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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 16 avril 2008, n° 07-09322

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Magic Axess (SA), Becheret (ès qual.)

Défendeur :

Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance (SA), Ecureuil Proximité (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carré-Pierrat

Conseillers :

Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron

Avoués :

Me Teytaud, SCP Fanet-Serra

Avocats :

Mes Benech, Fourlon

T. com. Paris, du 8 sept. 2004

8 septembre 2004

Vu l'appel interjeté le 29 octobre 2004, par la société Magic Axess d'un jugement rendu le 8 septembre 2004 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Ecureuil Proximité et à la société Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance la somme de 5 000 euro à chacune au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 2005, constatant l'interruption de l'instance et prononçant la radiation de l'affaire du rôle de la cour;

Vu la demande de rétablissement en date du 30 mai 2007;

Vu les dernières écritures en date du 4 février 2008, par lesquelles Maitre Véronique Becheret agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Magic Axess, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la cour de :

* constater la rupture brutale, abusive et sans préavis par les sociétés Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance et Ecureuil Proximité du contrat conclu le 29 août 2002,

* dire que les sociétés Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance et Ecureuil Proximité se sont rendues coupables d'agissements parasitaires,

* condamner in solidum les sociétés GCE Newtec (venue aux droits de la société Ecureuil Proximité) et Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance au paiement de la somme provisionnelle de 200 000 euro en réparation du préjudice subi au titre de la responsabilité contractuelle, sauf à parfaire à dire d'expert,

* condamner in solidum les sociétés GCE Newtec (venue aux droits de la société Ecureuil Proximité) et Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance au paiement de la somme de 3 millions d'euro notamment en réparation du préjudice subi au titre des agissements parasitaires et du préjudice d'image,

* interdire aux sociétés GCE Newtec et Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance la poursuite des actes incriminés, sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

* ordonner la publication de l'arrêt dans cinq journaux ou périodiques, aux frais des sociétés GCE Newtec et Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance, le coût de chaque publication n'étant pas inférieur à 4 000 euro,

* ordonner la publication de l'arrêt sur la page d'accueil des sites internet "www.spplus.net" et "www.caisse-epargne.fr" de la Caisse d'Epargne présentant le service ID-Tronic, cette publication devant être insérée en haut de la page d'accueil des sites Internet "www.spplus.net" et "www.caisse-epargne.fr" dans un cadre spécifique et rédigée dans une police et une taille de caractères identiques à ceux des sites,

* dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes,

* condamner in solidum les sociétés GCE Newtec et Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance au versement de la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les dernières écritures en date du 21 janvier 2008, aux termes desquelles la société Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance et la société CCL Newtec, venant aux droits de la société Ecureuil Proximité, prient la cour de confirmer la décision déférée, et y ajoutant de :

* fixer la créance de la société Ecureuil Proximité, aux droits de laquelle vient la société CCL Newtec, au passif de la société Magic Axess à hauteur du montant de la déclaration de créance en date du 22 novembre 2005, pour un montant de 30 000 euro, non compris les dépens et se décomposant en 5 000 euro en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce le 8 septembre 2004 et en 25 000 euro au titre des demandes reconventionnelles formées en cause d'appel du chef de procédure abusive et en application de l'article 700 du Code de procédure civile (10 000 euro et 5 000 euro),

* fixer la créance de la société Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance au passif de la société Magic Axess à hauteur du montant de la déclaration de créance en date du 22 novembre 2005, pour un montant de 30 000 euro, non compris les dépens et se décomposant en 5 000 euro en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce le 8 septembre 2004 et en 25 000 euro au titre des demandes reconventionnelles formées en cause d'appel du chef de procédure abusive et en application de l'article 700 du Code de procédure civile (10 000 euro et 5 000 euro),

* condamner Maître Véronique Becheret ès qualités aux dépens,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 18 février 2008

Sur ce, LA COUR,

Sur la procédure

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour pouvoir assurer la loyauté des débats, les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense;

