CA Reims, ch. civ. sect. 1, 15 janvier 2007, n° 06-00747
REIMS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ténédor Reims (Sté), Etoile 51 (SA)
Défendeur :
Covema (SNC), Covema Reims (SARL), Covema Troyes (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bangratz
Conseillers :
M. Alesandrini, Mme Simon-Rossenthal
Avoués :
SCP Delvincourt-Jacquemet-Carlier-Richard, SCP Thoma-Le Runigo-Delaveau-Gaudeaux
Avocats :
SCP Bertin-Urion, SCP Clifford Chance Europe LLP, Me Roussel
Faits moyens et prétentions des parties
La SAS Ténédor et la SA Etoile 51 (ci-après Ténédor), ont fait assigner la SARL Covema Reims, la SNC Covema et la SNC Covema Troyes (ci-après Covema), devant le Tribunal de commerce de Reims, en arguant de divers agissements constitutifs de concurrence déloyale dans le cadre de leur activité, au mépris des droits nés d'une concession exclusive, pour solliciter leur condamnation à des dommages et intérêts.
Par jugement du 13 décembre 2005, le tribunal déboute les parties de leurs prétentions et les condamne aux dépens.
Interjetant régulièrement appel du jugement, Ténédor conclut à son infirmation, à la condamnation solidaire des intimés reconnus coupables d'actes de concurrence déloyale à lui payer 300 000 euro à titre de provision à valoir, à voir ordonner une expertise aux frais de la partie intimée qui sera condamnée aux dépens avec faculté de recouvrement direct, ainsi qu'au paiement de 20 000 euro par application des dispositions de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.
Ténédor expose que constitué en groupe, il exploite en qualité de concessionnaire Mercedes une activité de vente et réparation de véhicules particuliers par le biais de la société Ténédor Reims et une activité de vente et réparation de véhicules industriels et utilitaires dans le cadre de la société Etoile 51, que le groupe Urano concessionnaire Mercedes par l'intermédiaire des sociétés Covema, a la même activité sur Charleville-Mézières, Troyes et Saint-Dizier ainsi que sur Reims depuis début 2003 suite au rachat d'une société Californie Auto devenue Covema Reims et partant, que les deux groupes se trouvent en situation de concurrence quant à la marque Mercedes.
Elle ajoute que le groupe Urano, n'ayant pas pu prendre le contrôle de la société Etoile 51, s'est implanté à Reims, n'a eu de cesse de se livrer à une concurrence déloyale sous l'empire de deux règlements d'exemption successifs, à savoir CE n° 1475-95, dont les effets ont été prorogés jusqu'au 30 septembre 2003 et CE n° 1400-02 à compter du 1er octobre 2003, règlements définissant les droits et obligations en matière de concurrence.
Quant à la période de distribution exclusive, du 1er janvier au 30 septembre 2003, Covema s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en envoyant des vendeurs sur le territoire exclusif et en utilisant la concession de Reims pour réaliser des ventes de véhicules neufs ainsi que pour procéder à des opérations d'entretien.
Quant à la période du 1er octobre jusqu'à ce jour, couverte par le système de distribution sélective, même si l'exclusivité territoriale a été supprimée, encore fallait-il que le site de Reims, qui n'est pas dans le réseau officiel, soit conforme aux normes posées par le constructeur, étant observé que l'huissier constatait la présence de salariés de Covema Charleville et que Monsieur Michaut, ex-directeur général d'Etoile 51, était débauché avec son épouse, secrétaire commerciale pour diriger le site.
Elle note que les trois contrats d'apporteurs d'affaires ne sont d'aucun emport faute de date certaine, dès lors que l'apporteur d'affaires ne peut se présenter ou agir en qualité de revendeur Mercedes et dès lors que Covema exploite en fait, comme il ressort des éléments de preuve recueillis, une concession clandestine sur Reims avec son personnel et ses stocks de véhicules, après avoir détourné la clientèle en utilisant le site Internet d'Etoile 51 par la mise en place d'un lien, sa présence à la foire de Chalons, le débauchage massif du personnel.
