CA Paris, 5e ch. B, 12 juin 2008, n° 07-17322
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Falken Industries Limited (Sté)
Défendeur :
Bopack Rouen Compta (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Deurbergue
Conseillers :
M. Picque, Mme Le Bail
Avoués :
SCP Bernabe-Chardin-Chevillier, SCP Lamarche-Bequet-Regnier-Aubert-Moisan
Avocats :
SCP Grundler Papasian, Me Milleville
Saisi d'une requête du 21 novembre 2005 de la SA Bopack Rouen Compta (société Bopack), le Président du Tribunal de commerce de Paris a rendu, le 5 décembre suivant, une ordonnance enjoignant à la société Falken Industries Ltd - European Regional Office - (société Falken) de payer 10 627,05 euro, outre " intérêts légaux " à la requérante.
La société Falken ayant formé opposition, le tribunal a été saisi de l'affaire sur le fond.
La société Bopack a en outre sollicité les intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2005 et anatocisme, et 1 500 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive, 1 594,05 euro au titre de la clause pénale et 3 000 euro de frais irrépétibles, en s'opposant par ailleurs aux demandes formulées par la société Falken.
Cette dernière, sans contester l'exigibilité de la créance, mais invoquant le défaut de respect d'une obligation de délivrance et une rupture brutale des relations commerciales, a reconventionnellement sollicité 20 000 euro de dommages et intérêts en revendiquant la compensation avec la créance réclamée par son adversaire, outre 2 500 euro de frais non compris dans les dépens.
Par jugement contradictoire du 14 septembre 2007, le tribunal a implicitement rejeté les demandes de la société Falken et l'a condamnée à payer à la société Bopack 10 627,06 euro augmentés des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2005, outre anatocisme à dater du 16 mars 2006, et 1 500 euro de frais irrépétibles.
Vu l'appel interjeté le 12 octobre 2007 par la société Falken et les ultimes écritures qu'elle a signifiées le 16 janvier 2008, réclamant 3 500 euro de frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en demandant à nouveau 20 000 euro de dommages et intérêts pour les motifs initialement invoqués devant les premiers juges, tout en ne contestant pas devoir la somme principale réclamée par la société Bopack, mais en requérant, à nouveau la compensation et en demandant la condamnation de celle-ci à lui payer le solde résiduel en sa faveur,
Vu les dernières conclusions signifiées le 5 mars 2008 par la société Bopack réclamant 3 000 euro de frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que la société Falken expose avoir besoin d'étiquettes pour les produits d'entretien automobile qu'elle fabrique et commercialise sous la marque "Clean Plus" et que la société Bopack a refusé d'exécuter une commande de 354,02 euro formulée le 31 mai 2005, au prétexte que deux factures antérieures, totalisant 8 885,50 euro HT, ne seraient pas réglées, alors qu'elles n'étaient contractuellement exigibles que le mois suivant;
Qu'elle soutient, au visa de l'article 442-6 du Code de commerce, avoir subi la rupture brutale des relations commerciales sans délivrance d'un préavis et fait valoir qu'elle a ainsi perdu une commande de 70 000 euro devant dégager une marge de 30 000 euro et avoir été dans l'obligation de trouver, dans l'urgence, un autre prestataire, ne lui permettant pas de négocier les prix au mieux de ses intérêts et l'obligeant à faire exécuter de nouveaux films nécessaires à la reproduction des étiquettes en série;
Considérant que pour sa part, la société Bopack expose que depuis l'origine de leurs relations contractuelles et en dépit de ses nombreuses relances, la société Falken avait pris pour habitude de ne pas honorer à bonne date, le règlement des étiquettes qu'elle commandait;
Qu'indiquant qu'il n'existait pas de contrat écrit entre les parties, elle précise que dès réception de la commande litigieuse, elle a notifié par "e-mail" son refus de l'accepter tant que les factures, alors en souffrance, ne seraient pas payées;
Que l'intimée conteste la brusquerie de la rupture et, en réponse à l'appelante qui prétend avoir financé les outillages et les films originaux permettant la production des étiquettes la concernant, précise que ces dernières étaient fabriquées à partir de fichiers informatiques, dont elle estime que la société Falken a "nécessairement" conservé la copie;
Ceci rappelé
Considérant que désormais la société Falken invoque uniquement la rupture brutale d'une relation commerciale établie sans préavis écrit;
Que cependant elle ne précise pas l'ancienneté de la relation commerciale revendiquée et ne prétend pas davantage qu'il existerait des usages ou accords interprofessionnels applicables ni de délai minimum qui aurait été prescrit par arrêté ministériel;
