Livv
Décisions

TPICE, 6e ch., 18 décembre 2008, n° T-85/06

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

General Química (SA), Repsol Química (SA), Repsol YPF (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Meij

Juges :

M. Vadapalas, Mme Labucka

Avocats :

Mes Jiménez Laiglesia Oñate, Jiménez Laiglesia Oñate

TPICE n° T-85/06

18 décembre 2008

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

Antécédents du litige et décision attaquée

1 General Química, SA (ci-après " GQ ") est une société espagnole qui produit certains produits chimiques pour le traitement du caoutchouc, à savoir des accélérateurs primaires et des antidégradants de type antioxydant.

2 GQ est une filiale à 100 % de Repsol Química, SA (ci-après " RQ "), elle-même détenue à 100 % par Repsol YPF, SA (ci-après " RYPF ").

3 Les produits chimiques pour le traitement du caoutchouc sont des produits synthétiques ou organiques utilisés comme agents d'amélioration de la productivité et de la qualité dans la fabrication du caoutchouc. Le secteur automobile est le plus grand utilisateur de pièces en caoutchouc, principalement sous forme de pneus. Les antidégradants et les accélérateurs sont les produits chimiques pour le traitement du caoutchouc les plus importants en termes de valeur de marché, puisqu'ils représentent environ 85 à 90 % de tous les produits chimiques pour le traitement du caoutchouc.

4 Les principaux fabricants mondiaux de produits chimiques pour le traitement du caoutchouc sont Flexsys NV, Bayer AG et Crompton Manufacturing Co. Inc. (ci-après " Crompton "). Ces sociétés contrôlent ensemble près de la moitié du marché mondial. À leur côté figurent certains concurrents de dimension plus modeste, dont GQ. La part de marché pour l'Espace économique européen (EEE) de cette dernière est estimée à [confidentiel] (1) %.

5 La procédure ayant abouti à l'adoption de la décision 2006-902-CE de la Commission, du 21 décembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE à l'encontre de Flexsys NV, Bayer AG, Crompton (ex-Uniroyal Chemical Co. Inc.), Crompton Europe Ltd, Chemtura Corp. (ex-Crompton Corp.), General Química, SA, Repsol Química, SA et Repsol YPF, SA (Affaire COMP/F/C.38.443 - Produits chimiques pour le traitement du caoutchouc) (JO 2006, L 353, p. 50, ci-après la " décision attaquée "), a été engagée à la suite du dépôt par Flexsys, le 22 avril 2002, d'une demande au titre de la communication de la Commission, du 19 février 2002, sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3, ci-après la " communication sur la coopération "). Les 26, 27 septembre et 24 octobre 2002, Crompton et Bayer ont respectivement soumis à la Commission leurs propres demandes d'immunité d'amendes ou de réduction du montant des amendes.

6 Le 26 septembre 2003, la Commission a envoyé à GQ une demande de renseignements en application de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

7 Le 7 juin 2004, GQ a soumis à la Commission une déclaration écrite comportant des annexes en vue d'introduire une demande de réduction du montant de l'amende au titre de la communication sur la coopération.

8 Par lettre du 3 novembre 2004, la Commission a informé GQ de son intention d'appliquer une réduction allant jusqu'à 20 % de l'amende finalement appliquée.

9 Le 12 avril 2005, la Commission a notifié aux requérantes, GQ, RQ et RYPF, une communication des griefs relative à une procédure d'application de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE. S'appuyant sur la circonstance que GQ était une filiale détenue à 100 % par RQ, elle même filiale à 100 % de RYPF, et sur le lien humain entre GQ et RQ créé par l'administrateur unique (" administrador unico "), nommé par RQ et remplaçant le conseil d'administration de GQ, la Commission a tenu RQ et RYPF solidairement responsables de l'infraction commise par GQ.

10 Par lettre du 15 juin 2005, RQ et RYPF ont présenté une réponse commune à la communication des griefs. Par lettre du 20 juin 2005, GQ a répondu séparément de ses sociétés mères. L'audition des requérantes a eu lieu le 18 juillet 2005.

11 Les requérantes ont notamment contesté l'imputation à RQ et à RYPF de la responsabilité pour l'infraction reprochée à GQ. Elles ont fait valoir, d'une part, que RQ et RYPF n'étaient pas impliquées dans le comportement de GQ et qu'elles n'en étaient pas informées et, d'autre part, que GQ exerçait ses activités sur le marché des produits chimiques pour le traitement du caoutchouc en tant qu'entité autonome.

12 Par la décision attaquée, la Commission a cependant considéré les requérantes comme conjointement et solidairement responsables de l'infraction commise par GQ.

13 S'agissant de l'imputation de la responsabilité du comportement de GQ à RQ et à RYPF, la Commission expose dans la décision attaquée qu'une société mère peut être supposée responsable du comportement illégal de ses filiales contrôlées à 100 %, mais qu'il lui est possible de réfuter la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante sur celles-ci. La Commission énonce également que cette présomption ne peut être réfutée par l'affirmation selon laquelle la société mère n'a pas encouragé ses filiales à adopter un comportement illicite. Enfin, selon la décision attaquée, lorsque ladite présomption est applicable, l'entreprise concernée ne peut l'infirmer en se contentant de déclarer que la société mère n'a pas participé directement à l'entente ou bien qu'elle n'était pas informée de son existence.

