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Décisions

Ministre de l’Économie, 31 juillet 2008, n° ECEC0823359S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Heinz

Ministre de l’Économie n° ECEC0823359S

31 juillet 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 3 juillet 2008, vous avez notifié l'opération consistant en la prise de contrôle exclusif du groupe Bénédicta (ci-après " Bénédicta ") par la société H.J. Heinz Holding BV. Cette acquisition a été formalisée par une lettre d'engagement irrévocable signée le 23 juin 2008, à laquelle a été annexée un accord d'acquisition. Il s'agit d'un projet suffisamment abouti au sens du droit des concentrations, qui peut donc être notifié en l'état.

I. Les entreprises concernées et l'opération

H.J. Heinz Holding BV est contrôlée par le groupe américain Heinz (ci-après " Heinz "), acteur mondial dans le secteur alimentaire, notamment en matière de sauces, de condiments, de soupes, de produits en conserve, de produits allégés et de nourriture infantile. Même si Heinz ne possède pas d'usine en France, il y est actif au travers de ses exportations. Au titre de son dernier exercice clos et certifié, le 30 avril 2008, Heinz a réalisé un chiffre d'affaires total mondial hors taxes de 7 104 millions d'euro dont environ 80,5 millions d'euro en France.

Bénédicta a pour tête de groupe la société Paxos SAS dont le capital est actuellement majoritairement détenu (76,67%) par deux fonds d'investissement appartenant au groupe AXA, AXA LBO Fund III A et AXA LBO Fund III B. Bénédicta commercialise principalement des sauces en France. Depuis 2005, il est le distributeur exclusif en France de l'huile d'olive fabriquée par le groupe italien Carapelli. En 2007, Bénédicta a réalisé un chiffre d'affaires total mondial de 122 millions d'euro, dont environ 117 millions d'euro en France.

L'opération envisagée consiste en l'acquisition de la totalité du capital social de la société Paxos SAS par la société H.J. Heinz Holding BV auprès des fonds AXA LBO Fund III A et AXA LBO Fund III B. Au préalable, toutes les actions de la société Paxos SAS détenues par des personnes physiques (23,33%) auront été transférées à ces deux fonds.

En ce qu'elle emporte la prise de contrôle exclusif de Bénédicta par Heinz, l'opération notifiée constitue une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire mais nationale, en application de l'article L. 430-2 du Code de commerce. L'opération est donc soumise à la procédure prévue aux articles L. 430-3 et suivants dudit Code.

II. Les marchés concernés

A. Les marchés de produits

A titre liminaire, les autorités de concurrence distinguent généralement des circuits de distribution distincts pour chaque marché pertinent de produits alimentaires.

Ainsi, les marchés diffèrent selon que les produits sont destinés au commerce de détail, à la restauration hors foyer (RHF) ou à l'industrie agroalimentaire (IAA).

En effet, le prix des produits, le format des conditionnements, les méthodes de commercialisation, l'identité des offreurs et des clients diffèrent de façon substantielle selon le circuit de distribution considéré.

Au sein du canal du commerce de détail, le ministre chargé de l'Economie a également considéré qu'il pouvait être pertinent de retenir des marchés plus restreints, selon le type de produits commercialisés, en fonction de leur positionnement commercial : marque de fabricant (ou nationale), marque de distributeur (MDD), marque premier prix (MPP) et/ou marque de hard discount (MHD).

Au cas d'espèce, la question d'une telle segmentation pour les sauces et l'huile d'olive peut être laissée ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée quelles que soient les définitions retenues.

Au sein du canal de la RHF, une segmentation supplémentaire peut aussi être opérée, selon que les produits sont présentés aux consommateurs (" front-of-house products " ou " en salle ") ou utilisés en cuisine (" back-of-house products " ou " en arrière-salle ").

En l'espèce, Heinz et Bénédicata sont simultanément actifs sur les marchés des produits destinés au commerce de détail et à la restauration hors foyer.

De manière plus précise, Heinz et Bénédicta produisent des sauces et de l'huile d'olive* qui ont déjà fait l'objet de délimitations précises par les autorités de concurrence qui seront reprises pour l'analyse du cas d'espèce.

