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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 27 mars 2007, n° 06-06446

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Valoragri (SA)

Défendeur :

Sud Fertilisants (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mmes Plantard, Debuissy

Avoués :

SCP Negre-Pepratx-Negre, SCP Auche-Hedou

Avocats :

Mes Sinsollier, Pierchon, Porte

T. com. Sète, du 26 sept. 2006

26 septembre 2006

La société Coda, filiale de la société Procep, a embauché Michel Dussopt le 08/11/1993 en qualité d'agent technico-commercial (statut de VRP) pour les départements des Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Drôme, Gard, Hérault, Var et Vaucluse. Le contrat a été conclu à durée indéterminée et avec une clause de non-concurrence pour les secteurs visités d'une durée de 2 ans.

Cette société a été dissoute le 31/03/1999 avec transmission universelle de son patrimoine à la société Procep.

Le 12/04/1999 Michel Dussopt a démissionné de son emploi.

Par courrier du 21/04/1999 son employeur l'a dispensé de l'exécution de son préavis, a fixé l'expiration de celui-ci au 31 mai 1999 et a réduit la clause de non-concurrence à 9 mois.

Le 26/04/1999 la société Procep a embauché Laurent Debonne en qualité de représentant de commerce pour les départements de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, du Gard, de l'Hérault, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et de la Drôme avec des restrictions pour ces trois derniers départements et le Gard et avec une clause de non-concurrence de 2 ans pour le secteur défini.

LE 06/09/2000, Laurent Debonne a démissionné.

Le 25 septembre 2000 son employeur l'a délié de la clause de non-concurrence.

La société Fertilisants a embauché successivement Michel Dussopt et Laurent Debonne.

Michel Dussopt a démissionné de ce nouvel emploi le 3 septembre 2001.

La société Procep devenue Valoragri a fait assigner celui-ci devant le Conseil des Prud'hommes de Montpellier pour violation de la clause de non-concurrence.

Par arrêt du 18 septembre 2002, la Chambre sociale de la Cour de céans a confirmé le jugement rendu par les premiers juges qui avaient estimé que cette clause n'avait pas été violée et avaient condamné l'employeur à payer à son ancien employé le solde de l'indemnisation relative à cette clause.

La société Valoragri a alors fait assigner la société Sud Fertilisants devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Sète pour voir ordonner une expertise afin de déterminer son préjudice résultant des agissements de la société concurrente et pour voir cette dernière condamnée à restituer la somme de 10 108,53 euro versée à Michel Dussopt.

Par ordonnance du 11/04/2003, le juge des référés a seulement ordonné expertise.

Le rapport a été déposé le 01/02/2006.

Par acte du 22/02/2006, la société Valoragri a ressaisi le juge des référés pour voir la société Sud Fertilisants condamnée à lui verser une provision de 100 000 euro à valoir sur son préjudice parfaitement caractérisé par l'expert dans son rapport.

Par ordonnance du 21/04/2006, le juge des référés a estimé qu'il existait une contestation sérieuse et qu'il était incompétent pour statuer.

La société Valoragri a alors, par exploit du 19 mai 2006, fait assigner la société Sud Fertilisants devant le Tribunal de commerce de Sète pour se voir indemniser de ses actes en concurrence déloyale.

Par jugement du 26/09/2006, la juridiction saisie a, d'office, déclarée nulle et de nul effet l'assignation introductive d'instance.

La société Valoragri a interjeté appel de cette décision le 09/10/2206.

Elle demande que l'acte introductif d'instance soit déclaré régulier et l'action recevable.

Au fond, elle demande l'homologation du rapport d'expertise.

Elle soutient que la société Sud Fertilisants a commis quatre fautes constitutives d'une concurrence déloyale qui lui ont causé préjudice:

• en débauchant l'un de ses employés en cours de contrat avec elle,

• en le débauchant alors qu'il existait à son contrat une clause de non-concurrence et alors que son adversaire connaissait l'existence de cette clause,

• en embauchant le VRP sans avoir vérifié qu'elle même avait été informée de ce fait,

• en débauchant à peu d'intervalle, deux employés de son entreprise.

Elle réclame 175 000 euro au titre de la perte de résultats sur 5 ans avec intérêts aux taux légal à compter de la première assignation devant le juge des référés.

Elle réclame 208 803 euro au titre de la perte de capital en découlant avec intérêts à compter de la même date.

Elle réclame restitution par la société Valoragri de la somme versée à tort à Michel Dussopt soit 10 108,53 euro.

Elle demande 3 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SAS Sud Fertilisants fait observer que c'est 4 ans après le départ de Michel Dussopt et que presque 3 ans après le départ de Laurent Debonne que la société Valoragri a engagé contre elle son action en concurrence déloyale.

Elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur la motivation du jugement.

Elle soutient que la société Valoragri ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute de sa part.

Michel Dussopt n'a pas été embauché par elle le 29/03/1999 mais le 01/06/1999 et durant le temps d'écoulement de la durée de la clause celui-ci n'a pas prospecté dans son ancien secteur. Laurent Debonne était quant à lui délié totalement de sa clause de non-concurrence lorsqu'il a été embauché le 19 septembre 200. Il était sorti des effectifs de son précédent employeur le 15 septembre 2000.

