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Décisions

CJCE, 3e ch., 4 décembre 2008, n° C-249/07

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Royaume des Pays-Bas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rosas

Avocat général :

M. Poiares Maduro

Juges :

MM. Cunha Rodrigues, Klucka, Lõhmus, Arabadjiev

CJCE n° C-249/07

4 décembre 2008

LA COUR (troisième chambre),

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, par l'introduction d'un système d'autorisation préalable pour l'ensemencement, dans les eaux côtières néerlandaises, des huîtres et des moules provenant légalement d'autres États membres et appartenant à des espèces indigènes aux Pays-Bas, le Royaume des Pays-Bas n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 L'article 2 de la directive 92-43-CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la "directive 'habitats'"), se lit comme suit:

"1. La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité [CE] s'applique.

2. Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire.

[...]"

3 L'article 6, paragraphe 3, de la directive "habitats" dispose que tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Les autorités nationales compétentes sont tenues de ne marquer leur accord sur ledit plan ou projet qu'après s'être assurées qu'il ne portera pas atteinte à l'intégrité du site concerné.

4 Aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive "habitats":

"Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant:

a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature;

[...]"

5 L'article 22 de la directive "habitats", intitulé "Dispositions complémentaires", prévoit:

"Dans la mise en application des dispositions de la présente directive, les États membres:

[...]

b) veillent à ce que l'introduction intentionnelle dans la nature d'une espèce non indigène à leur territoire soit réglementée de manière à ne porter aucun préjudice aux habitats naturels dans leur aire de répartition naturelle ni à la faune et à la flore sauvages indigènes et, s'ils le jugent nécessaire, interdisent une telle introduction. Les résultats des études d'évaluation entreprises sont communiqués pour information au comité;

[...]"

6 Les annexes II, IV et V de la directive "habitats" contiennent les listes, notamment, des espèces animales d'intérêt communautaire qui font l'objet de différentes mesures visées dans cette directive.

La réglementation nationale

7 En application de l'article 9 de la loi de 1963 sur la pêche (Visserijwet 1963, Stb. 1963, n° 312), des règles peuvent être établies par ou en vertu d'un règlement d'administration publique dans l'intérêt de la pêche dans les eaux désignées comme eaux côtières. Ces règles peuvent avoir pour objectif la préservation ou l'extension des réserves de poissons dans les eaux en question ou encore une restriction de la capacité de capture. Lors de l'établissement de ces règles, les intérêts de la nature sont également pris en compte.

8 Le règlement de 1977 en matière de pêche maritime et côtière (Reglement zee- en kustvisserij 1977, Stb. 1977, n° 666) contient des règles telles que celles visées à l'article 9 de la loi de 1963 sur la pêche. Il habilite ainsi le ministre compétent à adopter des règles, notamment, en matière de garantie de la préservation ou de l'extension des réserves de poissons. Ces règles peuvent se rapporter à l'ensemencement de certaines espèces de coquillages. Dans la mesure où elles impliquent l'interdiction d'exécuter certaines actions, il peut être établi que l'interdiction ne s'applique pas aux titulaires d'une autorisation accordée par ledit ministre.

9 L'arrêté relatif à la pêche dans la zone de pêche, dans la région maritime et dans les eaux côtières (Beschikking Visserij, Visserijzone, Zeegebied en Kustwateren) (Stcrt. 1977, n° 255), tel que modifié (ci-après l'"arrêté"), a été adopté sur le fondement du règlement susvisé.

10 L'article 9 de l'arrêté se lit comme suit:

"1. Il est interdit d'ensemencer des mollusques dans la zone de pêche, la région maritime et les eaux côtières.

2. L'interdiction visée au paragraphe 1 ne s'applique pas à l'ensemencement:

a) des moules dans la mer des Wadden, si celles-ci proviennent de la partie néerlandaise de la mer des Wadden;

b) de moules et d'huîtres dans l'Escaut oriental, si celles-ci proviennent de l'Escaut oriental."