Compte tenu de ce qui précède, l'appelante, qui sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle ne retient aucun acte de concurrence déloyale à sa charge, s'estime bien fondée à mettre en compte les coûts de formation des personnels débauchés, soit 26 249 euro, le préjudice commercial constitué par la perte de marge brute des sociétés Ténédor Reims et Etoile 51 tant sur les ventes que le service après-vente, soit plus de 1,3 million d'euro, sachant que le préjudice étant contesté tel qu'évalué, une expertise s'impose aux frais avancés des intimées qui seront condamnées à verser une provision à valoir.
Les sociétés Covema intimées régularisant un appel incident, concluent à ce qu'il plaise de dire irrecevables les pièces relatives à la vente d'un véhicule Zerouali pour cause de violation du principe de loyauté de la preuve, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il les a déboutées de leur demande de dommages et intérêts et réformant, de condamner les appelantes solidairement aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct, à leur verser 50 000 euro chacune au titre de l'atteinte à la réputation, 379 189,40 euro en réparation du préjudice financier découlant de l'intervention à la sous-préfecture et 75 000 euro par application des dispositions de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.
Elles exposent que la SARL Covema Reims a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation avec transmission du patrimoine à la SNC Covema, qui vient à ses droits le 5 juin 2006, que leurs activités sont licites, que les ventes de Véhicules Neufs ont été réalisées par la SNC Covema et non par la SARL Covema Reims, que les ventes passives ont toujours été autorisées et que Covema Reims a joué un rôle d'apporteur d'affaires et que la SARL Covema Reims a réalisé les ventes de Véhicules d'Occasion totalement libre et que les véhicules neufs ont été vendus par Covema Troyes ou Charleville.
Quant à l'activité après-vente, celle-ci est parfaitement libre et qu'il n'a pas été fait état de la qualité de réparateur agréé.
Elles observent que l'activité n'était nullement clandestine, qu'aucun débauchage massif ne peut lui être imputé à faute, que le lien à partir du site Internet n'est pas de son fait et qu'elle n'a pas utilisé frauduleusement le site pour détourner la clientèle.
Elles poursuivent en insistant sur l'absence de préjudice commercial et sur le dénigrement auquel se sont livrées les sociétés appelantes auprès de ses clients par des sommations interpellatives auprès des clients et de l'autorité administrative, qui a refusé de délivrer certains documents administratifs, entraînant des annulations de cessions et un préjudice de 379 189,40 euro.
Sur la demande principale:
1) Quant aux nièces n° 58 à 68 produites par Ténédor et la pièce n° 91
Attendu que s'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, encore faut-il, conformément aux dispositions de l'article 9 du nouveau Code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, que celle-ci respecte son obligation de loyauté dans l'administration de la preuve.