14 La Commission constate en particulier que l'affirmation selon laquelle RQ et RYPF (désignées, sans distinction, par la dénomination " Repsol " dans la décision attaquée) n'assumaient pas la responsabilité de l'activité journalière ou encore la gestion opérationnelle de GQ ne suffit pas à infirmer la présomption de l'exercice effectif d'une influence déterminante sur GQ.

15 En outre, la Commission constate que " Repsol " et GQ ont fourni des documents expliquant leurs rapports, la structure de gestion et les obligations d'information. Elle relève que, d'après les requérantes, le plan d'activités et les objectifs de ventes de GQ ne sont pas approuvés par les sociétés mères. Il n'y aurait aucune relation industrielle, synergie ou chevauchement vertical entre les activités de " Repsol " et la filiale, dans la mesure où GQ fabriquerait des produits très différents de ceux de " Repsol ". Il n'y aurait pas eu de fonctions occupées simultanément dans les conseils d'administration des trois sociétés par une même personne pendant la période d'infraction. La Commission rapporte également les explications de " Repsol " selon lesquelles GQ a été laissée seule dans la gestion de sa politique commerciale, sans interférence de sa part, dans la mesure où " Repsol " a acquis GQ comme partie d'un ensemble plus large plutôt que par intérêt pour ses activités et a essayé de la vendre plusieurs fois, sans succès.

16 Cependant, aux considérants 259 à 264 de la décision attaquée, la Commission remarque que " Repsol " était le seul actionnaire de GQ depuis 1994. Selon elle, " Repsol " était donc en position d'avoir connaissance des agissements de GQ en raison de son contrôle à 100 % et de sa responsabilité globale. S'agissant des tentatives de vente de GQ, la Commission considère que, même en admettant que ces tentatives de vente puissent démontrer que " Repsol " n'était pas intéressée par les activités de sa filiale, cela ne signifiait pas qu'elle n'était pas intéressée par l'exercice d'une influence décisive sur GQ afin de s'assurer que les biens incorporels et la valeur commerciale de cette dernière ne diminueraient pas pendant la période nécessaire pour trouver un acheteur intéressé.

17 Dans la décision attaquée, la Commission observe également que l'attribution à une société mère de la responsabilité pour le comportement sur le marché d'une filiale ne requiert pas qu'il y ait une identité, même partielle, d'activité ou encore que ces activités soient étroitement liées à celles de la filiale. Dans la même logique, la Commission énonce que l'absence de chevauchement dans la composition des différents conseils d'administration ne démontre pas en tant que telle l'autonomie de GQ, puisque celle ci rendait compte à RQ de ses ventes, de sa production et de ses résultats financiers, comme il ressort des documents communiqués par " Repsol ".

18 En outre, la Commission constate que, selon " Repsol ", GQ déterminait de façon autonome les prix de ses produits vendus à Repsol Italia et que cela démontrerait l'autonomie de GQ et ses intérêts divergents par rapport à ceux de " Repsol ". La Commission expose toutefois dans la décision attaquée que le contrat d'agence entre GQ et Repsol Italia montre l'existence de liens verticaux entre " Repsol " et leur filiale. La Commission observe finalement que les informations transmises par GQ à Repsol Italia relatives aux augmentations de prix de ses produits ne constituent pas la preuve d'un conflit d'intérêts entre GQ et " Repsol ", puisque toute augmentation du chiffre d'affaires de GQ, provoquée par une augmentation des prix de ses produits, se traduit par une augmentation du chiffre d'affaires de " Repsol ".

19 La décision attaquée poursuit en exposant que même si l'administrateur unique avait délégué ses pouvoirs relatifs à la gestion opérationnelle de GQ, il se comportait toujours comme un lien entre GQ et RQ, par le biais duquel les informations concernant les ventes, la production et les résultats financiers étaient communiquées à la société mère. De plus, les résultats financiers de GQ étaient consolidés dans ceux de " Repsol ", avec la conséquence que les profits ou les pertes de GQ étaient reflétés dans les profits ou les pertes du groupe.

20 Enfin, la Commission ajoute sur ce point qu'une société mère et sa filiale à 100 % peuvent être présumées constituer une seule entreprise au sens de l'article 81 CE. Dans ces circonstances, la Commission estime que RQ et RYPF n'ont pas renversé la présomption de responsabilité pour le comportement infractionnel de GQ.

21 À l'article 1er de la décision attaquée, la Commission conclut à la participation des requérantes, du 31 octobre 1999 au 30 juin 2000, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées en violation de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE, portant sur la fixation des prix et l'échange d'informations confidentielles sur certains produits chimiques destinés au traitement du caoutchouc à l'échelle de l'EEE. L'article 1er, sous f), de la décision attaquée vise la participation de GQ à l'infraction constatée, tandis que l'article 1er, sous g), et l'article 1er, sous h), de la décision attaquée visent respectivement celles de RQ et de RYPF.

22 À l'article 2, sous d), de la décision attaquée, la Commission condamne GQ, conjointement avec RQ et RYPF, à une amende d'un montant de 3,38 millions d'euro pour les infractions visées à l'article 1er de la décision attaquée.

