CA Grenoble, ch. com., 20 juin 2007, n° 06-00297
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Clause Tezier (SA)
Défendeur :
Au Sol d'Or (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Uran
Conseillers :
M. Bernaud, Mme Cuny
Avoués :
SCP Grimaud, SCP Hervé-Jean Pougnand
Avocats :
SCP Vivien, Juvigny, SCP Conquet-Massol-Mascaras
Par contrat du 5 août 1987, la SA Tezier a accordé à la SA Au Sol d'Or un contrat de distribution exclusive dit "Point d'Appui", par lequel elle accordait à cette dernière l'exclusivité de ses ventes de semences potagères, notamment de melons, sur les départements Tarn-et-Garonne, Haute-Garonne, Ariège, et une partie du Gers.
En 1997, à la suite du rachat de la société Clause par la société Vilmorin, holding de la SA Tezier, il a été décidé de réorganiser les points de distribution de la SA Tezier.
Par lettre du 26 juin 2000, la SA Tezier a alors fait connaître à la SA Au Sol d'Or, qu'elle met fin au renouvellement tacite du contrat, à effet au 30 juin 2002, conformément à l'article 8 du dit contrat.
Par lettre du 21 juillet 2000 la société Tezier a adressé à la SA Au Sol d'Or - comme à d'autres distributeurs - une proposition de nouvelle organisation commerciale, proposition qui est renouvelée par lettre du 14 mai 2001, mais aucun accord entre les deux sociétés n'est concrétisé.
Peu de temps avant la fin du préavis, la SA Au Sol d'Or a assigné la société Tezier devant la juridiction commerciale, sur le fondement des dispositions de l'article 442-6 du Code de commerce, pour obtenir réparation de son préjudice.
La SA Clause Tezier est intervenue aux droits de la société Tezier.
Par jugement en date du 23 novembre 2005, le Tribunal de commerce de Romans a :
- dit que le contrat du 5 août 1987 a été régulièrement dénoncé,
- constaté que le contrat résilié à effet au 30 juin 2002 n'a pas été suivi d'un nouvel accord de collaboration, en dépit de la proposition de la société Tezier, acceptée le 17 septembre 2001 par la SA Au Sol d'Or,
- dit que pendant la période 26 juin 2000 - 30 juin 2002, la société Tezier a appliqué des conditions discriminatoires à la SA Au Sol d'Or,
- débouté la SA Au Sol d'Or de sa demande d'expertise, et lui donne acte de ce qu'elle estime son préjudice à la somme de 60 000 euro,
- constaté que la SA Clause Tezier ne forme aucune demande en paiement envers la SA Au Sol d'Or qui se reconnaît redevable de la somme de 60 242,83 euro,
- après compensation des créances réciproques, déclaré les parties quittes de toute somme,
- débouté la SA Clause Tezier de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la SA Clause Tezier à payer à la SA Au Sol d'Or la somme de 2 500 euro, au titre de l'article 700 du NCPC
La SA Clause Tezier, qui a formé appel de ce jugement, sollicite, par dernières conclusions en date du 8 novembre 2006, et par réformation partielle du jugement déféré :
- qu'il soit jugé que la SA Au Sol d'Or, qui n'a pas accepté le nouveau contrat de distribution dans le cadre de la nouvelle organisation Clause Tezier, ne pouvait bénéficier de la gamme "Clause" pendant toute la durée du préavis,
- qu'il soit jugé que la société Tezier a respecté ses obligations contractuelles,
- qu'il soit jugé que la SA Au Sol d'Or n'a jamais voulu sérieusement entrer en phase de négociation avec la société Tezier sur la signature d'un nouveau contrat de distribution,
- la constatation de ce que la SA Au Sol d'Or ne justifie d'aucun préjudice financier à son encontre,
- qu'il soit jugé que le tribunal de commerce ne pouvait quantifier le préjudice de la SA Au Sol d'Or sur les seuls dires de cette dernière, à la somme de 60 000 euro,
- la constatation de ce que la SA Au Sol d'Or avait réglé avant l'audience les sommes qu'elle lui devait, en sorte que sa créance était éteinte au jour du jugement.