1. Les sauces

Le secteur des sauces est composé de deux marchés principaux : d'une part, les sauces chaudes qui sont consommées réchauffées ou cuisinées dans un plat chaud et, d'autre part, les sauces froides.

a. Les sauces chaudes

Les sauces chaudes regroupent les sauces à pâtes (sauce bolognaise, sauce au pesto, sauce napolitaine, etc.) ou à viande et poissons (sauce curry, sauce béchamel, sauce hollandaise, sauce roquefort, etc.). Ces sauces sont utilisées en nappage ou dans le mijotage d'un plat.

b. Les sauces froides

Parmi les sauces froides, il est possible de distinguer les sauces rouges et les sauces blanches. Les sauces rouges sont des sauces basées sur la tomate, au goût prononcé à très prononcé, évoquant plutôt une sensation de chaleur. Elles se distinguent des sauces blanches qui sont des sauces très huilées, au goût non pimenté, évoquant plutôt une sensation de fraîcheur.

(i) Les sauces rouges

Les sauces rouges comprennent principalement le tomato ketchup ainsi que des sauces non émulsionnées.

• Le tomato ketchup

Le tomato ketchup est une sauce à base de tomate et d'ingrédients aromatiques, généralement utilisée pour l'agrément de produits alimentaires avant leur consommation. Après mélange des ingrédients, elle est fabriquée essentiellement par un processus de cuisson. En 2005, la composition de cette sauce fait l'objet d'un code européen de bonnes pratiques, reconnu par la DGCCRF.

Aux yeux des consommateurs, le tomato ketchup présente des caractéristiques gustatives et physiques spécifiques, qui le distinguent très nettement des autres sauces. En particulier, la base de tomate de cette sauce est perçue de manière particulièrement forte par les consommateurs. De plus, le tomato ketchup est considéré comme une sauce naturellement pauvre en calories. Enfin, les consommateurs de tomato ketchup sont relativement jeunes.

• Les sauces non émulsionnées

Ces sauces sont majoritairement composées de tomate : il s'agit des sauces barbecue, des sauces mexicaines, etc. Elles sont généralement utilisées pour les féculents, les pâtes, les chips, plutôt en dehors des repas. Elles ciblent un public généralement jeune.

Ces sauces sont caractérisées par une innovation constante et de nouvelles variantes. Sur le plan de la fabrication, elles n'impliquent pas de processus d'émulsion mais surtout un processus de cuisson, ce qui suppose une capacité de cuisson suffisante.

(ii) Les sauces blanches

Les sauces blanches comprennent principalement la mayonnaise et d'autres sauces à base de mayonnaise, dites " émulsionnées ".

• La mayonnaise

La mayonnaise est une sauce émulsionnée à base d'huile végétale, d'oeuf et d'ingrédients aromatiques, généralement utilisée pour accompagner les viandes et les poissons. Après mélange des ingrédients, elle est fabriquée essentiellement par un processus d'émulsion. La composition de cette sauce fait notamment l'objet d'un code de bonne pratiques européen, reconnu par la DGCCRF.

Aux yeux des consommateurs, la mayonnaise présente des caractéristiques gustatives et physiques spécifiques, qui la distinguent très nettement des autres sauces. En particulier, elle est perçue comme une sauce relativement traditionnelle, synonyme de fraîcheur, consommée notamment pendant les périodes chaudes de l'année. Elle peut être préparée par le consommateur lui-même, contrairement au tomato ketchup et à certaines autres sauces froides. De même, à l'inverse du tomato ketchup, elle est généralement perçue comme riche en calories.

• Les sauces émulsionnées

Les autres sauces froides à base de mayonnaise (béarnaise, aïoli, rouille, tartare, bourguignonne, etc.) sont perçues par les consommateurs comme des sauces plutôt traditionnelles, très huilées, au goût non pimenté, évoquant plutôt une sensation de fraîcheur. Sur le plan de la demande, elles se distinguent des sauces non émulsionnées car elles sont fabriquées sur une base de mayonnaise et donc d'huile, par un processus d'émulsion qui nécessite l'usage de machines spécifiques liées à l'émulsion.

(iii) Les sauces salades

Les sauces salades sont des sauces achetées par le consommateur pour donner du goût aux salades. Elles sont généralement composées des ingrédients classiques de la vinaigrette (huile, vinaigre, condiments), auxquels peuvent être ajoutés d'autres composants, tels que des produits laitiers ou de l'oeuf, de l'échalote, de l'ail, du jus de citron, de la tomate, de la moutarde, etc. Elles se distinguent ainsi des autres types de sauces froides par la perception qu'en ont les consommateurs et l'usage qui en est fait.

La question d'une segmentation plus fine de ce marché, entre les sauces vinaigrettes et les sauces à base de crème (sauces crudités) pourrait être posée compte tenu notamment de leurs usages différents. Toutefois, les conclusions de l'analyse concurrentielle ne se trouvant pas modifiées, quelle que soit la délimitation retenue, cette question peut être laissée ouverte au cas d'espèce.

