Livv
Décisions

CA Lyon, 7e ch. corr., 29 octobre 2008, n° 1012-07

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Procureur Général, Association Eaux et Rivières de Bretagne, Association consommation, Logement et Cadre de Vie, UFC Que Choisir, Association des Utilisateurs et Distributeurs de l'Agrochimie Européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brejoux

Avocats :

Mes Martinet, Bretzner, Saint-Esteben, Faro, Franck, Cartron

TGI Lyon, 5e ch., du 26 janv. 2007

26 janvier 2007

Par jugement en date du 26 janvier 2007, le Tribunal de grande instance de Lyon,

* statuant sur les poursuites diligentées à l'encontre de Jean X et de Jean-Pierre Y, du chef d'avoir:

- à Lyon, Dardilly (69) et sur le territoire national, courant 2000, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, sur les qualités substantielles, les propriétés, les conditions d'utilisation d'un produit, en l'espèce R 3 Plus, R GT, R allées et terrasses, R Ultra, R Alphée, en l'espèce dans un message télévisé, indiqué que le produit était biodégradable et qu'il laissait le sol propre, et avoir, sur les cartons d'emballage de ces produits, apposé le logo d'un oiseau, mentionné "respect de l'environnement" "propre", "efficacité et sécurité pour l'environnement", alors que le produit R GT, même s'ils ont obtenu une autorisation de mise sur le marché, a eu l'interdiction de porter la mention "emploi autorisé dans les jardins" alors qu'il savait que le glyphosate devait prochainement être classé "toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement aquatique", alors que le produit n'est biodégradable qu'à long terme, (articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation)

Renvoyé Jean X des fins de la poursuite pour les faits postérieurs au mois de juillet 2000,

Renvoyé Jean-Pierre Y des fins de la poursuite s'agissant de la diffusion de messages publicitaires télévisuels diffusés entre le 20 mars et le 28 mai 2000,

Déclaré les deux prévenus coupables du surplus de la prévention,

Et par application des articles susvisés, les a condamnés, chacun, à quinze mille euro d'amende,

A ordonné la publication, dans les journaux Le Monde et Maison et Jardin, de l'extrait suivant:

"Par jugement du 26 janvier 2007, le Tribunal correctionnel de Lyon a déclaré Jean-Pierre Y, pris en sa qualité de dirigeant de droit de la société Z, et Jean X, pris en sa qualité de dirigeant de droit de la société W, coupables du délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, pour avoir, courant 2000, fait diffuser des messages publicitaires concernant les produits herbicides pour jardins d'amateurs vendus sous la marque R 3 Plus, R GT, R allées et terrasses, R Ultra et R Alphée et comportant des allégations et indications de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles, s'agissant de l'ampleur alléguée du caractère biodégradable de leur substance active dénommée glyphosate.

Le Tribunal a condamné Jean-Pierre Y et Jean X, chacun, au paiement d'une amende de 15 000 euro et a déclaré les sociétés Z et W civilement responsables des agissements délictueux imputables à leur dirigeant".

Chacun des condamnés étant redevable du droit fixe de procédure.

Sur l'action civile : le tribunal a condamné solidairement les prévenus à payer:

- à l'association Eau et Rivières de Bretagne,

* 5 000 euro à titre de dommages-intérêts,

* 1 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à l'association CLCV,

* 3 000 euro à titre de dommages-intérêts,

* 1 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

A condamné les prévenus, si nécessaire, aux frais d'exécution forcée engagée par ces parties civiles.

Le tribunal a déclaré la société Z civilement responsable de Jean-Pierre Y et la société W civilement responsable de Jean X a dit n'y avoir lieu à déclarer la société Z2 civilement responsable.

Le tribunal a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de l'UFC d'Ille et Vilaine "Que choisir" et de l'association Audace.

La cause appelée à l'audience publique du 4 juin 2008 a été renvoyée contradictoirement à l'audience publique du 1er octobre 2008, la partie civile UFC Que choisir et la société Z2 étant recitées pour cette audience, en laquelle,

La société Z2 a fait défaut,

Le conseil de Jean-Pierre Y a sollicité de la cour l'audition de Monsieur B qu'il a fait citer en qualité de témoins,

La cour, après en avoir délibéré, ayant fait droit à la requête du prévenu, a invité le témoin à se retirer dans la salle prévue à cet effet,

Monsieur le Conseiller Gramaize a fait le rapport et la cour a procédé au visionnage d'un document,

Le prévenu Jean-Pierre Y a été interrogé et a fourni ses réponses,

Monsieur Enrique B, 52 ans, directeur de recherche à l'INRA, demeurant <adresse>, a été entendu en qualité de témoin, après avoir prêté serment conformément à la loi,

Maître Franck, avocat au Barreau de Paris a déposé les conclusions de Maître Cartron, avocat au Barreau de Rennes pour la partie civile UFC Que choisir Ille et Vilaine,

Maître Faro, avocat au Barreau de Paris, a conclu et plaidé pour l'association Eau et Rivières de Bretagne, partie civile,

Maître J. Franck, avocat au Barreau de Paris, a développé à la Barre ses conclusions développées pour l'association CLCV, partie civile,

L'Association Audace s'est désistée de son appel par courrier joint au dossier,

Monsieur Renzi, Substitut Général, a résumé l'affaire et a été entendu en ses réquisitions,

Maîtres Bretzner et Saint Esteben, avocats au Barreau de Paris, ont déposé des conclusions pour Jean-Pierre Y et la société Z, Maître Bretzner les a développées pour le prévenu et Maître Saint-Esteben pour le civilement responsable,

Maître L. Martinet, avocat au Barreau de Paris a été entendu en sa plaidoirie pour la défense de Jean X et de la société W civilement responsable,

La défense a eu la parole en dernier,

Sur quoi la cour a mis l'affaire en délibéré après en avoir avisé les parties présentes, elle a renvoyé le prononcé de son arrêt à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant:

Rappel des faits:

01. Suite à la réception de deux courriers du Dr Lylian Le Goff et de Paul Mathews, dénonçant la présentation du glyphosate commercialisé par la société Z1 sous la marque R comme herbicide de jardin biodégradable et respectant la nature, Mme le secrétaire d'Etat aux Petites et moyennes entreprises, au Commerce et à l'Artisanat, chargée de la consommation saisissait la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) du département du Rhône d'une demande d'enquête le 26 mai 2000.

