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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 5 juin 2008, n° 05-22064

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Hypermarchés France (SAS)

Défendeur :

Kiasma (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

Mes Pamart, SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Mes de Demeyele, Berthault

CA Paris n° 05-22064

5 juin 2008

Initialement dans un litige l'opposant aux sociétés Continent Hypermarchés (société Continent) et CIM, sociétés sœurs de l'ancien groupe Promodes, la SA Kiasma a obtenu leur condamnation, par jugement du 3 mars 2000 du Tribunal de commerce de Nanterre, à lui payer globalement 394 280 F (60 107,60 euro) de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une rupture abusive des relations commerciales, consécutive à un déréférencement.

Bien qu'ayant obtenu gain de cause sur le principe, la société Kiasma a interjeté appel de cette décision devant la Cour de Versailles, en sollicitant une augmentation substantielle du montant de l'indemnité allouée.

Entre temps, les groupes Promodes et Carrefour ont procédé à une fusion à partir de 1999.

La société Carrefour Hypermarchés France (Carrefour France), dont la société Kiasma était aussi un fournisseur en vêtements de cuir depuis 1983, a proposé une transaction amiable pour mettre fin à l'instance pendante devant la Cour d'appel de Versailles dans le litige ancien avec les sociétés CIM et Continent, dont les magasins passaient progressivement sous l'enseigne " Carrefour ". Refusant cette proposition, qu'elle analysait comme un chantage, la société Kiasma, a poursuivi l'instance d'appel et a obtenu une augmentation du montant de l'indemnité, lequel a été porté à hauteur de 230 000 euro par arrêt du 21 mars 2002 de la Cour de Versailles.

Moins de deux mois plus tard, la société Carrefour France a notifié à la société Kiasma, par lettre du 15 mai 2002, la fin de leurs relations commerciales pour l'année 2003, en faisant notamment état de la procédure judiciaire que celle-ci " avait souhaité voir aboutir à l'égard de sociétés " de son groupe.

Le 5 décembre 2003, la société Kiasma a attrait la société Carrefour France devant la Tribunal de commerce d'Evry en réclamant principalement 9 822 089,40 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de poursuivre et développer ses relations commerciales avec ladite entreprise.

Tout en s'y opposant, la société Carrefour France a reconventionnellement sollicité une indemnité de 50 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une procédure " totalement abusive et dilatoire ".

Par jugement du 5 octobre 2005, le tribunal analysant les seuls moyens tirés de l'abus de droit et retenant essentiellement que la décision de rupture de la société Carrefour France a été motivée par la volonté de nuire à son partenaire commercial, a condamné celle-ci à payer une indemnité de 1 617 009 euro à la société Kiasma, outre 10 000 euro de frais irrépétibles.

Vu l'appel interjeté le 10 novembre 2005 par la société Carrefour France et les ultimes écritures qu'elle a signifiées le 27 mars 2008, réclamant reconventionnellement 100 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 25 000 euro de frais irrépétibles, et poursuivant l'infirmation du jugement, en sollicitant le rejet de toutes les demandes de la société Kiasma;

Vu les dernières conclusions signifiées le 26 mars 2008 par la société Kiasma réclamant 20 000 euro de frais irrépétibles, et formant implicitement appel incident, poursuivant la réformation du jugement en sollicitant désormais 9 229 466,70 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice antérieurement allégué devant les premiers juges ;

Sur ce,

Considérant que la société carrefour France précise que son champ d'intervention est limité à l'exploitation des hypermarchés à l'enseigne Carrefour sur le seul territoire français ;

Qu'elle se défend de toute intention de chantage et estime qu'elle s'est bornée à faire une proposition transactionnelle, dont le montant s'est d'ailleurs révélé, selon elle, proche de celui finalement octroyé par la Cour d'appel de Versailles, pour mettre fin à une situation contentieuse, dont elle n'était pas responsable, mais qui la mettait désormais en porte à faux par rapport à la nouvelle situation juridique et économique, issue de la fusion des deux groupes de distribution et de l'exploitation corrélative de leurs établissements sous la même enseigne ;

