CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 6 avril 2007, n° 05-04312
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Del Rosso
Défendeur :
Avril Immobilier (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cadiot
Conseillers :
Mmes Bourrel, Durand
Avoués :
SCP Sider, SCP de Saint Ferréol-Touboul
Avocats :
Mes de Villepin, Ayala-Dufour, Ducloux
Faits, procédure, moyens et prétentions des parties
Selon contrat en date du 3 janvier 2000, M. Gérard Del Rosso a signé avec la SARL Avril Immobilier un contrat d'agent commercial exclusif.
A compter du 17 avril 2000, il a été inscrit au Registre Spécial des Agents Commerciaux.
Au cours d'un arrêt maladie du 14 avril 2003 au 23 avril 2003, l'agence Avril a découvert certains agissements de M. Del Rosso.
Le 24 avril 2003 après une explication avec un des associés, M. Del Rosso a quitté l'agence.
Celui-ci soutient qu'il n'a pu ensuite pénétrer à nouveau dans les lieux, la serrure ayant été changée.
Par exploit en date du 10 mars 2004, M. Del Rosso a assigné l'agence immobilière Avril en paiement d'indemnité pour rupture abusive de son contrat d'agent commercial et en paiement de la commission due au titre de la vente Lagacherie.
L'agence immobilière Avril a conclu tout d'abord à une exception de procédure pour non-communication de pièces et à la condamnation de M. Del Rosso à produire ses pièces sous astreinte, et à titre subsidiaire a sollicité le débouté du demandeur et reconventionnellement sa condamnation à des dommages et intérêts pour inobservation de ses obligations contractuelles.
Par déclaration en date du 24 février 2005, M. Del Rosso a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce de Cannes en date du 27 janvier 2005 qui:
- l'a débouté de l'ensemble des demandes,
- a rejeté les demandes reconventionnelles formées par la SARL Avril,
- a dit n'y avoir lieu à condamnation à dommages et intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- a condamné M. Del Rosso aux dépens,
- a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Par ses uniques conclusions en date du 15 juin 2005, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. Del Rosso demande à la cour:
- de le recevoir dans son appel et de le dire bien fondé,
- statuant à nouveau, d'infirmer le jugement déféré,
- en conséquence, de constater au visa des dispositions de l'article L. 134-3 et suivants du Code de commerce la rupture abusive du contrat d'agent commercial,
- en conséquence, de condamner la société Avril à la somme de 101 093 euro à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi,
- de condamner la société Avril à la somme de 1 524,40 euro au titre des commissions impayées,
- de condamner la société Avril à la somme de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses uniques conclusions en date du 24 janvier 2007, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SARL Avril Immobilier demande à la cour:
En application des dispositions de l'article 548 et suivants du NCPC :
- de recevoir la SARL Avril Immobilier en son appel incident et l'y dire bien fondée,
- de confirmer partiellement la décision du Tribunal de commerce de Cannes en date du 27 janvier 2005 en ce qu'elle a débouté la SARL Avril Immobilier de ses demandes reconventionnelles,
En conséquence,
- de débouter purement et simplement M. Del Rosso de son appel et l'y dire mal fondé,
Vu les pièces versées aux débats dont notamment le contrat d'agent commercial, les témoignages de Mme Lagacherie, de M. et Mme Maimone, de M. Coates, de M. Eric Casale, expert comptable.
