CA Lyon, 3e ch. civ. B, 3 mai 2007, n° 06-03603
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Chaumont, IBO (SAS)
Défendeur :
A3R Informatique (SA), PC Store (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Conseillers :
Mme Devalette, M. Maunier
Avoués :
Me Rahon, SCP Junillon-Wicky
Avocats :
SELARL Pole Avocats, Mes Limagne, Couturier
Suivant protocole d'accord en date du 23 juillet 1999 la société HLP (aux droits de laquelle est venue la société A3R Informatique) a acquis, sous la condition suspensive de l'obtention d'un financement, les 500 parts sociales détenues par la société IPS (dont le gérant était Monsieur Frédéric Chaumont) dans le capital de la société PC Store.
Se trouvait insérée dans la convention une clause de non-concurrence rédigée dans les termes suivants "Monsieur Frédéric Chaumont s'engage, en cas de réalisation de la cession de parts, à ne pas s'intéresser directement ou indirectement, même par personne physique ou morale interposée, à une autre affaire créée ou à créer ayant une activité similaire ou concurrente de la société PC Store et à ne pas travailler pour une telle affaire et ce dans tout le département du Puy-de-Dôme".
La cession s'est concrétisée au mois de septembre 1999 après la réalisation de la condition suspensive.
La société A3R Informatique et de la société PC Store ont très rapidement reproché à Monsieur Frédéric Chaumont de ne pas respecter ses obligations contractuelles et ont obtenu sur requête la désignation d'un huissier de justice (la SCP Bellon) chargé de procéder à des constatations.
Saisi par la société A3R Informatique et la société PC Store, le Tribunal de commerce de Lyon a, par jugement en date du 7 décembre 2000 renvoyé les parties à faire application de la clause de conciliation incluse dans le protocole d'accord du 23 juillet 1999.
Aucun accord entre les parties n'a pu être trouvé.
Saisi à nouveau au début de l'année 2004 par la société A3R Informatique et la société PC Store le Tribunal de commerce Lyon a, par jugement en date du 10 mai 2006:
- écarté les moyens de défense tirés de la péremption d'instance, de la chose jugée et du défaut de qualité pour agir,
- déclaré valable et applicable la clause de non-concurrence insérée dans le protocole d'accord du 23 juillet 1999,
- dit que Monsieur Frédéric Chaumont, la société IPS et la société IBO se sont livrés à des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société A3R Informatique et de la société PC Store,
- condamné solidairement Monsieur Frédéric Chaumont, la société IPS et la société IBO à payer à la société A3R Informatique et à la société PC Store une somme de 876 528 euro en réparation de la perte de trois années de marge brute,
- débouté la société A3R Informatique et la société PC Store du surplus de leur demande d'indemnisation ainsi que de leur demande de capitalisation des intérêts de retard,
- fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de la société A3R Informatique et de la société PC Store,
- ordonné l'exécution provisoire.
Monsieur Frédéric Chaumont, la société IPS et la société IBO ont interjeté appel de cette dernière décision le 7 juin 2006.
Par ordonnance en date du 26 juin 2006, le délégué du premier Président a arrêté l'exécution provisoire.
Aux termes de leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 29 janvier 2007 et qui sont expressément visées par la cour, Monsieur Frédéric Chaumont et la société IBO (anciennement dénommée IPS et venant aux droits de la société IBO) concluent à l'infirmation du jugement entrepris ainsi qu'au rejet des demandes présentées par la société A3R Informatique et la société PC Store.
Ils soutiennent successivement :
- que Monsieur Frédéric Chaumont n'est pas engagé à titre personnel par la clause de non-concurrence insérée dans le protocole d'accord du 23 juillet 1999 et que ne peut, par conséquent, être recherchée que sa responsabilité quasi-délictuelle.
- que la clause de non-concurrence est nulle comme non limitée dans le temps et comme disproportionnée aux termes de l'engagement,
- que la société IPS (société holding) et la société IBO, qui était une société de service informatique et de maintenance et dont l'activité était tournée vers les entreprises et les administrations, n'avaient pas, au moment de la cession des parts sociales de la société PC Store, vocation à concurrencer cette dernière société, qui louait et vendait des matériels et des logiciels informatiques et dont l'activité était tournée vers le grand public,
- que la société IBO, dont les seules ventes portent sur des pièces détachées pour les besoins de la maintenance, n'a pas modifié son activité postérieurement à cette cession et que la société A3R Informatique et la société PC Store, qui, pour les besoins de leur démonstration, sont allés jusqu'à faire inscrire sur un site informatique une fausse société IPS dotée d'une fausse adresse, ne rapportent pas la preuve contraire,
- que le préjudice subi par la société A3R Informatique et la société PC Store, qui en réalité, n'ont pas entendu maintenir l'activité de vente et de location de matériels et de logiciels informatiques, la société PC Store ne survivant que pour les besoins de la présente instance, est inexistant,
- que ce préjudice a été chiffré par les premiers juges en retenant une base de calcul erronée (chiffre d'affaires 1999).
Ils réclament reconventionnellement l'allocation d'une somme de 20000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que d'une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 2 février 2007 et qui sont expressément visées par la cour, la société A3R Informatique et la société PC Store concluent à la confirmation du jugement entrepris sous réserve que le montant de leur indemnisation soit porté à 1 196 488,99 euro et 314 179,24 euro (outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation) et que la capitalisation des intérêts de retard soit ordonnée.