Sans faute, dit-elle, il n'y a pas de préjudice indemnisable. Elle s'explique sur les prétentions de son adversaire à ce sujet en relevant les contradictions de l'expert dans son rapport et en analysant les réelles raisons, selon elle, de la baisse d'activité de la société Valoragri, de son arrêt d'activité partiel et de sa cession du secteur concerné.

Elle demande la confirmation du jugement attaqué, 15 000 euro pour procédure abusive et 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce:

- Sur la validité de l'assignation

C'est de son propre chef que le Tribunal de commerce de Sète a invoqué la nullité de l'assignation sans qu'aucune des parties n'ait soulevé de difficulté à ce sujet devant lui.

Les parties lors de débats qui ont eu lieu le 13 juin 2006 ont accepté de plaider au fond.

Un acte de procédure ne pouvant être annulé pour vice de forme qu'à la demande de la partie intéressée, le juge ne peut relever d'office le moyen pris de cette irrégularité.

La défenderesse n'a elle-même pas soulevé la moindre irrégularité de procédure et a plaidé au fond.

L'assignation doit être considérée comme parfaitement valable.

- Sur le cas de Michel Dussopt

Celui-ci a été embauché par la société Coda le 08/11/1993 avec une clause de non-concurrence sur son secteur d'une durée de 24 mois passée la première année d'embauche.

Le contrat de travail qu'il a signé avec la société Sud Fertilisants est daté du 1er juin 1999. Il y est certes fait référence à une " lettre d'embauche du 29/03/1999 ".

Il avait démissionné de son premier emploi le 12/04/1999. Son employeur, la société Procep devenue Valoragri, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21/04/1999 lui a donné son accord pour que son préavis expire le 31 mai 1999.

Il a, de plus, été dispensé d'exécuter sa période de préavis à compter du 23 avril 1999 et sa clause de non-concurrence a été réduite à 9 mois à compter de la cessation de son contrat de travail.

Le courrier de Sud Fertilisants daté du 29/03/1999 et adressé à Michel Dussopt n'est pas le contrat de travail. Il y est dit que cette société est décidée à l'embaucher " dès que vous aurez pu vous libérer de vos engagements professionnels actuels et ce au plus tard le 31 mai 1999 ". Le contrat de travail signé par les deux parties a pris effet le 1er juin 1999 et la clause de non-concurrence y a été prévue à son article 4.

La sommation interpellative du 10 juin 2002 adressée à Michel Dussopt est sans efficacité pour prouver des actes de concurrence déloyale de sa part.

Celle du 10/11/1999 adressée à Fabien Millet est elle aussi sans effet probant. L'intéressé ne l'a pas renforcée par une attestation directe de sa part. Son audition par huissier est sans portée puisque ce qui n'est que le recueil de son témoignage n'a pas eu pour but d'éclairer des constatations matérielles faites par le dit huissier.

L'attestation de Jean Dusfour est sans portée en raison de sa totale imprécision. Celle de Vincent Neymarc ne rapporte pas non plus la preuve de concurrence déloyale. Le nom de Michel Dussopt n'y est même pas cité.

Ces éléments rapprochés des conditions de débauchage de Michel Dussopt décidées par la SA Valoragri elle-même excluent tout acte de concurrence déloyale de la part de la société Sud Fertilisants.

- Sur le cas de Laurent Debonne

Celui-ci a été embauché le 26 avril 1999 par la société Procep avec une clause de non-concurrence identique à celle du contrat de travail de Michel Dussopt.

Le 6 septembre 2000 il a démissionné de son emploi et son employeur l'a délié de la clause de non-concurrence par courrier recommandé du 25 septembre 2000.

Il a été embauché ensuite par la société Sud Fertilisants le 19 septembre 2000.

La sommation interpellative du 18/11/2000 faite à la société Sud Fertilisants est sans portée pratique pour prouver des actes de concurrence déloyale dès lors que cette clause ne s'appliquait plus, de la volonté même de cet employeur.

La société Valoragri ne prouve aucun acte de concurrence déloyale de la part de la société Sud Fertilisants.

Ainsi la société Valoragri doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes. Elle sera condamnée à payer à l'intimée la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sud Fertilisants sera déboutée de sa demande de dommages intérêts, son adversaire en lui intentant un procès, n'ayant fait qu'usage de son droit.

Les entiers dépens seront à la charge de l'appelante qui succombe, ce qui la prive du bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Reçoit en la forme l'appel interjeté; Dit qu'en l'absence de toute contestation de la part de la société Sud Fertilisants sur l'acte introductif d'instance, celui-ci doit être considéré comme régulier; Reforme en conséquence le jugement attaqué; Déboute la SA Valoragri de toutes ses demandes; Déboute la société Sud Fertilisants de sa demande de dommages-intérêts; Condamne la SA Valoragri à payer à la société Sud Fertilisants la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La déclare irrecevable en cette demande; La condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.