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Décisions

Ministre de l’Économie, 31 juillet 2008, n° ECEC0826583S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Staci

Ministre de l’Économie n° ECEC0826583S

31 juillet 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 11 juillet 2008, vous avez notifié la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de services logistiques de Logista France, ci-après dénommé " le fonds " par le groupe Staci. Cette acquisition a été formalisée par un contrat de cession signé le 24 juin 2008.

1. LES ENTREPRISES CONCERNEES ET L'OPERATION

Staci est actif dans le secteur de la logistique dite " de détail ". Staci (1) est contrôlée exclusivement par le FCPR Astorg III, géré par la société de gestion Astorg Partners. Avec plus de 150 000 m² d'entrepôts répartis sur 14 sites en Europe, Staci propose une offre logistique optimisée à de grandes sociétés organisées en réseau, qui délivrent des commandes de détail comportant un grand nombre de références et de destinataires.

En 2007, le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes de Staci (2) s'est élevé à 86,3 millions d'euro, dont 78,7 millions d'euro réalisés en France alors qu'Astorg Partners a généré un chiffre d'affaires mondial cumulé hors taxes de 1 415,1 millions d'euro, dont 863,4 millions d'euro en France.

Logista France est également actif dans la logistique de détail. Les actifs cédés sont aujourd'hui contrôlés par Logista France SAS et de ses deux filiales, Trans Euro Diffusion (EURL) et Transdistribution (SNC). Ils comprennent le fonds de commerce de prestations de services de logistique en matière publi-promotionnelle et la gestion d'économats, les activités de " Business to Business " (3), ci-après dénommées " B to B ", les activités de " Business to Consumers " (4), ci-après dénommées " B to C ", et, en matière de logistique, les activités attachées aux produits finis destinés aux fournisseurs Triple Play d'accès à Internet, de téléphonie mobile et de badges électroniques, dits " produits finis ADSL ".

En 2007, Logista France SAS et ses deux filiales ont réalisé un chiffre d'affaires mondial hors taxes de 86,3 millions d'euro, dont 78,7 millions d'euro en France.

La présente opération consiste en l'acquisition par Staci de 51% du capital social et des droits de vote du fonds, via une société nouvellement créée (ci-après " Publidispatch "), dont Logista France détiendra 49% du capital et des droits de vote.

Il ressort des statuts, ainsi que du pacte d'actionnaires, que la société Publidispatch sera dirigée par un président, choisi parmi les candidats proposés par Staci, qui pourra être assisté de directeurs généraux ou délégués, nommés dans les mêmes conditions.

Par ailleurs, le comité de surveillance sera composé de cinq membres, dont trois seront désignés parmi des candidats proposés par Staci et deux, parmi des candidats proposés par Logista France. Ce comité, statuant à la majorité simple (5) des membres présents ou représentés, devra notamment approuver préalablement les décisions suivantes :

- l'acquisition, la souscription, l'apport, l'échange de valeurs mobilières, parts sociales et autres placements de trésorerie souscrits dans le cadre normal des affaires ;

- la création ou la dissolution, l'acquisition ou la cession de toute société ; l'acquisition ou la cession d'actifs ou de fonds de commerce pour une valeur, par opération supérieure à un million d'euro ;

- la conclusion d'emprunts, sous quelque forme que ce soit d'un montant supérieur à deux millions d'euro ;

- toute création, extension, réduction ou suppression significative d'activités, etc.

Il ressort des documents transmis que Logista ne disposera de droits de veto que pour les modifications statutaires ou en cas d'émission de nouveaux titres. Elle bénéficiera donc de la seule protection de ses intérêts financiers et perdra toute capacité d'influence sur la gestion de Publidispatch. En ce qu'elle confère à Staci, via Publidispatch, le contrôle exclusif du fonds cédé, l'opération notifiée constitue une opération de concentration économique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle n'est pas de dimension communautaire mais reste soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatifs à la concentration économique.

