CA Lyon, 3e ch. civ. A, 30 avril 2008, n° 07-02438
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
TMG Impianti (Sté)
Défendeur :
AD Pack (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvet
Conseillers :
M. Santelli, Mme Clozel-Truche
Avoués :
SCP Baufumé-Sourbe, SCP Laffly-Wicky
Avocats :
Me Bonsirven, SCP Lamy & Associés
Faits, procédure et prétentions des parties
La société TMG Impianti est spécialisée dans la fabrication de machines à palettisation et opérait la commercialisation de ses produits sur le territoire français par l'intermédiaire de la société AD Pack.
Invoquant le bénéfice d'un contrat d'agence commerciale et la rupture de celui-ci le 23 décembre 2003 par la société TMG Impianti, la société AD Pack lui a donné assignation le 18 juillet 2005 devant le Tribunal de commerce de Lyon pour obtenir le paiement de commissions et de dommages-intérêts et, par jugement en date du 12 mars 2007, la société citée a été condamnée au paiement de la somme de 20 400 euro à titre de commissions par application des dispositions de l'article L. 134-7 du Code de commerce, de la somme de 24 102 euro en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, outre capitalisation, et de celle de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 12 avril 2007, la société TMG Impianti a relevé appel de cette décision.
Elle expose qu'au mois de mai 1997, elle a confié à la société AD Pack le soin de trouver des clients intéressés par sa production, qu'elle s'est rendu compte en 2002, et encore plus en 2003, d'une baisse très sensible de ses ventes en France, que la société intimée a refusé de répondre à toutes ses demandes d'explications et qu'elle a pris acte, le 2 juin 2004, de la rupture du contrat au motif qu'une autre société - la société Ribox - contactait directement ses clients.
La société TMG Impianti fait valoir que la société AD Pack est prescrite en sa demande de paiement de l'indemnité de l'article L. 134-12 du Code de commerce, celle-ci n'ayant pas été faite directement par elle mais par son conseil et conteste sa qualité d'agent commercial dès lors qu'elle n'exerçait pas ses fonctions à titre permanent, le montant des commissions qu'elle percevait représentant moins de 20 % de son chiffre d'affaires.
Elle prétend que la société AD Pack n'est intervenue que comme signaleur ou apporteur d'affaires mais qu'elle n'a jamais tenu un rôle de négociateur pour conclure des ventes.
A titre subsidiaire elle soutient :
- qu'elle n'a jamais confié à la société Ribox le soin de vendre ses produits, cette dernière intervenant en tant que distributeur et non d'agent commercial,
- qu'elle ne peut se fonder sur les dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce, tout contrat étant incessible sauf clause contraire et nécessitant l'accord du mandant: elle ne peut invoquer une perte de ce chef,
- que l'opération commerciale avec la société Ribox est une vente et ne peut entrer dans le calcul de l'indemnité, une partie de la facture étant au surplus postérieure à la résiliation,
- qu'elle ne peut prétendre à une indemnité compte tenu de ses graves manquements: elle a représenté deux sociétés concurrentes et n'a cessé d'augmenter les offres de prix à la clientèle pour faire progresser ses commissions.
La société TMG Impianti conclut à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes de la société AD Pack et à sa condamnation au paiement de la somme de 113 009 euro au titre de la concurrence déloyale qu'elle a exercée, de celle de 831 137 euro au titre du manque à gagner sur les marchés non réalisés du fait de l'augmentation des prix appliqués aux tarifs de vente, de celle de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts et de celle de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société AD Pack réplique que le droit à l'indemnité de fin de contrat, qui peut être demandée par le conseil de l'agent commercial, n'est pas prescrite puisque la rupture du contrat est intervenue le 23 décembre 2003 et que dès le 2 juin 2004 a été notifiée à la société TMG Impianti sa volonté de faire valoir ses droits à indemnité.
Elle revendique la qualité d'agent commercial dès lors qu'elle représentait en exclusivité la société TMG Impianti, sur un secteur déterminé, moyennant des commissions fixées par le mandant, qu'elle avait une mission de négociation et qu'elle lui transmettait les demandes des clients.
