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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 22 mai 2008, n° 06-17959

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCP Goic (ès qual.), EJCL (SARL), Laurain

Défendeur :

Laboratoire Mediligne (SA), Chrétien (ès qual.), Sapin (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Baufume-Galland-Vignes

Avocats :

Mes Bellet, de Balmann

T. com. Paris, du 5 oct. 2006

5 octobre 2006

Vu l'appel interjeté par la SCP Goic en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EJCL, et Mme Elisabeth Odette Cario épouse Laurain, du jugement prononcé le 5 octobre 2006 par le Tribunal de commerce de Paris qui a:

- dit l'intervention volontaire de Mme Elisabeth Laurain irrecevable, déclaré nul pour dol le contrat de franchise du 05/11/2001,

- condamné la SA Laboratoire Mediligne à payer à Me Gérard Filliol en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EJCL la somme de 50 335 euro avec intérêts au taux légal à compter du 14/01/03 et application de l'article 1154 du Code civil,

- condamné la SA Laboratoire Mediligne à payer à Me Gérard Filliol en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EJCL la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SA Laboratoire Mediligne aux dépens;

Vu les dernières écritures signifiées le 10 mars 2008 par la SCP Goic en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EJCL, et Mme Elisabeth Odette Cario épouse Laurain, appelantes;

Vu les dernières écritures signifiées le 5 mars 2008 par la société Laboratoire Mediligne et Me Fabrice Chrétien, en qualité de liquidateur de la société Laboratoire Mediligne, intimés et appelants à titre incident;

Vu l'assignation en intervention forcée et la dénonciation de conclusions faite par les appelantes à Me Bruno Sapin, ès qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Laboratoire Mediligne, par acte des 21 février, 6 et 10 mars 2008;

Sur ce:

Considérant que la société Laboratoire Mediligne a créé et développé, depuis 1995, sous l'enseigne Physiomins, un réseau de centres d'amincissement exploité en franchise;

Considérant que la société EJCL, créée et animée par Mme Laurain, est entrée en contact avec Mediligne en juillet 2001, dans le but d'ouvrir une franchise Physiomins à Rennes (Ile-et-Vilaine);

Que les parties ont signé un contrat de franchise le 05/11/2001, la société EJCL ouvrant, outre le centre franchisé, un second centre, mitoyen, spécialisé dans les soins de beauté, sous sa propre enseigne "Elisa Beauté";

Considérant que l'exploitation de ces deux centres s'est révélée être un échec, le chiffre d'affaires ne s'étant pas développé comme prévu, ce qui a obligé EJCL à déposer son bilan le 26/07/2002 ; que la société a d'abord été placée en redressement judiciaire, puis a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, par jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 17/09/03, Me Filliol étant nommé liquidateur judiciaire;

Considérant que, par deux actes identiques, l'un signifié le 14/03/2003 à la requête de Mme Laurain agissant en qualité de gérante, l'autre signifié le 24/04/2003 à la requête de Me Berthelot en qualité de représentant des créanciers de la société EJCL, la société Mediligne a été attraite devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'entendre, a titre principal, prononcer la nullité du contrat de franchise, à titre subsidiaire, prononcer sa résiliation aux torts de Mediligne, et condamner cette société au paiement de diverses sommes, modifiées par conclusions subséquentes;

Considérant que Me Filliol est intervenu à la procédure, en qualité de liquidateur judiciaire de la société EJCL, par conclusions du 06/11/2003;

Considérant que la société Mediligne a conclu à l'irrecevabilité de l'action de Mme Laurain et au débouté de toutes les demandes dirigées à son encontre;

Considérant que la SCP Goic, ès qualités, et Mme Laurain poursuivent la réformation du jugement rendu le 5 octobre 2006 en ce que le tribunal de commerce a déclaré l'action de Mme Laurain irrecevable, et en ce qu'il a limité la réparation du préjudice subi par EJCL à 50 335 euro; qu'ils demandent à la cour de replacer les parties dans l'état antérieur à la signature du contrat de franchise, et d'admettre au passif de la liquidation de la société Mediligne :

- la créance de la SCP Goic, ès qualités, à hauteur de 35 335 euro au titre du remboursement du droit d'entrée, 1 777 euro au titre du remboursement des redevances versées, 173 790,81 euro au titre de la prise en charge du passif,

- la créance de Mme Laurain à hauteur de 20 769 euro au titre du remboursement des comptes courants;

Qu'ils demandent aussi qu'il soit dit que la société Mediligne ne détient aucune créance à l'encontre de EJCL représentée par son liquidateur;

Considérant que Me Chrétien, en qualité de liquidateur de la société Laboratoire Mediligne, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré Mme Laurain irrecevable, et à l'infirmation de ce jugement en ce qu'il a fait droit à la demande d'annulation du contrat de franchise;