02. Un de ses agents dressait un procès-verbal le 17 juillet 2000.

03. Six formulations différentes du R avec des concentrations de glyphosate comprises entre 7,2 et 400 g/l et bénéficiant toutes d'autorisations de mise sur le marché étaient visées.

04. Des messages publicitaires avaient été diffusés sur plusieurs chaînes de télévision du 20 mars au 28 mai 2000. Ils présentaient un chien évoluant sur une pelouse avec un massif de fleurs accompagné d'un commentaire indiquant que R est biodégradable et qu'il laisse le sol propre. Des copies de ces messages publicitaires sur cassettes vidéo étaient jointes à la procédure.

05. La SAS W, distributeur en France de ce désherbant, déclarait, par l'intermédiaire de Nicolas D Keris, que le message publicitaire avait été réalisé conjointement avec la société Z1.

06. Selon les factures remises par la société W, la campagne publicitaire avait coûté 20 301 455 F.

07. La commercialisation des différents produits était constatée dans un magasin Castorama à Bron (Rhône) le 3 juillet 2000. Des emballages étaient joints à la procédure.

08. François C, directeur technique de la société Z1, affirmait que les allégations environnementales telles que : "100 % biodégradable ou biodégradable, propre, respect de l'environnement, efficacité et sécurité pour l'environnement, utilisé selon le mode d'emploi R ne présente pas de danger particulier pour l'homme et les animaux domestiques" et l'utilisation du logo sous forme d'oiseau reposaient sur des études et des dossiers d'homologation.

09. La DGCCRF soutenait que l'utilisation d'un logo sur les emballages représentant un oiseau avec la mention "respect de l'environnement" constituait une des formes de publicité réprimée par l'article L. 121-1 du Code de la consommation. Une étude comparative entre un pesticide à base de glyphosate et le traitement mécanique des jachères par broyage avait été produite pour justifier cette allégation. La DGCCRF soulignait que cette étude concernait les agriculteurs professionnels et non les jardiniers amateurs ; et que l'impact sur l'environnement ne se limite pas aux nichées de petits animaux, mais concerne aussi les organismes aquatiques pour lesquels le glyphosate devait être reconnu comme très toxique et pouvant entraîner des effets néfastes à long terme sur l'environnement aquatique.

10. Elle critiquait également l'utilisation du terme "biodégradable" en soulignant qu'il existe une définition réglementaire de la biodégradabilité facile au point 5.2.1.3. de l'annexe VI de l'arrêté du 20 avril 1994 relatif aux préparations dangereuses, selon laquelle est facilement dégradable la substance dégradée à 70 %, au bout de 28 jours. Elle précisait que la société Z1 a fait réaliser des essais révélant que le niveau de dégradation n'est que de 2 % après 28 jours dans certains cas. Elle ajoutait que l'étude réalisée à la demande de Z1 démontrait une très lente biodégradabilité dans les eaux naturelles, une demi-vie du glyphosate de 7 à 9/10 semaines selon la nature des eaux, une absence de microbes capables de dégrader le glyphosate dans les stations d'épuration.

11. Elle précisait que la réalisation des essais était obligatoire en vue de l'inscription comme matière active pesticide à l'annexe I de la directive 91-414-CEE concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Elle relevait que la norme 180 14021 définit le terme "dégradable" englobant celui de "biodégradable" en référence à un taux dans un temps donné, ce que ne présentait pas la société Z1.

12. Elle estimait qu'une confusion pouvait survenir dans l'esprit du consommateur, puisque pour des détergents, la dégradation du produit doit intervenir à 80 % au bout de 10 jours selon un arrêté du 24 décembre 1987.

13. Elle soulignait que faute de préciser que la biodégradabilité du glyphosate n'existe qu'à long terme, la mention induisait le consommateur en erreur sur les qualités substantielles du produit sachant que la mention litigieuse ne figurait pas sur les produits à concentrations plus fortes destinés aux agriculteurs.

14. La DGCCRF relevait que l'adjectif "propre" renforçait l'idée que le produit n'est pas polluant, alors que même s'il n'est pas classé d'un point de vue toxicologique ou écotoxicologique, il n'est pas dénué de danger et d'effets néfastes.

15. Elle déplorait l'absence de justification à l'affirmation selon laquelle la formule du R contient des bioactivateurs qui garantissent "efficacité et sécurité pour l'environnement".

16. L'association Eau & Rivières de Bretagne précisait que des prélèvements effectués en 1998 et 1999 démontraient la présence du glyphosate dans 4 des 8 rivières de Bretagne contrôlées à des doses supérieures à la norme et même jusqu'à 172 fois cette norme. La biodégradation du glyphosate génère un métabolite, l'acide Aminométhylphosphonique (AMPA) encore plus dangereux, puisque sa durée de demi-vie est supérieure. Selon l'association, dans 2 des 3 rivières contrôlées, la présence de l'AMPA était supérieure à la norme en 1999. Le surfactant incorporé au R, l'amine polyoxyéthylène (POEA) était dénoncé comme ayant une toxicité trois fois supérieure au glyphosate. L'association mentionnait des études démontrant un impact du glyphosate sur la photosynthèse des Algues et sur le comportement des truites.

17. Le 15 juin 2001, Jean-Pierre Y, directeur général de Z1 pour la France, le Benelux et la Suisse et président de Z SAS, était entendu par la police et confirmait que les produits R étaient élaborés par sa société et commercialisés par la société W pour les jardiniers et amateurs. Il soutenait que R est biodégradable et qu'il s'agit d'une condition impérative pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché du ministère de l'Agriculture. Constatant que le terme biodégradable pouvait être perçu comme impliquant une innocuité du produit, il indiquait que cette mention était remplacée, pour respecter le principe de précaution, par une explication sur le processus de biodégradation. Il ajoutait que le message suivant était donné "Respecter les instructions d'utilisation pour éviter les risques pour l'homme et l'environnement".

18. Le 5 octobre 2001, Nicolas D, représentant la société W confirmait que sa société distribuait les produits R produits par la SAS Z et prétendait que les mentions figurant sur les emballages étaient de la responsabilité de la société Z1. Il indiquait que la campagne publicitaire avait été effectuée par les deux sociétés sous la responsabilité de Virginie E de la société Z1. Il précisait qu'au moment des faits, le responsable de la société W était Jean X. Il soulignait que les mentions litigieuses avaient été retirées des emballages et que la publicité avait été arrêtée.