Qu'elle prétend que la société Kiasma a fait échouer les négociations en adoptant un comportement déloyal par la formulation d'exigences injustifiées de durée et de volumes, et soutient qu'elle s'est trouvée contrainte de cesser de s'approvisionner auprès de l'intimée, en estimant que la relation de confiance avait désormais disparu ;

Qu'invoquant le droit de rompre à tout moment un contrat d'une durée indéterminée, l'appelante estime l'avoir fait loyalement selon des modalités exemptes de faute en soutenant par ailleurs que la société Kiasma ne rapporte pas la preuve de l'abus de droit dont elle se prévaut et en faisant valoir que les motifs liés à la rupture ne peuvent pas, à eux seuls, caractériser un tel abus ;

Que la société Carrefour France estime aussi que l'article L. 442-6, I, alinéas 2a et 2b, du Code de commerce n'est pas applicable en ce que la proposition d'une transaction amiable ne saurait constituer un avantage commercial au sens desdites dispositions ;

Qu'elle fait aussi valoir, en tout état de cause, qu'en réalisant environ 15 % de son chiffre d'affaires en France avec l'appelante, la société intimée n'est pas en situation de dépendance économique, ce qui ne permet pas de caractériser un abus de cette prétendue situation par le distributeur, d'autant que, selon l'appelante, l'intimée réalise 80 % de son chiffre d'affaires avec d'autres acteurs de la grande distribution et qu'elle a délibérément choisi de n'intervenir que sur ce créneau économique ;

Considérant que la société Carrefour France soutient aussi qu'il n'existe pas de préjudice démontré, indemnisable sur le fondement de la perte de chance et qu'en tout état de cause, ce type d'indemnisation ne pas être égal à la totalité du gain manqué allégué ;

Qu'elle considère au surplus :

- que l'évaluation du prétendu dommage ne saurait s'étendre aux manquements d'affaires devant être réalisées avec des tiers au groupe Carrefour, ni davantage avec d'autres sociétés du groupe Carrefour, distinctes et juridiquement indépendantes de la société Carrefour France et exerçant leurs activités dans d'autres pays européens,

- qu'en outre, la société Kiasma ne peut pas davantage inclure dans le préjudice qu'elle allègue, celui qui aurait été éprouvé par sa filiale espagnole, laquelle lui est juridiquement distincte ;

Considérant que pour sa part, la société Kiasma précise qu'à compter de la saison 2003, ses produits n'ont plus été référencés par Carrefour, tant en France que dans les autres pays européens, et fait valoir que le déréférencement opéré par la société Carrefour France a simultanément entraîné le déréférencement dans les autres pays en Europe ;

Que la société Kiasma soutient qu'en rompant les rapports commerciaux qu'elles entretenaient depuis vingt ans environ, sans y trouver aucun avantage particulier, mais dans l'unique but " de la punir " pour avoir poursuivi une instance judiciaire à l'encontre de sociétés qui avaient désormais intégré le groupe de distribution, la société Carrefour France a abusé de son droit de mettre unilatéralement fin auxdites relations et estime que pour porter atteinte à son droit d'agir en justice, l'appelante a utilisé sa puissance d'achat à son égard ;

Que tout en contestant la relation des faits par l'attestation délivrée par Monsieur Olivier Delanoé, dont elle met en doute la valeur probante en indiquant qu'il s'agit d'un préposé de l'appelante, la société Kiasma admet cependant [conclusions page 15], qu'au cours des négociations sur un éventuel désistement de l'instance d'appel alors en cours devant la juridiction versaillaise, avoir effectivement exigé une garantie quant à l'avenir de ses relations avec le groupe Carrefour ;

Qu'outre le fondement de l'abus de droit, la société Kiasma estime aussi que la rupture est contraire aux dispositions des alinéas 2a et 2b de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, en ce que :