La société AD Pack ajoute que les commissions représentaient 55 % de la marge de la société et qu'en tout état de cause, le caractère accessoire de l'activité n'empêche nullement l'application du statut des agents commerciaux, dans la mesure où elle n'y a pas renoncé par écrit et où cette activité s'exerce de façon permanente.
Sur les commissions, elle demande la confirmation du jugement pour le paiement de la somme de 20 400 euro au titre de la vente du 25 mars 2004 avec la société Rhône-Alpes Sacs qui était son client et qui l'avait contactée dès décembre 2003.
Sur la rupture, la société AD Pack estime que c'est la société TMG Impianti qui en a pris l'initiative dans sa télécopie du 23 décembre 2003, que celle-ci a abandonné en cause d'appel l'argument relatif à la faute grave et que l'indemnité compensatrice de l'article L. 134-12 du Code de commerce est due à hauteur de deux années de commissions (50 092,38 euro), eu égard à l'ancienneté de la relation (13 ans) et du montant des commissions.
Elle sollicite également une indemnité de réemploi de 8 014,78 euro, une indemnité au titre du non-respect du terme du contrat d'un an renouvelable (12 523,08 euro), la somme de 30 000 euro pour non-respect de son obligation d'exclusivité et la somme de 10 000 euro pour les conditions vexatoires de la rupture.
La société AD Pack s'oppose à la demande reconventionnelle de la société TMG Impianti, faisant valoir que celle-ci n'ignorait pas qu'elle agissait pour la société Italproject qui fabrique du matériel non concurrent et contestant avoir augmenté les prix des offres faites à certains clients ainsi que d'avoir été à l'origine de la baisse du chiffre d'affaires.
Elle fixe à 6 000 euro sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2008.
Motifs de la décision
Attendu sur la qualification du contrat, qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de producteurs ou d'industriels ;
Attendu en l'espèce, que par courrier en date du 5 mai 1997, la société TMG Impianti rappelait à la société AD Pack le contenu de leur entretien du 10 mars 1997 aux termes duquel il avait été arrêté que la société représentée avec exclusivité est la société TMG Impianti, pour une année renouvelable tacitement, que le territoire français était partagé en deux secteurs pour être confié à des membres de la société AD Pack et que le montant des commissions était fixé à 10 % sauf exceptions mentionnées ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation de l'expert-comptable de la société TMG Impianti, qui qualifie la société AD Pack d'agent commercial, que cette société a transmis 30 devis en 2001, 23 en 2002 et 17 en 2003, sur la base des contacts avec les clients ;
Qu'il est constant qu'elle a négocié et réalisé des ventes, qu'elle a perçu plus de 72 000 euro de commissions du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, qu'elle a représenté la société TMG Impianti à l'occasion de plusieurs foires ou expositions, que cette société intitulait encore, le 24 mars 2003, une proposition d'extension ou de modification de leurs relations commerciales "accord commercial de vente en France" et qu'elle mentionnait, dans un document professionnel, qu'elle était représentée par la société intimée ;
Que la société TMG Impianti ne justifie par aucun élément - que ne peut constituer le nombre de ventes réalisées au cours des trois dernières années eu égard au prix des machines vendues - que la société AD Pack n'exerçait pas son mandat de façon permanente alors qu'il importe peu que cette activité ait eu éventuellement un caractère secondaire ;
Attendu que la société AD Pack démontre qu'elle exerçait l'activité d'agent commercial à titre de profession habituelle - ce que la société TMG Impianti, qui participait à son capital social, ne pouvait ignorer - et que les parties sont soumises aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 134-3 du Code de commerce, l'agent commercial ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de l'un de ces mandants sans accord de ce dernier ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation de Monsieur Rizzi, que la société AD Pack représentait, au mois de mars 2003, la société Umbra Packaging et que le 27 février 2003, l'intimée proposait à la société Savoie Pan, l'installation d'une palettisation d'occasion révisée et partiellement neuve ;