23 S'agissant du calcul de l'amende, le montant de départ a été fixé par la Commission à 3 millions d'euro, en tenant compte du caractère très grave de l'infraction et du poids économique relatif des requérantes sur le marché concerné par l'entente. Les requérantes ont ainsi été classées dans la quatrième catégorie, à laquelle correspond le plus faible montant de départ des amendes infligées par la Commission dans la décision attaquée.

24 En vue de conférer un caractère dissuasif à l'amende, la Commission a appliqué au montant de départ de l'amende un coefficient de majoration afin de tenir compte de la taille des entreprises concernées. Ainsi, les requérantes se sont vu infliger un coefficient de 2,5 et Bayer un coefficient de 2, alors qu'aucune majoration de l'amende n'a été appliquée à Crompton et à Flexsys.

25 La durée de l'infraction constatée pour GQ ayant été inférieure à une année, aucune majoration de l'amende n'a été appliquée à ce titre. Le montant de base de l'amende s'est donc établi à 7,5 millions d'euro pour les requérantes.

26 Au titre des circonstances atténuantes, la Commission a réduit de 50 %, soit à 3,75 millions d'euro, le montant de l'amende à infliger à GQ, compte tenu du rôle passif et mineur joué par celle-ci. La Commission énonce à cet égard que GQ n'a participé ni à la conception de l'accord ni à la fixation de ses détails, qu'elle ignorait. Sa participation s'est limitée à être informée des accords ou des décisions arrêtés par les autres entreprises et à les accepter.

27 Il ressort des considérants 377 et 378 de la décision attaquée que GQ, au titre de la communication sur la coopération, a bénéficié d'une réduction de 10 % du montant de l'amende, diminuant le montant de celle-ci à 3,38 millions d'euro. La Commission a en effet considéré que si GQ avait satisfait à la condition relative à la production d'éléments de preuve présentant une valeur ajoutée significative, elle ne l'avait fait qu'à un stade relativement tardif de la procédure, de sorte qu'elle ne pouvait pas bénéficier d'une réduction de 20 % du montant de l'amende. En outre, la Commission a relevé que les communications de GQ se limitaient à apporter des précisions complémentaires et des explications sur le contexte dans lequel s'inscrivaient plusieurs documents trouvés par la Commission lors de ses inspections, pour ce qui est de la période antérieure à 1997. Les preuves écrites datant de l'époque des faits retenus par la décision attaquée, fournies par GQ, se limitaient à une télécopie ayant trait à la réunion clé du 28 octobre 1999, durant laquelle GQ avait marqué son accord sur la hausse des prix prévue pour janvier 2000. La Commission a néanmoins considéré que cette télécopie présentait une valeur ajoutée significative, dans la mesure où, GQ étant un acteur marginal dont la participation à l'entente avait été, par nature, sporadique, elle ne disposait, en ce qui la concernait, que d'éléments unilatéraux fournis par les autres parties à l'entente.

Procédure et conclusions des parties

28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

29 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

30 Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

31 Dans leur réplique déposée au greffe du Tribunal le 12 septembre 2006, les requérantes ont demandé au Tribunal, conformément à l'article 64 du règlement de procédure, d'enjoindre à la Commission de verser au dossier certains documents figurant dans le dossier administratif de cette dernière.

32 Dans sa duplique, la Commission en a accepté le principe et a annexé trois des documents demandés.

33 Dans la mesure où, d'une part, les documents dont la production était demandée par les requérantes étaient indiscutablement de nature à faciliter l'administration des preuves et où, d'autre part, il est constant que ces documents avaient tous été produits par les requérantes elles-mêmes au cours de la procédure précontentieuse à la suite de demandes d'information de la Commission ou de la notification de la communication des griefs, le Tribunal a invité les requérantes à produire les documents visés par leur demande ou, à défaut, à dûment motiver leur demande de communication desdits documents.

34 Par lettre, accompagnée d'annexes, déposée au greffe le 13 mai 2008, les requérantes ont produit les documents en question, qui ont été versés au dossier.

35 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

36 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 6 juin 2008.

37 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler l'article 1er, sous g) et h), et l'article 2, sous d), de la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée s'agissant de la responsabilité solidaire de RYPF ;

- annuler l'article 2, sous d), de la décision attaquée en ce qu'il fixe le montant de l'amende à 3,38 millions d'euro ;

- à titre subsidiaire, réduire de façon appropriée le montant de l'amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

38 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

39 Les requérantes invoquent, en substance, trois moyens au soutien de leurs conclusions. Le premier moyen est tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut de motivation s'agissant de la responsabilité solidaire des requérantes. Le deuxième moyen est fondé sur de prétendues erreurs de droit commises par la Commission dans le calcul de l'amende. Le troisième moyen est pris d'une erreur d'appréciation, d'un défaut de motivation et d'une violation du principe d'égalité de traitement dans l'application de la communication sur la coopération.