Qu'en l'espèce, la SCP Fanet-Serra, avoués représentant la société Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance et de la société GCE Newtec, exposant que par suite d'une erreur matérielle un nouveau bordereau de communication de pièces a dû être communiqué le 26 février 2008, sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 18 février 2008;

Qu'à l'audience, Maître Teytaud avoué, représentant Maître Véronique Becheret et la société Magic Axess s'est associé à cette demande, ce dont il lui a été donné acte;

Que de sorte, l'ordonnance de clôture sera révoquée et fixée au 26 février 2008;

Sur le fond

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société Magic Axess a lancé en janvier 2001 un service de continuation d'ordre sur Internet, intitulé la solution Magic Axess, reposant sur l'utilisation d'un parc de téléphone portable GSM installé comme terminal de confirmation d'ordre par réception d'un sceau unique changeant pour chaque confirmation d'ordre en ligne,

* la société Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance, ci-après société CNCE, a confié à la société Ecureuil Proximité, ci-après la société EPRO, le développement et la gestion d'une plate-forme de transactions sécurisées en ligne, le service Caisse d'Épargne SP Plus,

* au printemps 2001, la solution Magic Axess a été intégrée au sein du service Caisse d'Épargne SP Plus, et, le 29 août 2002, un contrat d'abonnement ASP d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction a été signé entre la société Magic Axess et la société EPRO,

* en octobre 2003, la société Magic Axess a proposé à la société EPRO et à la société CNCE de substituer au contrat d'abonnement ASP une licence dénommée Magicbox et a procédé à l'installation dans les locaux de la société EPRO d'une offre logicielle packagée sur un serveur dont la société EPRO a fait l'acquisition,

* en février 2004, invoquant une absence d'accord sur le contrat de licence ainsi que diverses difficultés, la société EPRO, tout en conservant la solution Magic Axess pour la confirmation d'ordre et la certification de commande, a mis en œuvre un autre procédé d'authentification des abonnés, puis a dénoncé le contrat d'abonnement ASP le 29 août 2004,

* la société Magic Axess, estimant que cette attitude était de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société CNCE et de la société EPRO et à caractériser des agissements parasitaires, les a assignées devant le Tribunal de commerce de Paris;

Sur les manquements contractuels

Considérant que la société Magic Axess fait valoir que la société CNCE et la société EPRO auraient manqué à ses engagements contractuels, rompu de manière brutale, abusive et sans préavis la convention du 22 août 2002;

Que la société CNCE et la société CGE Newtec, succédant à la société EPRO, répliquent que la solution Magic Axess étant trop onéreuse, inadaptée à leurs besoins et source de nombreux dysfonctionnements, le contrat a été légitimement et licitement dénoncé;

Considérant que le contrat d'abonnement ASP, signé le 22 août 2002, dispose d'une part, que la société EPRO est intéressée à utiliser "entre autres" la solution Magic Axess et d'autre part, en son article 2.2, que la société Magic Axess consent " à titre non exclusif " à l'abonné un accès à l'interface lui permettant de bénéficier de cette solution;

Que de sorte, la société EPRO n'a consenti aucune exclusivité à la société Magic Axess et n'a souscrit aucun engagement quant au nombre d'opérations devant être réalisées au moyen de la solution Magic Axess;

Considérant force est de constater d'une part, que, s'il n'est pas contesté que le nombre de confirmation d'ordre sur le serveur Magic Axess a fortement diminué en février 2004, il n'est pas davantage démenti que la société CNCE et la société EPRO ont cependant continué à utiliser la solution Magic Axess pour les opérations de certification de commande;

Que d'autre part, il est démontré par les nombreux courriers électroniques produits aux débats, notamment datés du 4 octobre 2003, du 18 novembre 2003 et du 19 mars 2004 que la société EPRO a signalé à plusieurs reprises à la société Magic Axess les dysfonctionnements de la solution Magic Axess, en particulier des coupures survenant lors de son utilisation, et son inadéquation à ses besoins la contraignant à envisager l'utilisation d'un autre procédé d'identification;