Subsidiairement, elle sollicite la constatation du caractère dilatoire de l'action intentée par la SA Au Sol d'Or quelques jours avant l'échéance du préavis, ainsi que la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de 15 000 euro par application de l'article 700 du NCPC.
La SA Au Sol d'Or, par ses dernières écritures en date du 14 septembre 2006, demande la confirmation du jugement déféré sur l'imputabilité à la SA Clause Tezier de la rupture du contrat, en raison de son attitude fautive pendant l'exécution du préavis.
Elle demande également, par réformation partielle du jugement déféré, qu'il soit jugé que la société Tezier a rompu abusivement les négociations entre les parties, ainsi que la condamnation de la SA Clause Tezier à lui verser la somme de 60 000 euro à titre de provision à valoir sur son préjudice à déterminer par une expertise.
Subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement déféré lui ayant alloué la somme de 60 000 euro en réparation de son préjudice.
Elle demande encore le débouté de la demande de dommages et intérêts formée par la SA Clause Tezier, ainsi que la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Motifs de l'arrêt
La cour relève que la SA Clause Tezier ne conteste pas que la somme de 60 242,83 euro dont la SA Au Sol d'Or se reconnaissait redevable devant les premiers juges lui a été réglée par cette dernière la veille de l'audience de plaidoiries devant le tribunal de commerce.
En cause d'appel, la SA Au Sol d'Or, ne conteste pas la rupture du contrat de distribution par la SA Tezier dans le respect des conditions contractuelles (cf ses conclusions page 9), mais elle lui reproche, cependant, la rupture abusive par cette dernière des négociations, ainsi que l'abus de position dominante pendant la durée du préavis
I - SUR LA RUPTURE DES NEGOCIATIONS
1) Les correspondances échangées
Préalablement à la rupture effective des relations contractuelles, les parties ont échangé les correspondances suivantes :
* par lettre du 26 juin 2000, la SA Tezier met fin au contrat de distribution, en mentionnant que celui-ci continuera à produire ses effets jusqu'au 30 juin 2002. Elle précise que "bien entendu, nous continuons nos discussions pour la poursuite de notre collaboration sur de nouvelles bases",
* par lettre du 21 juillet 2000, la SA Tezier fait parvenir à la SA Au Sol d'Or " les informations concernant le projet Clause/Tezier d'organisation commerciale dans le Quercy pour 2000/2001 ",
* par lettre du 14 mai 2001, la SA Tezier fait parvenir à la SA Au Sol d'Or la proposition d'organisation commerciale Clause/Tezier,
* par lettre du 12 juin 2001, la SA Tezier invite la SA Au Sol d'Or à une convention des ventes France ayant lieu à compter du 12 septembre 2001, mais par lettre du 19 juin suivant, elle lui demande " de ne pas en tenir compte ",
* par lettre du 28 août 2001, la SA Tezier fait parvenir à la SA Au Sol d'Or le "CA réalisé avec le producteurs de plans Fraunié.... etc, destinés à être cultivés dans le Quercy durant la campagne 2000/2001, soit 2 964 KF",
* par lettre du 17 septembre 2001, la SA Au Sol d'Or fait connaitre à la SA Tezier :
- qu'elle n'a "reçu que partiellement les chiffres qu'a réalisé la société Clause dans notre secteur géographique et par segment de marché",
- que "cette situation rend difficile l'évaluation de votre proposition faite le 21 juillet 2000 et renouvelée le 14 mai 2001 avec valeur de contrat pour 2 ans ",
- que, "malgré qu'elle ne représente pas tous vos engagements pris lors de nos rencontres ou conversations", "je vous confirme que la société Au Sol d'Or accepte les propositions dans les termes contenus dans votre courrier du 21 juillet 2000, repris dans votre fax et courrier du 14 mai 2001",