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que Ténédor a fait constater par huissier que Monsieur Zerouali se présentait dans les locaux de Covema à Reims, qui n'arbore pas l'enseigne Mercedes, afin d'y passer commande d'un véhicule Mercedes non exposé, de l'essayer après avoir signé au préalable un bon de commande, sachant que le client contestait par la suite son engagement dans le cadre d'une procédure indifférente à la solution du présent litige;
Attendu que compte tenu du déroulement des faits, dès lors que Monsieur Zerouali est un client de Ténédor et qu'il n'entend pas donner suite à la commande qu'il a souscrite sans prétendre avoir été victime d'un vice du consentement, la cour ne saurait retenir les éléments de preuve recueillis dans des conditions étrangères à la loyauté qui doit présider à l'administration de la preuve;
Attendu qu'il échet dès lors d'écarter des débats les pièces produites Alias n° 58 à 68;
Attendu que la pièce n° 91 sera écartée des débats comme ayant été communiquée après l'ordonnance de clôture;
2) Quant au fond:
Attendu que Ténédor, concessionnaire Mercedes, reproche à Covema Reims, concessionnaire Chrysler, Jeep et Smart, des agissements constitutifs de concurrence déloyale, par violation de la réglementation communautaire (a), par débauchage massif de son personnel (b), par le détournement de son site Internet (c), pratiques à l'origine d'un dommage (d), dont elle réclame réparation;
Attendu qu'on observera que le constructeur de la marque n'intervient nullement dans la procédure et qu'il ne s'est pas plus exprimé sur le comportement imputé à faute à Covema alors qu'il est habile à se prévaloir des violations éventuelles du contrat de concession dont bénéficie Monsieur Urano, respectivement le groupe qu'il dirige;
a) La violation de la réglementation communautaire:
Attendu qu'il est constant que l'activité de Covema Reims, ex-Californie Auto, concessionnaire Chrysler, Jeep et Smart, qui se poursuit désormais sous Covema, relève, du 31 janvier 2003 au 30 septembre 2003, du Règlement CE 1475-95 instaurant la distribution exclusive et à compter du 1er octobre 2003 du Règlement CE 1400-2002 consacrant la distribution sélective;
Attendu que suivant les dispositions de l'article 3 du Règlement CE 1475, l'exemption s'applique lorsque l'engagement est lié à l'engagement du distributeur..., de ne pas, en dehors du territoire convenu, entretenir des succursales ou des dépôts pour la distribution des produits contractuels et de produits correspondants, prospecter la clientèle (Al. 8 a et b), de ne pas confier à des tiers la distribution ou le service de vente et après-vente de produits contractuels on dehors du territoire convenu (Al. 9);
Attendu qu'il est constant suivant constat de Maître Van Canneyt, huissier, en date du 6 novembre 2003, que sur le parking du garage Covema à Reims stationnaient 19 véhicules de marque Mercedes (VP) dont un " coupé " démuni de plaques d'immatriculation, 6 autres véhicules (Véhicules Particuliers) immatriculés, à l'arrière 7 et 5 Véhicules Utilitaires Mercedes non immatriculés, un autre Véhicule Utilitaire de la marque immatriculé et le long du grillage 7 autres Véhicules Utilitaires de la marque;
Attendu que tous les véhicules neufs exposés et partant offerts à la vente, démontrent la réalité d'une succursale voire d'un dépôt prohibés par le Règlement précité, puisque Covema Reims est seulement concessionnaire Chrysler, Jeep et Smart;
Attendu cependant, que le courrier du conseil de Ténédor à Monsieur Chodan n'a aucune valeur probante puisque Ténédor affirme que son ancien salarié démarcherait, sans autre élément de preuve, aux fins de vente active, des véhicules de marque Mercedes pour le compte de Covema dans sa zone de concession;
Attendu que la vente des véhicules d'occasion n'est pas soumise au Règlement précité;
Attendu que l'on ne saurait faire grief à Covema d'utiliser sa raison sociale voire de tirer profit des synergies liées au groupe alors qu'elle prend soin, dans toutes les publicités, de faire référence à sa qualité de concessionnaire Chrysler et Jeep voire Smart ;
Attendu qu'il n'est pas établi que Covema, qui ne saurait renier son appartenance à un groupe, entretienne une confusion dans l'esprit du public comme il apparaît à l'examen des publicités entreprises;
