Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 28 août 2008, n° ECEC0826417S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Gruppo Banca Léonardo

Ministre de l’Économie n° ECEC0826417S

28 août 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 6 août 2008, vous avez notifié la prise de contrôle conjoint de la société de droit italien BS Private Equity SpA (ci-après " BSPE ") par ses associés (1) (ci-après " les Associés ") et par la société de droit italien Gruppo Banca Leonardo SpA (ci-après " GBL"). Cette opération a été formalisée par un contrat d'achat d'actions et par un pacte d'actionnaires signés le 20 mai 2008.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

GBL est la société de tête d'un groupe actif dans le secteur de la banque de financement et d'investissement, au travers des services financiers, de la gestion d'actifs, des activités liées aux marchés et d'une activité de private equity. En France, il opère dans la gestion d'actifs via les filiales DNCA Finance et VP Finance (2), ainsi qu'en matière de conseil en fusions et acquisitions via la filiale à 100 % Leonardo & Co. GBL n'est pas actif sur le secteur d'activité du private equity en France. En 2007, le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes de GBL s'est élevé à [...]* millions d'euro, dont environ [>50] millions d'euro en France.

BSPE est active dans le secteur du private equity au travers des fonds d'investissement BS Investimenti IV, Italian Private Equity Fund III, LP et Italian Private Equity Fund IV, LP. À ce jour, BSPE n'a investi dans aucune société établie en France, et n'est donc pas présente dans le secteur du private equity dans ce pays. En effet, BSPE n'a pour l'heure investi que dans des sociétés établies en Italie.

En 2007, le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes de BSPE s'est élevé à [...]* millions d'euro, dont [>50] millions d'euro en France. Le chiffre d'affaires français de BSPE correspond aux ventes réalisées en France par les sociétés italiennes dans lesquelles BSPE détient des participations. Au terme de l'opération, GBL disposera de 20 % du capital de BSPE, le solde restant possédé par les Associés (3). Au surplus, GBL nommera deux des six membres du conseil d'administration de BSPE, seul habilité à prendre certaines décisions que l'on peut qualifier de stratégiques telles l'approbation et les modifications du budget, les modifications du business plan, l'acquisition ou la cession de participations dans d'autres entreprises ou encore la création d'un nouveau fonds, et ce à la majorité qualifiée de cinq membres sur six. Il résulte de ces dispositions que tant GBL que les Associés disposeront d'un droit de veto sur les décisions stratégiques concernant la conduite des affaires de BSPE.

La présente opération s'analyse donc comme la prise de contrôle conjoint de BSPE par GBL et les Associés. En effet, selon le paragraphe 62 de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission européenne, " il y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise. Par influence déterminante, on entend habituellement le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise ".

En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle conjoint de BSPE par les Associés et par GBL, la présente opération constitue bien une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.

2. LES MARCHÉS CONCERNÉS

2.1. Les marchés de services

Les parties à l'opération sont toutes deux actives sur le secteur du private equity, qui consiste à réaliser des investissements dans des sociétés non cotées sur les marchés financiers.

Selon la pratique décisionnelle établie par le ministre de l'Economie, le private equity constitue l'un des segments du marché plus large de la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et d'institutionnels, les autres segments étant la gestion de portefeuille hors actifs immobiliers et hors fonds communs de placement de valeurs mobilières (ou OPCVM) d'une part, et la gestion d'OPCVM d'autre part (4).

Au surplus, elle a proposé de distinguer au sein du segment du private equity ces différentes catégories : i) les investissements sous forme de capital-risque, qui consistent en l'apport de fonds propres à des sociétés non cotées lors de leur création ou au début de leur activité ; ii) les investissements sous forme de capital développement, qui consistent à investir des capitaux dans des sociétés afin de financer une augmentation des capacités de production, le développement de nouveaux produits ou de nouvelles acquisitions ; iii) les investissements réalisés selon la technique du " Leverage Buy Out " (LBO), technique qui consiste à racheter une entreprise avec un apport limité en fonds propres, complété par une forte proportion d'endettement utilisé comme effet de levier ; iv) les investissements sous forme de prêts mezzanine, qui prennent le plus souvent la forme d'obligations à bons de souscription d'actions (OBSA), d'obligations convertibles ou d'actions prioritaires. La Commission européenne semble en revanche considérer que le private equity constitue un marché en tant que tel, distinct du marché de la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et d'institutionnels. Elle évoque en outre la possibilité de distinguer au sein de ce marché entre les investissements réalisés avec une part d'endettement et les investissements en fonds propres, distinction dont on peut considérer qu'elle recoupe celle effectuée par le ministre de l'Economie entre les différentes catégories de private equity (5).