Que dans ces circonstances, le 29 août 2004, ainsi que l'autorisait l'article 3.1, la société EPRO a dénoncé l'abonnement souscrit pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives d'égale durée;

Considérant qu'il en résulte que la société Magic Axess ne saurait reprocher aux sociétés intimées d'avoir brutalement et sans préavis rompu leurs relations contractuelles, de sorte que le jugement déféré, qui l'a débouté de ses demandes formées à ce titre, mérite confirmation;

Sur les agissements parasitaires :

Considérant que la société Magic Axess reproche à la société CNCE et à la société EPRO GCE, à laquelle succède la société GCE Newtec, de s'être rendues coupables d'agissements parasitaires, en ce qu'elles auraient profité de ses efforts de développement et de son savoir-faire dans le domaine de l'authentification, leur permettant de développer, sans bourse déliée, leur propre service de confirmation d'ordre;

Considérant en droit, que le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements;

Considérant en l'espèce, qu'il n'est pas démenti et résulte des pièces mises dans le débat que la société EPRO a, en février 2004, substitué à la solution de certification développée par la société Magic Axess un système d'identification distinct faisant appel à des technologies déjà utilisées pour la création des comptes ID-Tronic, tel que lui avait fourni la société Lexem au mois de juin 2002;

Que ce système, qui permet de générer un mot de passe d'identification aléatoire à chaque transaction, qui est transmis par SMS sur le portable du client enregistré, puis comparé avec le serveur est différent de celui plus complexe développé par la société Magic Axess visant à une confirmation d'ordre basée sur l'envoi par le client de son identité et des données de la transaction laquelle après traitement des éléments identifiants, lui sont renvoyés;

Qu'ainsi, force est de constater que la solution développée par la société Magic Axess, consistant en un procédé d'authentification et celle adoptée en 2004, par la société EPRO, portant sur un système d'identification, n'emploient pas les mêmes moyens, n'ont ni la même fonction, ni le même résultat;

Que les seuls éléments communs aux deux systèmes en présence sont l'envoi de mots de passe par SMS et le passage de l'information par le canal GSM, puis par Internet, procédé de transmission qui n'est pas appropriable;

Considérant, par voie de conséquence, qu'il n'est nullement démontré que les sociétés EPRO et CNCE auraient cherché à profiter, à moindre coût, des efforts de développement et du savoir-faire dans le domaine de l'authentification de la société Magic Axess, de sorte que, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a jugé que les agissements parasitaires reprochés ne sont pas caractérisés;

Sur les autres demandes

Considérant qu'en raison de la procédure de liquidation judiciaire de la société Magic Axess, il convient de réformer le jugement déféré du chef des condamnations pécuniaires prononcées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, lesquelles seront fixées au passif de cette société;

Considérant que la CNCE et la société GCE Newtec, venant aux droits de la société EPRO, sollicitent le versement d'une indemnité à hauteur de 10 000 euro faisant valoir que l'attitude de la société Magic Axess constitutive d'une procédure abusive doit être sanctionnée;

Mais considérant que, les sociétés intimées ne caractérisent pas, à la charge de la société Magic Axess, la mauvaise foi, l'intention de nuire ou la légèreté blâmable susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que Maître Becheret, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Magic Axess ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; que, en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser tant à la CNCE qu'à la société GCE Newtec la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs, Révoque l'ordonnance de clôture et la fixe au 26 février 2008, Confirme le jugement déféré, sauf du chef des condamnations pécuniaires prononcées, Statuant à nouveau de ce chef : Fixe la créance de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance (CNCE) à la liquidation judiciaire de la société Magic Axess à la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance, Fixe la créance de la société GCE Newtec, venant aux droits de la société Ecureuil Proximité (EPRO), à la liquidation judiciaire de la société Magic Axess à la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance, Condamne Maître Véronique Becheret, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Magic Axess, à payer tant à la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance qu'à la société GCE Newtec la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, Condamne Maître Véronique Becheret, ès qualités, aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.