation ".
Ce protocole a exclusivement pour objet de convenir des modalités relatives au règlement par la SARL Picard, d'une part, BP France d'autre part, des sommes qu'elles restaient devoir l'une envers l'autre.
Jean-Luc Picard n'est donc intervenu, à titre personnel, que pour garantir, en sa qualité de caution solidaire, la bonne exécution par la SARL de la transaction, laquelle ne concernait nullement ses rapports individuels avec la SA BP France fondés sur les dispositions d'ordre public de l'article L. 781-1 du Code du travail lesquelles étaient nécessairement exclues de ce fait du champ de la transaction en vertu de l'article 6 du Code civil.
Sur la prescription
La SA BP France comme la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil opposent à Jean-Luc Picard la prescription quinquennale faisant valoir que la demande en paiement de salaire pour la période antérieure au 27 septembre 1997 [sic].
Jean-Luc Picard oppose qu'il n'a pas saisi le conseil de prud'hommes d'une action en paiement de salaires mais d'une demande de reconnaissance du statut de travailleur particulier, et que les demandes consécutives apparaissent donc davantage comme la sanction d'une faute commise par les sociétés Esso et BP, et que si pour apprécier le quantum de son préjudice, il est nécessaire de calculer ce que ces dernières auraient dû lui verser à l'époque de sa prestation, son préjudice ne se limite pas à ce quantum.
Il soutient que seule la prescription trentenaire peut s'appliquer à son action.
La créance de Jean-Luc Picard suite à la reconnaissance de son statut de salarié est, nécessairement comme étant née du contrat de travail, périodique.
Cependant les sociétés intimées ne peuvent valablement opposer à Jean-Luc Picard la prescription quinquennale prévue par les articles L. 143-14 du Code du travail et 2277 du Code civil, dès lors que l'intéressé était, compte tenu de son incertitude quant à la nature exacte des contrats l'ayant lié successivement à la société Esso puis à la société BP, dans l'impossibilité matérielle de pouvoir déterminer le montant des rémunérations qui lui étaient dues.
De plus, force est de constater que Jean-Luc Picard ne sollicite pas le paiement d'un arriéré de salaires mais des indemnités destinées à réparer son préjudice né du non-respect par les SA BP France et société Mobil des dispositions du Code du travail en matière de rémunération, congés payés, jour de repos et horaire de travail.
Sur les demandes de Jean-Luc Picard
Jean-Luc Picard, selon les contrats de gérance le liant à BP et Mobil, devait assurer, outre la vente des produits pétroliers et assimilés, des articles concernant l'automobile, et autres accessoires, toutes les commandes de produits, les approvisionnements des produits, la vérification des quantités livrées, jauger le contenu des citernes.
Il lui était fait obligation notamment de consacrer "tout le temps nécessaire et affecter la totalité de son personnel à l'exploitation du fonds" et de prendre en charge l'entretien usuel des appareils de distribution de carburants, évents des cuves de stockage, la recharge des extincteurs, l'entretien et le remplacement partiel du petit outillage et du portique de lavage.
La station-service était ouverte du lundi au dimanche de 6 à 23 heures.
La SARL Picard comptait outre Jean-Luc Picard deux employés à temps plein et un employé à temps partiel (72 heures) à compter du mois d'octobre 1997.
Il résulte des éléments du dossier de Jean-Luc Picard que celui-ci a perçu de la SARL une rémunération annuelle, qu'il convient de prendre en considération, au même titre que les éléments ci-dessus pour l'évaluation de son préjudice, s'élevant à:
- 43 500 F bruts, soit 6 631,53 euro, en 1994
- 151 500 F bruts, soit 23 096,03 euro en 1995
- 146 000 F bruts, soit 22 257,56 euro en 1996
- 146 400 F bruts, soit 22 318,54 euro en 1997
- 59 200 F bruts, soit 9 024,98 euro en 1998.
A l'exception d'extraits d'expertise concernant des affaires de même nature impliquant des sociétés pétrolières, Jean-Luc Picard ne verse aucun élément, attestation ou autre de nature à établir les conditions effectives dans lesquelles il exécutait son travail ainsi que la réalité des heures supplémentaires de travail qu'il affirme avoir effectuées.
La convention collective applicable aux relations de travail entre Jean-Luc Picard et les deux sociétés intimées était celle de l'industrie du pétrole conformément aux dispositions de l'article 101 de cette convention prévoyant qu'elle s'applique expressément au commerce de détail, de carburants et lubrifiants, et donc au personnel des stations services.
Il aurait pu prétendre à la qualification d'agent de maîtrise, personnel d'encadrement qui en plus de leurs connaissances techniques exercent des fonctions de gestion et de commandement sur des ... employés relevant d'un coefficient inférieur", coefficient 230 pour un horaire de travail à temps plein, les sommes versées par la SARL correspondant à la rémunération de son activité de gérant, et notamment de la partie administrative de son activité.
Dès lors, et sur les bases ci-dessus évoquées, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants lui permettant de fixer, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, le préjudice subi par Jean-Luc Picard du fait du non-respect de leurs obligations d'employeur par les SA BP France et société Mobil aux droits de laquelle se trouve la société Esso SAF à la somme de 60 000 euro, toutes causes de préjudice confondues.