In limine litis, en application des dispositions combinées des articles 9, 16, 74, 133, 134 du NCPC par arrêt avant dire droit,
- de recevoir la SARL Avril Immobilier en son exception de procédure liée à un refus de communication de pièces nécessaires à l'examen de la demande de M. Del Rosso,
- d'enjoindre M. Del Rosso d'avoir à fournir les déclarations fiscales des années 2000, 2001, 2002 et 2003 ainsi que tous les éléments permettant de justifier de sa nouvelle situation professionnelle et ce sous astreinte de 150 euro par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
A titre subsidiaire et si la cour ne retenait pas ce premier moyen d'exception de procédure, en application des dispositions de l'article L. 134-4 et de l'article L. 134-13 du Code de commerce et vu les obligations contractuelles de M. Del Rosso à l'égard de la SARL Avril Immobilier,
- de dire et juger que la rupture du contrat d'agent commercial liant M. Del Rosso à la SARL Avril Immobilier est directement imputable à M. Del Rosso compte tenu des fautes graves commises par lui dans l'exécution de ses obligations légales et contractuelles,
- de dire et juger que M. Del Rosso ne peut prétendre à l'ouverture d'un droit à indemnité,
A titre encore plus subsidiaire et si par impossible votre cour considérait que la demande de M. Del Rosso est fondée en son principe,
- de dire et juger que l'indemnité est une indemnité compensatrice en fonction du préjudice réellement subi,
- de dire et juger que M. Del Rosso ne verse aucune pièce aux débats, en violation de l'article 9 du NCPC et de l'article 1315 du Code civil permettant d'établir la réalité de son préjudice,
En conséquence,
- de débouter purement et simplement M. Del Rosso de sa demande d'indemnité compensatrice par absence d'éléments de preuve du préjudice subi,
A titre encore plus infiniment subsidiaire et si la cour considérait que le préjudice subi par M. Del Rosso est suffisamment prouvé,
- de dire et juger que le montant de l'indemnité ne peut correspondre qu'au montant de deux annuités calculées sur la base des trois dernières années d'exercice,
- de dire et juger que conformément aux pièces comptables fournies par la SARL Avril Immobilier et par l'attestation de son expert comptable, M. Eric Casale, le montant de cette indemnité compensatrice ne peut être supérieur à la somme de 45 112,38 euro,
En conséquence,
- de confirmer la décision du Tribunal de commerce de Cannes en date du 27 janvier 2005 en ce qu'elle a débouté M. Gérard Del Rosso de sa demande tendant au paiement d'une somme de 101 093 euro au titre de l'indemnité compensatrice, cette somme n'étant ni justifiée, ni justifiable,
En tout état de cause et si la cour s'estimait insuffisamment informée, en application des dispositions des articles 145 et suivants du NCPC,
- de nommer tel expert qu'il plaira à la cour avec mission habituelle en la matière et plus précisément afin qu'il se fasse remettre tout document, dans les déclarations fiscales de M. Del Rosso pour mener à bien sa mission et ainsi fixer le montant de l'indemnité compensatrice du préjudice subi,
Pour les raisons énoncées dans les corps des présentes et vu le témoignage de Mme Lagacherie,
- de dire et juger que M. Del Rosso ne peut prétendre à l'ouverture de son droit à commission,
En conséquence,
- de confirmer la décision du Tribunal de commerce de Cannes en date du 27 janvier 2005 en ce qu'elle a débouté purement et simplement M. Del Rosso de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant de ce chef,
Eu égard à l'appel incident de la SARL Avril Immobilier aux termes des présentes et en application des dispositions des articles L. 134-4, L. 134-10 du Code de commerce, des dispositions des articles 1147 et 1991 et suivants du Code civil réformer la décision du Tribunal de commerce de Cannes en date du 27 janvier 2005 et:
- de condamner M. Del Rosso au paiement d'une somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts au profit de la SARL Avril Immobilier en réparation du préjudice subi par l'inobservation des obligations contractuelles par M. Del Rosso,
- de condamner au paiement M. Del Rosso au profit de la SARL Avril Immobilier d'une somme de 1 829,33 euro en application des dispositions des articles L. 134-7, L. 134-8 et L. 134-10 alinéa 2,
- de condamner M. Del Rosso au paiement d'une somme de 3 000 euro à titre de légitimes dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
- de condamner M. Del Rosso au paiement d'une somme de 4 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- de le condamner aux entiers dépens.
L'instruction de l'affaire a été close le 2 février 2007.
Motifs
Attendu que l'appel a été interjeté dans le délai imparti, que sur la forme il est recevable.
Sur l'exception de procédure
Attendu qu'une partie ne peut être condamnée à produire une pièce sous astreinte qu'autant qu'elle fait état de cette pièce.
Qu'en l'espèce, la SARL Avril Immobilier demande la communication de pièces à l'appelant qui n'ont pas été invoquées par M. Del Rosso, mais dont elle a besoin pour établir certains griefs qu'elle invoque à l'encontre de celui-ci.
Qu'il n'y a donc pas incident de communication de pièces.
Qu'au surplus une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
Que la SARL Avril Immobilier sera donc déboutée de ce chef de demande.
Sur la rupture du contrat d'agent immobilier:
Attendu que l'agent commercial perd son droit à réparation pour cessation des relations contractuelles lorsque la rupture est provoquée par sa faute grave.
Qu'il résulte des pièces produites que le contrat d'agent immobilier a été rompu du fait de M. Del Rosso lequel a commis plusieurs fautes graves:
- violation de son obligation de non-concurrence lorsqu'il a conseillé à Mme Lagacherie de donner mandat à plusieurs agences au lieu de donner un mandat exclusif à l'agence immobilière Avril,
- violation de son obligation de confidentialité lorsqu'il a donné les informations relatives à Mme Lagacherie et au bien qu'elle voulait vendre à sa fille, laquelle travaille dans une agence concurrente,
- violation de son obligation de loyauté lorsqu'il a demandé à M. et Mme Maimone qu'il ne connaissait pas, de dire qu'il était l'apporteur d'affaire alors que ces clients s'étaient présentés spontanément à l'agence,
- violation de l'interdiction de percevoir une quelconque somme d'argent et détournement d'argent lorsqu'il a perçu les commissions relatives à des locations saisonnières de Mme Turbega Simona et de M. et Mme Coates et ne les a pas rétrocédées à l'agence,
Que dans ces circonstances, la SARL Avril Immobilier était légitime à changer les serrures de ses locaux afin d'éviter que M. Del Rosso ne pille son fichier clientèle.