11 L'article 11 de l'arrêté prévoit que "[l]es interdictions édictées [aux] articles 3, 4, 5, sous a), 7, paragraphe 1, 8 et 9 ne s'appliquent pas aux titulaires d'une autorisation octroyée par le [m]inistre".

12 L'article 12, paragraphe 1, de l'arrêté dispose que "[l]e [m]inistre peut octroyer des dérogations et des dispenses aux prescriptions du présent arrêté".

13 L'article 13a de l'arrêté précise que, "[l]ors de l'octroi de dérogations, de dispenses et d'autorisations, telles que visées aux articles 11 et 12, portant sur les eaux visées à l'article 1er, paragraphe 4, sous c), ainsi que pour les prescriptions connexes à l'octroi assorti de restrictions, comme visées à l'article 13, il est également tenu compte des intérêts de la protection de la nature".

14 Le règlement de dispense en matière de pêche aux moules et aux huîtres (Vrijstellingsregeling mossel- en oestervisserij, Stcrt. 1997, n° 222, ci-après le "règlement de dispense"), adopté en vertu des articles 12 et 13 de l'arrêté, était en vigueur lors de l'expiration du délai octroyé par la Commission dans l'avis motivé et, partant, est applicable aux faits de l'espèce.

15 En vertu de l'article 2 dudit règlement, est accordée aux détenteurs de certains permis de pêche une "dispense de ce qui est prescrit à l'article 9 de [l'arrêté] quand il s'agit de l'ensemencement, dans l'Escaut oriental, de moules qui proviennent de la mer des Wadden".

La procédure précontentieuse

16 Ayant reçu une plainte d'un opérateur économique, la Commission a, le 17 octobre 2003, adressé au Royaume des Pays-Bas une lettre de mise en demeure dans laquelle elle considérait que, en instaurant un régime d'autorisation préalable pour l'ensemencement, dans les eaux côtières néerlandaises, d'huîtres et de moules provenant d'autres États membres, le Royaume des Pays-Bas avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE.

17 N'étant pas satisfaite de la réponse du Royaume des Pays-Bas, datée du 15 janvier 2004, la Commission a, le 18 octobre 2004, envoyé à cet État membre un avis motivé, l'invitant à prendre les mesures requises pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

18 Le Royaume des Pays-Bas a répondu à cet avis par lettre envoyée le 13 janvier 2005. Il n'a pas contesté que le régime d'autorisation préalable en question constituait une entrave à la libre circulation des marchandises. Il a cependant affirmé que ladite mesure était justifiée aux fins de la protection de la nature.

19 Cette réponse n'ayant pas été considérée comme satisfaisante par la Commission, celle-ci a introduit le présent recours.

Sur le recours

20 Selon la Commission, les articles 9, paragraphe 1, et 11 de l'arrêté, en vertu desquels l'ensemencement d'huîtres et de moules dans les eaux côtières néerlandaises est interdit à défaut d'une autorisation pour ce faire, constituent un régime d'autorisation préalable (ci-après le "régime d'autorisation") susceptible d'entraver le commerce intracommunautaire et l'accès au marché à partir d'autres États membres.

21 En effet, il résulterait dudit régime qu'une autorisation est toujours exigée pour l'ensemencement d'huîtres et de moules appartenant aux espèces indigènes aux Pays-Bas mais qui proviennent d'autres États membres, alors que l'ensemencement de telles espèces provenant des Pays-Bas n'est soumis à ce régime que dans certains cas.

22 À cet égard, serait exempté du régime d'autorisation, en vertu de l'article 9, paragraphe 2, de l'arrêté, l'ensemencement de moules dans la mer des Wadden, si celles-ci proviennent de la partie néerlandaise de la mer des Wadden, ainsi que l'ensemencement d'huîtres et de moules dans l'Escaut oriental, si celles-ci proviennent de l'Escaut oriental.

