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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 29 novembre 2007, n° 04-09125

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Marrache

Défendeur :

Céline (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

Me Couturier, SCP Grappotte Benetreau Jumel

Avocats :

Mes Papazian, Laur-Pouedras, SCP Meffre & Grall

T. com. Paris, du 3 févr. 2004

3 février 2004

Vu le jugement du 3 février 2004 du Tribunal de commerce de Paris qui a débouté Thérèse Marrache de ses demandes sauf à accueillir celle concernant le stock, en condamnant la société Céline à le reprendre à prix coûtant, Madame Marrache étant condamnée à verser 1 500 euro de frais irrépétibles;

Vu l'appel interjeté le 12 mai 2004 par Madame Thérèse Marrache et ses ultimes écritures signifiées le 12 septembre 2007, réclamant 20 000 euro de frais non compris dans les dépens et poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, sauf du chef de décision concernant la reprise du stock en priant la cour:

- de qualifier la convention initiale de "contrat de franchise", dont la rupture est abusive et brutale, et de lui allouer une indemnité de la contre-valeur de 699 600 US $, majorée des intérêts au taux légal et anatocisme,

- de dire que la société Céline a commis un abus de droit en donnant l'apparence d'une volonté de négocier un nouveau contrat en lui ayant consenti des renouvellements successifs du contrat initial, et de l'indemniser "sur cette base",

- de dire que la société Céline a aussi commis des fautes dans l'exécution du contrat tant antérieurement que postérieurement au préavis;

Vu les dernières conclusions de la SA Céline signifiées le 27 septembre 2007, priant la cour de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de réclamer des dommages et intérêts du fait des manquements de son ancienne cocontractante à ses obligations contractuelles et réclamant 15 000 euro de frais irrépétibles tout en poursuivant:

- à titre principal, la confirmation de la décision déférée, sauf sur la reprise du stock, en priant la cour de dire que le contrat initial n'était pas une franchise, et que Madame Marrache a bénéficié d'un préavis d'une année,

- subsidiairement, de la déclarer irrecevable à agir,

- plus subsidiairement, prie la cour d'estimer qu'elle a mis fin au contrat "de façon légitime" en application tant des stipulations contractuelles, que de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce;

Vu l'ordonnance du 4 octobre 2007 du conseiller de la mise en état clôturant l'instruction de l'affaire;

Sur ce,

Considérant que le 30 mai 1980, la SA Céline a consenti à Madame Thérèse Marrache l'exclusivité pour dix ans, de l'utilisation de son enseigne pour la ville de Beyrouth;

Sur la durée du (ou des) contrats :

Considérant qu'il convient d'abord de vérifier si, aux termes des prorogations successives invoquées par les parties, le même contrat s'est trouvé prolongé ou si de nouveaux contrats, identiques au contrat initial, ont pris successivement naissance, afin de déterminer les lois nouvelles éventuellement devenues applicables dans le temps à leurs relations;

Que le 10 juillet 1990, les parties indiquent avoir prorogé le contrat initial du 30 mai 1980 jusqu'au 31 décembre 1991;

Mais considérant que l'échange des consentements sur la prétendue prorogation étant intervenu postérieurement au 30 mai 1990, le terme initial a mis fin ipso facto au contrat ayant eu cours depuis le 30 mai 1980;

Qu'en conséquence, la lettre du 10 juillet 1990 de la société Céline approuvée par Madame Marrache a eu pour effet de faire naître un nouveau (et deuxième) contrat identique au précédent, hormis sur la durée, avec un nouveau terme fixé au 31 décembre 1991;

Qu'il ressort des pièces versées au dossier, qu'ultérieurement ce nouveau contrat en cours depuis le 10 juillet 1990, a été régulièrement prorogé avant l'arrivée des nouveaux termes successivement fixés par les accords consécutifs des parties jusqu'à la lettre du 8 juillet 1993 prorogeant le contrat en cours jusqu'au 30 juin 1994;

Que l'échange des consentements sur la prétendue nouvelle prorogation étant intervenu postérieurement au 30 juin 1994, l'arrivée du nouveau terme a encore mis fin ipso facto au nouveau contrat en cours depuis le 10 juillet 1990;

Que dès lors, la lettre du 5 juillet 1994 de la société Céline approuvée par Madame Marrache a eu pour effet de faire naître un nouveau (et troisième) contrat identique aux précédents, hormis sur la durée, avec un nouveau terme fixé au 30 juin 1995;

