CA Riom, ch. com., 7 mai 2008, n° 08-00018
RIOM
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sedimav (SARL)
Défendeur :
Westfaliasurge France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bressoulaly
Conseillers :
M. Despierres, Mme Javion
Avocats :
Mes Yver, Delpierre, SCP Threard Bourgeon Meresse, SCP Jouve Chossegros Schott Masson Pomogier
Faits, procédure et prétentions des parties:
Depuis 1971, la SARL Sedimav distribue les produits de la SAS Westfaliasurge France qu'elle revend aux agriculteurs suivant des modalités fixées par "engagements annuels".
Reprochant à sa contractante une rupture abusive et brutale de leur relation commerciale établie suite à l'envoi d'un courrier du 21 décembre 2005 lui notifiant sa décision de résilier les accords de distribution à l'expiration d'un préavis de 6 mois, ainsi que la non-communication en 2005 de ses barèmes de prix et conditions de vente, la société Sedimav a assigné la société Westfaliasurge en paiement de dommages et intérêts devant le Tribunal commerce du Puy en Velay sur le fondement des articles L. 442-6-I-5°, L. 441-6 et L. 442-6-I-2° du Code de commerce.
Par jugement du 7 décembre 2007, le Tribunal de commerce du Puy s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Soissons en raison de l'existence d'une clause d'attribution de compétence en faveur de ce tribunal.
La société Sedimav qui a formé contredit le 21 décembre 2007 demande à la cour de dire que le Tribunal de commerce de Puy, dans le ressort duquel le dommage a été subi, est bien compétent aux motifs que la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente n'a pas lieu de s'appliquer dès lors qu'elle ne figure pas sur les accords-cadres intitulés "engagements", qu'en tout état de cause, aucun engagement n'a été signé pour l'année 2005, et qu'au surplus la responsabilité de la société Westfaliasurge est recherchée sur le fondement délictuel des articles L. 442-6 et L. 441-6 du Code de commerce, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. commerciale, 6 février 2007), de sorte qu'elle est bien fondée à invoquer les dispositions de l'article 46 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile.
La société Westfaliasurge France a conclu au mal fondé du contredit.
Elle estime que si l'action en responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie est effectivement de nature délictuelle puisqu'elle repose sur une faute alléguée d'un producteur commerçant ou industriel refusant brutalement de fournir un produit ou une prestation de services, tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que l'action motivée par l'insuffisance d'un préavis de résiliation de convention ou d'un accord de distribution est nécessairement contractuelle, tout comme l'action consistant à reprocher un non-respect d'un accord de distribution par non-communication des conditions commerciales de vente.
Elle soutient en outre, que quelle que soit la nature de la responsabilité recherchée, la clause attributive de compétence territoriale conclue entre deux commerçants demeure opposable à la société Sedimav, les conditions générales de vente étant annexées à l'engagement annuel signé par les parties.
Sur quoi :
Attendu que la rupture brutale des relations commerciales établies, en ce inclus l'insuffisance alléguée de la durée du préavis, relève du domaine de la responsabilité civile délictuelle, tel que clairement affirmé par la jurisprudence récente de la Cour de cassation, s'agissant de la violation d'une obligation légale;
Attendu que si l'article 48 du nouveau Code de procédure civile permet à des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçants de déroger aux règles de compétence territoriale, encore faut-il que la clause soit suffisamment claire pour correspondre au litige opposant les parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les contestations visées dans les conditions générales de vente relatives aux prix, fournitures additionnelles, paiement, montage et mise en service, garantie, livraison, réclamation, retour, n'étant pas de nature à s'appliquer aux pratiques abusives reprochées au fournisseur;
Qu'en outre, aucun "engagement" fixant les conditions de vente pour 2005 n'a été signé entre les parties pour l'année 2005 d'où il s'ensuit qu'à l'époque des faits incriminés, il n'existait plus entre elles de clause attributive de compétence;
Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay, territorialement compétent en application de l'article 46 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile, le dommage invoqué étant localisé au siège social de la société Sedimav;
Attendu qu'il n'appartient pas à la cour de délivrer une injonction de conclure à la société Westfaliasurge dès lors qu'elle n'a pas à se prononcer en l'état sur le fond du litige;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Infirme le jugement déféré. Dit que le litige ressort de la compétence du Tribunal de commerce du Puy-en-Velay. Renvoie l'affaire devant le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay. Déboute les parties de leurs autres demandes, en ce inclus celles au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SAS Westfaliasurge France aux dépens.