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Décisions

CA Agen, ch. civ., 12 mars 2008, n° 07-00393

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Edima (SNC)

Défendeur :

Guinot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Boutie

Conseillers :

Mmes Nolet, Marguery

Avoués :

SCP Tandonnet, SCP Narran

Avocats :

Mes Gombaud, Sollier

TI Figeac, du 9 janv. 2007

9 janvier 2007

Exposé dés faits, procédure et moyens des parties

La SNC Edima propose aux établissements scolaires des pays francophones des conférences et des animations scolaires distribuées sous la marque "Monde et Nature" dont elle est propriétaire.

Elle a signé le 28 avril 2005 avec Jean-Luc Guinot un contrat de concession autorisant celui-ci à exploiter la marque dans le milieu scolaire dans les départements du Lot, Lot et Garonne et Dordogne.

Par courrier du 23 novembre 2005, arguant d'un manque de rentabilité, Jean-Luc Guinot a résilié le contrat qui le liait à la SNC Edima avec un préavis de six mois.

Par acte du 16 mai 2006, il a assigné la SNC Edima en nullité du contrat qui les liait.

Par jugement du 9 janvier 2007, le Tribunal d'instance de Figeac a pour l'essentiel:

- annulé le contrat de concession signé le 28 avril 2005 entre Jean-Luc Guinot et la SNC Edima,

- condamné Jean-Luc Guinot à restituer à la SNC Edima l'ensemble des documents et supports reçus pour l'exercice de délégué régional exploitant la marque "Monde et Nature",

- condamné la SNC Edima à restituer à Jean-Luc Guinot la somme de 5 165,84 euro avec intérêts au taux légal,

- rejeté la demande complémentaire de paiement de Jean-Luc Guinot,

- condamné la SNC Edima à restituer à Jean-Luc Guinot la somme de 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans des conditions de forme et de délais non contestées, la SNC Edima a relevé appel de cette décision le 7 mars 2007.

Aux termes de conclusions en date du 31 octobre 2007, elle demande à la cour d'infirmer la décision déférée et de :

- constater que le contrat a été rompu en raison du comportement de Jean-Luc Guinot,

- condamner Jean-Luc Guinot à restituer les documents et supports reçus pour l'exercice de son activité de délégué régional exploitant la marque "Monde et Nature",

- débouter Jean-Luc Guinot de sa demande de remboursement de prix d'achat du matériel,

- condamner Jean-Luc Guinot à payer à Edima les sommes de :

- 2 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient l'argumentation suivante :

- L'article L. 330-3 du Code de commerce n'est pas applicable car il ne s'agit pas d'un engagement d'exclusivité.

- A supposer qu'il soit applicable, elle a délivré toutes les informations nécessaires à l'intimé.

- Le consentement de Jean-Luc Guinot n'a pas été vicié.

- Le contrat doit cependant être annulé mais, en raison de son inexécution par l'intimé.

- Ce dernier a intenté son action avec la volonté de leur nuire, il doit être condamné à leur verser des dommages et intérêts.

Par conclusions en date du 9 octobre 2007 Jean-Luc Guinot demande à la cour de confirmer la décision des premiers Juges et de condamner la SNC Edima à lui payer :

* 2 016,93 euro au titre du remboursement du matériel de projection,

* 2 500 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose que :

- Il a signé avec l'appelante un contrat d'exclusivité.

- L'information qui lui a été délivrée était incomplète.

- Cette information incomplète constitue une réticence dolosive qui a vicié son consentement.

- La nullité du contrat entraîne la restitution des prestations et le remboursement des biens acquis pour l'exécuter.

- Il n'y a pas d'intention de nuire dans son action, l'appelant n'a pas droit à des dommages et intérêts.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 novembre 2007.

Motifs de la décision

Sur l'application de l'article L. 330-3 du Code de commerce :

Ce texte prévoit que : "toute personne qui met à disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permette de s'engager en connaissance de cause".

L'engagement d'exclusivité :

L'appelante sollicite la réformation du jugement déféré au motif que les prescriptions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ne sont pas applicables au contrat de concession signé avec Jean-Luc Guinot. Il n'y aurait pas eu en effet, selon la SNC Edima, d'engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité souscrit par l'intimé à leur profit.

L'article 4 du contrat liant les parties, intitulé "obligations du délégué régional" stipule : le délégué régional s'engage à exploiter avec diligence la marque Monde et Nature sur le territoire géographique et le secteur d'exploitation concernés et à ne pas exploiter la marque sur d'autres territoires et secteurs que ceux visés à l'article 1. En outre, il s'engage à respecter l'exclusivité conférée aux autres délégués régionaux sur les territoires et les secteurs qui leur sont concédés... Le délégué régional s'engage à n'utiliser à des fins pédagogiques dans les écoles du secteur, que les films... et ne proposer que les cassettes audio, CD, cdrom, livres, documents pédagogiques et supports à l'élaboration des conférences produits par Edima."

Pour retenir la notion d'exclusivité dans l'activité de Jean-Luc Guinot, le premier juge a considéré qu'il résultait du contrat qu'il s'était engagé sur un territoire donné à exploiter les seuls produits de Monde et Nature dans le cadre de son activité de délégué régional de la SNC Edima.