Que les parties ne contestent pas qu'avant l'arrivée du terme du 30 juin 1995, ce nouveau contrat a, de nouveau été prorogé jusqu'au 31 décembre 1995, puis successivement jusqu'au 30 juin 1999, l'accord des parties étant à chaque fois survenu avant l'arrivée du terme de la période en cours;

Qu'à nouveau, l'échange des consentements sur la prétendue nouvelle prorogation étant intervenu postérieurement au 30 juin 1999, l'arrivée du nouveau terme a encore mis fin ipso facto au troisième contrat identique en cours depuis le 5 juillet 1994;

Que la lettre du 28 juillet 1999 de la société Céline approuvée par Madame Marrache a eu pour effet de faire naître un nouveau (et quatrième) contrat identique aux précédents, hormis sur la durée et les conditions de règlement des factures stipulées à l'article IV, avec un nouveau terme fixé au 30 juin 2000;

Que ce quatrième contrat a lui aussi été successivement prorogé jusqu'au 31 décembre 2001, l'accord des parties étant à chaque fois survenu avant l'arrivée du terme de la période en cours;

Qu'en conséquence au moment de la rupture litigieuse des relations, le contrat en cours était celui issu de l'échange des consentements matérialisé par la lettre du 28 juillet 1999;

Considérant, ceci étant exposé, que Madame Marrache s'estime recevable à agir au titre, non du principe du renouvellement du contrat lui-même, mais pour faire apprécier les circonstances, à ses yeux fautives, de la rupture, dont la brutalité alléguée lui ouvre droit à un dédommagement;

Qu'analysant le contrat initial en une franchise, elle estime que la notification de la rupture n'est pas motivée par des motifs sérieux, n'a pas été précédée d'une mise en demeure préalable, ni suivie d'un préavis suffisant et fonde sa demande d'indemnisation sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en invoquant plus spécialement les dispositions du doublement de la durée du préavis lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous la marque du distributeur;

Qu'elle précise que si, par sa lettre du 4 juillet 1995, la société Céline a exprimé des remarques négatives sur l'emplacement et l'aspect esthétique des boutiques de Beyrouth, les parties ont cependant encore prorogé le contrat à dix reprises jusqu'au 31 décembre 2001, avant de mettre fin aux relations par la lettre du 2 août 2001 à effet à compter de la collection printemps-été 2002, soit au 31 juillet 2002;

Considérant que pour sa part la SA Céline soutient liminairement que le contrat litigieux prévoyant qu'aucune procédure ne pourra être engagée par l'une des parties à l'encontre de l'autre au cas où un nouveau contrat ne serait pas conclu, Madame Marrache est irrecevable à agir;

Qu'elle estime ensuite que le contrat ne saurait être une franchise, de sorte qu'elle n'avait pas d'obligation d'assistance, et considère que la rupture est légitime au regard des stipulations contractuelles, dans la mesure où :

- Madame Marrache a violé ses obligations en maintenant ses boutiques dans un environnement datant de 20 ans, contraire aux normes définies par Céline et en ne mettant pas ses magasins en conformité avec les demandes de la société Céline, lesquelles lui ont été rappelées durant cinq années au travers de treize courriers,

- l'ensemble des courriers de 1995 à 2001 constitue une mise en demeure;

Qu'elle indique:

- que par ses lettres des 4 juillet et 24 novembre 1995, elle a averti Madame Marrache que les établissements concernés ne correspondaient plus à l'esthétique des boutiques Céline et à l'image de prestige de sa marque en lui demandant de proposer des emplacements de "premier ordre" et de prévoir un budget d'aménagement selon les directives de la société Céline, tout en lui précisant que dans le futur elle ne pourra pas renouveler le contrat du 30 mai 1980,

- qu'elle a ensuite expressément visé ces deux courriers lors de chaque échange de lettre procédant aux prorogations successives des accords initiaux;

Que la société Céline soutient aussi qu'au regard des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code commerce, la rupture n'a pas à être motivée et n'a pas été brutale en ayant été précédée d'un préavis suffisant tant du fait des nombreuses mises en garde survenues durant les cinq dernières années, que de l'autorisation donnée à l'intéressée de commercialiser les produits Céline jusqu'à la fin de la saison d'été à venir, soit jusqu'au 31 juillet 2002, la rupture ayant été notifiée un an plus tôt;

Que l'intimée conteste en tout état de cause, la réalité du préjudice allégué, dont elle estime que Madame Marrache ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, et s'oppose à toute reprise du stock en faisant valoir qu'il n'existe aucune obligation à ce titre dans le contrat, tout en précisant aussi qu'en matière d'articles de luxe, la dépréciation est rapide;