- d'une part, la société Carrefour France a tenté d'obtenir un avantage, constitué par le renoncement demandé à l'instance judiciaire en cours, ne correspondant à aucun service commercial, puisque la seule contrepartie aurait été la poursuite des relations commerciales déjà antérieurement existantes,

- d'autre part, celle-ci a abusé de la relation de dépendance dans laquelle se trouvait la société Kiasma à son égard, ou, à tout le moins, qu'elle a abusé de sa puissance d'achat à l'égard de son fournisseur ;

Que soutenant que l'appréciation de son préjudice doit se faire " indépendamment de toute notion de préavis " la société Kiasma requiert l'indemnisation du dommage résultant de la différence de situation qui aurait été la sienne si la société Carrefour France n'avait pas rompu les relations, en estimant qu'elle les aurait, alors, " certainement " poursuivies durant de " nombreuses " années ;

Que déterminant le chiffre d'affaires moyen annuel qui aurait été réalisé avec les magasins Carrefour, en extrapolant les montants réels, tant des huit dernières années en France, que ceux des dernières années dans le reste de l'Europe, elle en déduit la marge brute dont elle a été privée durant vingt nouvelles années en l'affectant d'un coefficient de 50 %, pour tenir compte de l'aléa inhérent à une perte de chance ;

Que la société Kiasma soutient aussi que :

- la rupture, quasi contemporaine, avec les magasins Carrefour situés en Europe hors de France, résulte directement de la décision de déréférencement de la société Carrefour France,

- et qu'en vendant la marchandise à sa filiale espagnole au prix que celle-ci pratiquait avec la société espagnole Carrefour moins 10 %, elle subit directement un préjudice distinct de celui par ailleurs, éprouvé par sa filiale ;

Ceci étant rappelé,

Considérant que la société Kiasma a reconnu que des négociations s'étaient s'engagées en vue d'un éventuel désistement de l'instance d'appel alors pendante devant la Cour de Versailles, de sorte qu'il n'est pas contesté qu'en contre partie de l'avantage attendu par la société Carrefour, de la renonciation, par son partenaire commercial à continuer à agir en justice, celle-ci a offert des compensations sur le montant et les modalités desquelles les parties n'ont pas finalement pas réussi à s'entendre ;

Que si à l'origine la société Carrefour s'était bornée à offrir, dans la lettre du 24 janvier 2001, le règlement des indemnités alloués par le Tribunal de commerce de Nanterre, augmenté des frais exposés, alors que la société Kiasma avait précisément interjeté appel parce qu'elle ne se satisfaisait pas du montant de l'indemnité allouée par les premiers juges, l'intimée ne dément cependant pas que les négociations se sont ultérieurement poursuivies, chaque partie faisant part de ses exigences, même si le contenu de ces discussions ne peut pas être aujourd'hui exposé devant la cour compte tenu de la confidentialité de leurs pourparlers.

Que dès lors, les discussions transactionnelles sur les modalités de régler à l'amiable le litige commercial pendant, n'entrent pas :

- dans les prévisions de l'alinéa a) de l'article L. 442-6-I, 2° du Code de commerce, l'avantage escompté ayant eu une contrepartie offerte, la société Kiasma ne démontrant pas en quoi celle-ci aurait été, au final, manifestement disproportionnée au regard de la valeur de l'avantage escompté,

- ni davantage dans celle de l'alinéa b) du même article, aucune preuve n'étant rapportée de l'existence d'obligations injustifiée qui auraient été obtenues de la société Kiasma puisqu'en définitive, celle-ci n'a pas transigé ;

Considérant par ailleurs, qu'il est constant, qu'en rompant la relation commerciale, par sa lettre du 15 mai 2002, la société Carrefour France a consenti à la société Kiasma un délai dont le caractère suffisant n'est pas discuté ;

Que la relation commerciale, établie depuis 20 années environ, était à durée indéterminée et que la société Carrefour France avait la possibilité d'y mettre unilatéralement un terme ;