Qu'il suit de là que d'une part M. Del Rosso ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice pour cessation des relations, que d'autre part, la société Avril Immobilier peut prétendre à des dommages et intérêts.
Qu'en effet les détournements de commissions ont causé un préjudice à la SARL Avril Immobilier qui sera indemnisée de ce chef par l'allocation d'une somme de 1 500 euro.
Que l'article 9 du contrat d'agent commercial signé le 3 janvier 2000 stipule qu'en cas d'acte de concurrence déloyale, une indemnité forfaitaire de 50 000 F par infraction dûment constatée serait due par l'agent.
Que pour l'acte de concurrence déloyale "Lagacherie", M. Del Rosso sera donc condamné à payer à la société Avril Immobilier la somme de 7 622 euro.
Que toutefois, la SARL Avril Immobilier ne rapporte pas la preuve que depuis la cessation du contrat M. Del Rosso exerce une activité d'agent commercial, de négociateur ou de conseil en transaction immobilière dans un rayon de 10 kilomètres du siège ou établissement de son agence en infraction à l'alinéa 1 de l'article 9 du contrat d'agent commercial signé le 3 janvier 2000.
Qu'elle ne peut donc prétendre à aucune indemnité de ce chef.
Attendu enfin que la SARL Avril Immobilier qui ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de ceux déjà examinés ci-dessus, sera déboutée de sa demande supplémentaire de dommages et intérêts.
Sur les commissions
Attendu que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à une commission lorsque la dite opération a été conclue grâce à son intervention.
Qu'en ce qui concerne la vente Lagacherie, il résulte de l'attestation de cette cliente en date du 28 juin 2003 que compte tenu des manœuvres de M. Del Rosso celle-ci avait renoncé à confier la vente de son bien à l'agence immobilière Avril, et lui avait retiré son mandat.
Qu'elle n'a accepté de revenir sur sa décision qu'à la condition de ne pas avoir à faire à M. Del Rosso.
Que la vente de ce bien a donc été réalisée sous l'empire d'un deuxième mandat auquel M. Del Rosso est étranger, le premier mandat ayant été perdu de par sa faute.
Que M. Del Rosso ne peut donc prétendre à aucune commission sur cette opération.
Qu'il sera débouté de sa demande.
Attendu qu'au terme de l'article 6 du contrat d'agent commercial signé le 3 janvier 2000, une rémunération est due à l'agent:
1°) de 20 % TTC de la commission TTC perçue par l'agence Avril, s'il a trouvé le vendeur, établi la fiche descriptive et le mandat de vente,
2°) de 25 % TTC de la commission TTC perçue par l'agence Avril, s'il a fait visiter le ou les biens à vendre ou à louer, à l'acquéreur ou au preneur, aura mené et/ou assisté aux négociations aboutissant à la signature d'une offre de location ou d'achat.
Que la SARL Avril Immobilier argue d'une attestation établie par M. Del Rosso et produite dans une autre instance concernant Mme Christine Fugier, document aux termes duquel cette dernière a rentré l'appartement de M. et Mme Grimbert, bien vendu par M. Del Rosso pour soutenir que ce dernier a perçu indûment une commission sur cette vente.
Que cependant par application du 2° de l'article 6 du contrat, la commission payée à M. Del Rosso était due et que la SARL Avril Immobilier ne peut prétendre à un remboursement de celle-ci.
Qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Attendu qu'il ne résulte pas des faits exposés que M. Del Rosso ait poursuivi en paiement la SARL Avril Immobilier abusivement.
Que l'intimée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts du chef de procédure abusive.
Attendu toutefois que la SARL Avril Immobilier a dû engager des frais pour se défendre, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge; que M. Del Rosso sera condamné à lui payer la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Que M. Del Rosso qui succombe majoritairement sera condamné aux dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort. Reçoit l'appel de M. Del Rosso et l'appel incident de la SARL Avril Immobilier; Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. Del Rosso de l'ensemble de ses demandes; Réforme pour le surplus; Condamne M. Del Rosso à payer à la SARL Avril Immobilier la somme de 9 122 euro à titre de dommages et intérêts; Déboute la SARL Avril Immobilier de ses autres demandes; Condamne M. Del Rosso à payer à la SARL Avril Immobilier la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC; Condamne M. Del Rosso aux dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la SCP de Saint Ferréol-Touboul qui en aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.