Mais attendu que par courrier du 15 avril 2003, la société TMG Impianti s'est plaint de la perte de deux commandes dont celle concernant la société Savoie Pan, la société intimée indiquant alors à la société AD Pack que "le client avait acheté une machine Umbra Packaging, société que vous représentez" ;
Que le 24 juillet 2003, la société AD Pack a reproché à son mandant d'être revenu sur ses accords antérieurs et de lui avoir interdit de travailler désormais avec les sociétés Italproject et TMG Iberica ;
Attendu que la lettre de rupture ne fait pas état de ces faits connus de la société TMG Impianti depuis plusieurs mois et que dès lors elle ne les a pas considérés comme pouvant constituer une faute grave ;
Attendu que les conditions de collaboration entre les parties se sont dégradées à compter du mois de mai 2003, chacune des sociétés s'inquiétant de la volonté de collaboration de l'autre (courriers électroniques du 4 et 27 juin, 15, 17 et 28 juillet 2003 de la société TMG Impianti, lettre du 24 juillet 2003 de la société AD Pack et que par courrier électronique du 23 décembre 2003, la société TMG Impianti a fait connaître à son mandataire que compte tenu de la faiblesse de son activité au niveau vente et de son manque de réponse et communication à ses demandes, elle mettait fin à sa collaboration avec lui et qu'elle autorisait la société TOSA France à proposer ses machines en France ;
Attendu que la société AD Pack a fait parvenir à la société TMG Impianti cinq demandes de devis pour des clients (sociétés Eliokem, Samin, LBM, Continental, Nutrition, Calcialiment) de mars à décembre 2003 et a renseigné son mandant sur l'état des négociations d'affaires avec onze clients (courrier électronique du 27 mai 2003) ;
Qu'elle a participé à deux salons professionnels au cours des mois de septembre et octobre 2003 ;
Mais attendu sur l'augmentation des prix des machines proposées aux clients par la société AD Pack, qu'il résulte de courriers électroniques produits que le 13 mars 2003, la société TMG Impianti a fait connaître que pour le client Pet Food Plus le prix proposé était de 245 000 euro, le coût pour le montage de 12 500 euro et la commission pour le mandataire de 10 % ;
Que le 17 mars 2003, la Sté AD Pack proposait à la société TMG Impianti deux solutions de vente, une au prix de 277 210 euro avec un prix net pour la société TMG Impianti (commission de 20 % déduite) de 221 768 euro et l'autre au prix de 245 000 euro avec un prix net pour la société TMG Impianti (commission de 10 % déduite) de 220 500 euro, ce qui entraînait une remise de la société AD Pack de 56 % (30 942 euro) et de la part de la société TMG Impianti, de 0,5 % (1 268 euro) ;
Qu'enfin, le même jour, la société TMG Impianti indiquait à la société AD Pack que si elle pensait que le prix de 277 000 euro était déjà compétitif, elle lui laissait la décision pour la remise au client, tout en relevant que ce n'était pas tous les jours que l'on trouve des occasions de ce genre et qu'il serait sage que le proposition de 245 000 euro lui convienne ;
Que la vente ne s'est pas concrétisée ;
Attendu que la société TMG Impianti était informée des différentes propositions de prix et qu'elle ne s'est pas opposée à la solution préconisée par la mandataire, étant précisé que le contrat du 5 mai 1997 prévoit un taux de commission de 15 % ;
Attendu pour la vente à la société Eliokem, que la société TMG Impianti a fait parvenir le 2 avril 2003, une proposition pour un dépalettiseur avec deux solutions de prix, 122 847 euro et 5 692 euro pour deux bandes glissantes soit 128 539 euro d'une part et 121 847 euro et 2 846 euro pour une bande transporteuse d'autre part, avec une protection classe Atex d'un prix de 31 000 euro pour chaque solution ;
Que le coût de l'installation et de l'essai de la machine était facturé à la somme de 14 500 euro ;
Attendu que la société AD Pack a communiqué au client le 15 avril 2003 une offre au prix de 138 750 euro pour la machine, une bande transporteuse au prix de 7 375 euro soit un total de 146 125 euro, avec la protection classe Atex pour 31 000 euro et les frais de mise en service de 19 500 euro ;
Que cette proposition, dont il n'est pas établi qu'elle ait été portée à la connaissance de la société TMG Impianti, entraîne pour le client un surcoût de 22 586 euro, que la société AD Pack ne justifie pas ;
Que la vente ne s'est pas réalisée ;
Attendu que tant la proposition à la société Pet Food Plus que celle à la société Eliokem fait ressortir que la société AD Pack a privilégié ses propres intérêts financiers plutôt que l'intérêt commun du mandant et du mandataire ;