Elles donnent à leurs demandes un fondement contractuel et, subsidiairement, un fondement quasi-délictuel aux demandes dirigées contre la société IBO et la société IPS.
Elles sollicitent l'application en leur faveur des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elles soutiennent:
- que Monsieur Frédéric Chaumont s'est engagé et a été condamné à titre personnel,
- que la clause de non-concurrence, qui était limitée dans l'espace et proportionnée à l'importance des enjeux financiers en cause et qui n'empêchait pas la société IBO d'exercer son activité de service et de maintenance, est valable.
Elles tirent la preuve de la violation de clause de non-concurrence des constatations effectuées les 28 et 29 août 2000 par la SCP Bellon, des pièces annexées au procès verbal, d'un document publicitaire et d'une offre de prix émanant tous les deux de la société IBO des comptes de la société IBO pour les années 2004-2005, et de renseignements obtenus auprès d'un fournisseur ainsi que sur un site informatique.
Elles soutiennent que la diminution de l'activité de la société PC Store (qui continue, selon elles, à vendre et à louer des matériels et des logiciels informatiques) est la conséquence des agissements des appelants et elles calculent leur préjudice de la façon suivante:
- la société A3R Informatique : prix d'acquisition des parts de la société PC Store (129 581,66 euro) + montant de la créance qu'elle détenait sur la société PC Store (184 597,58 euro),
- la société PC Store : montant de la marge brute annuelle x 3.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2007.
Sur ce
Attendu que la clause de non-concurrence insérée dans le protocole d'accord du 23 juillet 1999 était limitée dans l'espace et permettait seulement de protéger la société PC Store dans son activité de vente et de location de matériels et de logiciels informatiques sans empêcher les cédants de poursuivre leur activité de service informatique et de maintenance;
Que le moyen tiré d'une prétendue nullité de cette clause doit, par conséquent, être écarté;
Attendu que la société A3R Informatique et la société PC Store ne rapportent pas la preuve, dont la charge leur incombe, d'une violation de la clause de non-concurrence;
Que cette preuve ne peut, en effet, être tirée:
- ni du fait que la société IBO a vendu ou proposé de vendre aux clients signataires d'un contrat de maintenance des consommables et des pièces détachées, le coût important de ces fournitures et de ces pièces (ainsi que le coût important des interventions) s'expliquant par l'importance des parcs informatiques concernés, au nombre desquels figure le parc informatique de la société Michelin,
- ni du fait que la société IBO a acquis (parfois en crédit-bail) du matériel informatique pour le mettre, en cas de besoin, temporairement à la disposition de ces mêmes clients,
- ni du fait que la société IBO aurait vendu des imprimantes à une société Wavin dont le siège social n'est pas situé dans le département du Puy-de-Dôme,
- ni du fait qu'ont été diffusées sur un site informatique, par une personne et dans des circonstances non clairement identifiées à ce jour, des indications qui ne présentent aucune garantie d'exactitude et dont les appelants établissent de surcroît, par un constat d'huissier, le caractère au moins partiellement erroné;
Attendu que militent au contraire en faveur d'une absence de violation de la clause de non-concurrence:
- les constatations effectuées par Maître Bellon, huissier de justice, qui, alors même qu'il était accompagné d'un consultant informatique, n'a pas relevé l'existence d'anomalies telles que la présence d'une quantité importante de matériel informatique neuf dans les locaux d'une entreprise de maintenance ou la facturation aux clients de prestations ou de matériels excédant les limites normales de la mission d'une entreprise de maintenance,
- l'attestation établie le 24 mai 2006 par l'expert-comptable de la société IBO qui précise (sans faire apparaître de modification importante durant la période 1998-2002) la répartition du chiffre d'affaires de la société IBO entre les prestations (78 à 86 %) et les ventes (14 à 22%),
- les contrats de maintenance (souvent antérieurs à la cession litigieuse) dont la société IBO verse aux débats des copies et qui incluent bien la fourniture de consommables et de pièces de remplacement ainsi que prêt de matériel de remplacement,
- le contrat de maintenance déléguée par lequel la société Dell s'engage à fournir à la société IBO les pièces détachées nécessaires à la maintenance des matériels informatiques Dell,
- la discrétion observée, notamment pendant toute l'instance d'appel, par les intimées à propos de l'évolution exacte de l'activité et de la domiciliation de la société PC Store, dont les comptes récents ne sont pas produits, et ce alors même que les appelants produisent d'une part des extraits de registre du commerce confirmant une cessation d'activité à compter du mois d'octobre 2005, d'autre part un courrier du greffe du juge de l'exécution de Clermont-Ferrand laissant penser que la société PC Store a, pour l'exécution du jugement entrepris, fourni une adresse inexacte;
Attendu qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris et de débouter les intimées de l'ensemble de leurs prétentions;
Attendu que les appelants ne démontrent pas que la société A3R Informatique et la société PC Store, dont les demandes ont au moins partiellement prospéré en première instance, ont fait dégénérer en abus leur droit d'ester en justice;
Qu'ils seront, par conséquent, déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef;
Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur des appelants;
Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle consacrant la validité de la clause de non-concurrence; Statuant à nouveau dans cette limite : Déboute la société A3R Informatique et la société PC Store de l'ensemble de leurs prétentions; Déboute Monsieur Frédéric Chaumont et la société IBO de leur demande de dommages et intérêts ; Condamne in solidum la société A3R Informatique et de la société PC Store à payer à Monsieur Frédéric Chaumont et à la société IBO une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Les condamne in solidum aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.