Considérant cependant qu'en usant de son droit de rompre la relation antérieurement établie, la société Carrefour France précise, dès le premier paragraphe de la lettre notifiant la rupture " compte tenu de la procédure judiciaire que vous avez souhaité voir aboutir à l'égard de sociétés de notre groupe, [...] nous ne pouvons [...] envisager de continuer à développer un partenariat serein entre nos deux entreprises ", pour ensuite indiquer que " dans ces conditions " il est mis fin aux relations commerciales tout en octroyant un délai pour permettre au fournisseur de se réorganiser afin de trouver d'autres partenaires ;

Que si la société Carrefour France n'avait pas l'obligation de donner les motifs de la rupture dont elle prenait l'initiative, le juge peut néanmoins les contrôler, dès lors qu'ils ont été fournis ou découverts ;

Que bien qu'elle s'en défende, il ressort des termes de la lettre du 2 janvier 2001, que la société Carrefour France, faisait pression depuis plusieurs mois, pour tenter de contraindre la société Kiasma à l'abandon de son action judiciaire, puisque la lettre précitée, rendant compte d'une réunion tenue le 13 décembre 2000, normalement consacrée à la présentation des produits pour la collection hiver 2001 , indique expressément " nous pensons que le maintien de cette procédure [...] est incongru " pour en déduire que " ce contentieux est susceptible, à terme, d'inférer sur le bon déroulement voire le maintien de nos relations commerciales ".

Que la menace était déjà précise, sans proposer, à l'époque, la fixation amiable d'une indemnisation du préjudice antérieurement reconnu par une décision judiciaire non encore définitive ;

Qu'en invoquant exclusivement, pour rompre la relation établie, l'obtention de la décisions judiciaire à l'encontre d'une autre société de son groupe, augmentant significativement le montant de l'indemnité antérieurement allouée, la société France reconnaît implicitement, mais nécessairement qu'il n'existait pas de difficultés significatives purement internes à la relation commerciale objet de la rupture, ou en lien direct avec celle-ci ;

Qu'elle a ainsi caractérisé l'intention essentielle, voire unique, de nuire à son cocontractant, uniquement parce que celui-ci avait persévéré à faire valoir ses droits en justice à l'encontre d'une autre société du même groupe, lesquels, au surplus, ont été consacrés par la décision qui a été rendue ;

Que s'il était légitime, de la part de la société Carrefour France, de tenter de mettre un terme amiable à un contentieux né antérieurement, il n'est en revanche pas conforme à l'obligation de bonne foi pesant sur chaque partie, d'avoir usé de la faculté de rompre unilatéralement, même en respectant le délai raisonnable imposé par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, au seul motif que le cocontractant n'a pas accepté les propositions transactionnelles qui lui ont été faites dans le cadre du litige né dans l'exécution d'une autre relation commerciale ;

Qu'en outre, l'appelante ne démontre pas en quoi le refus de la société Kiasma, de transiger sur un litige né antérieurement avec la société Continent et auquel la société Carrefour France était initialement totalement étrangère, était de nature à faire disparaître la relation de confiance alors existante entre les partenaires commerciaux ;

Que c'est dès lors à juste titre, que le tribunal a retenu une faute commise par la société Carrefour France, dans la rupture notifiée par la lettre du 15 mai 2002, entraînant un préjudice en privant la société Kiasma de la marge qu'elle pouvait légitimement escompter de la poursuite de la relation d'affaires antérieurement établie depuis vingt ans environ ;

Considérant que la faute n'ayant pas été commise dans le cadre de l'exécution de la relation contractuelle, le préjudice éprouvé par la société Kiasma doit être réparé sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Que le dommage résultant de la rupture fautive d'une relation commerciale est essentiellement constitué par la perte de chance de la poursuivre au regard :

- de la sérénité de son déroulement antérieur et de la qualité des produits fournis, ni l'une, ni l'autre n'ayant été contestées,

- de la puissance financière et/ou de l'importance économique du client laissant raisonnablement espérer au fournisseur, une certaine pérennité d'existence dans le temps ;