Procédure:

19. Saisi des poursuites à raison de ces faits, le Tribunal correctionnel de Lyon a ordonné un supplément d'information par jugement du 3 juin 2005.

20. Une commission rogatoire permettait de déterminer que les produits étaient fabriqués en Belgique par la société de droit belge Z2 NV/SA, distribués en France par la SAS W, par l'intermédiaire de la SAS Z, et que le chiffre d'affaires était comptabilisé par la société Z2 SA, qui détient la totalité du capital de Z.

21. Par une autre commission rogatoire, les pièces d'une information ouverte au tribunal de Nanterre du chef de publicité de nature à induire en erreur portant sur des faits commis de mars à juin 2002 étaient jointes à la procédure.

22. Le tribunal a statué par jugement du 26 janvier 2007 dans les termes rappelés en tête du présent arrêt.

23. Jean-Pierre Y et la SAS Z ont interjeté appel par déclaration de leur avocat enregistrée au greffe du tribunal le 31 janvier 2007. Le Ministère public a interjeté appel à l'encontre de Jean-Pierre Y par déclaration du 1er février 2007.

24. L'association Audace a interjeté appel par déclaration de son avocat enregistrée au greffe du tribunal le 2 février 2007.

25. Jean X et la société W a interjeté appel par déclaration de son avocat enregistrée au greffe du tribunal le 2 février 2007.

26. L'UFC Que Choisir d'Ille et Vilaine a interjeté appel par déclaration de son avocat enregistrée au greffe du tribunal le 2 février 2007.

27. Les associations Eau & Rivières de Bretagne et CLCV ont interjeté appel par déclaration de leur avocat enregistrée au greffe du tribunal le 7 février 2007.

28. Jean-Pierre Y a été cité le 2 novembre 2007 à sa personne.

29. Jean X a été cité le 24 octobre 2007 à parquet général pour transmission internationale en fonction de l'adresse déclarée aux Etats-Unis dans l'acte d'appel.

30. La société Z a été citée le 24 octobre 2007 à une attachée de direction. L'avis de réception de la lettre recommandée accompagnant cet acte a été signé le 26 octobre 2007.

31. La société W a été citée le 9 novembre 2007 à une hôtesse. L'avis de réception de la lettre recommandée accompagnant cet acte a été signé le 12 novembre 2007.

32. La société Z2 a été citée le 24 octobre 2007 à parquet général pour transmission à l'étranger. L'avis de réception de la lettre recommandée accompagnant cet acte a été signé le 30 octobre 2007.

33. L'association Eau & Rivière de Bretagne a été citée le 17 décembre 2007 à une animatrice pédagogique.

34. L'association Audace a été citée le 5 décembre 2007 à une collaboratrice de Me Montenot. L'avis de réception de la lettre recommandée accompagnant cet acte a été signé le 10 décembre 2007.

35. L'association Union fédérale des consommateurs d'Ille et Vilaine "Que choisir" a été citée le 5 novembre 2007 à son président. L'avis de réception de la lettre recommandée accompagnant cet acte a été signé le 8 novembre 2007.

36. L'association CLCV a été citée le 8 novembre 2007 à une secrétaire.

37. L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2008 et renvoyée au 1er octobre 2008 par décision contradictoire, sauf à l'égard de l'UFC Que Choisir et de la société Z2.

38. L'UFC Que Choisir a été citée le 13 juin 2008 par acte d'huissier remis à une personne chargée de l'accueil.

39. La société Z2 a été citée le 25 juin 2008 à parquet général. L'avis de réception de la lettre recommandée accompagnant cet acte a été signé le 4 juillet 2008.

Motifs

En la forme

40. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et les délais légaux.

41. Jean-Pierre Y était assisté de son avocat ; Jean X était représenté par son avocat avec un pouvoir. Les sociétés Z SAS et W SAS, citées en qualité de civilement responsables étaient représentées par leurs avocats respectifs ; les associations UFC Que Choisir Ille et Vilaine, Eau & Rivières de Bretagne et CLCV, parties civiles, étaient représentées par leur avocat ; l'arrêt sera donc contradictoire à leur égard.

42. L'association Audace a déclaré se désister de son appel par lettre de son avocat parvenue au greffe le 4 juin 2008. L'arrêt sera contradictoire à signifier à son égard en application de l'article 420-2 du Code de procédure pénale.

43. La société Z2 n'a pas comparu. L'arrêt sera rendu par défaut à son égard.

Au fond

Moyens des parties:

Les parties civiles

44. L'association Eau & Rivière de Bretagne indique que la nouvelle rédaction des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation issue de la loi 2008-3 du 3 janvier 2008 élargit la définition de l'infraction mais ne fait pas disparaître la publicité trompeuse, laquelle reste incluse dans les pratiques commerciales trompeuses.

45. Elle soutient que cette réforme ne fait pas disparaître l'imputabilité du délit à une personne physique, qui peut encore être poursuivie comme co-auteur ou comme complice. Pour elle, si une hiérarchie en résulte entre les personnes pouvant être incriminées, la participation des dirigeants est en l'espèce établie par les éléments du dossier. Elle estime qu'en tout état de cause, la nouvelle loi pénale n'est pas plus douce et ne doit pas être appliquée.

46. Elle prétend que l'élément matériel et l'élément moral de l'infraction sont bien réunis et que les prévenus sont bien responsables pénalement en tant que co-auteurs.

47. Elle conclut à l'application de la loi pénale à l'encontre des prévenus et à leur condamnation à réparer son préjudice:

- sous la forme de la publication à leurs frais du "jugement" ou d'un communiqué dans divers organes de presse écrite et télévisée ainsi que sur le site Internet de la société Z1 et sur celui de R,

- par le paiement de 40 000 euro de dommages et intérêts.

48. Elle réclame également la condamnation solidaire des prévenus à lui payer 6 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

49. L'association Consommation Logement et Cadre de Vie souligne l'importance de l'impact du message publicitaire dans la mesure où la consommation de pesticides est très importante et a été considérablement augmentée, la société Z1 ayant pris une part de marché particulièrement significative dans la distribution de ces produits auprès des jardiniers amateurs.

50. Elle insiste aussi sur le fait que la publicité a un effet déculpabilisant pour le consommateur en tendant à le rassurer sur les méfaits éventuels du produit.