2. LES MARCHES CONCERNES

2.1 Marchés de services

Il ressort de l'instruction (6) que " depuis quelques années, les industriels français ont globalement externalisé leur fonction logistique (qui comprend généralement le conditionnement, l'entreposage et le transport des marchandises). En 2006, ils étaient 70 % à avoir fait ce choix. Face à la mondialisation des échanges, la concurrence s'est intensifiée et la course à la rationalisation des coûts s'est de plus en plus imposée. Les entreprises se sont recentrées sur leur coeur de métier et ont progressivement sous-traité les activités secondaires ". Actuellement, la fonction logistique traditionnelle s'insère dans une gestion plus globale de la " supply chain ". Les logisticiens utilisent leurs entrepôts comme de véritables plateformes de distribution et deviennent désormais des gestionnaires de flux, en faisant appel à des outils informatiques complexes sur l'ensemble de la chaine de production, de distribution et de conditionnement. Ils assurent notamment la traçabilité des marchandises, le suivi des flottes, la gestion et la préparation des commandes en temps réel et la connectivité avec les logiciels de gestion des ressources de leurs clients.

En matière de logistique, les autorités de concurrence (7) ont défini l'activité comme " pouvant s'assimiler à une offre globale, dans la mesure où elle combine un ensemble de services tels que, notamment, le stockage, l'inventaire des stocks, la prise de commande, et le transport de marchandises en un temps et un lieu défini par le client. " De plus, " les services de logistique associent les différents maillons d'une chaîne d'approvisionnement de marchandises entre un point d'origine et d'arrivée, et ce, afin de gérer de manière optimale le flux et le stockage des marchandises ".

Tout en laissant la question ouverte, d'une manière générale, la Commission européenne a considéré qu'il existait peu de fondements à définir plusieurs marchés des services de logistique, et ce bien qu'elle ait constaté que plusieurs professionnels de la logistique étaient spécialisés sur certains types de produits.

En effet, bien qu'elle ait été amenée à relever dans une décision isolée (8) certains éléments particuliers permettant de distinguer les services de logistique de produits dérivés du tabac (9) des autres services de logistique en général, et qu'en conséquence, il ne soit pas exclu qu'il existe des secteurs particuliers de la logistique constituant des marchés spécifiques (10), la Commission européenne considère généralement que les services de logistique constituent un marché global (11), indépendamment de la nature de la marchandise expédiée (denrées périssables, produits toxiques, produits inflammables, etc.). Cette analyse repose notamment sur le fait que la majorité des opérateurs de logistique peuvent s'adapter facilement aux exigences de l'offre et de la demande et traiter différents types de marchandises.

Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives dans la logistique dite " de détail ". Par logistique " de détail ", il faut entendre la logistique liée à l'ensemble des achats accessoires à la production, par opposition à la logistique " industrielle ", c'est-à-dire liée aux produits finis et aux pièces détachées.

Les entités interviennent notamment pour les activités publi-promotionnelles et la gestion d'économats (objets publi-promotionnels, prospectus, imprimés, documents administratifs internes), les activités " Business to Business " (vêtements de travail, catalogues de voyage, petits matériels ou accessoires à la gestion des points de ventes). Il s'agit pour l'essentiel de réceptionner, contrôler, stocker les produits, de préparer et expédier les commandes et de sous-traiter l'activité de transport. Les parties regroupent et gèrent également l'ensemble des flux des produits (financiers, physiques et d'informations) : intégration des commandes, approvisionnement, préparation des commandes, facturation des destinataires et service après-vente.

Les parties proposent au cas présent de segmenter les prestations de logistique en fonction de sous-spécialités comme les achats hors production, le B to B, le B to C, et la publi-promotion et la gestion d'économats. Or ces activités ne nécessitent pas vraiment d'équipement particulier et la plupart des logisticiens semble en mesure de fournir les mêmes prestations : la substituabilité du côté de l'offre semble donc très importante et il n'apparaît pas nécessaire de retenir une segmentation du marché par spécialité.

Compte tenu de ce qui précède, l'analyse concurrentielle de l'espèce sera menée sur un marché global des prestations logistiques.