La question de la délimitation exacte du marché en matière de gestion d'actifs et de private equity n'a cependant jamais été tranchée, tant par le ministre de l'Economie que par la Commission européenne. Au cas d'espèce, la question de la délimitation des marchés relatifs au private equity et à la gestion d'actifs peut également être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

Il convient par ailleurs de souligner qu'il n'existe aucun chevauchement, ni aucun lien vertical ou connexe entre les domaines d'activité des sociétés dans lesquelles les fonds de private equity de GBL et de BSPE ont des participations contrôlantes.

2.2. Les marchés géographiques

Dans la décision précitée Caisse d'Epargne/Banque Populaire, le ministre de l'Economie n'a pas tranché la question de la délimitation géographique des marchés en matière de gestion d'actifs et de private equity, soulignant toutefois qu'ils étaient probablement de dimension au moins européenne. La Commission européenne, dans la décision précitée GE Capital/Heller Financial, a indiqué que le marché du private equity pouvait revêtir une dimension nationale ou une dimension plus large. Au cas d'espèce, il n'est pas utile de trancher définitivement la question de la dimension géographique des marchés en matière de private equity et de gestion d'actifs, dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

3. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

L'analyse concurrentielle ne nécessite que les données relatives au secteur du private equity, que ce dernier soit envisagé comme le segment d'un marché plus large de la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et d'institutionnels ou comme un marché à part entière. En effet, BSPE n'est pas présent sur les deux autres segments de la gestion d'actifs que sont la gestion de portefeuille hors OPCVM et actifs immobiliers d'une part et la gestion d'OPCVM d'autre part.

Selon les parties, la part de marché cumulée des parties au niveau européen (6) en matière de private equity est de [0-5] %, et ne dépasse [0-5] % sur aucune des différentes catégories de private equity. La nouvelle entité sera en outre concurrencée par des acteurs de marché importants tels que le groupe Carlyle, Goldman Sachs ou Apax Partners.

Au vu de la faiblesse de cette position, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché (ou segment de marché) du private equity, ni sur aucun de ses segments (ou sous-segments), ni a fortiori, sur l'ensemble du marché de la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et d'institutionnels.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

1 Le capital social de BSPE avant l'opération est réparti de la sorte : Monsieur Paolo Baretta en possède, directement et indirectement, [30-40] % ; Monsieur Francesco Sironi en détient indirectement [10-20] % ; Madame Maria Scozzafava possède directement [0-10] % de ce capital ; Madame Lidia Carbonetti [0-10] %, de même que Madame Alessandra Gavirati. Enfin, Messieurs Ugo Pivato, Paolo Pendenza et Andrea Frechiami détiennent indirectement, pour chacun d'entre eux, [0-10] % du capital de BSPE. Il convient de considérer ces Associés comme constituant un seul et même ensemble, dans la mesure où, au terme du pacte d'actionnaires, ils désigneront ensemble quatre représentants au sein du conseil d'administration de BSPE, et où, au terme du contrat, ils acceptent de manière solidaire et indivisible les droits et obligations qui en résultent. Ils ont notamment accordé de manière solidaire à GBL une option d'achat sur la totalité des parts sociales qui leur restera après la présente opération, option à lever entre le [...] et le [...].

2 DNCA Finance, détenue à [60-70] % par GBL, est spécialisée dans la gestion des valeurs mobilières cotées en bourse ou OPCVM. VP Finance, détenue à [70-80] % par GBL, gère le patrimoine de particuliers.

* La somme de ces 2 chiffres est supérieure à 150 millions d'euro.

3 Monsieur Paolo Baretta aura ainsi cédé [0-10] % du capital social de BSPE (ses propres parts ainsi que celles de sa société), tandis que Monsieur Fransesco Sironi (via sa société qui détient ces parts), Madame Maria Scozzafava, Madame Lidia Carbonetti et Madame Alessandra Gavirati auront respectivement cédé [0-10] %, [0-10] %, [0-10] % et [0-10] % de ce capital.

4 Voir la lettre C2006-45 du ministre de l'Economie du 10 août 2006, aux conseils de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de la Banque Fédérale des banques populaires, relative à une concentration dans le secteur bancaire.

5 Voir COMP/M.2577, GE Capital/Heller Financial, du 23 octobre 2001.

6 Rappelons que ni GBL, ni BSPE ne sont actifs en matière de private equity en France. En outre, BSPE ne connaît pas d'activité de private equity hors d'Europe. Il n'y a donc pas de chevauchement possible entre les activités de private equity des parties au niveau mondial.