23 En outre, l'exemption énoncée à l'article 2 du règlement de dispense, selon laquelle l'ensemencement dans l'Escaut oriental de moules qui proviennent de la partie néerlandaise de la mer des Wadden n'est pas soumis audit régime, présenterait un caractère discriminatoire, dès lors qu'elle bénéficierait à une partie importante de la production nationale de moules.

24 Le Royaume des Pays-Bas admet que le régime d'autorisation constitue une restriction à la libre circulation des marchandises. Cependant, il relève que, hormis les exemptions visées aux articles 9, paragraphe 2, de l'arrêté et 2 du règlement de dispense, l'ensemencement de tous les coquillages provenant des eaux côtières néerlandaises est également subordonné à l'octroi d'une telle autorisation. Par ailleurs, le Royaume des Pays-Bas conteste le caractère discriminatoire de l'exemption énoncée dans le règlement de dispense, en faisant valoir qu'elle a été adoptée en tenant compte des intérêts de la nature, conformément à l'article 13a de l'arrêté.

25 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, édictée à l'article 28 CE, vise toute réglementation des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8-74, Rec. p. 837, point 5, et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C-141-07, non encore publié au Recueil, point 28). Ainsi, le seul fait d'être dissuadé d'introduire ou de commercialiser les produits en question dans l'État membre concerné constitue pour l'importateur une entrave à la libre circulation des marchandises (voir en ce sens, notamment, arrêts du 16 novembre 2000, Commission/Belgique, C-217-99, Rec. p. I-10251, point 18; du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas, C-297-05, Rec. p. I-7467, point 53, ainsi que du 19 juin 2008, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, C-219-07, non encore publié au Recueil, point 22).

26 En l'occurrence, un tel régime d'autorisation, qui n'affecte pas des huîtres et des moules provenant d'autres États membres de la même manière qu'une grande partie de celles provenant des Pays-Bas, est de nature à entraîner, comme le relève la Commission, des difficultés pour les importateurs d'huîtres et de moules aux Pays-Bas, et peut donc dissuader ces derniers d'introduire ou de commercialiser de tels mollusques aux fins de l'ensemencement dans les eaux néerlandaises.

27 En effet, force est de constater que ces exemptions audit régime d'autorisation ne concernent que des mollusques provenant des eaux néerlandaises, à savoir de la partie néerlandaise de la mer des Wadden et de l'Escaut oriental. À cet égard, le Royaume des Pays-Bas reconnaît non seulement que les parcelles où des moules sont cultivées à partir de semences sont situées principalement dans ces deux zones maritimes, mais également que la grande majorité des parcelles à huîtres aux Pays-Bas se trouvent dans l'Escaut oriental. De plus, cet État membre ne conteste pas que l'exemption figurant à l'article 2 du règlement de dispense s'applique, à elle seule, à une partie importante de la production nationale de moules.

28 Il s'ensuit que, étant susceptibles d'entraver les échanges intracommunautaires, les dispositions litigieuses doivent être considérées comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 28 CE.

29 Dans ces circonstances, il convient d'examiner si les dispositions litigieuses peuvent être justifiées par des raisons telles que celles invoquées par le Royaume des Pays-Bas, et tenant tant au maintien de la biodiversité qu'à la conservation des espèces halieutiques dans l'intérêt de la pêche.

30 À cet égard, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que le régime d'autorisation sert à prévenir l'introduction d'organismes exotiques, qui peuvent s'attacher aux coquillages, dans les eaux où ces derniers sont transportés pour l'ensemencement. Ces organismes formeraient une menace pour les espèces de poissons et de plantes indigènes à ces eaux.

31 Cet État membre soutient, en premier lieu, qu'il est par conséquent tenu, sur le fondement de l'article 22, sous b), de la directive "habitats", de maintenir le régime d'autorisation et que celui-ci constitue une mesure d'exécution de cette disposition. À cet égard, cet article 22, sous b), concernerait la protection des habitats naturels dans leur aire de répartition naturelle ainsi que de la faune et de la flore sauvages indigènes. L'éventuelle introduction d'organismes exotiques fixés aux coquillages dans les eaux où ces derniers sont ensemencés devrait être considérée comme une introduction intentionnelle d'espèces non indigènes au sens de ladite disposition.