Sur le premier moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut de motivation s'agissant de la responsabilité solidaire des requérantes

Arguments des parties

40 Les requérantes soulignent que, selon la jurisprudence, la simple détention de la totalité du capital social d'une entreprise ne permet pas, à elle seule, d'établir la responsabilité de la société mère. Si elles concèdent que la jurisprudence a institué une présomption simple d'influence de la société mère possédant 100 % du capital de la société filiale, elles ne partagent pas l'interprétation que la Commission donne de ladite présomption en l'absence, comme en l'espèce, d'indices de la participation de la société mère à l'infraction ou de la connaissance par celle-ci du comportement de la filiale.

41 En effet, le comportement anticoncurrentiel d'une société ne pourrait être imputé à une autre société que lorsque la première n'a pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par la seconde, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissent. Selon les requérantes, la Commission doit donc apporter un indice révélant que la société mère a exercé une certaine influence sur le comportement de sa filiale.

42 Les requérantes font valoir qu'il n'existe aucune base juridique pour transformer la responsabilité consistant à ne pas avoir surveillé sa filiale en une responsabilité pour infraction, délibérée ou par négligence, aux règles de concurrence. La position de la Commission équivaudrait à transférer aux entreprises la totalité de la charge de la preuve de leur absence de responsabilité pour le comportement d'une des sociétés du groupe, alors que la jurisprudence n'aurait jamais autorisé la Commission à se décharger de son obligation de prouver l'existence de l'infraction. En l'espèce, toutes les preuves et tous les indices indiqueraient en outre l'absence de participation à l'infraction des sociétés mères et l'absence de connaissance du comportement de leur filiale ou de possibilité de l'influencer.

43 Dans la décision attaquée, la Commission se limiterait à réfuter les éléments de preuve soumis par les requérantes, sans apporter elle-même d'élément probant permettant de tenir RQ et RYPF responsables du comportement de GQ, si ce n'est la détention du capital de cette dernière. Une telle approche reviendrait à considérer la propriété du capital d'une société comme un élément irréfutable permettant de retenir la responsabilité directe de la société mère. En effet, alors que la Commission aurait reconnu que RQ et RYPF n'avaient pas participé aux accords visés par la décision attaquée ou n'en avaient pas, à tout le moins, connaissance, elle aurait estimé qu'aucun des éléments de fait apportés par les requérantes ne permettait de réfuter la présomption de responsabilité des sociétés mères à l'égard de leur filiale. Les requérantes en concluent que cette contradiction est constitutive d'une erreur manifeste d'appréciation.

44 Selon les requérantes, la Commission cherche, dans la décision attaquée, à présumer, de manière abstraite et sans rapport avec les faits, que la responsabilité globale, liée à la seule propriété d'une entreprise, permet à RQ et à RYPF d'être en mesure de connaître, puis d'empêcher, le comportement de GQ, alors même qu'elle a reconnu que ces deux entreprises n'ont pas participé à l'infraction en question. En effet, RYPF et RQ n'auraient eu de contacts avec aucune des entreprises impliquées et n'auraient participé ni à la conception de l'accord ou à l'application des décisions de l'entente, ni au contrôle postérieur de sa mise en œuvre. Dans ces conditions, une responsabilité solidaire ne saurait être retenue à l'encontre de RQ et de RYPF, en l'absence d'indications démontrant que le comportement de GQ peut être attribué à ses sociétés mères.

45 Les requérantes font également valoir que la décision attaquée dénature les arguments qu'elles ont présentés au cours de la procédure précontentieuse en ce qui concerne la détention du capital. En effet, la Commission aurait prétendu que la présomption de responsabilité n'avait pas été réfutée par RQ et RYPF pendant la phase précontentieuse, dans la mesure où ces dernières se seraient limitées à soutenir qu'elles n'avaient pas eu connaissance du comportement de leur filiale et, dès lors, n'avaient pas pu l'empêcher. Or, RQ et RYPF n'auraient fait que répondre au grief, présenté par la Commission dans la communication des griefs, selon lequel RQ avait eu connaissance du comportement de sa filiale.

46 Par ailleurs, les requérantes soutiennent que RYPF et RQ ont fourni à la Commission, lors de la procédure précontentieuse, un ensemble de documents afin de réfuter la présomption de responsabilité et d'apporter la preuve tangible de l'autonomie commerciale et opérationnelle de GQ. Or, ces éléments de preuve auraient été erronément appréciés, voire ignorés, par la Commission.

47 En premier lieu, la Commission énumérerait de façon détaillée, dans la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par les requérantes tendant à démontrer l'autonomie commerciale de GQ par rapport à RQ, ayant notamment trait à la spécificité du domaine d'activité de GQ au regard de l'activité principale des sociétés mères et à leurs efforts pour la revendre. Cependant, elle se bornerait, afin de réfuter l'autonomie de GQ, à estimer que le propriétaire du capital d'une filiale a, en tout état de cause, un intérêt à exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci. Or, toutes les entreprises auraient par principe un intérêt au maintien du fonds de commerce de leurs filiales, ce qui n'exclurait nullement que ces dernières jouissent d'une autonomie commerciale.