Que compte tenu de la concurrence existant dans ce domaine, du fait que la société AD Pack n'a réalisé que trois ventes en trois années alors que les ventes de la société TMG Impianti ont chuté en France et ont augmenté fortement par exemple en Belgique notamment en 2003, qu'eu égard à l'augmentation du chiffre d'affaires global de la société intimée en 2002 et 2003, il apparaît que le comportement de la société AD Pack a contribué à la stagnation des ventes sur le territoire français ;
Que ce comportement - qui ne peut s'expliquer par l'intervention postérieure de la société Ribox en qualité de distributeur sur le territoire français - constitue une attitude déloyale vis-à-vis de son mandant et une faute grave privative de l'indemnité visée à l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Attendu que le jugement est réformé de ce chef et que la demande relative au non-respect du terme du préavis, celle de dommages-intérêts pour rupture vexatoire et celle au titre de l'indemnité de réemploi, sont rejetées, la rupture étant imputable à la société AD Pack ;
Attendu sur la demande de paiement de commissions, que la société AD Pack bénéficiait de l'exclusivité de la vente des machines de la société TMG Impianti sur le territoire français et qu'en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce, l'agent commercial a droit à la commission pour toute opération commerciale conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat et lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat ;
Attendu que trois mois après la cessation du contrat, la société Rhône-Alpes Sacs a passé commande le 25 mars 2004, d'une installation de palettisation à la société TMG Impianti par l'intermédiaire de la société Ribox, peu important que cette société soit intervenue plutôt en qualité de distributeur qu'en qualité d'agent, alors qu'il résulte du courrier électronique du 19 décembre 2003, que la société Rhône Alpes Sacs - déjà cliente de l'intimée en 2001 - avait saisi la société AD Pack d'une demande d'achat de cette installation ;
Que la commission sur cette vente est due à la société AD Pack et que le jugement est confirmé pour lui avoir alloué la somme de 20 400 euro de ce chef ;
Que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
Attendu que la société AD Pack ne démontre pas - en dehors de la perte de commission dans l'affaire Rhône-Alpes Sacs - le préjudice causé par l'intervention de la société Ribox à la fin de l'année 2003 sur le territoire français et que sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause d'exclusivité est écartée ;
Attendu sur l'appel incident de la société TMG Impianti, que sa demande au titre de la concurrence déloyale est rejetée, dès lors qu'elle a accepté ou toléré que la société AD Pack représente une ou des sociétés concurrentes ;
Que sur le manque à gagner allégué par la société appelante - qui ne justifie pas de ses ventes en France depuis 2004 - qu'il convient de retenir d'une part que la société AD Pack n'était tenue à aucun objectif de vente, d'autre part qu'il n'est pas établi que la vente à la société Eliokem ait échoué uniquement du fait de la proposition de prix formulée par l'agent et qu'enfin, la société TMG Impianti ne démontre pas que l'augmentation du chiffre d'affaires de la société AD Pack en 2002 et 2003 ait été réalisée au détriment de ses produits ;
Attendu que les demandes reconventionnelles de la société TMG Impianti sont rejetées et que le jugement est confirmé de ce chef ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à la société AD Pack, en cause d'appel, la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel comme régulier en la forme, Infirme le jugement uniquement en ce qu'il a condamné la société TMG Impianti à payer à la société AD Pack la somme de 24 102 euro en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, Statuant à nouveau sur ce seul chef, déboute la société AD Pack de cette demande, Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant, Dit que la somme de 20 400 euro portera intérêt au taux légal à compter du 2 juin 2004 et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société TMG Impianti à payer à la société AD Pack la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les autres demandes, Condamne la société TMG Impianti aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.