Attendu qu'elle a tout loisir de faire tourner des véhicules d'occasion sur ses différents points de vente sans qu'on puisse lui imputer d'entretenir sciemment une confusion dans l'esprit du public;
Attendu qu'en effet, la présence d'un très important volume de véhicules Mercedes parmi d'autres véhicules même avec l'indication du label Occasion Etoile dont l'utilisation, à la supposer abusive, pourrait tout au plus être querellée par le constructeur, alors qu'il s'agit d'une concession officielle d'autres marques du groupe Daimler Chrysler, n'est pas de nature à tromper un client moyennement diligent;
Attendu que si l'offre de financement Crédit Mercedes-Benz Financement par le garage Californie Auto à Monsieur Gillery en date du 12 septembre 2003 voire le 1er décembre 2004 dont on ignore la suite, pourrait apparaître comme constitutive d'une violation de l'exclusivité, rien ne permet de l'affirmer au cas d'espèce, dès lors que l'organisme de financement peut agréer les mandataires qu'il souhaite, ne s'est pas opposé à la pratique alléguée et peut être suivie et surtout peut, comme tout organisme financier, financer les véhicules des marques de son choix ;
Attendu que l'intervention au profit du client Pierson, le 26 mai 2004 dans le cadre allégué du service après-vente voire de la garantie, sous le cachet du garage "Chrysler Jeep Reims Concessionnaire Californie Auto ", n'établit pas à elle seule un manquement de Covema;
Attendu que rien n'interdit à un automobiliste de faire entretenir son véhicule chez le garagiste de son choix; que le problème éventuel de la garantie se pose tout au plus avec le constructeur étranger au litige;
Attendu que depuis le 2 octobre 2006, Covema dispose au demeurant d'un agrément de Mercedes qu'elle revendique, circonstance qui ne démontre pas en tant que telle la nécessité d'un tel agrément pour procéder à des interventions sur un véhicule même dans le cadre de la garantie constructeur ou le service après-vente;
Attendu que désormais, sous l'empire du Règlement CE 1400-02 et depuis le 1er octobre 2003, Covema peut prospecter activement dans la zone de Ténédor et établir un point de vente et ou de réparation secondaire à Reims mais ce, dans le cadre d'une distribution sélective;
Attendu qu'ainsi, Covema ne peut exploiter que si son site de Reims est reconnu conforme aux normes du constructeur Mercedes et par ce dernier;
Attendu que ce défaut de conformité, à le supposer établi, n'a pas été querellé par le constructeur et que même si Covema entend construire un nouveau garage, il n'est pas démontré que le prix de 1 500 000 euro est celui requis pour une éventuelle mise en conformité prétendument requise;
Attendu que la présence de personnels de Covema Charleville et de Covema Troyes dans les locaux de Covema Reims, ainsi qu'il ressort du constat de Maître Van Canneyt du 29 septembre 2003 pour vendre, le cas échéant, des véhicules neufs Mercedes qui seront comptabilisés par Covema Troyes ou Charleville, ne prouve pas la concurrence déloyale alléguée, alors que les salariés indiquent clairement agir dans l'intérêt des sociétés précitées et que la vente dans le cadre de contrats d'apporteur d'affaires est licite;
Attendu que si Covema fait état de trois contrats d'apporteurs d'affaires en date du 2 janvier 2004, Mercedes ne lui ayant donné un accord que le 13 avril 2005, ce dernier ne saurait en tout état de cause avoir un effet rétroactif;
Attendu que par ailleurs, il est acquis que le contrat d'apporteur n'autorise pas à agir ou à se présenter en qualité de revendeur des produits contractuels, à exposer des véhicules neufs de marque Mercedes et à procéder à des essais avec des clients, ainsi qu'il ressort de ses termes mêmes ;
Attendu cependant que Ténédor ne rapporte pas la preuve de tels agissements contredits par des immatriculations sur Charleville et Troyes, sachant que les ventes passives étaient licites et que le groupe Covema entretient des relations privilégiées avec certains clients, libres de leur choix;
Attendu que de plus, si l'apporteur ne peut délivrer des immatriculations provisoires pour des véhicules neufs de marque Mercedes et que si Covema Reims a utilisé 6 carnets WW entre le 6 janvier 2003 et le 8 avril 2004, la Préfecture, pas plus que Ténédor, n'établit qu'ils ont servi à l'immatriculation de véhicules neufs de marque Mercedes ;
