Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-20.099
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie
Défendeur :
Finamo (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
SCP Ancel, Couturier-Heller, SCP Delaporte, Briard, Trichet
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi que sur le pourvoi incident relevé par la société Finamo ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 29 mai 2007), que la société Finamo, qui exploite un hypermarché à l'enseigne Hyper U, compose avec d'autres exploitants de magasins Hyper U de la région Ouest un groupe informel qui, représenté par l'un de ses membres, négocie chaque année avec divers fournisseurs une convention ayant pour objet de fixer la rémunération des services rendus par les magasins Hyper U à chacun des fournisseurs qui contracte avec eux ; qu'une enquête diligentée par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Maine-et-Loire a mis en cause les contrats de coopération commerciale intitulés " Accords HU, mise en avant. Action de développement du volume et du CA ", passés par cette société en 2002 avec cinq fournisseurs du secteur des produits frais au motif que la société Finamo aurait facturé une prestation ne correspondant à aucun service effectif rendu en violation de l'article L. 442-6, I, 2°, a) du Code de commerce ; que le ministre chargé de l'Economie a assigné la société Finamo et demandé l'annulation des clauses des accords cadres et des accords commerciaux relatives aux services intitulés " Action de développement du volume et du CA ", la restitution des sommes indûment reçues en vertu de ces clauses et accords au Trésor public à charge pour lui de les reverser à chaque fournisseur, la cessation des pratiques dénoncées et la condamnation de la société Finamo au paiement d'une amende civile ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche : - Attendu que la société Finamo fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation prise du défaut de pouvoir du délégataire du ministre, alors, selon le moyen, que constitue une irrégularité de fond celle qui affecte la validité de l'acte, tel le défaut de pouvoir de l'auteur de l'assignation ; que l'arrêté du 27 mai 2004 doit s'interpréter dans le seul sens qui lui permet d'être légal, c'est-à-dire comme attribuant à M. Jupin les seules compétences pour lesquelles la délégation a été autorisée par le décret du 12 mars 1987, c'est-à-dire les seules compétences existant à cette date ; qu'en admettant néanmoins que l'assignation signée par M. Jupin, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2 a) du Code de commerce, qui n'existait pas en 1987, était valable, la cour d'appel a violé l'article 117 du Code de procédure civile et l'arrêté du 27 mai 2004 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui permet au ministre chargé de l'Economie d'agir en justice relativement aux pratiques restrictives de concurrence a été repris expressément dans la loi du 11 mai 2001 et incorporé dans l'article L. 442-6 du Code de commerce, que le décret 83-167 du 12 mars 1987 autorise le ministre de l'Economie à déléguer, par arrêté, sa signature pour les actes relatifs à l'action prévue à l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aux fonctionnaires appartenant au cadre A des services extérieurs de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, et qu'en application de ce décret et par arrêté ministériel du 27 mai 2004, puis du 30 juillet 2005, M. Jupin, directeur départemental, a reçu délégation permanente à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et de sa compétence territoriale, les actes relatifs à l'action de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes invoqués ;
Mais sur la cinquième branche du premier moyen du pourvoi incident : - Vu les articles 853 et 871 du Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt retient que M. Jupin n'avait pas à justifier d'un pouvoir spécial pour représenter le ministre devant le tribunal de commerce, le ministre lui ayant donné délégation permanente de signature " relativement aux actes de l'action prévue par l'article L. 442-6 du Code de commerce " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, pour l'application des dispositions du livre IV du Code de commerce, M. Jupin devait disposer d'un pouvoir spécial pour déposer, au nom du ministre, des conclusions et les développer oralement à l'audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident et sur le pourvoi principal : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2007, entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers, autrement composée.