CA Rouen, 2e ch., 11 décembre 2008, n° 08-04226
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Groupe Volkswagen France (SA)
Défendeur :
Diesbecq (ès qual.), Vernon Automobiles (Sté), Etablissements Picard (Sté), Etablissements Le Troadec (SA), Desormeaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bartholin
Conseillers :
M. Lottin, Mme Vinot
Avocats :
Me Debré, Selas Vogel & Vogel
Exposé du litige
Maître Diesbecq agissant ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Vernon Automobiles, Garage Picard, Etablissements Le Troadec et Nadefi et Monsieur Desormeaux agissant à titre personnel en qualité d'ancien dirigeant de ces sociétés ont fait assigner la société Volkswagen France devant le Tribunal de commerce d'Evreux par acte du 30 juillet 2007 aux fins de la voir condamner à leur payer un certain nombre de sommes à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que les contrats de concession dont était titulaire chaque société avaient été résiliés de manière abusive par elle, résiliation qui était la cause de la liquidation judiciaire ultérieurement ouverte.
La société Groupe Volkswagen France a conclu à titre principal à l'incompétence du Tribunal de commerce d'Evreux au profit du Tribunal de grande instance de Paris, faisant valoir l'existence d'une clause attributive de compétence.
Par jugement du 24 juillet 2008, le Tribunal de commerce d'Evreux a débouté la société Volkswagen France de son exception d'incompétence, s'est déclaré compétent et a condamné la société Volkswagen aux dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que le fait dommageable résultant de la rupture des relations contractuelles était constitué par l'ouverture de la procédure collective.
La société Groupe Volkswagen France a formé contredit à l'encontre de ce jugement en exposant que les contrats de concession conclus avec les sociétés Vernon Automobiles, Etablissements Le Troadec et Garage Picard contenaient une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de grande instance de Paris dont la validité et l'opposabilité ne pouvaient être remises en cause, qu'à la suite de la résiliation des contrats notifiée le 14 novembre 2000 pour le 14 novembre 2002, toutes les parties avaient signé une transaction comportant également une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de grande instance de Paris, que l'action engagée est clairement de nature contractuelle, que le fait que les différentes sociétés aient été mises en liquidation judiciaire cinq ans avant la résiliation du contrat et que l'action soit engagée par le liquidateur est sans influence sur la compétence du tribunal et que la présence de Monsieur Desormeaux à l'instance est sans influence sur les règles de compétence.
Elle sollicite en conséquence qu'il soit jugé que le tribunal de commerce est incompétent pour connaître de l'action introduite par Maître Diesbecq ès qualités, au renvoi de l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Paris et à la condamnation solidaire de Maître Diesbecq ès qualités et de Monsieur Desormeaux à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Les sociétés Vernon Automobiles, Etablissements Picard, Etablissements Le Troadec et Nadefi représentées par Maître Diesbecq ès qualités de liquidateur judiciaire et Monsieur Desormeaux concluent au débouté de toutes les demandes de la société Volkswagen France et à la condamnation de cette dernière à leur payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Ils soutiennent que dégénère en abus le droit de résiliation unilatérale lorsque le contractant qui détient le pouvoir de mettre fin au contrat fait preuve de désinvolture et de versatilité, que tel est bien le cas en l'espèce, que l'action qui va permettre de s'opposer à ces excès relève de la théorie de l'abus de droit qui n'est qu'une application des articles 1382 et 1383 du Code civil, que c'est donc la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle qui est recherchée rendant inopérants les développements concernant les termes du contrat et les clauses attributives de compétence.
Sur ce,
Les contrats de concession conclus entre les sociétés intimées et la société Volkswagen contenaient la clause attributive de compétence suivante :
"En cas de désaccord entre les parties suite à une résiliation prononcée en vertu des articles 19 ou 20 du contrat les parties acceptent un système de règlement rapide du litige par saisine du Tribunal de grande instance de Paris, sans préjudice du droit des parties de saisir le Tribunal de grande instance de Paris selon la procédure ordinaire.
De façon générale, il est attribué compétence exclusive au Tribunal de grande instance de Paris pour tout litige et action concernant l'interprétation, la validité ou l'exécution du présent contrat de concession et ses suites, et ce également en cas d'appel en garantie. "
Le 14 novembre 2000, a été signé entre la société Groupe Volkswagen France, les sociétés Vernon Automobiles, Etablissements Picard, Etablissements Le Troadec et Nadefi et Monsieur Desormeaux un protocole d'accord rappelant la résiliation intervenue et les comptes entre les parties et aux termes duquel l'ensemble des sociétés du groupe Desormeaux et Monsieur Desormeaux renoncent expressément à toutes instances et actions fondées directement ou indirectement sur la conclusion, l'exécution des contrats de concession ou de l'un d'entre eux, de leur résiliation ou des suites de celle-ci, ce protocole contenant la stipulation suivante : "Toute action liée à l'interprétation ou à l'exécution du présent protocole sera soumise à la seule compétence du Tribunal de grande instance de Paris."
Il est constant que la demande de dommages et intérêts dont a été saisi le Tribunal de commerce d'Evreux est fondée sur une contestation de la résiliation des contrats de concession notifiée en novembre 2000 dont il est soutenu qu'elle aurait été abusive comme reposant sur des motifs fallacieux et en outre brutale.
La demande repose donc sur le contrat de concession en ce qu'il fixe à la fois l'étendue des obligations respectives des parties et les modalités de sa résiliation.
La clause attributive de compétence stipulée au protocole d'accord est quant à elle dénuée de toute ambiguïté et les intimés ne s'expliquent d'ailleurs pas sur ce qui s'opposerait à son application en l'état d'une action en résiliation intentée postérieurement à sa conclusion.
L'ouverture d'une procédure de liquidation, très postérieure à la résiliation contestée, ne saurait avoir la moindre incidence sur la compétence dès lors qu'elle n'est en rien invoquée comme un fondement de la demande mais simplement comme l'un des éléments du préjudice allégué en ce qu'elle aurait été provoquée par la résiliation.
En conséquence le contredit sera accueilli.
Il n'y a pas lieu d'allouer de sommes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, Accueille le contredit. Renvoie ce litige au Tribunal de grande instance de Paris. Déboute les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne les sociétés Vernon Automobiles, Etablissements Picard, Etablissements Le Troadec et Nadefi représentées par Maître Diesbecq ès qualités de liquidateur judiciaire et Monsieur Desormeaux à payer les dépens de l'instance du contredit.