Qu'elle considère dès lors qu'il appartenait à Madame Marrache, en sa qualité de commerçante indépendante, de prendre toutes précautions pour ne pas commander des quantités trop importantes en fonction de l'année d'exploitation qui restait à courir, d'autant qu'elle était avertie depuis le 2 août 2001;

Ceci étant rappelé:

Sur la qualification du contrat initial et des contrats successifs identiques au contrat initial:

Considérant que le contrat souscrit le 30 mai 1980 à Paris s'intitule simplement " contrat ", Madame Marrache y étant qualifiée de "dépositaire";

Qu'il ne contient pas l'engagement par la société Céline de communiquer un savoir-faire à Madame Marrache, de sorte que contrairement à ce que soutient cette dernière, la convention litigieuse ne constitue pas une franchise;

Mais considérant qu'en demandant à la cour de qualifier la convention initiale de contrat de franchise, Madame Marrache sollicite implicitement mais nécessairement la qualification du contrat et, le juge n'étant pas tenu par celle donnée par les parties, qu'il convient de rechercher si le contrat initial litigieux et les nouveaux contrats successifs qui lui sont quasiment identiques entrent dans une catégorie réglementée afin, le cas échéant, de vérifier l'éventuel fondement des prétentions corrélativement formulées par l'appelante;

Considérant qu'aux termes du contrat du 30 mai 1980, celui-ci est soumis à la loi française [article XIII] et que notamment, la société Céline autorise le dépositaire à utiliser l'enseigne "Céline" [article I, § I], moyennant une redevance annuelle de 1,5 % du montant de ses achats [article VII], l'usage étant exclusif pour la ville de Beyrouth au Liban [article II], et qu'en contrepartie Madame Marrache s'engage:

- à s'approvisionner exclusivement en articles "Céline" et à garantir un chiffre d'achats minimum annuel de 500 000 F (76 224,51 euro) [article II], ainsi qu'à suivre la politique de vente de la société Céline en tenant compte de ses conseils et recommandations afin de maintenir l'image de marque et la qualité du service rendu à la clientèle [article VI],

- à suivre la politique de vente de la société Céline et de s'abstenir de toute politique susceptible de porter atteinte au prestige de la marque et de tous actes pouvant préjudicier à la société Céline ou aux autres dépositaires de sa marque [article VI];

Que pour sa part, la société Céline a la faculté soit d'exécuter et de livrer elle-même les commandes reçues, soit de les faire exécuter, livrer et facturer directement par les fabricants agréés par elle, en étant, en cette dernière hypothèse, qu'une simple intermédiaire n'assumant pas d'obligation ni de responsabilité au regard de l'exécution, de la livraison et du paiement [article III],

Qu'il n'a cependant pas été allégué par la société Céline qu'au cours de l'exécution du contrat initial et de ceux identiques qui lui ont succédé, elle ait usé de la faculté de faire exécuter, livrer et facturer directement tout ou partie des commandes de Madame Marrache par des fabricants agréés;

Qu'en vendant des produits à Madame Marrache - commerçante indépendante -, laquelle doit exclusivement s'approvisionner auprès de la société Céline et revend les produits concernés à ses propres clients sur le territoire de la ville de Beyrouth, la société Céline a consenti un contrat de concession commerciale à Madame Marrache avec droit d'utilisation de son enseigne;

Sur les obligations d'information de la société Céline:

Considérant que ce contrat est initialement arrivé à expiration le 30 mai 1990;

Qu'au jour de la survenance du nouveau contrat, identique au précédent, issu de l'échange des consentements matérialisé par la lettre du 10 juillet 1990, la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement juridique - dite loi Doubin -, aujourd'hui codifiée sous les articles L. 330-3 et suivants du Code de commerce, était entrée en vigueur;

Qu'en application de cette nouvelle législation, la société Céline, mettant une enseigne à la disposition de Madame Marrache en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité pour l'exercice de son activité, a été tenue, à compter du premier renouvellement, de lui fournir un document donnant les informations précontractuelles sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause pour le nouveau (et deuxième) contrat;

Que le contenu de cette information ayant été défini par le décret n° 91-337 du 4 avril 1991, il appartenait à la société Céline de s'y conformer à partir du troisième contrat au plus tard, issu de l'échange des consentements matérialisé par la lettre du 5 juillet 1994;