48 En deuxième lieu, la Commission n'examinerait pas les preuves matérielles démontrant que seuls les dirigeants de GQ décidaient et mettaient en œuvre la politique commerciale de la société, sans que RQ en soit préalablement informée ou donne son autorisation. GQ aurait en effet joui d'une autonomie totale pour opérer sur le marché, les dirigeants de la société bénéficiant d'une délégation totale et d'une procuration pour exercer toutes les compétences de direction, de gestion et d'administration. La Commission ne relèverait pas non plus que les informations remises à RQ par GQ n'étaient pas en rapport avec la politique commerciale, mais concernaient les résultats financiers de la filiale. Les requérantes reprochent à la Commission de s'être limitée à signaler que, étant donné l'existence d'un flux d'informations, l'administrateur de GQ, nommé par RQ, aurait continué à agir en tant que relais entre la société mère et sa filiale. Or, selon les requérantes, il est évident que toute entreprise mère doit maintenir un relais d'un certain type avec sa filiale.

49 De même, la Commission semblerait suggérer, dans la décision attaquée, que la responsabilité de RYPF aurait pu naître de la consolidation des comptes de tout le groupe, ce qui, selon les requérantes, n'est pas une raison suffisante pour présumer que RYPF pouvait exercer une influence décisive sur GQ, alors même qu'elle n'était pas directement sa société mère. En partant de la prémisse de la Commission, il existerait toujours une responsabilité de la société mère de tout groupe soumis à une obligation de consolidation des comptes.

50 En troisième lieu, la décision attaquée n'accorderait pas d'importance au fait que GQ n'est pas une simple agence de vente, mais aurait disposé, avant même son entrée dans le groupe, de tous les moyens humains, techniques et économiques nécessaires pour intervenir de manière autonome sur le marché. GQ serait, à cet égard, une société antérieure à RQ et serait propriétaire des terrains et des installations sur lesquels est établie la seule usine qu'elle possède. L'autonomie de GQ résulterait également de ce qu'elle a été rachetée, pour le compte de RQ, dans le cadre d'une transaction plus importante, l'intérêt primordial de cette dernière étant de vendre GQ à des tiers.

51 Les requérantes font également valoir que le seul lien de GQ avec d'autres sociétés du groupe identifié dans la décision attaquée, à savoir la relation d'agence non exclusive entre GQ et Repsol Italia, démontre l'existence d'un conflit d'intérêts entre GQ et ses sociétés mères, car Repsol Italia, au même titre que tout autre distributeur, aurait subi des augmentations de prix décidées unilatéralement par GQ, ni RQ ni RYPF n'étant intervenues dans la fixation de ces prix. À cet égard, la Commission considérerait dans la décision attaquée que les augmentations de prix des produits aboutissent toujours à une augmentation du chiffre d'affaires du groupe dans son ensemble. Or, selon les requérantes, il aurait dans ce cas été logique, comme la Commission le soutient dans la décision attaquée, que, en l'absence d'autonomie commerciale de GQ, la société mère détermine si elle préférait que ce soit GQ ou la société agissant comme agent, en l'occurrence Repsol Italia, qui supporte cette hausse de prix. La Commission ignorerait dans la décision attaquée cet aspect du raisonnement développé par les requérantes.

52 À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que la décision attaquée est viciée par un défaut de motivation et une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'imputation de la responsabilité du comportement infractionnel de GQ à RYPF. La décision attaquée n'aurait pas suffisamment motivé l'imputation à RYPF d'une responsabilité solidaire et conjointe avec RQ pour l'infraction commise par GQ. Selon les requérantes, la décision attaquée est sur ce point incohérente et comporte de sérieuses contradictions puisque, d'une part, la Commission reconnaît que seule RQ était en mesure d'exercer une influence décisive sur le comportement de GQ et, d'autre part, elle considère RYPF comme directement responsable du comportement de celle-ci. La décision attaquée s'éloignerait donc de la communication des griefs, dans laquelle la responsabilité de RYPF était justifiée, non pas au regard du comportement infractionnel de GQ, mais exclusivement en rapport avec celui de RQ. Ainsi, selon les requérantes, la constatation de responsabilité solidaire et conjointe de RYPF était imprévisible.

53 En effet, la décision attaquée ne permettrait pas de déduire que RQ serait l'intermédiaire d'un contrôle exercé par RYPF sur GQ. Les requérantes rappellent aussi, à cet égard, que RYPF n'est pas la société mère de GQ, mais de RQ. RYPF n'aurait donc pas été en mesure d'exercer une influence décisive sur GQ. Au contraire, la Commission désignerait RQ, de manière explicite, comme étant la société qui aurait la possibilité d'exercer une influence décisive sur GQ. La décision attaquée ne fournirait donc aucun motif de nature à justifier la déclaration de responsabilité de RYPF.

54 Dans leur réplique, les requérantes estiment, en outre, que la Commission, aux fins de sa défense, modifie les motifs sur lesquels elle a fondé la décision attaquée. Ainsi, dans cette dernière, la Commission se bornerait à indiquer que, compte tenu du fait que GQ est la propriété de RQ et qu'il existe un lien humain entre GQ et RQ, RYPF serait responsable du comportement de GQ. La Commission n'alléguerait donc pas, dans la décision attaquée, comme elle le ferait dans sa défense, que RQ est l'intermédiaire d'un contrôle exercé, en dernière instance, par RYPF.