51. Elle reprend des arguments similaires à ceux de l'association Eau & Rivières de Bretagne sur l'application de la nouvelle loi pénale.

52. Elle sollicite la confirmation du jugement sur la culpabilité des prévenus et la responsabilité civile des sociétés Z et W.

53. Sur l'action civile, elle demande la condamnation solidaire ou in solidum des prévenus et sociétés civilement responsables à diffuser à leur frais un communiqué judiciaire dont elle a proposé une rédaction sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification de la décision sur une chaîne de télévision dans la tranche horaire 18/20 heures, et sous astreinte de 5 000 euro dans un journal spécialisé.

54. Elle demande que les dommages et intérêts alloués en première instance soient portés à 15 000 euro et qu'une somme de 3 000 euro lui soit accordée en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

55. En cas de relaxe, elle réclame l'application des dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale et l'octroi des mêmes réparations par application de l'article 1382 du Code civil.

56. L'association Union Fédérale des Consommateurs d'Ille & Vilaine "Que Choisir" Rennes conclut également à la confirmation des dispositions pénales du jugement. En revanche, elle estime que le tribunal a déclaré à tort sa constitution de partie civile irrecevable en jugeant qu'elle ne disposait pas d'un agrément pour ester en justice.

57. Elle fait valoir qu'elle dispose d'un agrément délivré par la préfecture d'Ille et Vilaine du 1re juillet 2003 valable pour 5 ans et qu'elle est déclarée pour la défense des consommateurs et pour la défense de l'environnement conformément à l'article 3 de ses statuts.

58. Elle sollicite en conséquence la condamnation solidaire des prévenus à lui payer 8 000 euro de dommages et intérêts et 1 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ainsi que la publication à leur frais de la condamnation dans le quotidien Ouest France à titre de réparation civile complémentaire sur le fondement des articles 131-10 et 131-35 du Code pénal.

59. Comme il a déjà été indiqué auparavant, l'association Audace se désiste de son appel.

Le Ministère public

60. Le Ministère public rappelle que la prévention vise des faits commis courant 2000, sous la réserve que le tribunal a rectifié à bon droit les périodes où les prévenus étaient dirigeants des sociétés en cause.

61. Il soutient que la loi pénale ne permettait pas de retenir la responsabilité des personnes morales et que d'après la chambre criminelle de la Cour de cassation, seules les personnes physiques dirigeantes pouvaient être poursuivies pour le compte des personnes morales.

62. Il estime que la responsabilité pénale des personnes morales instituée plus récemment ne permet pas d'écarter celle des personnes physiques, comme en attestent les dispositions de l'article L. 213-6 du Code de la consommation.

63. Il détaille les éléments constitutifs des infractions et notamment les termes exacts de la publicité visés à la prévention.

64. Il requiert la confirmation du jugement.

Les prévenus et les civilement responsables

65. Jean-Pierre Y fait plaider sa relaxe.

66. A titre liminaire, il soutient que la constitution de partie civile de l'UFC Que Choisir est irrecevable, d'une part parce que l'article 515 alinéa 3 du Code de procédure pénale lui interdit de formuler des demandes nouvelles en cause d'appel à son encontre alors qu'elle n'avait demandé aux premiers juges que la condamnation de M. F, et d'autre part parce que l'association n'a pas démontré que son président disposait d'un pouvoir spécial.

67. Sur l'action pénale, il fait valoir qu'une loi du 3 janvier 2008 a modifié les règles d'imputation du délit prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation après avoir réformé sa définition, en supprimant la phrase de l'article L. 121-5 qui disposait que la responsabilité des personnes morales incombait à ses dirigeants.

68. Il estime en conséquence suivant l'avis d'un professeur de droit que la loi pénale plus douce doit s'appliquer en ce qu'elle prévoit que l'auteur principal est désormais la personne morale elle-même.

69. Il prétend qu'il ne peut pas être poursuivi en tant que co-auteur d'abord parce qu'il n'est pas intervenu dans la conception, la validation ou la diffusion des publicités litigieuses, ses attributions étant limitées au secteur produits professionnels mais aussi du fait qu'une circulaire privilégie la poursuite des seules personnes morales en cas de délits non intentionnels.

70. Il ajoute que même sa complicité n'est pas établie et conclut à la réformation du jugement sur la déclaration de culpabilité.

71. Il fait également observer que Z SAS ne peut pas être considérée comme annonceur du film publicitaire, parce que la diffusion des spots a commencé avant la création de la société et qu'elle s'est même terminée avant le transfert d'activité concernant les désherbants professionnels.

72. Il indique que les emballages figurant dans les pièces de la procédure comportent le nom de Z1 France SA pour la période visée par la prévention et que ceux comportant le nom de Z SAS ont été saisis en 2001. Il affirme que les emballages de l'année 2000 avaient été conçus et diffusés avant le transfert d'activité de la société Z1 France SA dans laquelle il n'avait pas de responsabilité.

73. Il souligne en tout état de cause que les emballages de 2001, pris en compte par le tribunal, ne comportaient pas les mentions litigieuses.

74. La SAS Z rappelle que la commercialisation du R supposait l'inscription sur la liste communautaire des substances actives autorisées au terme d'une longue procédure de vérification des nombreuses études scientifiques justifiant notamment de son caractère biodégradable, ainsi que l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché du ministère de l'Agriculture français sur la base de critères environnementaux précis.

75. Elle soutient que la qualité d'annonceur ne peut lui être attribuée.

76. A titre subsidiaire, elle relève que les premiers juges ont fondé une partie de leur raisonnement sur le spot télévisuel, alors que Jean-Pierre Y a été relaxé à ce propos ; que ce spot a été diffusé plusieurs mois avant le transfert d'activité de la SA Z1 France que compte tenu de la saisonnalité du produit, elle n'a commencé à produire des emballages qu'après la période visée dans la prévention que la biodégradabilité du glyphosate a été seule prise en compte et non celle du R que le tribunal ne s'est basé que sur une seule étude dont elle discute la pertinence ; et que rien ne permet d'établir que le consommateur était incité à croire à une dégradation rapide du produit.

77. Elle souligne que les définitions du mot "biodégradable" dans les dictionnaires n'attachent aucune durée à cette notion et que plusieurs études réalisées en milieu naturel montrent que le glyphosate peut être qualifié de biodégradable parce qu'il n'y a ni persistance longue, ni risque d'accumulation.