Mais attendu qu'en se bornant à critiquer son cocontractant pour ne pas lui avoir apporté d'assistance tout au long de l'exécution des contrat successifs, Madame Marrache ne tire aucune conséquence de l'absence d'information précontractuelle lors de la conclusion des nouveaux contrats de concession commerciale à partir du 10 juillet 1990, identiques au contrat initial du 30 mai 1980;

Que le défaut formel d'information précontractuelle avant la conclusion de chaque nouveau contrat identique aux précédents, n'a pas eu pour effet de vicier le consentement de Madame Marrache lors de chaque renouvellement, d'autant qu'en ayant déjà exploité l'enseigne à Beyrouth pendant toute la décennie précédente, elle en avait une connaissance suffisante sur son territoire concédé, pour s'engager en connaissance de cause lors des renouvellements et/ou prorogations successifs du contrat;

Que dès lors, aucune conséquence, au regard des obligations respectives des parties, n'est à déduire de la requalification requise par l'appelante, du contrat initial et des contrats successifs qui l'ont suivi;

Sur le non-renouvellement du dernier contrat, l'absence de mise en demeure préalable et la recevabilité à agir de Madame Marrache:

Considérant que le dernier contrat, issu de la lettre du 28 juillet 1999, tout comme les contrats précédemment renouvelés, contenait un terme initialement fixé au 30 juin 2000 puis plusieurs fois prorogé jusque finalement au 31 décembre 2001 par la lettre du 19 décembre 2000;

Que Madame Marrache ne détenait pas, au titre des contrats successifs, de droit à leur renouvellement et que le dernier alinéa de l'article IX du contrat initial, reconduit par référence dans les contrats successivement renouvelés, stipule qu'aucune indemnité ne pourra être demandée et qu'aucune procédure ne pourra être engagée au cas où un nouveau contrat ne serait pas conclu;

Que le contrat encours arrivant à son échéance le 31 décembre 2001, la lettre du 2 août 2001, nonobstant l'usage inexact du terme "résilié", n'avait pas pour effet de le résilier, mais d'informer Madame Marrache de la volonté de la société Céline de ne pas le renouveler lors de l'arrivée de la prochaine échéance finalement fixée au 31 décembre 2001;

Que le contrat arrivant normalement à son terme pour la période en cours, il n'y avait pas lieu de procéder à la mise en demeure préalable, laquelle n'est prévue qu'en cas de résiliation du contrat;

Mais considérant par ailleurs qu'il résulte de la succession de contrats, prorogés et/ou renouvelés, qu'une relation commerciale durable était établie entre les parties depuis le 30 mai 1980 et que dès lors, Madame Marrache est recevable à agir, non au titre du non-renouvellement du dernier contrat, mais au titre de la rupture de la relation commerciale établie, en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans la rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, la rupture de ladite relation commerciale ayant été notifiée par la lettre du 2 août 2001;

Sur la brutalité alléguée de la rupture de la relation commerciale établie:

Considérant que celui qui prend l'initiative de rompre une relation commerciale établie doit seulement justifier du respect d'un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant, le cas échéant, la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels;

Que n'ont pas été invoqués dans les débats:

- ni des usages particuliers ou des accords interprofessionnels,

- ni des arrêtés du ministre en charge de l'Economie concernant les catégories des produits relevant des contrats successifs;

Qu'en reportant au 31 juillet 2002 les effets de la non-reconduction du contrat arrivée à son échéance du 31 décembre 2001, la société Céline a consenti par écrit, selon les termes de la lettre du 2 août 2001, un préavis d'un an environ;

Que pour apprécier si la durée de ce préavis est suffisante au regard de l'ancienneté de la relation commerciale, établie depuis plus de 21 ans au jour de l'expiration du dernier contrat en cours, il convient de tenir compte des échanges épistolaires des parties depuis 1995, aux termes desquels la société Céline indiquait qu'elle ne pourrait pas renouveler le contrat en cours si des aménagements et un nouvel emplacement ne lui étaient pas proposés;

Qu'il résulte des pièces du dossier qu'en six ans, Madame Marrache n'a jamais sérieusement proposé de nouvel emplacement ni ne justifie avoir effectué des travaux d'aménagement mettant ses boutiques de Beyrouth aux standards des autres boutiques de la société Céline;

Qu'à cet égard, les photographies versées aux débats par l'appelante révèlent que l'aspect général des magasins et le mode de présentation de certains articles ne correspondent pas à ceux généralement pratiqués dans des boutiques dites "de luxe" et plus particulièrement ne correspondent absolument pas à ceux des autres boutiques Céline, tels qu'ils apparaissent sur les photographies versées aux débats par l'intimée;