32 Il convient de constater, à cet égard, que l'article 22, sous b), de la directive "habitats" peut s'appliquer à une situation qui relève également des autres dispositions de cette directive, et notamment de l'article 6, paragraphe 3, de celle-ci. En effet, ainsi qu'il ressort du titre dudit article 22, les dispositions y figurant sont complémentaires des autres dispositions de la directive "habitats".

33 Toutefois, l'article 22, sous b), de la directive "habitats" concerne, comme le relève à juste titre la Commission, l'introduction intentionnelle des espèces non indigènes. Or, si des organismes exotiques qui s'attachent aux mollusques destinés à l'ensemencement peuvent être considérés comme des espèces non indigènes aux eaux d'ensemencement, l'éventuelle introduction desdits organismes par ce moyen, dans les eaux d'ensemencement, ne saurait être qualifiée d'intentionnelle.

34 Ainsi qu'il ressort de la dernière phrase de l'article 22, sous b), de la directive "habitats", l'introduction d'une espèce non indigène fait l'objet d'études d'évaluation entreprises à cette fin. Par les termes "introduction intentionnelle", le législateur communautaire vise donc des projets relatifs à l'introduction d'espèces non indigènes, qui doivent être réglementés de manière à ne porter aucun préjudice aux habitats ni à la faune et à la flore sauvages dans les sites concernés, et, si nécessaire, interdits. Il s'ensuit que les espèces non indigènes envisagées dans cette disposition sont celles dont l'introduction est visée par des projets concrets et non pas celles dont l'introduction n'est qu'éventuelle et ne résulte que du déplacement d'autres espèces.

35 Il est vrai, comme le relève le Royaume des Pays-Bas, que la Cour a notamment jugé que la condition d'intentionnalité figurant à l'article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive "habitats" peut être remplie si l'auteur de l'acte en question a, à tout le moins, accepté la possibilité de l'un des actes visés à cette disposition (voir arrêt du 18 mai 2006, Commission/Espagne, C-221-04, Rec. p. I-4515, point 71). Il n'en demeure pas moins que le champ d'application de l'article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive "habitats" diffère de celui de l'article 22, sous b), de la même directive.

36 En effet, le terme "intentionnel" figurant audit article 12, paragraphe 1, sous a), constitue l'élément subjectif des actes, tels que la capture ou la mise à mort des espèces visées, dont l'interdiction constitue, en vertu de ce même article 12, paragraphe 1, une mesure nécessaire pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV de la directive "habitats". C'est à la lumière de cette finalité que la Cour a conféré à la notion d'intentionnalité le sens susmentionné.

37 Il en résulte que l'article 22, sous b), de la directive "habitats" ne s'applique pas à la situation ayant donné lieu au présent recours, où il n'existe qu'un risque, certes connu, d'introduction d'espèces non indigènes dans les lieux concernés. Par conséquent, le régime d'autorisation ne saurait se justifier au titre de ladite disposition.

38 En second lieu, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que le régime d'autorisation est justifié par l'article 30 CE, dès lors qu'il vise la conservation des espèces halieutiques dans l'intérêt de la pêche. À cet égard, cet État membre soutient que des organismes exotiques peuvent être nuisibles à la biodiversité ainsi qu'à des espèces halieutiques non menacées qui sont susceptibles d'être pêchées, telles que le cabillaud, les moules, les huîtres, la limande, la plie et la sole. La mesure litigieuse s'imposerait au vu du risque écologique important que présente le transport de coquillages. Elle serait en outre nécessaire et proportionnée, des mesures moindres, telles que le rinçage ou la mise en quarantaine, n'étant pas adéquates pour écarter les organismes exotiques des coquillages.

39 Selon une jurisprudence constante, une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation est susceptible d'être justifiée par des raisons visées à l'article 30 CE (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2006, Ahokainen et Leppik, C-434-04, Rec. p. I-9171, point 23).