Cette dernière fait observer qu'il n'a pas été exigé de Jean-Luc Guinot qu'il consacre toute son activité professionnelle à la promotion des produits de "Monde et Nature ", aussi longtemps qu'il ne développait pas d'activité concurrente dans le périmètre concédé. Elle souligne que l'intimé avait, lors de la signature du contrat une activité de travailleur indépendant, en qualité d'éducateur sportif et animateur, qu'il a continué à exercer.

Il convient de rappeler cependant qu'il résulte des travaux préparatoires à la loi Doubin du 31 décembre 1989 que l'article L. 330-3 du Code de commerce est destiné à s'appliquer au plus grand nombre de contrats possibles. Dès lors, la notion d'exclusivité doit être examinée non au regard de l'activité globale de Jean-Luc Guinot mais uniquement dans ses rapports avec la SNC Edima. C'est donc à juste titre qu'il a été retenu qu'il y avait eu un engagement de l'intimé à faire usage exclusif des produits Monde et Nature, sur le territoire prévu au contrat. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

L'information délivrée :

Comme en première instance, l'appelante allègue que le document remis à l'issue de l'entretien du 2 mars 2005 avec Jean-Luc Guinot constitue une information suffisante sur la SNC Edima. Elle précise également que l'intimé a été invité à visiter le site Internet de "Monde et Nature".

Le premier juge a fait une description minutieuse et complète des prescriptions du décret du 4 avril 1991 prévoyant en son article premier les informations que le concessionnaire doit fournir avant la signature du contrat à celui qui va s'engager à souscrire un engagement d'exclusivité. C'est avec pertinence qu'il constate que Jean-Luc Guinot n'a reçu aucune information sur les principales étapes de l'évolution de la SNC Edima, les comptes annuels des deux derniers exercices, la présentation du réseau des exploitants et la durée du contrat proposé.

L'existence d'un dol :

Il a été considéré en première instance que l'absence d'information sur l'étendue du réseau ainsi que sur le nombre et les raisons des ruptures ou fins de contrats n'avait pas permis à l'intimé de mesurer véritablement l'engagement qu'il allait souscrire.

L'appelante critique cette analyse en ce que l'existence d'un dol ne peut se déduire de la non-production des éléments exigés par l'article L. 330-3 du Code de commerce, rappelant qu'il doit être démontré que cette carence a vicié le consentement du cocontractant. Elle précise qu'il s'est écoulé cinq mois entre le dépôt de candidature de Jean-Luc Guinot et la signature du contrat, que celui-ci a pu rencontrer un délégué et l'accompagner durant une journée dans des établissements scolaires. D'autre part, lors du congrès organisé par Edima, postérieurement à l'engagement de l'intimé, il a pu prendre connaissance d'autres documents et rencontrer l'ensemble de ses collègues.

Il est constant cependant, que si Jean-Luc Guinot avait pu disposer d'éléments sur l'évolution de la société et le réseau d'exploitants, il aurait pu se rendre compte de la difficulté de la tâche qui l'attendait et de la faible rentabilité de l'activité qu'il devait développer dans un secteur géographique non encore exploité. Par ailleurs, s'il avait pu avoir la liste des délégués régionaux avant la signature du contrat, il aurait pu recueillir une information complète auprès de ceux qui se trouvaient ou s'étaient trouvés dans une situation analogue à la sienne. Ce n'est qu'après les avoir rencontrés lors du congrès fin juin 2005, qu'il a réalisé que le chiffre d'affaire annoncé par la SNC Edima ne pouvait être réalisé sur un secteur vierge.

C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que la non-communication d'information constituait une réticence dolosive ayant vicié le consentement de l'intimé et a annulé le contrat signé le 28 avril 2005. Sa décision sera confirmée sur ce point.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat :

Les parties devant être remises dans la situation antérieure à la signature du contrat, Jean-Luc Guinot devra restituer les documents et supports qui lui avaient été remis pour l'exercice de son activité par la SNC Edima. Cette dernière lui rendra la somme de 5 156,84 euro qu'il lui avait versée suivant la facture du 1er octobre 2005.

C'est à juste titre que Jean-Luc Guinot a été débouté de sa demande de paiement du matériel informatique et de vidéo projection dont il avait fait l'acquisition pour présenter les documents remis par l'appelante. Il n'est en effet nullement démontré que ces investissements aient été nécessaires pour l'exercice de son activité.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Chacune des parties sollicite la condamnation de son adversaire pour procédure abusive en ce qui concerne la SNC Edima et pour résistance abusive en ce qui concerne Jean-Luc Guinot.

Il suffira de rappeler que l'exercice d'une action en justice et de voies de recours constituent un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation qu'en présence d'actes de malice ou de mauvaise foi qui ne sont pas caractérisés en l'espèce. Ces demandes seront donc rejetées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SNC Edima succombant aura la charge des dépens.

L'équité commande de condamner la SNC Edima à verser à Jean-Luc Guinot une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, Condamne la SNC Edima prise en la personne de son représentant légal aux dépens d'appel, Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SNC Edima prise en la personne de son représentant légal à payer une somme de 1 500 euro à Jean-Luc Guinot en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.