2. L'huile d'olive

L'huile d'olive est fabriquée à travers un processus de trituration d'olives. Ses caractéristiques organoleptiques en font un produit tout à fait distinct des autres huiles alimentaires aux yeux des consommateurs, qui en font un usage différent (essentiellement pour la cuisine méditerranéenne et les salades). Dans sa pratique décisionnelle, le ministre chargé de l'Economie a considéré que l'olive est le facteur déterminant de l'achat de ce type de produit1. Enfin, les prix sont différents de ceux des autres huiles de graine (tournesol, arachide, colza, pépins de raisin, etc.).

L'ensemble de ces éléments plaide pour la délimitation d'un marché de produit pertinent circonscrit à l'huile d'olive, conformément à la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence (2).

B. Les marchés géographiques

Tant la Commission européenne que le ministre chargé de l'Economie ont considéré que les marchés des sauces et de l'huile d'olive revêtaient une dimension nationale.

En effet, comme pour la plupart des produits alimentaires, les marques, les goûts et les comportements des consommateurs, la structure des circuits de distribution ainsi que les prix de vente et le positionnement marketing diffèrent de façon significative d'un pays à l'autre.

Nul élément ne venant remettre en cause la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence, il sera retenu des marchés de dimension nationale pour les besoins de la présente analyse concurrentielle.

III. L'analyse concurrentielle

L'opération notifiée s'inscrit dans un processus de diversification et de développement de l'activité de Heinz en France. En effet, les activités de Bénédicta et de Heinz sont essentiellement complémentaires. L'analyse concurrentielle se concentrera donc sur les aspects congloméraux de l'opération. Toutefois, au préalable, il convient d'examiner les chevauchements d'activité entre les parties bien qu'ils soient globalement limités.

Les produits commercialisés simultanément par Heinz et Bénédicta sont la mayonnaise et les autres sauces froides, au travers du circuit de la RHF (1) et la mayonnaise, les autres sauces froides, les sauces chaudes, les sauces salades et l'huile d'olive au travers du circuit du commerce de détail (2.).

A. L'analyse des effets horizontaux

1. Le circuit de la RHF

Les activités de Heinz et de Bénédicta se chevauchent sur les marchés de la vente de mayonnaise et des autres sauces froides destinés à être vendus par la RHF.

Concernant la mayonnaise, Bénédicta n'est que faiblement présent, avec une part de marché en valeur inférieure à 1%3. Heinz détient pour sa part une position estimée à [0-10] %.

Concernant les autres sauces froides, les parts de marché de Heinz et de Bénédicta sont inférieures respectivement à 3% et à 1%.

Sur ces deux marchés, l'opération ne conduira donc qu'à une très faible addition de parts de marché. En outre, la nouvelle entité restera confrontée à la présence de concurrents plus importants, tels que les groupes Gyma, Unilever et Campbell. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés.

Si une segmentation plus fine du circuit de la RHF devait être envisagée, entre les produits destinés à l'arrière-salle et les produits destinés à la salle, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteraient inchangées. En effet, Bénédicta vend de la mayonnaise et d'autres sauces froides destinées à une utilisation par le personnel en cuisine, essentiellement sous forme de seau, alors que Heinz vend des produits destinés à être utilisés par le consommateur final, sous forme de bouteilles, de petites coupelles ou de sachets individuels.

2. Le circuit de la distribution au détail

Les activités de Heinz et de Bénédicta se chevauchent sur les marchés de la vente de sauces chaudes (a.), de mayonnaise (b.), d'autres sauces froides (c.), de sauces salades (d.), et d'huile d'olive

(e.) uniquement sous marques de fabricant. En effet, Heinz ne vend ses produits en commerce de détail que sous ses propres marques. L'opération n'a donc aucun impact sur les éventuels marchés de la commercialisation des sauces et de l'huile d'olive sous MDD/MPP.

a. Les sauces chaudes

Concernant les sauces chaudes, les parties ont des positions très limitées sur ce marché dans la mesure où Bénédicta ne l'a pénétré que très récemment (4) et Heinz y détient une position inférieure à 2%. Compte tenu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché sur lequel Panzani ([25-35] %), Buitoni ([5-15] %) et Unilever ([0-10] %) restent les principaux acteurs.

b. La mayonnaise

Concernant la mayonnaise, Heinz est très faiblement présent avec une part de marché de [0-5] %. A l'inverse, Bénédicta est un acteur important de ce marché avec une position de [25-35] %. Pour autant, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché compte tenu de ce très faible incrément, de l'absence de position dominante préexistante du groupe Bénédicta et de la présence de concurrents importants tels qu'Unilever ([45-55] %) et Campbell ([15-25] %).