Que, sans préciser non plus le montant moyen du chiffre d'affaires annuel de ses commandes de fournitures auprès de l'intimée, l'appelante prétend aussi que la rupture, dont elle se plaint, résulte de la non-exécution d'une commande émise le 31 mai 2005 d'un montant de 354,02 euro, en mettant en exergue le fait que pour en refuser l'exécution, la société Bopack se serait exclusivement fondée sur le non-règlement des factures n° 02.616 et 02.617 totalisant 1 373,79 euro HT (soit 1 643,06 euro TTC), alors que celles-ci n'étaient exigibles que le 23 juin 2005, soit postérieurement à l'émission de la commande du 31 mai 2005;
Mais considérant que la société Bopack indique, sans avoir été démentie par la société Falken, n'avoir pas reçu de nouvelles commandes postérieurement à celle du 31 mai 2005 et soutient ne pas avoir véritablement refusé cette dernière en ayant simplement subordonné son acceptation au règlement des fournitures antérieurement livrées;
Que cette version des faits est corroborée par l'échange des courriels des 31 mai (10 h 59 et 11 h 06) et 13 juin (14 h 15 et 14 h 19) 2005;
Qu'en outre, la société Falken n'a pas davantage démenti l'état récapitulatif des paiements versé aux débats par la société Bopack (pièce n° 9) duquel il ressort que tout au long des relations commerciales, l'appelante a imposé de très longs délais de paiement à de nombreuses reprises, pouvant s'élever jusqu'à 233 jours;
Considérant que les dispositions finales de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de commerce réservent la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations et que celles du 7e paragraphe du même article sanctionnent le commerçant ou l'industriel qui soumet un partenaire à des conditions de règlement manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartant au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au 2e alinéa de l'article L. 441-6 du même Code, lequel, en absence de stipulations des parties, fixe le règlement au 30e jour suivant la date de réception des marchandises ou de l'exécution de la prestation;
Que la société Falken ne démontre pas que ses conditions générales d'achat aient été acceptées par la société Bopack, alors qu'il résulte de la pièce n° 7 de l'intimée, qu'elle avait déjà antérieurement protesté des délais de paiement qui lui étaient imposés en délivrant une mise en demeure de payer par lettre recommandée;
Qu'il résulte aussi de l'état récapitulatif ci-dessus visé, que le montant global des fournitures s'est élevé à hauteur de 44 377,38 euro du 31 mars 2003 au 15 février 2005, soit une moyenne mensuelle d'environ 1 972,33 euro;
Que l'extrême modicité de la commande non exécutée (354,02 euro) au regard du montant mensuel moyen des fournitures durant la relation commerciale revendiquée, démontre que la société Falken a surtout cherché à s'emparer d'un prétexte, découlant de l'erreur de la société Bopack de réclamer prématurément le règlement de factures qu'elle avait elle-même stipulées exigibles postérieurement, afin de se déclarer victime d'une prétendue rupture et de s'abstenir de régler des factures, dont pourtant elle ne conteste pas l'exigibilité, mais en prétendant en compenser le montant certain, liquide et exigible, avec une indemnité aléatoire, ni certaine ni exigible tant que le dommage prétendument subi, n'a pas été définitivement établi;
Qu'un tel comportement est exempt de la bonne foi imposée aux parties par l'article 1134 du Code civil dans l'exécution des conventions:
Qu'en outre, nonobstant l'erreur commise sur l'exigibilité des factures visées dans l'échange de courriels des 31 mai et 13 juin 2005, la société Bopack était fondée à préserver ses intérêts fondamentaux en subordonnant désormais l'acceptation des commandes de la société Falken, au respect de délais de paiement plus courts, de nature à éviter le déséquilibre de sa trésorerie et, à terme, de la placer en situation financière délicate;
Considérant en conséquence, que la société Falken ne démontrant pas la faute ni la réalité de la rupture dont elle se prétend victime, a été à juste titre déboutée de ses demandes par les premiers juges;
Que succombant dans son recours, sa demande de frais de procédure ne saurait prospérer, mais qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à l'intimée, la charge définitive des frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer devant la cour;
Par ces motifs, Déclare l'appel recevable. Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la société Falken Industries Ltd - European Regional Office - à verser 3 000 euro de frais irrépétibles d'appel à la SA Bopack Rouen Compta, Rejette toute autre demande, y compris au titre des frais irrépétibles d'appel, Condamne en outre la société Falken Industries Ltd - European Regional Office - aux dépens d'appel, Admet la SCP Régnier-Bequet-Moisan au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.