Considérant qu'il convient, à titre liminaire, de constater que, par l'effet du jugement de liquidation rendu le 19 octobre 2007 par le Tribunal de commerce d'Annonay, l'assignation de Me Bruno Sapin en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Laboratoire Mediligne est sans objet;

Qu'il convient en revanche de recevoir Me Chrétien en son intervention volontaire, en qualité de liquidateur de la société Laboratoire Mediligne;

Sur la recevabilité de l'action de Mme Laurain:

Considérant que Mme Laurain, qui avait saisi le tribunal de commerce, en qualité de gérante de la SARL EJCL, par acte du 14/03/2003, parallèlement à l'assignation délivrée le 24/04/2003 par Me Berthelot en qualité de représentant des créanciers, s'est trouvée dessaisie de toute action en qualité de gérante par l'effet de la liquidation judiciaire et de l'intervention à la procédure du mandataire liquidateur;

Que Mme Laurain est intervenue volontairement à la procédure, en son nom personnel, par écritures signifiées devant le tribunal de commerce; que cette intervention, tendant au paiement de sommes en remboursement de ses comptes courants, est recevable; que le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a rejeté l'action de Mme Laurain à ce titre;

Sur l'annulation du contrat de franchise:

Considérant que Me Chrétien, en qualité de liquidateur de la société Laboratoire Mediligne, soutient que, contrairement à ce qui a été jugé, ni la loi Doubin ni son décret d'application ne prévoient la nullité automatique d'un contrat de franchise en cas d'absence d'information précontractuelle, ou de remise partielle préalablement à sa signature, que c'est à la partie qui invoque un défaut d'information de démontrer en quoi son consentement a été vicié; que la jurisprudence se montre d'autant plus exigeante que la partie invoquant le défaut d'information n'est pas novice en affaires;

Qu'il indique qu'en l'espèce, avant d'adhérer au réseau Physiomins, Mme Laurain avait exploité une boulangerie, puis un magasin de vente de linge et décoration ; que sa belle-sœur, Mme Chenu, était elle-même membre du réseau Physiomins, et qu'elle a nécessairement pris des informations auprès de celle-ci ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le document d'information précontractuelle qui a été remis à Mme Laurain contenait toutes les informations nécessaires, et notamment l'état du marché et les perspectives de développement ; qu'il est faux de prétendre que Mme Laurain aurait été trompée dans ses prévisions de chiffres d'affaires;

Qu'il ajoute qu'il n'y a pas eu défaut d'assistance, et que Mediligne ne pouvait pas se substituer à son franchisé, qui a rapidement fait preuve de son incapacité à gérer le centre;

Considérant que Me Chrétien, ès qualités, ne produit cependant aucun élément susceptible de remettre en cause la décision des premiers juges qui ont relevé que Mediligne, dans sa recherche de nouveaux franchisés, avait délibérément trompé EJCL en lui fournissant, dans le document d'information précontractuel (DIP), des informations incomplètes, erronées ou ambiguës, qui ont vicié son consentement justifiant ainsi l'annulation du contrat de franchise sur le fondement du dol, après avoir constaté que:

- le document daté du 31/07/01 (p. 22) fait état de plus de 130 centres fin 2000, outre 50 ouvertures prévues en 2001, alors que la liste détaillée des centres (p. 23 à 29), prévue par l'article 5-a du décret d'application (n° 91-337 du 4/04/91), ne porte que sur 50 centres sur toute la France et 20 centres à l'étranger, soit un total de 70 centres, et qu'il n'a été fourni aucune explication sur cet important écart;

- le franchiseur doit indiquer aussi le nombre d'entreprises qui ont cessé de faire partie du réseau dans l'année qui précède la remise du DIP, avec le motif de la fermeture ; Mediligne a fait mention de 7 cessations d'activité (p. 30) en 2000, alors qu'elle aurait dû donner cette information pour la période mi-2000 à mi-2001;

- le franchiseur devait fournir ensuite, dans le DIP, l'état local du marché des services devant faire l'objet du contrat de franchise; à l'évidence, pour la gérante d'EJCL, qui n'avait aucune expérience dans le secteur considéré, les informations que devait lui fournir Mediligne sur le marché des centres d'amincissement dans la ville de Rennes revêtaient une importance capitale pour sa prise de décision ; pourtant, aucune donnée précise ne lui a été remise à ce titre, le document intitulé "Etude de marché Physiomins" remis à EJCL ne pouvant tenir lieu d'étude locale du marché, car ne contenant que des données très générales, comme le nombre d'habitants de la ville de Rennes, leur répartition par tranches d'âges ou par catégories socio-professionnelles;

- ne peuvent être prises en compte les informations recueillies directement par Mme Laurain sur l'état de la concurrence, ce type de recherches relevant de la responsabilité du franchiseur;