c. Les autres sauces froides

(i) Les autre sauces blanches émulsionnées

Concernant les autres sauces blanches émulsionnées, Bénédicta détient une part de marché importante, de l'ordre de [55-65] %. A l'inverse, Heinz n'est qu'un petit acteur sur ce marché, avec une position estimée à [0-10] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité sera concurrencée par les groupes Unilever ([5-15] %), Campbell ([0-10] %), General Mills ([0-10] %), Casa Fiesta ([0-10] %). Selon la partie notifiante, la marque " Heinz " étant fortement associée au tomato ketchup et aux sauces rouges, il lui faudrait réaliser d'importants efforts de marketing pour augmenter sa part de marché. Ceci constitue une barrière à l'expansion très forte pour cet acteur, qui explique notamment l'absence de perspective de développement sur ce marché.

Le ministre considère pour sa part " que la question du renforcement d'une position dominante préexistante ne se réduit pas à la seule analyse statique de l'addition de parts de marché " (5). Or il ressort de l'instruction que Heinz n'exerçait pas sur le marché des autres sauces froides une pression concurrentielle suffisante pour pouvoir considérer que sa disparition porte atteinte à la concurrence.

En effet, " il convient de prendre en considération d'autres indices dans une analyse dynamique comme, par exemple, l'éventuel accès privilégié à certaines structures, la détention de capacités techniques propres, l'offre de produits ou de services prometteurs ou l'existence d'une politique commerciale agressive " (6), conformément à la pratique décisionnelle récente du ministre chargé de l'Economie (7).

Au cas d'espèce, la question se pose de savoir si la disparition de Heinz, en tant qu'acteur indépendant, est de nature à restreindre significativement la concurrence et, en conséquence, à renforcer la position prééminente de Bénédicta qui préexistait sur ce marché. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que Heinz exerçait sur ce marché, préalablement à l'opération, une pression concurrentielle de nature à limiter le pouvoir de marché de Bénédicta. En effet, sur le marché des sauces froides émulsionnées, Heinz fait figure de concurrent résiduel, notamment en raison du positionnement de sa marque, fortement associée au ketchup et aux sauces rouges. Pour se développer sur ce marché, Heinz aurait dû réaliser d'importants efforts de marketing pour augmenter sa part de marché, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à présent.

Par ailleurs, les parties ont tenu à souligner la concurrence exercée par les produits MDD/MPP sur ce marché des autres sauces froides émulsionnées vendues sous MDF. Les produits vendus sous MDD/MPP représentent environ [15-25] % d'un éventuel marché global des autres sauces froides émulsionnées et sont effectivement susceptibles d'exercer une pression concurrentielle sur les produits vendus sous les marques de fabricants les moins notoires même en présence de deux marchés distincts (MDF d'une part, MDD/MPP d'autre part). Compte tenu de ce qui précède, à savoir la forte connotation " sauces rouges " des produits Heinz sur le marché des autres sauces blanches, il est donc probable que son positionnement sur le marché des sauces froides émulsionnées soit perçu comme moins haut de gamme que celui de Bénédicta et qu'en conséquence ses produits aient plus ressenti la pression concurrentielle des produits MDD/MPP que Bénédicta (8).

Enfin, sur ce marché, Heinz n'avait pas les caractéristiques d'un " franc-tireur ", comme le reflète notamment l'absence d'une politique commerciale agressive, depuis qu'il a pénétré ce marché en 2007.

En conséquence, l'opération ne modifie pas substantiellement la structure concurrentielle de ce marché et n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

(ii) Les autres sauces rouges non émulsionnées

Concernant les autres sauces rouges non émulsionnées, Bénédicta et Heinz ont des parts de marché identiques, estimées à environ [10-20] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [20-30] % environ, derrière General Mills ([40-50] %). Elle continuera également à faire face à la concurrence de Pepsico ([10-20] %) et d'Unilever ([5-15] %).

