CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 29 mars 2007, n° 05-12533
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Distribution Casino France (SAS)
Défendeur :
Bor (ès qual.), M3PB (EURL), Hein (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jacques
Conseillers :
Mmes Blin, Bichot-Lacroix
Avoués :
SCP Latil-Penarroya-Latil-Alligier, SCP de Saint Ferreol-Touboul
Avocats :
Mes Covillard, Augagneur, Esclapez, Avramo
Faits, procédure et prétentions des parties
La SA Médis a passé avec l'EURL M3BP dont Madame Béatrice Saint-André épouse Hein était la gérante, par acte du 15 octobre 1997, un contrat de franchise concernant l'exploitation d'un magasin "Spar", situé à Saint-Mandrier (83).
Le 14 octobre 1997, les parties ont signé un contrat de location-gérance portant sur le magasin franchisé, moyennant une redevance annuelle de 180 0000 euro HT, et le remboursement par le locataire gérant à la SA Médis du montant du loyer (220 000 F) des charges, impôts et taxes.
Il était stipulé que les deux contrats formaient un tout indivisible et solidaire.
La SA Médis a obtenu:
- par acte sous seing privé en date du 1er septembre 1998, portant caution et promesse d'hypothèque, la caution conjointe et solidaire des époux Hein, mariés sous le régime de la communauté légale, à concurrence de la somme de 150 000 F en principal (22 867,35 euro) outre intérêts, frais et accessoires,
- par acte sous seing privé en date du 18 décembre 1998, portant caution et promesse d'hypothèque, la caution conjointe et solidaire des époux Hein, à concurrence de la somme de 200 000 F en principal (30 489,80 euro), outre intérêts, frais et accessoires.
En raison d'impayés d'importance croissante, la SA Médis a, par LRAR du 10 juillet 2000, informé la société M3BP de ce que le contrat ne serait pas renouvelé et a sollicité un nouveau cautionnement qui lui a été donné par les époux Hein par acte sous seing privé en date du 12 juillet 2000, à concurrence de la somme de 300 000 F en principal (45 734,71 euro) outre intérêts, frais et accessoires.
La résiliation des contrats de franchise et de location-gérance est intervenue le 14 septembre 2001 par un acte de résiliation bilatérale.
L'exploitation du magasin ayant été déficitaire, la société M3BP a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par jugement du Tribunal de commerce de Toulon en date du 12 novembre 2001.
La SA Médis a déclaré une créance d'un montant total de 280 725,62 euro à titre chirographaire au passif de la débitrice principale.
Invoquant les trois actes de caution, la SA Médis a mis en demeure les époux Hein par LRAR en date du 20 février 2002 d'avoir à exécuter les obligations contractées, pour un montant de 99 091,86 euro, et a obtenu par ordonnance du 16 avril 2002, l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire sur un bien immobilier appartenant aux époux Hein.
Cette mise en demeure étant restée vaine, la SAS Distribution Casino France venant aux droits de la SA Médis, a fait assigner les époux Hein par acte du 2 juillet 2002 devant le Tribunal de commerce de Toulon aux fins d'obtenir paiement de la somme de 99 091,86 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Monsieur Hein a contesté sa signature sur les deux premiers actes de caution, mais a admis avoir signé le 3e.
Maître Bor est intervenu volontairement à la procédure en qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL M3BP, pour demander au tribunal:
- de prononcer la nullité du contrat de franchise,
- de condamner la SAS Distribution Casino France à lui payer ès qualités, la somme de 228 673,53 euro outre la restitution de toute redevance d'enseigne, de publicité et de franchise versées en vertu du contrat, avec intérêts au taux légal depuis la perception de ces sommes,
- de la condamner au paiement d'une somme équivalente au montant du passif déclaré et vérifié.