55 En outre, selon les requérantes, la Commission n'a jamais demandé d'informations relatives aux relations existant entre RQ et RYPF et ne s'est jamais attachée à déterminer si RQ et RYPF faisaient partie de la même entreprise aux fins de son enquête. En conséquence, dans ce contexte d'absence d'éléments matériels, l'affirmation de la Commission selon laquelle RQ est dépourvue d'autonomie à l'égard de RYPF ne serait pas motivée.

56 Enfin, la Commission ne saurait déduire l'existence d'un lien reliant RQ à RYPF de la circonstance que ces deux entreprises ont présenté une réponse commune à la communication des griefs. En effet, les requérantes n'auraient visé qu'à répondre à l'attribution aux deux sociétés de la responsabilité du comportement de GQ. En aucun cas, RYPF et/ou RQ n'auraient assuré la représentation ou la défense de GQ dans cette procédure.

57 La Commission conteste les arguments des requérantes.

Appréciation du Tribunal

58 Selon une jurisprudence constante, la circonstance que la filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère (arrêts de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, point 49, et du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, ci-après l'" arrêt Stora ", point 26).

59 En outre, dans le cas particulier où une société mère contrôle à 100 % sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption réfutable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136, et la jurisprudence citée) et qu'elles constituent donc une seule entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, dit " Tokai II ", T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 59). Il incombe, dès lors, à la société mère contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer l'autonomie de cette dernière (arrêt Avebe/Commission, précité, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt Stora, point 58 supra, point 29).

60 À cet égard, il est vrai que, comme le font valoir les requérantes, la Cour a évoqué dans l'arrêt Stora, point 58 supra (points 28 et 29), hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que l'absence de contestation par la société mère de l'influence exercée par celle-ci sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative. Cependant, lesdites circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement pour conclure que celui-ci n'était pas fondé uniquement sur la détention de la totalité du capital de la filiale par sa société mère.

61 Par ailleurs, et contrairement à ce qu'avancent les requérantes, ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d'un groupe de sociétés. En effet, il y a lieu de rappeler que le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290).

62 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour que la présomption que cette dernière exerce une influence déterminante sur le comportement de la filiale sur le marché soit établie. La Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale, quand bien même il est constaté que ladite société mère n'a pas participé directement aux accords, sauf si cette dernière prouve que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

63 Dès lors, en l'espèce, la Commission n'a pas méconnu la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en se limitant à se référer à la détention de 100 % du capital de GQ par ses sociétés mères et à réfuter les arguments des requérantes visant à démontrer l'autonomie de GQ afin de leur imputer les agissements anticoncurrentiels de cette dernière.

64 Ce n'est donc pas à tort que la Commission a tenu RQ et RYPF responsables d'une infraction qu'elles sont censées avoir commise elles-mêmes du fait de cette imputation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä Serla Oyj e.a./Commission, C-294-98 P, Rec. p. I-10065, point 28). L'argument selon lequel RQ et RYPF n'ont pas directement participé à l'infraction en cause est à ce titre inopérant.

65 Ensuite, s'agissant de l'argument selon lequel RYPF et RQ ont fourni à la Commission, lors de la procédure précontentieuse, un ensemble de documents afin de réfuter la présomption de responsabilité et d'apporter la preuve tangible de l'autonomie commerciale et opérationnelle de GQ, il y a lieu de souligner qu'il incombe à la société mère de soumettre à l'appréciation du Tribunal tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre sa filiale et elle-même et qu'elle considère de nature à démontrer qu'elles ne constituent pas une entité économique unique.

66 Or, en l'espèce, la Commission relève, au considérant 262 de la décision attaquée, que l'administrateur unique se comporte toujours comme un lien entre GQ et RQ, que RYPF consolide les comptes de GQ et de RQ au niveau du groupe et que RQ et RYPF ont répondu conjointement à la communication des griefs. De tels éléments plaident en faveur de l'existence d'une entité unique.

67 Il incombait donc à RYPF et à RQ de démontrer, à l'occasion de la phase précontentieuse, que GQ déterminait son comportement sur le marché de façon autonome, RYPF et RQ n'exerçant pas une influence déterminante sur sa politique.

68 À cet égard, il importe de relever que les requérantes ont affirmé que RQ avait prouvé à la Commission qu'elle avait ordonné à GQ de cesser toute pratique susceptible de constituer une infraction aux règles de la concurrence, à la suite de l'inspection qui avait eu lieu dans les établissements de GQ le 27 septembre 2002.

69 Cette affirmation des requérantes suffit, à elle seule, à prouver que RQ exerçait une influence déterminante sur la politique de GQ, non seulement sur le marché mais aussi pour ce qui a trait au comportement infractionnel qui fait l'objet de la décision attaquée.

70 À titre surabondant, le Tribunal examinera cependant si, comme le prétendent les requérantes, la Commission a commis dans la décision attaquée une erreur d'appréciation en ce qui concerne les éléments de preuve apportés par les requérantes, ou si elle les a ignorés à tort.

71 À cet égard, il y a lieu de constater que la circonstance que l'activité de la filiale diffère, même totalement, de l'activité du groupe ou encore la circonstance que la société mère a essayé de revendre, d'ailleurs sans succès, sa filiale, ne sont pas de nature à renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur RQ et RYPF. En effet, même si les groupes d'entreprises et les holdings ont fréquemment des activités diverses et cèdent parfois certaines de leurs filiales, ils ont déjà été considérés comme constituant une entreprise unique au sens de l'article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T-330-01, Rec. p. II-3389, points 78 et 82).