Compte tenu de la structure de ce marché, marqué notamment par la dissymétrie des parts de marché des opérateurs, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.

d. Les sauces salades

Concernant les sauces salades, Bénédicta détient une position estimée à [15-25] % en valeur. Heinz y dispose d'une part de marché inférieure à 1% qui s'explique par son entrée très récente sur ce marché (9). En effet, Heinz vient de lancer trois références en avril 2008. Le marché global des sauces salades reste dominé par le groupe Unilever (Amora) avec une part de marché en valeur de [50-60] % environ. Compte tenu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

e. L'huile d'olive

Bénédicta a estimé sa part de marché à environ [10-20] %. Heinz est un nouvel acteur sur ce marché puisqu'il vient de le pénétrer à travers la conclusion d'un accord de distribution avec le groupe espagnol Ybarra en avril 2008. Au 1er juin 2008, Heinz n'avait réalisé aucune vente d'huile d'olive en France. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra donc une part de marché limitée, notamment au regard de la position importante du groupe Lesieur ([55-65] %). En conséquence, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

B. L'analyse des effets congloméraux

L'opération envisagée aboutit à la réunion de biens complémentaires au sein du secteur des sauces froides. En effet, Heinz est essentiellement actif sur le marché des sauces froides rouges alors que Bénédicta est un acteur important des marchés des sauces froides blanches.

A titre liminaire, la très faible présence de Bénédicta dans la distribution de produits à destination de la RHF permet d'écarter tout risque sur ces marchés résultant des éventuels effets congloméraux de l'opération. L'analyse des effets congloméraux de l'opération portera donc sur les marchés de produits à destination du commerce de détail.

1. L'analyse de l'effet de gamme

Sur le marché des produits destinés au commerce de détail, le produit ketchup de la marque Heinz pourrait être lié à une sauce blanche de la marque Bénédicta.

D'une part, bien que Heinz détienne environ une part de marché de [20-30] % sur le marché du tomato ketchup, celui-ci ne s'y trouve pas en position dominante puisque le groupe Unilever le devance ([20-30] %).

D'autre part, Bénédicta ne détient une très forte position que sur le marché des sauces froides émulsionnées MDF avec une part de marché estimée à [40-50] %. Sur le marché de la mayonnaise, qui est beaucoup plus important, Bénédicta ne se trouve pas en position dominante puisque le groupe Unilever le devance.

Dans la mesure où le groupe Unilever dispose d'une gamme dont l'étendue et la profondeur sont plus importantes que celle de la nouvelle entité, il est peu probable que la détention d'une telle gamme constitue un argument de vente décisif. En outre, d'autres opérateurs sont simultanément actifs sur les marchés complémentaires des sauces froides rouges et des sauces froides blanches, tels que Pepsico,

Procter & Gamble et General Mills. En conséquence, les effets de gamme résultant de l'opération envisagée ne seront pas de nature à verrouiller les marchés des sauces froides.

2. L'analyse de l'effet de portefeuille

Le pouvoir de marché issu de la détention d'un portefeuille de marques notoires telles que Heinz et Bénédicta est également amoindri par l'existence de l'alternative constituée par Amora, leader sur le marché du tomato ketchup et sur celui de la mayonnaise.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

* Erreur matérielle : Lire " Heinz et Bénédicta produisent des sauces et distribuent de l'huile d'olive ".

1 Voir, par exemple, la lettre du ministre d'État, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, en date du 18 novembre 2004, au conseil de la société Lesieur, relative à une concentration dans le secteur de l'huile d'olive (C 2004-130), publiée au BOCCRF n°2005-06.

2 Ibid.

3 Les parts de marché qui figurent dans la présente décision sont issues des études de marché de la société AC Nielsen pour l'année 2007. Elles ont été actualisées, le cas échéant, lorsque les parties ont pénétré de nouveaux marchés au cours de l'année 2008.

4 En mai 2008, Bénédicta a lancé trois références de sauces chaudes (sauces trois poivres, roquefort et cèpes & bolets).

5 C2007-171/Lettre du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'emploi du 12 juin 2008, aux conseils de la société Somfy, relative à une concentration dans le secteur de la fourniture d'accessoires de volets roulants, publiée au BOCCRF n°6 bis du 24 juillet 2008.

6 Ibid.

7 Outre la décision C2007-171 Somfy/Zurflüh-Feller précitée, on pourra se reporter aux décisions du ministre chargé de l'Economie C2007-150 SFR/Débitel du 23 novembre 2007, publiée au BOCCRF n°1 bis du 25 janvier 2008 et C2007-181 SFR/Neuf Cegetel du 15 avril 2008, publiée au BOCCRF n°4 bis du 7 mai 2008.

8 S'agissant de l'approvisionnement des distributeurs en autres sauces froides non émulsionnées, Bénédicta a vendu 333 tonnes (sur 2 276 tonnes au total) en 2007 à un seul client. Il n'exerce donc pas d'influence notable sur les prix de ces produits vendus sous MDD/MPP.

9 S'il devait être retenu des marchés distincts pour les sauces vinaigrettes et les sauces crudités, la part de marché de Heinz resterait inférieure à 1%.