Par jugement en date du 18 mai 2005, le Tribunal de commerce de Toulon après avoir considéré que les mentions manuscrites et les signatures des deux actes de cautionnement contestés n'étaient pas de la main de Monsieur Hein, que Madame Hein ne pouvant engager seule la communauté, les deux actes qu'elle avait signés étaient sans effet, et que le troisième acte de caution était nul, le consentement de Monsieur Hein ayant été vicié du fait du défaut d'information sur la situation financière de la débitrice principale, a annulé les conventions de franchise et de location-gérance établies en 1997 en raison du dol résultant d'un défaut de communication d'une étude de marché local et d'un compte de résultat prévisionnel.
Il a ainsi:
- débouté la SAS Distribution Casino France de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des époux Hein en leur qualité de cautions,
- condamné la SAS Distribution Casino France à rembourser à Maître Bor ès qualités de liquidateur de l'EURL M3BP, la somme de 228 673,53 euro perçue au titre de la redevance de location-gérance et des loyers des murs, avec intérêts au taux légal depuis leur perception,
- ordonné la compensation avec la créance de la SA Médis telle qu'elle sera admise par le juge-commissaire,
- condamné la SAS Distribution Casino France à verser à Maître Bor ès qualités le montant du passif, hors sa créance, tel qu'il sera arrêté par le juge-commissaire,
- condamné la SAS Distribution Casino France à verser au titre des frais irrépétibles la somme de 2 000 euro respectivement à Maître Bor ès qualités, à Monsieur Hein et à Madame Hein.
Les époux Hein ont saisi le juge de l'exécution afin d'obtenir la dé-consignation des sommes séquestrées sur le fondement de la mesure conservatoire obtenue par la société Distribution Casino France. Par jugement du 28 février 2006, le juge de l'exécution a fait droit à leur demande.
La société SAS Distribution Casino France a relevé appel du jugement rendu le 18 mai 2005 par le Tribunal de commerce de Toulon, par déclaration au greffe du 15 juin 2005.
Elle conclut à la réformation du jugement et demande à la cour:
- de déclarer irrecevable la demande incidente de Maître Bor en nullité du contrat de franchise comme étant dépourvue de lien suffisant avec la demande principale;
- subsidiairement de déclarer prescrite l'action en nullité,
- de dire qu'elle a respecté les dispositions de la loi Doubin et n'a commis aucun dol susceptible d'avoir vicié le consentement de la société M3BP,
- de dire qu'il n'est pas établi que les actes de caution portent une fausse signature,
- de constater que la société M3PB reste redevable de sommes supérieures aux engagements de caution,
- de condamner les époux Hein à lui payer la somme de 99 091,86 euro outre intérêts à compter du 20 février 2002, date de la mise en demeure, avec capitalisation,
- très subsidiairement, de dire que les époux Hein lui ont laissé croire que les actes de cautions étaient réguliers eu égard à la signature de Monsieur Hein, et ont ainsi commis une faute engageant leur responsabilité délictuelle,
- de condamner les époux Hein à réparer le préjudice qu'ils lui ont causé à concurrence de l'engagement de caution,
- de condamner Maître Bor au paiement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner les époux Hein à lui payer chacun 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle invoque l'article 325 du nouveau Code de procédure civile qui précise que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant, ce qui n'est pas le cas de la demande reconventionnelle de Maître Bor en nullité du contrat de franchise qui ne concerne pas les mêmes parties et ne dérive pas du même contrat, la créance du Casino à l'égard de la société M3PB étant fondée sur des livraisons de marchandises.
Elle invoque ensuite l'article 1304 du Code civil qui enferme l'action en nullité d'une convention dans une prescription quinquennale, et fait valoir que le contrat, au demeurant résilié d'un commun accord, a été signé le 15 octobre 1997 et l'action engagée le 31 octobre 2003, soit 6 ans plus tard.
Elle soutient qu'il appartient au franchisé de démontrer qu'il a été victime d'un dol intentionnel et que l'erreur que ce dol a provoquée a été déterminante de son engagement, l'appréciation devant être faite au regard de l'expérience du distributeur et de sa connaissance des affaires ou du domaine d'activité concerné; que le décret du 4 avril 1991 donne une liste exhaustive des informations obligatoires que doit contenir le document d'information précontractuel, l'étude de marché et le compte de résultat prévisionnel n'en faisant pas partie; qu'elle n'a pas violé les dispositions de la loi Doubin et n'a fait rétention d'aucune information.