40 En l'espèce, les justifications avancées par le Royaume des Pays-Bas, à savoir le maintien de la biodiversité et la conservation des espèces halieutiques dans l'intérêt de la pêche, ont trait à la protection de la vie des animaux, qui constitue l'une des raisons énoncées à l'article 30 CE (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 1998, Bluhme, C-67-97, Rec. p. I-8033, point 33).

41 Il convient ensuite de rappeler qu'un recours à l'article 30 CE n'est plus possible lorsque des directives communautaires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation de l'objectif spécifique que poursuivrait le recours à l'article 30 CE (arrêts du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5-94, Rec. p. I-2553, point 18, et du 11 mai 1999, Monsees, C-350-97, Rec. p. I-2921, point 24).

42 À cet égard, il y a lieu de relever, d'une part, que, ainsi qu'il ressort de l'article 2, paragraphe 1, de la directive "habitats", celle-ci réglemente la protection de la biodiversité sur le territoire européen des États membres où le traité s'applique. D'autre part, force est de constater que la directive "habitats" n'a pas comme objectif la protection des intérêts de la pêche. De plus, selon l'article 2, paragraphe 2, de cette directive, les mesures prises en vertu de celle-ci concernent le maintien ou le rétablissement des habitats naturels ainsi que des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire. Or, les espèces halieutiques non menacées mentionnées par le Royaume des Pays-Bas ne figurent pas sur les listes des espèces animales d'intérêt communautaire figurant aux annexes II, IV et V de ladite directive.

43 Il s'ensuit qu'un recours à l'article 30 CE est possible.

44 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si le régime d'autorisation est apte à réaliser l'objectif de protection de la vie des animaux et s'il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, en ce sens, arrêt Monsees, précité, point 28). Il doit être proportionné à cet objectif, lequel n'aurait pas pu être atteint par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2003, Commission/Danemark, C-192-01, Rec. p. I-9693, point 45).

45 À cet égard, c'est aux États membres qu'il appartient de démontrer que leur réglementation est apte et nécessaire pour réaliser ledit objectif, et conforme au principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts Commission/Pays-Bas, précité, point 76, et du 10 avril 2008, Commission/Portugal, C-265-06, non encore publié au Recueil, point 39).

46 Or, force est de constater, d'abord, que le Royaume des Pays-Bas n'a pas démontré l'aptitude du régime d'autorisation à réaliser l'objectif de conservation des espèces halieutiques dans l'intérêt de la pêche. En effet, il ne fournit aucune indication quant aux modalités de fonctionnement du régime, à d'éventuels tests y étant associés, ou encore, le cas échéant, quant aux critères d'autorisation ou de rejet.

47 Ensuite, il y a lieu d'observer que l'existence d'exemptions, dont le caractère objectif et non discriminatoire n'est pas démontré, ne permet pas de justifier la nécessité du régime d'autorisation.

48 À cet égard, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que le régime d'autorisation est nécessaire en s'appuyant sur un avis d'experts sur la problématique des transports des coquillages du 2 juin 2004 (ci-après l'"expertise de 2004"), selon lequel le transport de coquillages présente un important risque écologique potentiel d'introduction d'éléments exotiques.

49 Or, s'agissant des exemptions énoncées à l'article 9, paragraphe 2, de l'arrêté, la justification avancée par le Royaume des Pays-Bas, selon laquelle le transport de coquillages dans les mêmes eaux n'entraîne pas de risque de contamination du milieu récepteur par des éléments exotiques, méconnaît le fait qu'une autorisation est pourtant requise pour l'ensemencement dans la mer des Wadden de moules provenant des parties allemande et danoise de cette mer. En outre, ainsi que le relève la Commission, l'expertise de 2004 constate que la Manche, le pas de Calais, la partie méridionale de la mer du Nord, la côte orientale de l'Angleterre et la côte de la mer des Wadden aux Pays-Bas et en Allemagne doivent être considérés comme une seule zone. L'affirmation de cet État membre, selon laquelle la politique des Länder allemands relative au transport de coquillages ne permet pas toujours de garantir que ces derniers proviennent effectivement de la mer des Wadden, doit être considérée, ainsi que le souligne la Commission, comme trop vague pour justifier cette différence de traitement et, en tout état de cause, n'est pas susceptible d'expliquer le bien-fondé du régime d'autorisation lorsqu'il s'agit de moules provenant de la partie danoise de la mer des Wadden.