* par lettre du 28 septembre 2001, la SA Au Sol d'Or s'étonne auprès de la SA Tezier de ne pas recevoir de réponse à sa lettre du 17 septembre, demande de lui faire parvenir " sans plus tarder les supports commerciaux nécessaires à la prise de commandes chez nos clients " et menace, " sans nouvelle rapide de votre part ", de saisir " la juridiction compétente afin de faire réparer le préjudice occasionné par votre attitude ",
* par lettre du 2 octobre 2001, la SA Tezier répond à la SA Au Sol d'Or que:
- le document auquel la SA Au Sol d'Or fait référence "est une base de travail pour supporter nos réflexions à un moment donné, et ne peut certainement pas être considéré comme un contrat",
- la transmission du document le 14 mai 2001, qui est une copie de celui du 21 juillet 2000, est intervenue suite à la demande de la SA Au Sol d'Or qui l'avait perdu,
- rappelle que la SA Au Sol d'Or n'a pas répondu, avant les 17 et 28 septembre 2001, au " courrier initial du 21/07/2000 " et que "l'absence d'évolution dans les négociations depuis le 21/07/2000 est donc due à votre fait".
2) L'imputabilité de la rupture des négociations
La SA Au Sol d'Or soutient que c'est la SA Tezier qui a abusivement mis fin aux négociations.
Il apparaît, de l'échange de lettres susvisé, au contraire, qu'il n'y a eu aucune négociation, puisque la SA Au Sol d'Or n'a pas répondu, avant septembre 2001, à la lettre de la SA Tezier du 21 juillet 2000 lui faisant part du projet de réorganisation commerciale (projet réexpédié le 14 mai 2001 car la SA Au Sol d'Or l'a perdu...), et alors même que :
- cette lettre du 21 juillet 2000 l'invitait à " me contacter pour toute information complémentaire " ainsi qu'à " m'indiquer votre position sur cette question ",
- "la pérennité" de son entreprise était en jeu,
- les nouvelles propositions de la SA Tezier " dénaturaient " les relations contractuelles antérieures (ses conclusions page 9).
Il résulte de la lettre du 21 juillet 2000 que le "projet" n'était qu'un... "projet", c'est-à-dire destiné à la discussion, et ne devant être entériné tel quel en l'absence de négociation, si bien que la SA Au Sol d'Or ne pouvait le considérer, faute d'avoir été "retiré" par la SA Tezier, comme une disposition contractuelle définitive.
Le fait pour la SA Au Sol d'Or d'avoir été convoquée par erreur à une convention des ventes par la SA Tezier ne peut pas, à lui seul et sans être corroboré par aucun documente établir la preuve de l'existence de ces négociations, étant relevé que les témoins Petit et Jurado, qui attestent que des représentants de la SA Tezier se sont rendus "en 2000 et 2001" au siège de la SA Au Sol d'Or, ne donnent aucune précision sur les dates ni sur les raisons de ces rencontres.
Si le 17 septembre 2001, la SA Au Sol d'Or s'est plainte auprès de la SA Tezier de n'avoir pas reçu les chiffres réalisés par la société Clause dans son secteur géographique, il ne résulte aucunement des correspondances échangées (y compris du "projet" du 21 juillet 2000), ni que ces chiffres lui étaient dus, ni qu'elle les ait réclamés pendant l'intervalle juillet 2000- septembre 2001.
Faute de réponse par la SA Au Sol d'Or pendant plus d'une année, la SA Tezier pouvait donc considérer à juste titre que "l'absence d'évolution dans les négociations depuis le 21/07/2000 est donc due à votre fait", d'autant que le projet contenu dans sa lettre du 21 juillet 2000, concernant "l'organisation commerciale dans le Quercy pour 2000/2001", d'une part (cf plus haut) invitait la SA Au Sol d'Or à la discussion, d'autre part, n'était pas forcément d'actualité lorsque cette dernière a brusquement décidé de l'adopter en septembre 2001, puisque la campagne 2001 était terminée depuis le 30 juin précédent.