Elle fait valoir que l'argument relatif à l'absence de consistance d'un savoir-faire spécifique n'est pas fondé dès lors que dans la franchise de distribution, le savoir-faire est constitué essentiellement par la mise à disposition du franchisé d'une sélection d'articles ou de produits spécialisés, et que la prétention selon laquelle l'indivisibilité de la convention de location-gérance et de franchise justifierait leur nullité n'est pas justifiée, les deux contrats ayant un objet et une cause différente.
Elle soutient que la décision du Jex n'a pas autorité de chose jugée ; que l'engagement de Monsieur Hein a un caractère commercial dès lors qu'il avait intérêt personnel dans l'opération commerciale dans le cadre de laquelle s'est inscrite la garantie ; qu'il n'a jamais protesté contre les actes de caution prétendus faux et n'a jamais déposé de plainte pour faux ; qu'il avait de plus nécessairement connaissance des actes de cautions signés en 1998 du fait de son lien matrimonial avec Madame Hein et du cautionnement donné en 2000 qui n'est pas contesté ; qu'en tout état de cause il est inimaginable de penser que la société Médis ait pu signer un acte de caution et que seule Madame Hein a pu imiter ou faire imiter la signature de son époux par un tiers dans le but de tromper sa cocontractante; que Monsieur Hein en s'abstenant de contester sa signature plus tôt a sciemment maintenu la société Médis dans son erreur lui causant ainsi un préjudice certain; qu'enfin l'engagement de caution du 12 juillet 2000 a été librement consenti, la lettre du 10 juillet 2000 prévoyant le non-renouvellement du contrat n'ayant pas eu d'effet, l'acte de résiliation n'étant intervenu que le 5 novembre 2001, soit près d'un an et demi après.
Enfin elle indique justifier de la régularité de sa déclaration de créance contestée pour défaut de pouvoir du déclarant.
Monsieur Patrick Hein conclut à l'irrecevabilité de l'appel en l'état de l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision rendue par le Jex le 28 février 2006 ayant admis la nullité des cautionnements des 1er septembre et 18 décembre 1998 et la nullité du cautionnement hypothécaire du 12 juillet 2000.
Au fond il sollicite la confirmation du jugement, et subsidiairement le rejet des demandes de la SA Distribution Casino France et sa condamnation au paiement d'une somme de 2 392 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il fait valoir que le jugement du Jex est devenu définitif; qu'il a tranché au fond et a acquis autorité de chose jugée ; qu'en tout état de cause il conteste être l'auteur des signatures et mentions manuscrites portées sur les cautionnements des 1er septembre et 18 décembre 1998; que n'étant ni associé, ni dirigeant de la société M3PB, son cautionnement ne peut avoir un caractère commercial ; que Madame Hein ayant apposé seule sa signature, la communauté ne peut être engagée; qu'au surplus le cautionnement signé le 12 juillet 2000, obtenu par dol pour régulariser une situation que la SA Médis savait critiquable, n'est pas valable; qu'enfin l'appelante ne justifie pas de la régularité de sa déclaration de créance au passif de la débitrice principale.
Madame Béatrice Hein et Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3PB concluent à la confirmation du jugement et réclament paiement de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour fraude manifeste et de la somme de 20 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils se prévalent de l'autorité de chose jugée attachée à la décision du Jex et font valoir que le consentement des deux cautions étant indivisible, le cautionnement de Madame Hein n'a aucun effet en l'absence de validité du cautionnement de son époux.
Subsidiairement, ils soutiennent que le cautionnement de Madame Hein a été obtenu sous la contrainte, par la menace de résiliation du contrat et sous la promesse d'un renouvellement de contrat qui n'interviendra pas.