- Mediligne a inclus dans le DIP (p. 50), un état intitulé "prévisionnel mensuel type - Concept Physiomins", certes non prévu par le décret, mais qui engage la responsabilité du franchiseur à partir du moment où il a été intégré dans le DIP ; ce document détaille le compte d'exploitation d'un centre type dans trois hypothèses de chiffres d'affaires ; certes, il est indiqué en petits caractères, en bas de l'état, que les chiffres ne sont donnés qu'à titre indicatif et ne peuvent être considérés comme contractuels ; mais Mediligne avait une obligation de conseil à son candidat franchisé, d'autant que Mme Laurain, sans aucune expérience dans le secteur des soins amincissants, pouvait raisonnablement espérer un équilibre d'exploitation dès la première année au vu de ces chiffres, alors que son chiffre d'affaires ne s'est élevé, de janvier à juillet 2002, qu'à 30 514 euro, soit une moyenne mensuelle de 4 359 euro (28 600F), inférieure de près de moitié au chiffre prévisionnel minimum de Mediligne;

- certes, le franchisé est pleinement responsable des conséquences de son activité commerciale, mais l'expérience et le savoir-faire du franchiseur doivent lui garantir des limites raisonnables à l'aléa commercial ; ces limites ont été, dans le cas présent, visiblement dépassées, Mediligne n'ayant, d'autre part, formulé aucun grief particulier à l'encontre d'EJCL pendant la période incriminée (1er semestre 2002), qui a pourtant abouti au dépôt de bilan;

Considérant qu'il convient d'ajouter que l'appartenance de la belle-sœur de Mme Laurain au réseau Physiomins ne saurait pallier le défaut d'information relevé plus haut;

Sur la demande de dédommagement de la SCP Goic, ès qualités:

Considérant que la SCP Goic demande que la créance de la société EJCL au passif de la société Mediligne soit fixée à 35 335 euro au titre du droit d'entrée, 1 777 euro au titre des redevances, et 173 790,81 euro au titre de la prise en charge du passif (après cession du matériel);

Considérant qu'au vu des pièces versées aux débats qui sont les mêmes que celles communiquées en première instance, outre les déclarations de créances de EJCL et de Mme Laurain au passif de Mediligne, faites le 11 juillet 2007, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont exactement évalué les sommes dues à EJCL à 35 335 euro en remboursement du droit d'entrée et 15 000 euro en dédommagement des investissements effectués pour mettre en œuvre le centre d'amincissement;

Qu'en effet, il n'est pas plus démontré en appel qu'en première instance que les redevances dont il est demandé remboursement ont effectivement été versées; que les éléments produits ne permettent pas non plus d'établir que le passif dont il est demandé la prise en charge est la conséquence directe des agissements dolosifs de Mediligne, d'autant que la société EJCL exerçait deux activités distinctes, et que l'attestation de l'expert comptable de la société est insuffisante pour démontrer quelle était la part des pertes et du passif imputables à la seule activité de franchise Mediligne;

Qu'eu égard à la procédure de liquidation judiciaire de la société Mediligne, il y aura lieu, réformant de jugement, de fixer la créance de la SCP Goic en qualité de liquidateur de la société EJCL, au passif de la société Mediligne à 50 335 euro outre intérêts au taux légal à compter du 14/01/2003;

Sur la demande de Mme Laurain

Considérant que Mme Laurain demande que sa créance au passif de Mediligne soit fixée à 20 769 euro, en remboursement de ses comptes courants, qui n'ont pas été comptabilisés dans la demande de remboursement du passif d'EJCL;

Considérant que dans la mesure où aucun élément permettant d'effectuer une ventilation entre les deux activités exercées par la société EJCL n'est fourni, la demande ne peut qu'être rejetée;

Sur les autres demandes:

Considérant qu'aucun motif tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à l'espèce, que les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes à ce titre;

Considérant que, au vu de l'ensemble des éléments du litige, il y a lieu de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de dire qu'ils seront supportés à raison de un tiers par la SCP Goic en qualité de liquidateur de la société EJCL, et deux tiers par Me Chrétien en qualité de mandataire liquidateur de la société Mediligne;

Par ces motifs, Déclare les appels recevables, Reçoit Me Chrétien, en qualité de mandataire-liquidateur de la société Mediligne, en son intervention, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré nul le contrat de franchise du 5/11/2001, Le réformant pour le surplus, Fixe la créance de la SCP Goic, en qualité de liquidateur de la société EJCL, au passif de la société Mediligne, à 50 335 euro outre intérêts au taux légal à compter du 14/01/2003, Dit recevable la demande formée par Mme Laurain en son nom personnel, l'en déboute, Déboute les parties de leurs autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, contraires aux motifs ci-dessus, Fait masse des dépens de première instance et d'appel, et dit qu'ils seront supportés à raison de un tiers par la SCP Goic en qualité de liquidateur de la société EJCL, et deux tiers par Me Chrétien en qualité de mandataire-liquidateur de la société Mediligne, Admet les avoués qui en ont fait la demande au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.