Aux termes de l'avenant au contrat de gérance signé le 15 novembre 1996, les deux sociétés SA BP France et Mobil Oil France sont convenues que BP se substituait à Mobil dans l'exécution du contrat de gérance signé en 1994 et devait respecter l'ensemble des clauses et conditions du contrat.
De même elles s'engageaient toutes deux aux termes de ce même avenant à examiner avec le gérant les conséquences que le changement du système de gestion pourrait éventuellement avoir sur les flux financiers de la SARL.
Il convient, en considération de ces dispositions contractuelles de condamner solidairement la SA BP France et la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil au paiement de la somme de 60 000 euro allouée à titre de dommages-intérêts à Jean-Luc Picard.
Sur le cautionnement
Jean-Luc Picard fait valoir qu'à la signature du contrat, il a dû s'engager en tant que caution avec promesse de caution hypothécaire pour un montant de 430 000 F, soit 65 553,08 euro et que ce cautionnement donné par un salarié au profit de son employeur, prévu à l'article L. 126-1 du Code du travail, est soumis à un formalisme précis qui n'a pas été respecté, que le fait qu'il ait donné un cautionnement sous forme d'engagement hypothécaire est tout aussi contraire et qu'il est fondé à soulever la nullité d'ordre public de ce cautionnement.
La SA BP France réplique que la demande de Jean-Luc Picard, sous couvert d'une réclamation au titre du droit du travail, aurait pour effet direct si elle était acceptée de remettre en cause l'arrêt rendu par la 5e Chambre B de cette cour.
Elle fait valoir que de surcroît les dispositions invoquées par Jean-Luc Picard ne visent qu'un cautionnement, remise à un tiers d'un objet, des sommes d'argent en espèces, et non pas la situation de ce dernier, engagé en tant que garant, qu'en tout état de cause, la caution personnelle a été mise en œuvre en raison d'impayés et que l'application des règles du droit du travail ne peut effacer l'existence de relations commerciales entre la SA BP France et la SARL Picard, garanties par la caution de Monsieur Picard.
Le cautionnement prévu à l'article 126-1 vise la remise de sommes d'argent en espèces par des salariés à un commerçant ou un industriel et ne s'applique donc pas à la situation juridique de Jean-Luc Picard, caution hypothécaire avec son épouse, garant du paiement des sommes dues à BP en raison de l'exploitation en gérance de la station-service.
Par ailleurs, aux termes de son arrêt rendu le 19 décembre 2002 dont le caractère définitif n'est pas contesté, la chambre commerciale de cette cour a confirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 10 janvier 2002 condamnant Monsieur et Madame Picard au paiement à la SA BP France de la somme de 341 139 F ce en leur qualité de cautions.
La demande de Jean-Luc Picard se heurte par conséquent à l'autorité de la chose jugée attachée à la cette décision.
Rien ne permet d'établir que la SA BP France ait eu un comportement fautif et déloyal lorsqu'elle a sollicité le bénéfice de la caution hypothécaire que lui avaient consenti les époux Picard et contraint ce faisant ceux-ci à la vente de leur bien immobilier.
Jean-Luc Picard sera donc débouté de sa demande de ce chef.
Sur la participation
Il convient de relever que la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil, contrairement à la SA BP France ne produit aucun élément concernant la participation aux fruits de l'expansion à laquelle peut prétendre [sic] et qu'une expertise sera donc ordonnée afin d'en déterminer le montant.
L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, Ordonne la jonction entre les instances enrôlées sous les numéros 06-12455 et 06-12526 sous le seul numéro 06-12455, Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la SA BP France, Déclare non prescrite l'action de Jean-Luc Picard, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Condamne solidairement la SA BP France et la société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil à payer à Jean-Luc Picard les sommes de : - 60 000 euro (soixante mille euro) de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, - 2 000 euro (deux mille euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les SA BP France et société Esso SAF venant aux droits de la société Mobil du surplus de leurs demandes, Déboute Jean-Luc Picard du surplus à l'exception de celle relative à la participation aux fruits de l'expansion, Ordonne une expertise Désigne à cet effet Monsieur Norbert Paumier, expert près la Cour d'appel de Versailles, Demeurant 77/79 rue des chênes 92150 Suresnes, Lequel aura pour mission de déterminer la participation de Jean-Luc Picard aux fruits de l'expansion des société SA BP France et Mobil aux droits de laquelle se trouve la société Esso SAF, sur la base de la rémunération d'un agent de maîtrise, coefficient 230 de la convention collective de l'industrie du pétrole la société Mobil, Dit que Jean-Luc Picard devra consigner au greffe de la cour la somme de 1 800 euro (mille huit cents euro) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 5 mai 2007, Dit que cette somme devra être versée au régisseur des avances et des recettes de la Cour d'appel de Paris, 34 quai des orfèvres 75055 Cedex 01, Dit que faute pour Jean-Luc Picard, de consigner ladite somme dans le délai imparti, les sociétés pourront demander à la cour d'en tirer les conséquences de droit; Dit que l'expert devra remettre son rapport dans le délai de deux mois à compter de la notification de la consignation, et ce, en un exemplaire à chacune des parties et en double exemplaire à la cour, Désigne Madame Catherine Metadieu, Conseillère pour le suivi de l'expertise, Ordonne la réouverture des débats à l'audience du : Jeudi 27 septembre 2007 à 13h30 pour examen des conclusions expertales. Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l'audience. Sursoit à statuer sur les demandes. Reserve les dépens.