Attendu qu'ainsi, il est seulement établi que Covema a établi une succursale ou un dépôt en violation des obligations en la matière, agissements constitutifs d'une concurrence déloyale sous l'empire du Règlement 1475-95, sachant que le constructeur n'a jamais été interpellé par Ténédor pas plus qu'il n'est intervenu alors que débiteur de certaines obligations à l'égard des membres de son réseau;
b) Le débauchage massif du personnel de Ténédor:
Attendu que Ténédor fait grief à Covema d'avoir débauché des membres de son personnel, à savoir Messieurs Chodan, Michaut, Prevoteau et Vanmansart ainsi que des mécaniciens, soit au total 11 salariés;
Attendu que par-delà les termes du protocole confidentiel souscrit par le groupe Urano (Covema), par lequel celui-ci s'interdisait de prendre contact avec les salariés de la société Etoile 51 (Ténédor), le débauchage massif des salariés du concurrent constitue une faute;
Attendu qu'en l'espèce, la qualité des salariés démissionnaires est significative d'un débauchage massif comme la période sur laquelle elle s'étale;
Attendu que l'ancien directeur général, salarié de la concession Mercedes PL et VU Etoile 51 ainsi que son épouse, le vendeur itinérant d'Etoile 51, les vendeurs VU et VI, 4 mécaniciens sur 9, salariés démissionnaires pour l'essentiel même si deux d'entre eux étaient des anciens salariés de Californie Auto, contredit les prétentions de Covema et les attestations de complaisance produites aux débats;
Attendu que la mauvaise ambiance alléguée au sein de Ténédor ne saurait expliquer et encore moins justifier un débauchage massif de personnels-clés pour assurer une nouvelle activité en tirant profit des compétences et des connaissances acquises dans un réseau et ainsi déstabiliser le concurrent sans procéder aux investissements nécessaires, quand bien même Covema Reims ne peut recevoir de véhicules de plus de 3,5 Tonnes;
Attendu que l'attestation de Monsieur Château approché par Monsieur Michaut, confirme la réalité de l'opération dommageable qui s'inscrit dans une véritable entreprise sur plusieurs années;
c) L'utilisation frauduleuse du site Internet d'Etoile 51 et la présence à la foire de Chalons de Covema:
Attendu que s'il est constant qu'un lien existait entre le site Internet de la société Etoile 51 et celui de " my-truck.com " puis " mon-auto.info ", rien ne permet d'en imputer la responsabilité à Covema, même si cette dernière a pu profiter d'une vente alors qu'elle n'apparaît pas;
Attendu que bien plus, seul Monsieur Caput, étranger à la cause, pouvait, à dires d'expert non contredits utilement, intervenir sur les sites dont il a la propriété ; qu'au demeurant, il a utilisé son site utilisé pour héberger le site d'Etoile 51;
Attendu qu'il est constant qu'un véhicule utilitaire Mercedes Vito de Covema Reims était présent sur le site de la foire de Chalons suivant les constatations de l'huissier Dumoulin;
Attendu cependant, que ce véhicule est un véhicule de service de l'entreprise sérigraphié en conséquence qui mentionne exclusivement " Covema Reims Chrysler-Jeep-Smart Centre de véhicules utilitaires d'occasion " ;
Attendu que rien ne prouve que ce véhicule fût offert à la vente par Covema et que cette dernière aurait revendiqué au mépris de la concession exclusive, la qualité de concessionnaire Mercedes ;
Attendu que l'on ne saurait sérieusement faire grief à Covema Reims d'utiliser pour son activité Chrysler Jeep Smart un utilitaire Mercedes ;
d) Le dommage subi par Ténédor et son lien de causalité avec les agissements dommageables:
Attendu que le principe est celui de la liberté du commerce et de la concurrence; que seuls des agissements constitutifs de concurrence déloyale sont incompatibles avec cette liberté fondamentale et peuvent ouvrir un droit à réparation pour l'acteur économique qui en est victime ;
Attendu qu'en l'espèce, Ténédor peut prétendre à réparation de son préjudice constitué par les frais de formation des personnels débauchés dont elle justifie;
Attendu que ce préjudice se monte à 26 249 euro, coût des formations dont Covema a tiré profit directement sans avoir à les supporter pour former du personnel;