La SA Au Sol d'Or ne sera donc pas suivie lorsqu'elle prétend que la SA Tezier a rompu abusivement les négociations pendant la période de préavis, et, qu'ainsi, la rupture des relations contractuelles est imputable à la SA Clause Tezier : c'est elle-même qui est à l'origine de la rupture des négociations,
Le jugement déféré sera, de plus, confirmé en ce qu'il a relevé que les relations entre les parties ont pris fin à la date contractuellement prévue, soit le 30 juin 2002.
II - SUR L'ABUS DE POSITION DOMINANTE
La SA Au Sol d'Or, qui réclame réparation de son préjudice - à déterminer en tant que de besoin par expertise - soutient que la SA Clause Tezier a abusé de sa position dominante sur le marché pour lui imposer de nouvelles relations contractuelles caractérisées par une "volonté délibérée d'étouffement", faits qui justifient le prononcé de la rupture des relations contractuelles aux torts de la SA Clause Tezier.
Elle relate et soutient en effet que :
- les sociétés Clause et Tezier ont, en fusionnant à compter du 1er juillet 2002, cherché à s'approprier l'ensemble de la distribution des semences potagères, florales, et de jeunes plants, par la disparition des distributeurs "points d'appui" dont elles ont capté l'intégralité de leur clientèle,
- dans cette optique, l'erreur de convocation à la convention des ventes France s'explique par sa mise à l'écart par la SA Tezier,
- il résulte de l'examen des nouveaux contrats signés avec les distributeurs exclusifs, que la SA Tezier leur a imposé des conditions nouvelles ne présentant aucun caractère unitaire, contrairement à ce que prétend l'appelante,
- les nouvelles propositions qui lui ont été faites par la SA Tezier pendant le préavis, dénaturaient les relations contractuelles antérieures sur l'organisation commerciale, puisque la SA Tezier assurait la livraison et facturation directement à une partie de sa clientèle dont elle était désormais privée,
- cette volonté d' " étouffement " de la SA Au Sol d'Or se caractérise notamment par le fait qu'elle n'a pas reçu les catalogues Clause Tezier pour les années 2000 à 2002, mais seulement les catalogues Tezier contenant des produits totalement obsolètes la comparaison des catalogues 2000-2001 des catalogues Clause et Tezier montre en effet que le catalogue Tezier n'a été maintenu que de manière totalement artificielle, l'exploitation véritablement efficace ne pouvant se faire qu'avec les produits Clause. Les produits Tezier vont en effet disparaître des variétés conseillées pour devenir des variétés tolérées, et devenir pratiquement inexistantes au niveau des variétés nouvelles,
- la SA Clause Tezier a directement fourni auprès des clients de la SA Au Sol d'Or des produits avec les tarifs préférentiels dont elle-même bénéficiait en qualité de "point d'appui",
- alors qu'elle-même avait, antérieurement à la fusion entre Clause et Tezier, développé son activité dans le domaine de la semence de melon, qui lui procurait 80 % de son chiffre d'affaires, la SA Clause Tezier a ainsi entrepris de capter cette clientèle.
1- Le nouveau réseau de distribution et la captation de la clientèle
A) Le "projet" du 21 juillet 2000 (qui est le seul document écrit sur lequel la SA Au Sol d'Or fonde ses prétentions sur ce point), prévoit bien que Clause/Tezier livreront et factureront directement, et assureront le suivi commercial directement d'une partie des "Producteurs Leaders Spécialisés, dont les Producteurs de Plants", savoir "Les producteurs de Plants Fraunie et Europlant SA, Capel, Boyer Production, Boyer SA/Martin, Verdier/Millet, Champier", ainsi que des revendeurs, alors que, dans le contrat du 5 août 1987, la SA Au Sol d'Or disposait de l'exclusivité de la distribution des produits de la SA Tezier sur le domaine géographique précisé.
