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Décisions

Cass. soc., 29 octobre 2008, n° 06-42.278

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Groupe Isa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Quenson (faisant fonction)

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Defrenois, Levis

Cons. prud'h. Nanterre, du 29 juin 2004

29 juin 2004

LA COUR : - Donne acte à Mme Laurence X, ès qualités de mandataire liquidateur, de sa reprise d'instance ; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2006), que M. Y a été engagé le 23 novembre 1998 en qualité "d'ingénieur commercial", chargé de vendre les prestations de services proposées par la société Groupe Isa ayant une activité de conseil et d'ingénierie en système informatique ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence selon laquelle le salarié s'engageait pendant une période de douze mois à la fin des fonctions à ne pas concurrencer la société dans le secteur d'activité qui était le sien sur l'ensemble du territoire français moyennant une contrepartie financière en fonction de son ancienneté ; qu'après avoir démissionné le 21 décembre 2000, le salarié est entré au service de la société Cognos le 5 février 2001 ; qu'estimant qu'il avait violé la clause de non-concurrence, la société Groupe Isa a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner M. Y à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts ; que ce dernier a réclamé le versement de la contrepartie financière prévue au contrat ; qu'en cours de procédure la société ayant été mise en liquidation judiciaire, Mme X, ès qualités de liquidateur est intervenue à l'instance ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré illicite la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de M. Y et d'avoir condamné la société Groupe Isa à payer à ce dernier une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail prévoyait que son champ d'application était limité au "secteur d'activité où (le salarié) avait exercé son activité pendant les douze derniers mois précédent son départ de la société", ce qui laissait la possibilité à M. Y de retrouver le même emploi de commercial dans un autre secteur d'activité que celui visé par la clause litigieuse ; qu'en considérant néanmoins que la stipulation précitée aurait eu pour effet "d'interdire au salarié de travailler dans son secteur de compétence pendant une période de douze mois" et d'en déduire automatiquement la nullité de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles L. 120-2, L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ; 2°) que la portée d'une clause de non-concurrence s'apprécie au regard de l'activité réelle de l'entreprise concurrente et non par rapport à la définition statutaire de son objet ; qu'en l'espèce, la cour de Versailles a expressément admis qu'il "ne saurait être contesté que dans le cadre des ventes de logiciels, elle (la société Cognos) fournit aux clients des services informatiques d'assistance" (arrêt p. 3, dernier alinéa) ; qu'il s'évinçait ainsi des propres constatations de l'arrêt attaqué que les sociétés Groupe Isa et Cognos intervenaient toutes deux dans le domaine de l'ingénierie informatiques et étaient donc directement concurrentes, de telle sorte que l'activité exercée par M. Y au profit de la société Cognos constituait bien une violation de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail ; qu'en faisant droit à la demande de dommages-intérêts du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 120-2, L. 121-1 du Code du travail, 1134 et 1382 du Code civil ; 3°) qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que M. Y avait pris l'initiative de démissionner de la société Groupe Isa pour convenance personnelle et avait exigé de cette dernière qu'elle le libère de son préavis, de telle sorte qu'il était entré au service de la société Cognos le jour même de son départ de la société Groupe Isa (arrêt, p. 2, alinéa 6) ; que n'ayant ainsi jamais respecté, fût-ce un instant, la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail et ayant géré sa carrière au mieux de ses intérêts personnels, M. Y n'a jamais été victime d'une quelconque atteinte à sa liberté de travail ni n'a subi aucun préjudice, de sorte qu'en condamnant l'exposante à lui payer des dommages-intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 120-2 et L. 121-1 du Code du travail et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, après avoir rappelé qu'une clause de non-concurrence n'était licite que si elle était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tenait compte des spécificités de l'emploi du salarié et comportait l'obligation pour l'employeur de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives, a constaté que la clause insérée au contrat de travail interdisait au salarié de travailler dans son secteur de compétence pendant une période de douze mois sur tout le territoire français ce qui portait atteinte gravement à la liberté du travail, que l'employeur n'établissait pas que la clause tenait compte des spécificités de l'emploi du salarié et ne définissait pas les intérêts qu'elle entendait protéger ;

Attendu, ensuite, qu'analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, elle a constaté que les deux sociétés n'exerçaient pas la même activité et n'étaient pas des entreprises concurrentes ;

Attendu, enfin, que le salarié étant entré après avoir démissionné de son poste au service d'une société non-concurrente pour exercer une activité différente, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il avait respecté la clause litigieuse ce qui lui causait nécessairement un préjudice dont elle a souverainement apprécié le montant ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.