78. Elle ajoute que le tribunal a mentionné à tort un risque de diffusion dans les eaux souterraines et explique que la présence de glyphosate et d'AMIPA dans les eaux de surface ne prouve pas l'implication de ses produits, dès lors que d'autres sociétés concurrentes en commercialisent de semblables et que les rejets peuvent provenir d'activités professionnelles agricoles. Elle objecte également que les mesures ont été effectuées sur une période brève, inférieure au temps de dégradation des produits ; et qu'il n'existe pas de norme fixant un taux en la matière.

79. Elle estime que l'élément intentionnel de l'infraction ne peut résulter d'éléments postérieurs aux infractions, de sorte que le classement ultérieur et hypothétique à l'époque des faits, comme toxique pour les organismes aquatiques ne peut être pris en compte. De plus, elle fait remarquer que le classement écotoxicologique n'implique pas un danger pour l'environnement, mais oblige à rajouter des avertissements sur les conditions d'emploi comme pour de très nombreux produits de la vie courante.

80. Elle souligne qu'elle a cessé depuis plusieurs années d'utiliser le mot "biodégradable".

81. Concernant l'action civile, elle prétend que l'article 470-1 du Code de procédure pénale ne peut pas recevoir application, dès lors que le délit poursuivi n'a pas un caractère non intentionnel selon la définition qu'en donne l'article 121-3 du Code pénal.

82. Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait échec à toute condamnation concernant le spot télévisé et à son infirmation quant à la condamnation prononcée au profit de deux parties civiles.

83. Jean X et la SAS W soutiennent que l'application des dispositions plus douces de la loi du 3 janvier 2008 doit conduire à la relaxe, dès lors que Jean X n'a été poursuivi que sur la base de sa qualité de dirigeant de la personne morale conformément à l'ancienne rédaction du texte de répression.

84. Ils ajoutent que la SAS W ne peut pas être considérée comme l'annonceur des publicités prétendument trompeuses ni concernant les étiquettes du produit qui étaient fournies pas la société Z1, ni pour la publicité télévisée pour laquelle elle n'est intervenue qu'à titre de conseiller avec l'aval de la société Z1.

85. Ils soulignent que le règlement des spots a bien été effectué par la société W mais que cette dernière a été intégralement remboursée par Z1 France SA et qu'elle n'est pas le seul bénéficiaire économique de la publicité.

86. Ils estiment que les informations qui leurs sont reprochées ne sont ni fausses ni de nature à induire en erreur.

87. Ils rappellent que le R est autorisé par le ministère de l'Agriculture et que le glyphosate est inscrit comme substance active par la Commission européenne, ce qui n'aurait pas été le cas s'il s'agissait d'un produit présentant un risque pour l'environnement.

88. Ils font valoir que la société W a fait les vérifications nécessaires auprès du fabricant, notamment en obtenant les fiches de données de sécurité des produits.

89. Ils indiquent que la classification postérieure du glyphosate ne peut être déterminante.

90. Ils contestent l'interprétation du tribunal et la confusion opérée entre les termes "biodégradable" et "laisse le sol propre", dans la mesure où il n'est pas fait référence à une biodégradabilité immédiate ou facile.

91. Ils prétendent que le message publicitaire ne prêtait pas à confusion pour un consommateur moyen doté de capacités de réflexion critique suffisante pour comprendre que la dégradation ne pouvait être immédiate, dès lors que le produit faisait effet au moins 7 jours.

92. Ils sollicitent l'infirmation du jugement et la relaxe de Jean X. Sur l'action civile, ils soutiennent que l'association UFC Que Choisir ne justifie pas de la recevabilité de son action ; que la CLCV n'apporte pas la démonstration d'une faute civile commise par la société W ; qu'UFC Que Choisir et Eau & Rivière de Bretagne ne démontrent pas l'implication de la société W dans la diffusion des messages publicitaires ; et que l'association Audace ne présente aucune demande.

Motifs de la décision:

Sur l'action publique

Sur l'application de la loi nouvelle

93. Les articles L. 121-1 et suivants et L. 213-1 du Code de la consommation ont été réformés à plusieurs reprises depuis la date des faits.

94. Le maximum de la peine d'amende mentionné à l'article L. 213-1 a été réduit de 250 000 F à 37 500 euro par l'article 3 de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 entré en vigueur le 1er janvier 2002, étant cependant observé que le maximum de l'amende prévue à cet article pouvait et peut toujours être porté à 50 p. 100 des dépenses de la publicité constituant le délit en application de l'alinéa 2 de l'article L. 121-6, tant dans sa rédaction issue de la loi 93-949 du 26 juillet 1993 applicable à la date des faits, que dans l'actuelle version issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008.

95. Il faut donc considérer que les peines encourues sont l'emprisonnement de deux ans au plus (disposition inchangée) et/ou l'amende de 37 500 euro pouvant être portée à la moitié des dépenses de la publicité.

96. L'article L. 121-4 relatif à la publication et à la diffusion n'a pas été modifié.

97. C'est concernant les conditions de la responsabilité pénale que les prévenus invoquent l'application de la loi pénale nouvelle.

98. La définition des infractions a été intégralement remaniée et élargie à d'autres pratiques commerciales trompeuses que les actes de publicité ; et en ce sens, les éléments constitutifs doivent être caractérisés au vu des dispositions de l'article L. 121-1 dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, à savoir résultant de la loi du 26 juillet 1993 plus restrictive, et non de celles de l'actuelle version issue de la loi du 4 août 2008.

99. En revanche, il est exact que la suppression de la deuxième phrase de l'article L. 121-5 qui disposait à l'époque des faits que "Si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants." par la version actuelle issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, constitue une disposition plus douce de la loi pénale à l'égard du prévenu, en ce qu'elle ne prévoit plus de responsabilité présumée du dirigeant pour le compte d'une personne morale. Cette disposition étant divisible du reste des réformes intervenues, elle sera appliquée à la cause.

100. Les poursuites dirigées contre les prévenus, personnes physiques, - sans que la prévention ne précise d'ailleurs qu'ils étaient pris en leur qualité de dirigeants de personnes morales -, supposent en conséquence la démonstration d'actes personnels de participation aux faits en tant que co-auteurs ou complices.