La cour relève cependant que :
- il ne s'agit que "d'une partie", et non de la totalité des producteurs et revendeurs : le "projet" prévoit en effet et encore que la SA Au Sol d'Or " assurera le suivi commercial des autres Producteurs Leaders Spécialisés et autres Producteurs " et que "les Structures ou Groupements non encore cités seront travaillés par Au Sol d'Or, comme Plantavergne, Rouquette, Sofruitex, Mourgue, Les Jardins de la française... ",
- le "projet" prévoit encore une rétrocession par la SA Clause Tezier des commissions, soit 15 % sur les ventes réalisées avec " Les producteurs de Plants Fraunie et Europlant SA " et 7,5 % sur les gammes réalisées avec les Revendeurs,
- comme le dossier ne contient aucun élément (et les conclusions non plus) sur la part de ces "Producteurs Leaders Spécialisés et autres Producteurs", non plus que de celle des "Structures ou Groupements" susvisés, dans le chiffre d'affaires de la SA Au Sol d'Or, il n'est pas possible de vérifier les affirmations de cette dernière selon lesquelles la SA Tezier tenterait de s'approprier (ou se serait approprie) la totalité (ou l'essentiel) de sa clientèle.
B) Les propositions de nouveaux contrats - produites par la SA Au Sol d'Or - faites par la SA Clause Tezier aux établissements Prioron-SEM et Boyer-Zimmer (à supposer qu'elles aient été adoptées telles qu'elles par ces derniers) prévoient effectivement des dispositions différentes pour l'un et l'autre de ces établissements, et qui diffèrent également du contrat du 5 août 1987, savoir :
- un taux unique de commissions (15 %) pour Prioron-SEM, avec représentation des marques Clause et Tezier auprès des Leaders Spécialisés pour le marché de frais (mais Clause et Tezier livrent et facturent), et distribution des marques Clause et Tezier pour les autres producteurs de légumes,
- des taux différents de commissions pour Boyer-Zimmer 10 % (versée par la SA Clause) pour le suivi commercial des Producteurs de Plants, 5 % (versée par la SA Clause) pour le suivi des Revendeurs, 17,5 % pour le suivi des Producteurs de Légumes, avec livraison et facturation, pour certains produits, par la SA Clause, par Boyer-Zimmer pour une autre partie des produits,
- il en est de même (taux de commissions différents, facturation directe avec certains clients) dans les "lettres d'intention" adressées par la SA Tezier aux établissements Apromar et Grainor en octobre-novembre 1999.
La cour relève que :
- d'une part, et contrairement à ce que prétend la SA Au Sol d'Or, la SA Clause Tezier ne conteste pas ces modifications différentes selon les signataires des nouveaux contrats, et, en l'absence de toute infraction prouvée aux dispositions sur la vente, rien n'interdit à une entreprise de modifier ses relations de vente avec ses anciens partenaires, pour peu qu'ils soient d'accord,
- d'autre part, la SA Clause Tezier soutient de manière parfaitement plausible (et aucun élément du dossier ne vient la contredire) qu'elle avait décidé de livrer et facturer directement aux "Producteurs Leaders Spécialisés", car ces derniers connaissent un développement national, voire même international, nécessitant un interlocuteur unique,
- enfin, ce changement des relations commerciales avec les anciens partenaires des "points d'appui" avait été porté à la connaissance de la SA Au Sol d'Or, changement qui l'avait (rappel) laissé sans réaction (au moins écrite envers la SA Tezier) pendant plus d'une année ;
2- Sur les conditions discriminatoires
La SA Clause Tezier ne conteste pas dans ses écritures (cf pages 13 et 14) qu'elle n'a pas pu faire bénéficier la SA Au Sol d'Or de l'intégralité de la gamme de produits Clause/Tezier, mais elle explique valablement qu'elle ne pouvait pas le faire puisque :
- la livraison de l'intégralité de la gamme Clause/Tezier trouvait avec les "nouveaux contractants" sa contrepartie dans l'abandon par eux de leur acceptation de ne plus livrer une partie de leurs clients (savoir certains "Producteurs Leaders Spécialisés"),
- la SA Au Sol d'Or n'ayant pas signé le nouveau contrat de distribution, la faire bénéficier de l'intégralité de cette gamme l'aurait exposée à commettre des pratiques discriminatoires au préjudice des "nouveaux contractants".