Attendu qu'il échet donc de condamner Covema à payer ce montant à Ténédor en réparation de son préjudice;
Attendu que Ténédor met en compte la perte de marge brute consécutive à la violation de l'exclusivité tant sur la vente des véhicules neufs VP, VU, VI que sur les services après-vente;
Attendu cependant que si elle a pu subir un préjudice du fait de l'ouverture d'une succursale à Reims, encore faut- il qu'elle en établisse la réalité et que ce préjudice soit la conséquence d'agissements fautifs;
Attendu qu'en l'espèce, rien ne prouve que les 111 véhicules acquis en 2004, les 58 acquis au premier semestre 2005 dans la Marne ailleurs que chez Ténédor ont été acquis irrégulièrement au mépris de l'exclusivité et ce, auprès de Covema Reims;
Attendu d'autre part que le document au demeurant émanant de Ténédor de comparaison quant à la marge brute ne démontre pas plus la réalité d'un préjudice alors qu'il fait référence à l'activité de l'année 2003;
Attendu que le relevé comparatif des résultats courants avec une moyenne Daimler Chrysler France ne démontre pas plus la réalité du dommage et son lien avec l'activité à la supposer dommageable de Covema;
Attendu que l'analyse quant au service après-vente implique les mêmes observations;
Attendu qu'une expertise ne saurait être ordonnée pour pallier la carence de Ténédor dans l'administration de la preuve, que celle-ci disposait de toutes les informations nécessaires notamment auprès de son cocontractant et constructeur pour rapporter la preuve de ses allégations;
Attendu bien plus, que l'expert ne saurait se prononcer sur les ventes querellées de telle sorte qu'il échet de rejeter la demande aux fins d'expertise;
Attendu que compte tenu de ce qui précède et en infirmant partiellement le jugement entrepris, Ténédor sera déboutée de sa demande de réparation autre que celle liée aux frais de formation ci-dessus ;
Sur la demande reconventionnelle de Covema:
Attendu que Covema impute à faute à Ténédor un dénigrement préjudiciable auprès des clients et des autorités administratives pour en demander réparation ;
Attendu que si tes transports Canon ont pu s'irriter du comportement de Monsieur Ténédor dans le cadre du différend entre les sociétés en la cause, cette circonstance n'établit en rien le dénigrement allégué et prétendument préjudiciable, pas plus que le courrier des transports Mathieu relatif à des propositions commerciales du concurrent dans le cadre du libre jeu de ta concurrence;
Attendu que les sommations interpellatives dans le cadre de la procédure, même si elles peuvent, le cas échéant, être empreintes d'erreurs, ne traduisent pas plus une intention de nuire et la réalité d'un dommage qui en serait résulté ;
Attendu que par ailleurs, l'exécution de mesures d'instruction à la Préfecture ne traduit une intention de nuire ou un abus de droit;
Attendu qu'au demeurant, le refus de l'autorité administrative de délivrer certaines pièces, à supposer même qu'il ait été fondé sur les mesures d'instruction, n'a jamais été querellé devant la juridiction compétente, sachant que l'autorité judiciaire est incompétente pour en apprécier;
Attendu qu'au demeurant, le préjudice allégué est la conséquence directe d'un protocole d'accord avec un tiers étranger au litige et dont Ténédor n'a pas à répondre;
Attendu qu'il échet dès lors de débouter Covema de sa demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts en confirmant le jugement entrepris;
Sur le surplus:
Attendu que compte tenu de ce qui précède, il y a lieu, en réformant, de laisser à chaque partie la charge de ses dépens tant d'instance que d'appel;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 nouveau Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme partiellement le jugement du Tribunal de commerce de Reims du 13 décembre 2005 quant au préjudice des sociétés Ténédor et Etoile 51 relatif aux frais de formation et quant aux dépens; Statuant à nouveau, Condamne les sociétés Covema in solidum à payer aux sociétés Ténédor et Etoile 51 un montant total de 26 249 euro, augmenté des intérêts au taux légal à compter de ce jour; Déboute chaque partie quant au surplus de ses prétentions ; Condamne chaque partie à supporter ses dépens d'instance et d'appel.