Livv
Décisions

Cass. com., 16 décembre 2008, n° 08-13.423

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Concurrence (SA)

Défendeur :

Sony France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Thomas-Raquin, Bénabent, SCP Waquet, Farge, Hazan

Cass. com. n° 08-13.423

16 décembre 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2007), que la société Concurrence, estimant abusive la rupture par la société Sony France (Sony) de leurs relations commerciales et se plaignant de fautes imputables à cette société, l'a assignée à jour fixe afin d'obtenir la poursuite de leurs relations et des mesures d'indemnisation ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Concurrence fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation fondée sur un refus abusif de vente et une rupture abusive des relations contractuelles, alors, selon le moyen : 1°) que le refus de vente animé par une intention de nuire est abusif et caractérise une faute engageant la responsabilité délictuelle de son auteur ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée si un tel abus ne pouvait résulter de la volonté de rétorsion envers la société Concurrence exprimée par la société Sony dans sa décision de mettre un terme à ses relations avec elle en raison des procédures les opposant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'abus dans le refus de vente ne pouvait résulter de la volonté de la société Sony d'empêcher la société Concurrence d'accéder au marché de la distribution de ses produits, ce dont témoignait le refus de livrer les produits dans un entrepôt de la société Concurrence sous la responsabilité de la société Alifax et le refus de communiquer par écrit les informations utiles sur les prix et sur les produits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que si dans un contrat à durée déterminée reconductible tacitement, chaque contractant est libre de dénoncer le contrat à son terme, le refus de renouvellement de ce contrat peut engager la responsabilité de son auteur en cas d'abus ; qu'en affirmant que la pertinence des motifs de la rupture est sans incidence sur sa validité, tout en observant que ne saurait constituer un juste motif le fait pour la société Sony de mettre un terme au contrat la liant à la société Concurrence par mesure de rétorsion ou d'intimidation liée aux actions en justice encore pendantes les opposant, ce dont il résulte que la rupture litigieuse revêtait un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3 du Code civil ; 4°) qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à la conclusion forcée de contrats de vente ; qu'en affirmant qu'il ne peut être fait obligation de contracter avec la société Concurrence, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1142 du Code civil ; 5°) qu'en toute hypothèse, il appartient au juge d'apprécier le mode de réparation adéquate du préjudice subi ; qu'en se bornant à refuser de faire droit à l'exécution en nature, sans accorder une réparation par équivalent en dommages-intérêts, la cour d'appel a méconnu son office en méconnaissance de l'article 4 du Code civil ensemble les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant souverainement estimé que la société Sony était fondée à considérer comme dégradées les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Concurrence, la cour d'appel a pu décider que cette dernière ne justifiait pas du caractère abusif de la rupture desdites relations par la société Sony et a légalement justifié sa décision de rejeter la demande de la société Concurrence tendant à ce qu'il soit fait obligation à la société Sony de contracter directement avec elle ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que depuis la rupture des relations commerciales directes ayant lié les sociétés Concurrence et Sony, cette dernière ne s'est pas opposée aux relations entretenues par la première avec la société Alifax, grossiste de la marque Sony, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu, en dernier lieu, qu'ayant exclu toute faute de la société Sony dans la rupture des relations commerciales, la cour d'appel n'a pas, en rejetant la demande de la société Concurrence tendant à la poursuite de ces relations, méconnu les textes invoqués par les deux dernières branches ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Concurrence fait grief à l'arrêt d'avoir écarté sa demande d'indemnisation fondée sur l'abus de relation de dépendance commis par la société Sony, alors, selon le moyen : 1°) que la relation de dépendance, pour un distributeur, se définit comme la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables ; que la société Concurrence soutenait dans ses conclusions que l'émergence d'un marché propre à l'Internet, modifiant les pratiques d'achat du consommateur en matière de matériel hifi-vidéo et informatique, la plaçait dans une situation de dépendance envers la société Sony, dès lors que les internautes recherchent essentiellement des produits de la marque Sony et qu'il n'est pas possible sur un tel marché de proposer uniquement des produits provenant d'autres marques à l'exclusion des produits Sony ; qu'en ne recherchant pas si la société Concurrence n'était pas en relation de dépendance vis-à-vis de la société Sony sur le marché de la vente en ligne de matériel hifi-vidéo et informatique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2°, b) du Code de commerce ; 2°) que le fait pour un fabricant de refuser de vendre directement à un distributeur ses produits en lui imposant de se fournir auprès d'autres détaillants ces mêmes produits est fautif lorsque ce refus, procédant d'un abus de dépendance, a pour effet de placer ce distributeur dans des conditions juridiques et économiques défavorables par rapport à celles dont bénéficient ses cocontractants ; qu'en se bornant à affirmer que la société Concurrence pouvait s'approvisionner auprès de la société Alifax qui lui rétrocédait les avantages dont elle bénéficiait auprès de la société Sony, sans rechercher si la société Concurrence n'était pas privée d'avantages propres aux revendeurs agréés de la société Sony, de telle sorte qu'elle se voyait imposer par la société Sony, dont elle dépendait, des conditions commerciales injustifiées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2°, b) du Code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'abus de dépendance économique invoqué par la société Concurrence ne saurait résulter de la seule impossibilité alléguée par cette société de s'approvisionner en produits Sony auprès de grossistes dans des conditions identiques à celles qui lui étaient consenties dans le cadre des relations commerciales directes rompues sans faute par la société Sony, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.