Plus subsidiairement, ils invoquent la nullité du contrat de franchise au motif que la SA Médis a communiqué à Madame Hein qui n'était qu'une simple caissière, une masse de documents qu'elle a été dans l'incapacité d'exploiter et ne lui a donné que des informations inexactes, lui faisant admettre la réalité de la transmission d'un savoir-faire en fait inexistant; qu'outre ce défaut d'information, la nullité du contrat est également encourue en ce que le délai de 20 jours imposé par la loi du 31 décembre 1989 n'a pas été respecté, en ce que le consentement de Madame Hein a été surpris par dol à l'aide d'informations inutiles et inexactes, et en ce que le contrat est dépourvu de cause et d'objet, chacun des contrats de location-gérance et de franchise servant de cause à l'autre et ayant été divisés artificiellement pour les besoins du système conçu par la SA Médis.
Enfin, ils soutiennent que la SA Médis est responsable du passif de la société M3BP qui a utilisé une simple caissière pour exploiter en réalité son propre fonds de commerce par procuration, les deux contrats n'ayant eu d'autre objet que de lui permettre de s'attribuer la quasi-totalité de la marge d'exploitation, sans risque de perdre le fonds de commerce resté sa propriété au travers du montage effectué.
Vu les conclusions auxquelles la cour se réfère expressément, déposées par l'appelante le 30 novembre 2006, par Monsieur Hein le 10 janvier 2007 et par Madame Béatrice Hein et Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3PB le 6 octobre 2006.
Motifs de la décision
I - Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que la recevabilité de l'appel est contestée par Monsieur Hein au motif que la décision rendue par le Jex le 22 février 2006, admettant la nullité des cautionnements des 1er septembre et 18 décembre 1998 et la nullité du cautionnement hypothécaire du 12 juillet 2000 a autorité de chose jugée;
Attendu toutefois que le Jex vérifie si les motifs invoqués à l'appui de la demande de rétractation de l'ordonnance prise sur requête sont sérieux, et que la prise en compte de ces motifs pour prononcer la rétractation, n'a pas autorité de chose jugée s'imposant sur le fond aux parties;
2 - Sur la recevabilité de l'intervention et des demandes incidentes de Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3PB.
Attendu que l'intervention à titre principal de Maître Bor n'a pas été contestée en première instance; que par ailleurs sa demande tendant à faire constater la nullité du contrat de franchise a un lien avec la demande principale dans la mesure où les cautionnements en vertu desquels les époux Hein ont été attraits devant le tribunal ont été donnés à la société Médis, aux droits de laquelle vient la société Distribution Casino France, pour toutes sommes dues par la société M3PB au titre des redevances mises à la charge de la société par les contrats de franchise et de location-gérance et au titre de l'encours fournisseur;
Attendu que l'intervention de Maître Bor ès qualités et sa demande tendant à obtenir l'annulation du contrat principal et le remboursement des sommes versées en exécution du contrat, sont recevables;
Attendu en revanche que la demande tendant à obtenir la condamnation de la société Distribution Casino France à payer une somme équivalente au passif de la société M3PB, ne se rattache pas avec un lien suffisant au litige principal qui est l'action engagée contre les cautions; que dès lors cette demande est irrecevable;
Attendu que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé condamnation sur ce point;
3 - Sur la prescription de l'action en nullité.