2.2 Marché géographique

Dans sa pratique décisionnelle (12), le ministre a souligné la nécessité, pour les offreurs de services logistiques, d'être implantés à proximité des grandes zones de production et des bassins de population. Les distributeurs cherchent à disposer de lieux de stockage pour leurs produits à proximité de leurs points de vente, leurs commandes nécessitant un court délai de livraison. La grande majorité des industriels, quant à eux, souhaitent stocker leurs matières premières ou leurs produits semi-finis à proximité de leurs usines.

Du fait de cette nécessaire proximité, la pratique a retenu une dimension régionale pour les marchés de services logistiques. Cependant, compte tenu de la taille européenne de leurs clients, les parties estiment que le marché est de dimension au moins nationale.

Au cas d'espèce, l'analyse sera menée à la fois à l'échelon national et au niveau régional. Dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées quelle que soit la délimitation retenue, il n'est néanmoins pas nécessaire de définir plus précisément la délimitation géographique du marché pour la présente analyse.

3. ANALYSE CONCURRENTIELLE

D'après une étude récente de la revue " Logistiques Magazine " de décembre 2007, consacrée aux prestataires de services logistiques, les entités ne sont classées qu'à la 18e et 21e position, loin derrière les leaders du marché.

Sur un marché global des prestations logistiques, au niveau national, la part de marché de Staci est de 1,5 % et celle de Logista de 1,4 %. La part de marché de la future entité sera donc de 2,9 %, face à des concurrents comme Kuehne + Nagel, Géodis, Norbert Dentressangle, DHL Excel, STEF-TFE.

Au niveau régional, l'opération emporte un chevauchement dans la seule région Île-de-France. A l'issue de l'opération, la part de marché cumulée des parties n'excédera pas 3 % dans cette région, et la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence des grands opérateurs précités.

Compte tenu de la faible position détenue par la nouvelle entité et de la présente de concurrents nombreux et solides, l'opération est insusceptible d'emporter un quelconque risque concurrentiel sur le marché de la logistique.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

Notes :

1 Voir la Décision du ministre du 18 août 2006, Astorg /Staci.

2 Staci a pris le contrôle exclusif de la société DPDJ International (plateforme de stockage d'éclatement, de dispatching et de transport, spécialisée dans la restauration hors foyer) en décembre 2007. Conformément au point 38 des Lignes directrices du 30 avril 2007 relatives au contrôle des concentrations de la DGCCRF, les chiffres d'affaires " sont évalués à la date des derniers exercices clos, et corrigés le cas échéant pour tenir compte des modifications de périmètre intervenues depuis cette date. Le périmètre pris en compte doit refléter la situation exacte de l'entreprise au moment de la signature de l'acte contraignant permettant la notification. ".

3 Il s'agit, par exemple, de vêtements de travail ou de catalogues de voyage à destination d'une clientèle d'entreprises.

4 Il s'agit de produits à destination du grand public et du consommateur final.

5 A l'exception des décisions relatives aux acomptes sur dividendes, lesquelles nécessiteront une majorité des deux tiers.

6 Etude Xerfi, entreposage frigorifique et non frigorifique, décembre 2006.

7 Voir la Décision du ministre du 29 novembre 2005, Norbert Dentressangle/TNT.

8 Décision de la Commission européenne COMP/M.3553, Logista/Etinera/Terzia, du 4 octobre 2004.

9 La Commission européenne a en effet considéré que cette activité se caractérisait par des exigences propres, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, du fait d'une réglementation particulière fixant les prix, de la présence de risques commerciaux, de la nécessité pour les prestataires d'obtenir préalablement une licence d'exploitation ainsi que de la demande spécifique des clients sur les marchés amont et aval.

10 Voir également la décision de la Commission européenne COMP/M.2722, Autologic/TNT/Wallenius/Wilhensem/Cat JV du 25 février 2002 relative à une opération de concentration dans le secteur des services de logistique relatifs aux véhicules automobiles.

11 Voir par exemple la Décision de la Commission européenne COMP/M.2831, DSV/TNT Logistics/DSV Logistics, du 27 juin 2002.

12 Voir notamment la décision Stef-TFE/Cryologistic, précitée et la décision Transalliance/Munster du 4 juillet 2007.