Dans ces conditions, il appartient à la cour de vérifier si, comme elle le prétend d'ailleurs, la SA Clause Tezier a respecté les clauses et conditions du contrat de distribution du 5 août 1987, avec la SA Au Sol d'Or, pendant la durée du préavis.
Sur ce point, la cour relève et considère que :
- la SA Au Sol d'Or ne prétend ni ne justifie que, pendant cette période juin 2000-juin 2002, elle s'est plainte envers la SA Tezier de ce que les semences fournies par elle n'étaient pas ou peu "efficaces", ou de quelque manquement contractuel que ce soit,
- la SA Tezier justifie à son dossier de plusieurs rencontres avec la SA Au Sol d'Or pour préparer les campagnes: une lettre du 31 octobre 2000 fait référence à une réunion tenue pour la saison 2000-2001, pendant laquelle il a été déterminé les " performances à atteindre en Melons " une lettre de la SA Tezier en date du 13 décembre 2000 fait parvenir à la SA Au Sol d'Or "les conditions particulières 2000/2001 Plants Amateurs", une lettre de la SA Tezier invite la SA Au Sol d'Or à une réunion de lancement de campagne, pour le 4 décembre 2001, deux lettres de la SA Tezier font référence à une rencontre du 6 décembre 2001, au cours de laquelle il a été évoqué, notamment " la présentation des Nouveautés Melon, des Chicorées Milady et Kalinka " ainsi qu'un argumentaire pour la campagne 2001/2002".
De même, la SA Tezier a fait parvenir à la SA Au Sol d'Or plusieurs documentations en décembre 2001 (calendriers de plantation de différents légumes).
En l'état de ces réunions et documentations diverses, la SA Au Sol d'Or ne justifie aucunement que la SA Tezier n'aurait pas respecté le contrat sur l'assistance technique et la coopération commerciale.
- pour ce qui concerne les semences de melon, qui est (selon elle) l'activité principale de la SA Au Sol d'Or, les références Tezier, qui, (selon elle), sont les plus importantes (savoir : Amigo F1, Manta F1, Nogaro F1, Buffalo F1, Camaro F1 et Ontario F1) contenues dans le catalogue 1998-1999 (époque où le contrat entre les deux parties n'avait pas été résilié), se retrouvent dans les catalogues Tezier pendant la période de préavis, c'est-à-dire :
- dans le catalogue 2000,
- dans le catalogue 2000-2001 (sauf Buffalo et Camaro),
- dans le catalogue 2002.
Il n'apparaît donc pas, contrairement à ce que prétend la SA Au Sol d'Or dans ses écritures, que la SA Tezier n'aurait pas assuré la continuité de ses ventes de semences (au moins de melons), pendant la période de préavis.
- il a déjà été vu (cf plus haut) que la SA Au Sol d'Or, qui n'a pas signé le "nouveau contrat" qui lui était proposé, ne peut reprocher à la SA Clause Tezier de ne pas avoir fait bénéficier de l'ensemble de la gamme Clause/Tezier. En conséquence, la prépondérance des semences Clause par rapport aux semences Tezier dans les catalogues 2002 (à supposer qu'elle existe, les documents produits ne permettent pas à la cour de se faire une opinion à ce sujet) ne peut être invoquée par la SA Au Sol d'Or pour prétendre que la SA Tezier n'aurait pas respecté le contrat du 5 août 1987,
- de plus, ainsi que le fait valoir la SA Tezier, pendant la période du préavis, elle a continué les recherches en matière de semences de melon : elle justifie avoir déposé en janvier plusieurs variétés de semences de melon (Yucatan, Solara, Temuco, etc...), et il est vrai que, dans les catalogues 2001-2002 et 2002, les SA Clause et Tezier proposent à la vente de tous les distributeurs (avec celles énumérées plus haut) plusieurs variétés de melons,
- pour ce qui concerne les difficultés de la SA Au Sol d'Or avec la société Millet Diffusion Semences (DMS), l'intimée fait valoir que DMS, informée des tarifs " préférentiels " pratiqués directement par la SA Tezier, revendique l'application de ces tarifs dans ses relations avec la SA Au Sol d'Or et pour des livraisons effectuées par cette dernière.