Attendu que le contrat de franchise et le contrat de location-gérance sont des contrats à exécution successive, que dès lors le point de départ du délai de prescription de l'action n'est pas la date de la signature du contrat mais la date du dernier versement de loyer; que la résiliation amiable est intervenue le 5 novembre 2001; que la demande tendant à faire constater la nullité du contrat a été formée par conclusions devant le tribunal de commerce et au plus tard le jour des débats, le 3 novembre 2004; qu'à cette date le délai de prescription quinquennal n'était pas écoulé;
4 - Sur la régularité de la déclaration de créance:
Attendu que la société Médis a déclaré sa créance le 21 décembre 2001; qu'il est justifié par une attestation du 15 septembre 2006 que le déclarant, Monsieur Marc Chorel, salarié de la société Médis était investi jusqu'au terme de ses fonctions en mars 2003, d'une délégation de pouvoir l'habilitant à déclarer les créances de la société Médis au passif des procédures collectives;
Attendu que par ordonnance du 8 juillet 2003, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une instance en cours;
Attendu que la créancière justifie en conséquence d'une déclaration de créance régulière ; que son action contre les cautions est en conséquence régulière, celles-ci ne pouvant se prévaloir de l'absence de vérification de la créance;
5 - Sur la nullité du contrat de franchise:
Attendu que l'appelante demande à la cour de constater qu'elle a respecté les dispositions de la loi Doubin et qu'elle n'a commis aucun dol susceptible d'avoir vicié le consentement de la société M3BP;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, le franchiseur doit remettre au candidat 20 jours minimum avant la signature du contrat un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause, précisant notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitant, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités;
Attendu que le liquidateur et Madame Hein contestent que les documents précontractuels aient été remis à Madame Hein 20 jours avant la signature du contrat ; que toutefois l'appelante verse au débat un document signé le 17 septembre 1997 portant reconnaissance de la remise du projet de contrat et des renseignements prévus par la loi du 31 décembre 1989, et de l'article 1 du décret du 4 avril 1991;
Attendu que le contrat de franchise ayant été signé le 17 septembre 1997, le délai de 20 jours a été respecté;
Attendu que le franchiseur a l'obligation de communiquer au futur franchisé des chiffres sérieux relatifs à la rentabilité de l'affaire, cette obligation s'analysant en une obligation de moyens, la violation ou la méconnaissance de cette obligation précontractuelle d'information n'entraînant cependant la nullité du contrat que s'il est établi qu'il en est résulté pour le franchisé, un vice du consentement;
Attendu que l'examen des documents remis à Madame Hein gérante de la société M3BP révèle que l'information a été complète en ce qui concerne la présentation de la société Médis, de son réseau d'exploitation grande distribution, et sur l'état général du marché de l'alimentation en France, mais qu'en revanche le dossier spécifique du magasin objet du contrat de franchise ne contient que 5 pages dont:
- un préambule en page 34 indiquant que la société Médis a réalisé une étude de marché et un compte d'exploitation prévisionnel "qui ont été remis par la société Médis au candidat franchisé qui le reconnaît", étant précisé que la signature du contrat emportera accord total et sans réserve du candidat sur l'étude de marché et du compte d'exploitation qui seront réputés comme ayant été établis par le candidat franchisé lui-même et sous sa responsabilité";
- en pages 35 et 36 des données juridiques succinctes résumant de manière schématique les conditions du contrat,
- en page 37, des données financières indiquant seulement le montant du stock et du coût de la prise de garantie;
- en page 38, 5 lignes sur le marketing, précisant la population de Saint-Mandrier en 1990 (6 280 habitants), l'irrégularité du chiffre d'affaire à forte influence saisonnière, la concurrence d'une supérette Casino et d'un épicier indépendant, les perspectives de développement : marché fermé en légère baisse sur le secteur de la proximité;
Attendu qu'en dehors de l'étude de marché et du compte d'exploitation, auquel le préambule se réfère, mais que Madame Hein conteste avoir reçus et qui ne sont pas joints au contrat, aucun renseignement concret et utile relatif à la rentabilité de l'affaire n'est contenu dans le dossier remis à Madame Hein;
Attendu que la mention relative à leur remise "dès avant ce jour au candidat franchisé qui le reconnaît" n'a aucune valeur probante dès lors que cette mention perdue dans un document de plus d'une centaine de pages n'a pas fait l'objet d'une approbation en marge;