50 Quant à l'exemption visée à l'article 2 du règlement de dispense, le Royaume des Pays-Bas relève que, selon l'expertise de 2004, le transport de moules de la mer des Wadden vers l'Escaut oriental s'effectue depuis des décennies sans mener à l'introduction d'organismes exotiques et qu'il n'existe, actuellement, que peu d'éléments exotiques dans la mer des Wadden autres que ceux provenant de l'Escaut oriental. Or, comme la Commission le fait observer, et sans être contredite sur ce point par ledit État membre, des moules provenant de la mer d'Irlande et de la mer Celtique sont également ensemencées depuis plus de 30 ans dans l'Escaut oriental sans que cela ait produit d'effets néfastes sur le milieu naturel. Dans ces conditions, le Royaume des Pays-Bas ne saurait valablement invoquer, sans autre explication, le principe de précaution, mentionné dans le mémoire en duplique, en ce qui concerne les moules provenant de la mer d'Irlande et de la mer Celtique, tout en faisant abstraction de ce principe quant aux moules en provenance de la mer des Wadden.

51 En tout état de cause, force est de constater que l'expertise de 2004 ne répond pas aux exigences de la jurisprudence, selon lesquelles il doit être procédé à une évaluation approfondie du risque, établie à partir des données scientifiques les plus fiables et des résultats les plus récents de la recherche internationale, en sorte que l'impossibilité de déterminer avec certitude l'existence ou la portée du risque n'a pas été établie (voir, par analogie, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, points 37 et 38). Dès lors, le principe de précaution ne saurait être invoqué.

52 En revanche, il n'y a pas lieu d'examiner l'argument de la Commission selon lequel le régime d'autorisation ferait double emploi avec l'autorisation requise au titre de la loi de 1998 sur la protection de la nature (Natuurberschermingswet 1998, Stb. 1998, n° 403), telle que modifiée, pour l'ensemencement d'huîtres et de moules dans la mer des Wadden ainsi que dans l'Escaut oriental.

53 En effet, d'une part, la Commission n'a pas identifié les dispositions spécifiques de ladite loi sur lesquelles repose son raisonnement.

54 D'autre part, la seule disposition de cette même loi citée à cet égard par le Royaume des Pays-Bas, à savoir son article 19d, est l'une des dispositions modifiant celle-ci en vue de transposer, entre autres, l'article 6 de la directive "habitats", dispositions qui ne sont entrées en vigueur que le 1er octobre 2005, soit après l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé. Or, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé (voir, notamment, arrêts du 18 mars 1999, Commission/France, C-166-97, Rec. p. I-1719, point 18, et du 10 avril 2008, Commission/Italie, C-442-06, non encore publié au Recueil, point 42).

55 Au vu de tout ce qui précède, le recours de la Commission doit être accueilli.

56 Il y a lieu, dès lors, de constater que, en instaurant un système d'autorisation préalable pour l'ensemencement, dans les eaux côtières néerlandaises, des huîtres et des moules provenant légalement d'autres États membres et appartenant à des espèces indigènes aux Pays-Bas, le Royaume des Pays-Bas n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE.

Sur les dépens

57 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume des Pays-Bas et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre) déclare et arrête:

1) En instaurant un système d'autorisation préalable pour l'ensemencement, dans les eaux côtières néerlandaises, des huîtres et des moules provenant légalement d'autres États membres et appartenant à des espèces indigènes aux Pays-Bas, le Royaume des Pays-Bas n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE.

2) Le Royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.