72 En outre, la Commission, en réponse à la demande de production de documents formulée par les requérantes, a soumis au Tribunal un document comprenant les procès-verbaux du conseil d'administration de RQ de 1998 à 2000 dans lesquels figuraient les résultats financiers de GQ ainsi qu'une délibération relative à la vente de la participation de GQ dans Silquímica, SA et à la vente de biens immobiliers de GQ. Ce document étaye pour l'essentiel les constatations effectuées par la Commission dans la décision attaquée. En effet, si le conseil d'administration de RQ intervient de manière significative dans plusieurs aspects essentiels de la stratégie de GQ, tels que la vente de biens immobiliers ou la vente d'une participation, en se réservant la décision finale à cet égard, il en résulte qu'il exerce une influence déterminante sur le comportement de GQ.

73 S'agissant de l'argument tiré de l'absence de chevauchements dans la composition des organes des requérantes, il y a lieu de constater qu'il ressort de la lettre du 5 avril 2004 adressée par GQ à la Commission et produite par les requérantes lors de la procédure précontentieuse que M. [confidentiel] a cumulé les fonctions de président du conseil d'administration de GQ entre 1996 et 2000 et de membre du conseil d'administration de RQ entre 1998 et 1999. Il convient au demeurant d'observer que, interrogées sur ce point à l'audience, les requérantes ont reconnu, au moins implicitement, l'existence d'un tel chevauchement.

74 De même, les arguments tirés de ce que la Commission n'aurait pas examiné, dans la décision attaquée, les preuves matérielles démontrant que seuls les dirigeants de GQ décidaient et mettaient en œuvre la politique commerciale de la société, sans que RQ en soit préalablement informée ou donne son autorisation, ne sauraient prospérer au vu de la jurisprudence citée ci-dessus. Il en va de même des allégations selon lesquelles les informations remises à RQ par GQ n'étaient pas en rapport avec la politique commerciale, mais bien avec les résultats financiers de la filiale.

75 S'agissant des rapports entre GQ et Repsol Italia, il y a lieu de constater que la Commission, dans la décision attaquée, réfute à juste titre l'argument des requérantes tiré d'un prétendu conflit d'intérêts entre GQ et ses sociétés mères en relevant que RYPF consolide les comptes du groupe constitué de plusieurs filiales, dont GQ et Repsol Italia. En outre, c'est également à juste titre que la Commission considère que ces rapports sont de nature à renforcer la présomption de l'existence d'une entreprise unique.

76 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure, à l'instar de la Commission au considérant 264 de la décision attaquée, que les requérantes ne sont pas parvenues à réfuter la présomption de responsabilité des sociétés mères.

77 Enfin, aucun des arguments avancés à titre subsidiaire par les requérantes n'est de nature à mettre en cause la décision attaquée.

78 D'une part, s'agissant de l'argument selon lequel la Commission n'aurait jamais demandé d'informations relatives aux relations existant entre RQ et RYPF et ne se serait jamais attachée à déterminer si RQ et RYPF faisaient partie de la même entreprise, il suffit de constater que, dans la mesure où il n'est pas contesté par les requérantes que RYPF détient 100 % du capital de RQ, il revenait à RYPF de renverser la présomption selon laquelle elle exerçait une influence déterminante sur la politique de RQ et constituait bien, avec celle-ci, une entreprise unique au sens de l'article 81 CE, ce qu'elle n'a pas fait.

79 D'autre part, s'agissant de l'argument ayant trait au caractère prétendument imprévisible de la constatation de responsabilité solidaire de RYPF avec RQ et GQ, les requérantes font valoir en substance que, à la différence de la décision attaquée, la communication des griefs justifiait la responsabilité de RYPF non pas au regard du comportement infractionnel de GQ, mais exclusivement en rapport avec celui de RQ.

80 Or, force est de constater que la communication des griefs et la décision attaquée ne diffèrent pas sur ce point. En effet, la décision attaquée énonce à son considérant 254 que les requérantes sont responsables solidairement, notamment en raison de la participation de 100 % de RQ dans GQ et de la participation de 100 % de RYPF dans RQ, alors que la communication des griefs énonce, au point 344, que la responsabilité de RQ s'étend à RYPF du fait de la présomption de son contrôle effectif et de son influence décisive résultant de la détention de 100 % du capital de RQ.

81 L'argument selon lequel les deux énoncés sont contradictoires a pour origine une compréhension erronée de la jurisprudence relative à l'imputabilité de l'infraction. En effet, la présomption de responsabilité tirée de la détention du capital s'applique non seulement dans les cas de figure où il existe une relation directe entre la société mère et sa filiale, mais également dans des cas, comme celui de l'espèce, où cette relation est indirecte, par filiale interposée.

82 Ainsi, dès lors que le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si elles ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché, peu importe que ces sociétés soient contrôlées directement ou indirectement par une société mère, dans la mesure où la responsabilité de l'infraction peut en tout état de cause être imputée à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, point 61 supra, point 290).

83 Il convient donc de conclure que les requérantes ne pouvaient raisonnablement déduire de la communication des griefs, et notamment de son point 344, que la Commission n'imputerait pas à RYPF l'infraction en cause.