Attendu que si l'étude de marché n'est pas exigée du franchiseur par le texte, dès lors qu'elle est mentionnée dans les documents remis au candidat et qu'elle se substitue à toute autre information, elle constitue un élément essentiel de détermination de ce dernier, de même que le compte d'exploitation prévisionnel;
Attendu qu'en visant des documents qu'elle ne remet pas, tout en mentionnant faussement que le candidat reconnaît les avoir eus et est réputé les avoir établis, la société Médis a volontairement dissimulé au candidat franchisé des éléments qu'elle savait susceptibles de modifier la décision de contracter, eu égard à la déconfiture du précédent franchisé;
Attendu que contrairement à ce que soutient l'appelante, la situation d'ancienne salariée du magasin de la gérante de la société M3BP ne lui a pas donné accès aux données comptables nécessaires pour apprécier pertinemment les causes de la procédure collective subie par son employeur, et d'apprécier la viabilité de l'affaire;
Attendu que l'attitude de la société Médis équipollente au dol, justifie le prononcé de la nullité du contrat de franchise;
Attendu par ailleurs que la demande de remboursement des redevances de location-gérance implique une demande de nullité de ce contrat;
Attendu que le montage consistant à associer un contrat de franchise à un contrat de location-gérance implique nécessairement une interdépendance des conventions qui imposent que l'une et l'autre suivent le même sort; qu'il en résulte que le contrat de location-gérance doit être annulé comme le contrat de franchise;
Attendu que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a constaté la nullité des contrats et en ce qu'il a condamné la société Distribution Casino France au remboursement de la somme de 228 673,53 euro perçue au titre de la redevance de location-gérance et des loyers des murs, avec intérêts au taux légal depuis leur perception;
6 - Sur la validité des actes de cautions:
Attendu que Monsieur Hein conteste l'authenticité de sa signature sur les deux premiers actes de cautions et invoque le dol l'ayant conduit à signer le troisième, tandis que Madame Hein invoque le vice de son consentement et la nullité du contrat de franchise;
Attendu que la nullité des contrats de franchise et de location-gérance a pour conséquence d'entraîner la nullité des contrats de cautionnements obtenus par la société Médis, du fait qu'ils se trouvent dépourvus de cause ; que dès lors il n'est pas utile de rechercher si Monsieur Hein est bien l'auteur des signatures qu'il conteste et si le consentement des cautions a été surpris par dol;
7- Sur la demande de dommages et intérêts:
Attendu que cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel; Attendu que le préjudice subi par la société du fait de l'annulation du contrat est réparé par le remboursement des sommes versées et des intérêts ; qu'il n'y a pas lieu à allocation de dommages et intérêts pour un préjudice supplémentaire dont l'existence n'est pas établie ;
Attendu que l'appelante sera condamnée aux dépens et au paiement à Monsieur Hein, Madame Hein et à Maître Bor ès qualités la somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel recevable. Déclare recevable l'intervention de Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3BP, Déclare recevable la demande de Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3BP en nullité des contrats, Confirme le jugement en ce qu'il a : - condamné la SAS Distribution Casino France à rembourser à Maître Bor ès qualités de liquidateur de l'EURL M3BP, la somme de 228 673,53 euro perçue au titre de la redevance de location-gérance et des loyers des murs, avec intérêts au taux légal depuis leur perception, - ordonné la compensation avec la créance de la SA Médis telle qu'elle sera admise par le juge-commissaire, - débouté la SAS Distribution Casino France de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des époux Hein en leur qualité de cautions, - condamné la SAS Distribution Casino France à verser au titre des frais irrépétibles la somme de 2 000 euro respectivement à Maître BQR ès qualités, à Monsieur Hein et à Madame Hein, Infirme le jugement en ce qu'il a : - condamné la SAS Distribution Casino France à verser à Maître Bor ès qualités le montant du passif, hors sa créance, tel qu'il sera arrêté par le juge-commissaire, Statuant à nouveau : Déclare irrecevable la demande de Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3BP en paiement du passif de la société; Y ajoutant : Déboute Maître Bor ès qualités de liquidateur judiciaire de la société M3BP et Madame Hein de leur demande de dommages et intérêts, Condamne la SAS Distribution Casino France à verser au titre des frais irrépétibles la somme de 1 500 euro respectivement à Maître Bor ès qualités, à Monsieur Hein et à Madame Hein, Dit que les dépens seront à la charge de la société Distribution Casino France; Admet la SCP de Saint-Ferreol Touboul au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.