Sur la culpabilité

Concernant Jean-Pierre Y

101. La commercialisation du désherbant R à destination des jardiniers amateurs a été confiée par le groupe Z1 au groupe W ; et s'agissant du territoire français, un contrat de commissionnaire a été signé entre la société de droit belge Z2 SA/NV et la société W SAS avec prise d'effet au 1er octobre 1999.

102. Par traité d'apport partiel prenant effet au 31 mai 2000, la société Z1 France SA a apporté à la société Z SAS sa branche d'activité concernant "la distribution de tous produits et substances chimiques à usage et destination agricole, et notamment la commercialisation de désherbants non sélectifs, ainsi que la distribution des appareils se rapportant à ces produits et substances, soit pour son propre compte, soit pour le compte d'un tiers".

103. Les spots publicitaires télévisés ont été diffusés du 20 mars au 28 mai 2000. Plusieurs témoignages font état de l'implication de Virginie E et de François C dans le processus de validation de cette publicité.

104. Jean-Pierre Y a été nommé président du Conseil d'administration de la société Z SAS dès sa création, l'immatriculation de cette dernière ayant été opérée le 10 avril 2000.

105. Les contrats de travail de Virginie E et de François C ont été transférés de la société Z1 France SA à la société Z SAS par l'effet de l'apport partiel du 31 mai 2000.

106. C'est donc à bon droit que le tribunal a renvoyé Jean-Pierre Y des liens de la prévention concernant la diffusion des spots de publicité à la télévision, alors qu'aucun élément ne permet de caractériser son intervention personnelle et puisqu'il n'a commencé à assumer son rôle hiérarchique d'employeur vis-à-vis de Virginie E et François C qu'à partir de juin 2000.

107. Les auditions de Virginie E, du 11 juillet 2003 dans le cadre de la procédure de Nanterre, et du 1er décembre 2005 sur commission rogatoire décidée dans le cadre du supplément d'information du tribunal, établissent qu'elle travaillait en collaboration avec la société W SA en qualité de directeur de marque pour la société Z1 France SA puis Z SAS afin de superviser la stratégie de la marque, sa communication et son packaging. Sur ce dernier point, elle travaillait avec l'assistance de François C, destinataire des projets, qui devait les lui retourner avec les éventuelles modifications à effectuer. Elle précise bien que la société Z1 disposait, grâce à Français C, d'un droit de veto en cas de désaccord. Si elle indique qu'elle rendait des comptes au responsable international hors Amérique du Nord de l'activité R Jardins mais également à des responsables américains, elle précise aussi : "nous avons des échanges réguliers avec l'équipe de direction de Z SAS et notamment sur la stratégie de communication avec R".

108. Français C s'est présenté à la DGCCRF et à la police avec un pouvoir de représentation de Jean-Pierre Y pour expliquer les détails des mentions figurant sur les emballages et apporter une documentation scientifique détaillée afin de justifier les assertions.

109. Thierry G, directeur commercial de Z, confirme le rôle de contrôle de Virginie E sur toutes les opérations de communication pour le compte de Z1 dans son audition du 20 mai 2003.

110. Français H, entendu le 7 mai 2004, indique avoir participé à l'élaboration du contrat de commissionnaire entre Z1 et W et être passé d'une société à l'autre. Il souligne que la validation des décisions finales concernant la publicité revenait à Z1.

111. Christian I, directeur général W, confirme que son directeur marketing, Français H, travaillait en liaison avec Virginie E, qui représentait la société Z1, laquelle restait "très stricte" sur la politique de commercialisation du produit en fabriquant les étiquettes et en contrôlant et décidant de tous les documents de promotion et de publicité sur la marque.

112. Les autorisations de mise sur le marché étaient détenues par Z1 France SA puis par Z SAS. Le nom de ces sociétés a figuré successivement sur les emballages des produits litigieux après la mention fabriqué en Belgique.

113. Le coût de l'emballage représente un pourcentage significatif du prix de vente de ce produit de marque ayant un volume de distribution important. La validation des décisions concernant les emballages appartenait au président de la société dont dépendaient hiérarchiquement Virginie E et Français C.

114. Dans sa première audition du 15 juin 2001, Jean-Pierre Y qui se présente comme le "directeur général de la société Z1 pour l'ensemble de la France, le Bénélux et la Suisse" et "président de la société Z SAS" déclare que "le produit R est élaboré par notre société et commercialisé par elle pour les circuits professionnels et pour les circuits amateurs et jardiniers par la société W France."

115. Dans l'audition du 18 mai 2005 de la procédure de Nanterre, il reconnaît expressément que la société Z1 a conservé le contrôle de la publicité effectuée sur les produits de la gamme R et confirme sans ambiguïté qu'il n'a établi aucune délégation de pouvoir à ce sujet. Au fil de ses déclarations, il précise bien qu'il est intervenu personnellement pour appliquer le principe de précaution et donner des directives concernant la modification de l'étiquetage des produits.

116. Il est donc acquis que Jean-Pierre Y disposait d'une autorité hiérarchique directe en tant qu'employeur sur les deux principaux acteurs du contrôle des mentions figurant sur les emballages des produits R au nom du groupe Z1, Virginie E et Français C, et que l'importance des volumes financiers concernant ces produits et les dépenses de packaging nécessitaient son intervention régulière pour valider les décisions à compter du mois de juin 2000.

117. Le fait que les échantillons saisis au magasin Castorama de Bran le 3 juillet 2000 ne comportaient pas la désignation de la société Z SAS mais Z1 France SA est indifférent, dès lors que l'apport de branche d'activité transférait la responsabilité découlant de la commercialisation des produits à la nouvelle société depuis le 30 mai 2000, y compris pour les stocks en cours.

118. Il convient donc d'examiner si les mentions figurant sur ces emballages sont de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles, les propriétés ou les conditions d'utilisation des produits.

119. Les éléments prétendument trompeurs cités dans la prévention sont l'apposition d'un logo avec un oiseau et les mentions "respect de l'environnement", "propre", "efficacité et sécurité pour l'environnement".

120. Il faut rappeler que Z1 justifie le logo d'oiseau par une étude comparative entre les traitements mécanique et chimique des jachères, laquelle n'a aucune justification pour les amateurs, puisque les agressions d'un simple jardinier armé d'un râteau et d'une bêche contre les oiseaux nichant au sol sont sans commune mesure avec un tracteur agricole lancé à pleine vitesse dans un champ.