La lecture des conclusions de la SARL DMS prises devant le Tribunal de commerce de Toulouse produites par la SA Au Sol d'Or (le dossier ne contient pas la copie du jugement rendu par la juridiction) montre qu'en fait, le litige vient de ce que cette dernière a facturé ses livraisons à la SARL DMS selon le tarif "grand public", alors que la SARL DMS prétend bénéficier du tarif " revendeurs " publié par la SA Clause Tezier.
Ce litige, qui porte donc uniquement sur la détermination de la qualité de " revendeurs " ou de "grand public" de la SARL DMS, ne caractérise aucune mauvaise foi de la SA Clause Tezier,
- la SA Au Sol d'Or qui prétend que la SA Tezier pratiquerait plusieurs tarifs, l'un qui lui est spécialement destiné, l'autre destiné aux autres distributeurs, ne le justifie pas.
Il apparaît donc que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la SA Au Sol d'Or ne justifie aucunement que, pendant la période de préavis, la SA Tezier l'a soumise à des conditions discriminatoires par rapport aux autres distributeurs, autres que celles justifiées par l'absence de signature du "nouveau contrat" par la SA Au Sol d'Or, ni qu'elle n'a pas respecté les dispositions contractuelles encore en vigueur jusqu'au 30 juin 2002.
Par réformation du jugement déféré sur ce point, en l'absence de faute prouvée de l'appelante, la SA Au Sol d'Or sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
III - SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU NCPC ET LES DEPENS
La SA Au Sol d'Or, qui est déboutée de l'essentiel de ses prétentions, le sera également de sa demande par application de l'article 700 du NCPC, de même qu'elle devra supporter l'intégralité des dépens de première instance et d'appel.
Le seul rejet de l'argumentation d'une partie ne suffit pas à faire qualifier son action ou sa résistance d'abusive, en sorte que la SA Clause Tezier sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, d'autant qu'elle ne justifie ni de la réalité, ni du montant du préjudice causé par la présente instance.
De plus, compte tenu des déclarations qui précèdent, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA Clause Tezier l'intégralité des frais irrépétibles de procédure exposés par elle ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique, et contradictoirement, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare l'appel recevable en la forme, Au fond, Confirme le jugement rendu le 23 novembre 2005 par le Tribunal de commerce de Romans, en ce qu'il a : - dit que les relations contractuelles entre les parties ont pris fin le 30 juin 2002, - dit que le contrat de distribution du 5 août 1987 a été régulièrement dénoncé par la SA Tezier. Réforme le dit jugement pour le surplus, Statuant à nouveau, Y rajoutant, Dit que la rupture des négociations pendant le préavis contractuel est imputable à la SA Au Sol d'Or, Dit que la SA Au Sol d'Or ne justifie d'aucun abus de position dominante de la part de la SA Clause Tezier ni d'une absence d'exécution du contrat du 5 août 1987 pendant la période de préavis, Déboute la SA Au Sol d'Or de toutes ses demandes, Déboute la SA Clause Tezier de sa demande de dommages et intérêts pour action abusive, et de celle par application de l'article 700 du NCPC, Condamne la SA Au Sol d'Or à payer l'intégralité des dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP Grimaud, avoué, qui pourra recourir aux dispositions de l'article 699 du NCPC.