Qu'à la lumière des revendications formulées par la société Céline à compter de sa lettre du 4 juillet 1995 et ensuite systématiquement rappelées dans les nombreux échanges épistolaires postérieurs entre les parties, il apparaît que le préavis écrit d'un an qui a été consenti était suffisant au regard de la durée de la relation commerciale antérieure;

Sur l'abus de droit allégué

Considérant qu'en ayant plusieurs fois renouvelé le contrat initial et en ayant prorogé à plusieurs reprises les périodes en cours, la société Céline n'a pas faussement entretenu sa cocontractante dans l'illusion d'un éventuel renouvellement plus durable en ce que d'une part, le renouvellement et les diverses prorogations étaient chacun d'une durée très limitée et que, d'autre part, les exigences de la lettre du 4 juillet 1995 étaient systématiquement rappelées;

Sur les fautes alléguées dans l'exécution du contrat tant antérieurement que postérieurement au préavis:

Considérant que les fautes alléguées prétendument pour non-respect des obligations habituelles d'un franchiseur sont inopérantes, les contrats successifs litigieux n'étant pas des accords de franchise;

Que Madame Marrache ne démontre pas la réalité d'un préjudice qui serait apparu tant du fait de la suppression en 2000 de la collection "Homme", que du retard, au demeurant non démontré, de la livraison de la collection printemps-été 2002;

Que par ailleurs, la seule apposition d'une affiche en habillage de la façade du chantier d'aménagement de la nouvelle boutique Céline annonçant sa prochaine ouverture, au demeurant sans autre précision, ne constitue pas une faute au regard de l'exclusivité résultant alors du contrat existant entre la société Céline et Madame Marrache, puisqu'aucune vente d'articles Céline n'est alléguée durant cette période, d'autant qu'aucune indication n'était donnée sur l'identité de l'éventuel nouveau dépositaire et que l'appelante ne démontre pas la réalité des rumeurs qu'elle invoque au sein de Beyrouth comparée "à un mouchoir de poche";

Sur la reprise du stock :

Considérant que les conventions successives des parties sont silencieuses sur le sort de l'éventuel stock restant lors de l'arrivée du terme de leurs accords;

Que les marchandises étant devenues propriété de Madame Marrache, il lui appartient d'assumer la charge de l'éventuel stock non encore écoulé au jour de la fin des relations commerciales, d'autant que la commande de 150 000 euro, dont elle fait état, remonte au mois de février 2001, soit 18 mois avant la fin effective des relations, étant observé que l'engagement annuel minimum d'achats souscrit en 1980 était de 76 224,51 euro, soit environ 114 336,77 euro en moyenne pour une année et demi;

Que la société Céline n'ayant pas commis de faute dans la rupture de la relation commerciale antérieurement établie, la demande de reprise dudit stock implicitement à titre de sanction, se trouve dénuée de fondement;

Qu'au surplus, Madame Marrache n'a pas fourni le moindre inventaire du stock prétendument concerné et en ayant affirmé au cours des débats, avoir dû "brader" son stock du fait de l'ouverture de la nouvelle boutique Céline à Beyrouth, elle ne permet même pas de connaître avec exactitude l'état du stock qui serait concerné de sorte qu'en outre, sa demande n'est pas réellement quantifiée;

Que le jugement entrepris sera réformé de ce chef;

Sur la demande de "donner acte" les frais irrépétibles et les dépens:

Considérant que la société Céline, qui n'a pas formulé de demande de dommages et intérêts dans le cadre de la présente instance, n'a nullement besoin de solliciter la moindre autorisation pour engager une éventuelle action de ce chef, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de "donner acte";

Que par ailleurs, Madame Marrache succombant dans son recours, sa demande, à hauteur de 20 000 euro, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne saurait prospérer et qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel;

Qu'il serait en revanche inéquitable de laisser à l'intimée la charge définitive de la totalité des frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel, le montant précisé au dispositif ci-après, de l'indemnité correspondante ayant été déterminé en équité, compte tenu de la situation économique de la partie succombante, telle qu'elle peut se déduire des éléments du dossier;

Par ces motifs, Statuant contradictoirement, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a ordonné la reprise du stock par la société Céline, Le réformant de ce seul chef et statuant à nouveau, Déboute Thérèse Marrache de sa demande de reprise du stock, La condamne aux dépens d'appel et à verser à la SA Céline, deux mille euros (2 000 euro) de frais irrépétibles, Admet la SCP Grappotte-Benetreau au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.