121. Le logo est entouré de l'expression "respect de l'environnement". L'association de l'oiseau et du slogan évoque obligatoirement l'idée d'un produit préservant la nature.

122. Sous la rubrique "Propre", il est possible de lire sur l'un des emballages "R est immédiatement immobilisé et inactivé au contact du sol, il est donc possible de semer après traitement. De plus, la matière active de R est biodégradable. La nouvelle formule de R contient des bioactivateurs qui garantissent efficacité et sécurité pour l'environnement (autre formule critiquée). Utilisé selon le mode d'emploi, R ne présente pas de danger particulier pour l'homme et les animaux domestiques."

123. Ces explications figurant sur l'emballage sous le terme "propre" induisent l'idée qu'après avoir détruit la plante, le R disparaît sans laisser aucune trace sur le sol, ce que renforce la garantie d"'efficacité et de sécurité pour l'environnement".

124. La société Z1 joue de l'ambiguïté résultant du fait que le glyphosate, principe actif essentiel de son produit, présente des avantages indéniables par rapport aux herbicides sélectifs, ce que de nombreuses études scientifiques ont justifié et que le témoin cité à la barre de la cour, directeur de recherche à l'INRA, a confirmé au visa des résultats d'une thèse qu'il a supervisée.

125. Pour autant, un pesticide reste une substance chimique présentant des effets nocifs pour l'environnement et les multiples études produites par le fabricant lui-même démontrent que les précautions d'emploi doivent être scrupuleusement respectées pour éviter les effets indésirables.

126. L'augmentation massive de la consommation de ces produits était constatée dans les eaux de surface des rivières de Bretagne avant même la campagne de commercialisation des produits de l'année 2000 au travers d'une hausse considérable de glyphosate et de son sous-produit de dégradation l'AMPA. Peu importe que la provenance de cette hausse ne résulte pas uniquement de la consommation de R par des amateurs, puisqu'il s'agit simplement de constater que ce produit n'est pas inoffensif.

127. L'écotoxicité du produit pour les organismes aquatiques était déjà connue pendant l'année 2000, et le classement officiel des autorités européennes n'a fait que le confirmer.

128. L'absence de danger pour les animaux et l'être humain constitue aussi un message indirect figurant par la symbolique de l'oiseau, la mention générique concernant le respect de l'environnement, et les informations détaillées de manière plus explicite dans les explications sous le mot "propre".

129. Dans les études présentées par Français C figuraient notamment le bilan du centre anti-poisons de Marseille insistant sur l'importance de la prévention pour éviter les accidents, et l'étude des cas d'exposition au R décrits par le CNITV pendant l'année 1997 mentionnant un nombre non négligeable de symptômes d'intoxications d'animaux domestiques, dont majorité de chiens, suite à des expositions au produit, par exemple sous forme d'ingestion d'herbe traitée.

130. Cette présentation élude le danger potentiel du produit par l'emploi de mots rassurants et induit le consommateur en erreur en diminuant le souci de précaution et de prévention qui devraient normalement l'inciter à une consommation prudente.

131. Enfin, la question de la biodégradabilité doit aussi être abordée, bien qu'elle ne soit qu'indirectement visée dans la citation concernant les emballages par l'expression "alors que le produit n'est biodégradable qu'à long terme". Il peut en effet être constaté que le terme "biodégradable" figure en gros caractères sur plusieurs boîtes.

132. Il est hors de propos de trancher la controverse scientifique sur le temps exact de biodégradation du R. Il faut néanmoins relever que la société Z1 fait une présentation trompeuse sur ce point, en utilisant les résultats d'études sur le temps de dégradation du glyphosate, alors qu'il est établi que le R est constitué de glyphosate et d'un tensio-actif et qu'il se dégrade plus lentement que le glyphosate seul. De surcroît, un sous-produit de dégradation du glyphosate, l'AMIPA, se dégrade lui-même plus lentement, ce que le témoin cité à la barre de la cour a confirmé.

133. L'aspect le plus trompeur dans l'emploi du terme biodégradable est qu'il complète le message relatif à la préservation de l'environnement. Il est cité juste après l'immobilisation et l'inactivation au sol, lesquelles sont qualifiées sur l'emballage d"'immédiate". Une confusion s'opère inévitablement entre ces propriétés pouvant laisser croire à une dégradation miraculeuse du produit dans un délai très rapide. D'ailleurs, la mention du sol "propre" permettant de nouvelles semailles contribue à brouiller le message dans le même sens.

134. Jean-Pierre Y, qui a travaillé pour le groupe Z1 pendant plusieurs années aux Etats-Unis, reconnaît dans son audition par la police qu'il savait que la communication autour du produit R avait fait l'objet de restrictions volontaires dans l'Etat de New York pour suivre les prescriptions du Ministère public de nature à prévenir la publicité trompeuse. Les allégations litigieuses figurant sur les emballages des produits français qu'il commercialisait étaient les mêmes que celles que Z1 avait renoncé à utiliser quelques mois plus tôt dans cet Etat.

135. La poursuite de la commercialisation des emballages sous son autorité, sous la stricte surveillance de son équipe marketing pendant la fin de l'année 2000 constitue donc l'infraction de publicité de nature à induire en erreur pour laquelle le tribunal l'a à juste titre déclaré coupable, cette décision étant justifiée au vu des motifs complémentaires donnés ci-dessus démontrant son implication personnelle en qualité de co-auteur.

Concernant Jean X

136. Jean X, président de la SAS W n'a pas été entendu par la police, ayant déménagé après la période des faits pour les Etats-Unis. Il n'a pas estimé utile de s'expliquer devant le tribunal ou devant la cour, s'en remettant aux observations de son avocat.

137. Christian I, entendu le 6 juillet 2005 dans le cadre de la procédure de Nanterre, a précisé qu'il occupait la fonction de directeur général de la société W SAS sous l'autorité de Jean X. Il a souligné que Jean X "assurait de fait la responsabilité opérationnelle de cette société, travaillant en permanence au siège de la société située à Ecully." Il indique également qu'il ne disposait d'aucune délégation de pouvoir de la part de ce dernier.

138. Les factures de la campagne publicitaire télévisée ont toutes été payées par W SAS avant d'être refacturées au groupe Z1.