Qu'en fixant cette espérance à une durée de six années environ, les premiers juges n'ont nullement imposé une durée fixe minimale pour rompre unilatéralement une relation commerciale établie, comme le soutient à tort l'appelante, mais se sont bornés à évaluer la probabilité raisonnable pendant laquelle la relation jusqu'alors sereine et profitable pour les deux parties, aurait pu perdurer, si elle n'avait pas été rompue dans les conditions fautives ci-dessus analysées ;

Que la société Carrefour France n'a pas allégué, ni a fortiori démontré, l'apparition d'indicateurs économiques, ou d'études sur l'éventuel changement du comportement des acheteurs des produits concernés, qui auraient pu, à plus court terme, remettre en cause la relation d'affaires ;

Que de son côté, la société Kiasma n'a pas davantage invoqué des investissements récents de nature à lui assurer plus durablement encore, une meilleure compétitivité face à la montée en puissance des concurrents, dont elle admet elle-même l'apparition dans ses écritures, et dont l'action future était de nature, éventuellement, à remettre en cause, à terme plus ou moins long, la relation d'affaires existante avec la société Carrefour France ;

Considérant aussi, qu'outre la réalité et le sérieux de la chance ainsi perdue, il convient d'évaluer le volume probable des affaires manquées ;

Que la société Kiasma ne démontre pas une probabilité suffisante d'une future chance d'être à nouveau référencée dans les anciens magasins Continent passant progressivement sous enseigne Carrefour, alors que le déréférencement dont elle avait précédemment été victime au titre de ces magasins, avait déjà fait l'objet d'une indemnisation par la décision de la Cour d'appel de Versailles ;

Qu'en revanche, il n'est pas contesté que le groupe Carrefour a une dimension multinationale et qu'il se déduit des pièces du dossier, que le rôle leader des équipes de gestion de la filiale française du groupe, inspire fortement les décisions d'achat des autres filiales, plus particulièrement européennes, du groupe de distribution ;

Qu'il en résulte que si la décision de rupture d'approvisionnement n'avait pas été prise par la société Carrefour France, il apparaît quasiment certain que les filiales étrangères du groupe Carrefour n'auraient pas déréférencé les produits de la société Kiasma, d'autant qu'il n'est pas contesté que leurs décisions sont contemporaines de celle de la filiale française ;

Que dès lors, même si la société Carrefour France limite ses activités au territoire national français, sa seule décision fautive a eu des répercussions certaines, débordant son périmètre d'action commerciale, de sorte que s'agissant d'une responsabilité délictuelle, la victime est fondée à demander l'entière réparation du dommage en découlant ;

Que de même, contrairement à l'appréciation des premiers juges, la société Kiasma est également fondée à requérir la réparation du préjudice découlant de la perte des marge qu'elle effectuait en propre, en approvisionnant sa filiale espagnole, lequel est distinct de celui par ailleurs éprouvé par la filiale de la société Kiasma qui a tout autant été déréférencée localement ;

Que, connaissance prise des divers éléments du dossier, il apparaît à la cour que c'est par une juste et pertinente appréciation des circonstances de la cause que les juges consulaires ont évalué le préjudice de la société Kiasma, sauf à le revaloriser pour aussi tenir compte de la part " espagnole " du préjudice ;

Qu'en fonction des pièces du dossier, la cour portera globalement le montant de l'indemnité à hauteur de 2 500 000 euro ;

Considérant par ailleurs, que succombant dans son recours, la société Carrefour France n'est pas fondée à soutenir que la procédure intentée par son adversaire serait abusive et ne saurait prospérer dans sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à la société Kiasma la charge définitive des frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer devant la cour ;

Par ces motifs, Déclare recevable, Confirme le jugement, sauf à porter le montant de l'indemnité à hauteur globale de deux millions cinq cent mille euro (2 500 000 euro), Condamne la société Carrefour Hypermarché France à verser vingt mille euro (20 000 euro) de frais irrépétibles à la société Kiasma et aux dépens d'appel ; Admet la SCP Verdun-Seveno au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.