139. Les nombreux témoins interrogés ont expliqué que les films des spots publicitaires et les emballages des produits étaient élaborés par le service marketing de la société W, avant d'être approuvés avec d'éventuelles modifications par la société Z1 France puis la société Z. Jean X possédait donc bien un pouvoir décisionnel en tant qu'employeur sur les slogans mentionnés dans les spots et sur les produits pour le compte de l'annonceur.

140. Le caractère trompeur des mentions figurant sur les emballages a déjà été analysé concernant Jean-Pierre Y et il convient de reprendre le même raisonnement au sujet de Jean X.

141. La prévention relève que le message télévisé indiquait que le produit était biodégradable et qu'il laissait le sol propre. Outre les éléments déjà cités sur ces allégations à propos des emballages, il faut souligner qu'un temps d'action du produit de 7 à 21 jours est mentionné en incrustation, ce qui prête à confusion sur le délai nécessaire à la biodégradation du produit. La rapidité de la biodégradation est suggérée également par l'effacement du mot en fondu, dès que la destruction de la plante est représentée par un schéma accéléré.

142. A l'écran, le caractère "propre" du sol s'accompagne de l'image du chien qui pousse un bulbe avec sa truffe dans un trou pour le planter. Cette scène évoque l'absence de risque pour la nature et les animaux domestiques.

143. Le spot n'est accompagné d'aucun avertissement sur les précautions d'emploi à respecter et se termine sur des notions d'amour et d'intelligence, qui ont pour effet de rassurer le consommateur sur l'innocuité du produit.

144. Il en résulte que le R est présenté là aussi sous un jour trompeur d'un produit totalement inoffensif, ce qui ne peut être le cas d'un désherbant, même s'il est moins nocif que d'autres pesticides.

145. Au dossier de Nanterre a été joint un document explicatif de la stratégie mondiale du groupe Z1 en matière de produits gazons et jardins. Il rappelle que ce groupe avait cédé en janvier 1999 au groupe W l'ensemble de ses activités en ce domaine à l'exception du R. Non seulement la société W se trouvait propriétaire de produits similaires sous des marques antérieurement développées par Z1 telles que Rose Net, Pelous Net, Herbapak, mais les unités de production correspondantes avaient également été transférées. Il est également signalé dans ce rapport que les installations de Fort Madison qui produisent le R gazons et jardins pour les Etats Unis sont la propriété de W. La société W peut donc être considérée comme spécialiste de ce type d'herbicides à base de glyphosate.

146. Des salariés de Z1 France ont été repris par W, comme notamment Français H, et il faut souligner que celui-ci avait des attributions dans le marketing.

147. Tous les salariés de la société W avaient accès aux caractéristiques des produits par la fiche de données de sécurité du glyphosate, laquelle précisait déjà dans sa version de juin 1996 antérieure aux faits figurant au dossier (cote 19) une toxicité modérée sur les rats, une toxicité légère pour les oiseaux sauvages et pour les invertébrés aquatiques, une persistance modérée dans le sol avec une demi-vie estimée à 47 jours.

148. L'imbrication des sociétés en vue de la commercialisation du produit et la parfaite connaissance par les dirigeants de la société W du désherbant et notamment de son principe actif démontrent que les allégations ont bien été rédigées en toute conscience de leur caractère trompeur.

149. Compte tenu de l'importance du budget publicitaire, dont son montant atteste, Jean X est responsable comme supérieur hiérarchique direct et unique de l'équipe marketing au sein de la société W, annonceur des mentions litigieuses. Ayant quitté ses fonctions en juillet 2000, le tribunal l'a à bon droit retenu dans les liens de la prévention jusqu'à cette date et relaxé pour le surplus.

Sur la peine

150. Le tribunal a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause, de la gravité des infractions et de la personnalité des auteurs, lesquels n'ont jamais été condamnés, en fixant des amendes de 15 000 euro proportionnés à leurs revenus.

151. La peine complémentaire de publication sera complétée pour tenir compte de la présente décision.

Sur l'action civile

152. Il convient de donner acte à l'association Audace de son désistement d'appel.

153. L'association UFC Que Choisir a été déclarée irrecevable pour défaut de justification d'un agrément en cours de validité pour pouvoir exercer l'action civile par les premiers juges. Elle produit un arrêté préfectoral du 1er juillet 2003 qui lui accorde cet agrément mais pour une durée limitée à cinq années, de sorte qu'elle n'était de nouveau pas recevable à agir lors de l'audience des débats à la cour. Le jugement sera donc confirmé à son égard.

154. Le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice causé aux associations Eau & Rivière de Bretagne et CLCV et les dommages et intérêts qu'il leur a alloués seront donc confirmés. La cour estime que ces indemnités remplissent intégralement la fonction de réparation du préjudice causé par les infractions, sans qu'il soit utile de prévoir des messages à diffuser aux frais des prévenus.

155. Il convient de condamner les prévenus à verser une somme complémentaire de 1 500 euro à chacune des deux associations en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour leurs frais exposés en appel, en sus des sommes déjà allouées sur ce fondement par les premiers juges qui seront confirmées.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de l'association Audace, de défaut à l'égard de Z2 SA et contradictoire à l'égard des autres parties, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, Déclare les appels recevables, Au fond, Confirme le jugement déféré sur les relaxes partielles prononcées par le tribunal et sur la culpabilité des prévenus, sauf à préciser qu'ils sont retenus dans les liens de la prévention en qualité de co-auteur, Confirme le jugement sur les peines, sauf à rajouter la phrase suivante à l'extrait devant être publié aux frais des condamnés : "Par arrêt du 29 octobre 2008, la Cour d'appel de Lyon a confirmé les condamnations prononcées en précisant que les prévenus étaient déclarés coupables en qualité de co-auteur et non plus en leur simple qualité de dirigeant des sociétés en cause suite à une modification de la loi pénale," Dans la mesure de la présence effective des condamnés au prononcé de la décision, le Président les a avisés de ce que, s'ils s'acquittent du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro, ce paiement ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours, Dit que chacun des condamnés est redevable du droit fixe de procédure. Donne acte de son désistement d'appel à l'association Audace, Confirme le jugement déféré sur l'action civile, Y ajoutant, condamne solidairement Jean-Pierre Y et Jean X à payer à chacune des associations Eau & Rivière de Bretagne et CLCV une somme de 1 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais d'appel, Dit les condamnés tenus au paiement du droit fixe de procédure, Le tout en application des textes visés à la prévention et des articles 485, 489, 509, 512, 513, 514, 515 du Code de procédure pénale.