84 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré de prétendues erreurs de droit commises par la Commission dans le calcul de l'amende

Arguments des parties

85 En premier lieu, les requérantes déplorent que, si la Commission distingue dans la décision attaquée l'infraction commise par Bayer, Flexsys et Crompton de l'infraction commise par GQ, elle considère néanmoins cette dernière comme revêtant la même nature que celle imputée aux trois entreprises susmentionnées, de sorte qu'elle ne distingue pas entre les entreprises en cause aux fins de qualifier l'infraction.

86 Les requérantes rappellent à cet égard que GQ n'a pas participé aux comportements relevant du cœur de l'infraction. En effet, GQ se serait limitée à être informée d'un accord antérieur et partiel, par seulement deux des autres entreprises. GQ n'aurait nullement eu connaissance du plan global dont les trois autres entreprises étaient convenues et n'aurait pas été consciente que ce plan couvrait les éléments décrits dans la décision attaquée.

87 En outre, le comportement de GQ n'aurait pas été susceptible d'avoir le même impact sur le marché que celui des trois autres entreprises ni d'être de même nature. Ainsi, la capacité de production de GQ aurait difficilement pu mettre en danger l'accord sur les prix ou les volumes conclu antérieurement par des concurrents plus importants. Il ne serait donc pas exact d'affirmer, comme le fait la Commission dans la décision attaquée, que la participation de GQ était nécessaire au succès de l'accord antérieurement conclu entre les autres entreprises ou que GQ était en mesure d'entraver la concurrence d'une manière significative.

88 En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que, à supposer que GQ ait participé à une infraction unique, le montant de base fixé ne semble pas indiquer que les répercussions réelles du comportement de GQ sur la concurrence aient été prises en considération, compte tenu surtout de la différence évidente de taille des entreprises et de leur capacité à entraver la concurrence.

89 La répartition des entreprises par catégories aux fins du traitement différencié devrait ainsi respecter le principe de l'égalité de traitement. De plus, selon la jurisprudence, le montant des amendes devrait au moins être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction, ce qui ne serait pas le cas du montant de départ appliqué à GQ, en dépit de la nature particulière de cette affaire.

90 Les requérantes soulignent également qu'il a été tenu compte, pour le calcul de l'amende, de la part du marché mondial et de l'importance du secteur des substances chimiques pour le caoutchouc dans l'EEE, sans que la décision attaquée ne motive ce choix. Or, à cet égard, la part de marché estimée par GQ sur ce marché serait très inférieure à celle que la décision attaquée lui attribue, à savoir [confidentiel] % au lieu de [confidentiel] %.

91 De surcroît, d'autres concurrents mineurs auraient été exonérés de toute responsabilité par la Commission, alors même qu'ils auraient été plus impliqués que GQ dans l'infraction en cause.

92 La Commission aurait ainsi estimé ne pas disposer de preuves suffisantes pour adopter une décision à l'encontre des entreprises [confidentiel], alors que, dans la communication des griefs, ces entreprises avaient été considérées comme participant plus intensivement que GQ aux contacts avec les trois grandes entreprises du secteur. Il ressortirait en outre de la communication des griefs que leur participation était plus nécessaire au succès de l'accord que celle de GQ.

93 Les requérantes invoquent plus particulièrement l'exemple de l'entreprise [confidentiel], pour laquelle la communication des griefs aurait retenu une infraction continue pour la période allant de 1994 à 2001 et une gravité du comportement plus importante que celle de GQ.

94 En troisième lieu, les requérantes considèrent que le coefficient multiplicateur de 2,5 appliqué au montant de départ calculé pour GQ est contraire au principe d'égalité, insuffisamment motivé dans la décision attaquée et disproportionné.

95 Tout d'abord, le coefficient multiplicateur serait inéquitable au regard de la comparaison entre la gravité des faits commis par GQ et la gravité de ceux commis par les autres entreprises parties à l'entente. La Commission ferait ainsi une application mécanique et non raisonnée du coefficient multiplicateur. L'application d'un tel coefficient enfreindrait le principe d'égalité des sanctions, lorsque, comme en l'espèce, les différents comportements sanctionnés ne seraient pas identiques.

96 Ensuite, la Commission n'expliquerait pas les motifs l'amenant à tenir compte du chiffre d'affaires total de RYPF et non de celui de GQ, alors que l'infraction a été commise par GQ. Si, en tout état de cause, la Commission avait voulu apprécier la dimension effective de l'unité économique à dissuader, la responsabilité attribuée à RYPF étant solidairement et conjointement celle attribuée à la société mère de GQ, à savoir RQ, il aurait fallu tenir compte du chiffre d'affaires de RQ et non pas de celui de la société mère de l'ensemble du groupe.

97 En outre, selon les requérantes, rien ne justifierait l'application d'un coefficient multiplicateur de 2,5 à RYPF. Ce coefficient multiplicateur serait excessif au regard du comportement de GQ, dans la mesure où la pratique de la Commission en matière d'amendes en réserverait l'application aux entreprises ayant participé très activement à des infractions de cette nature.

98 Enfin, la Commission aurait dû tenir compte de la différence substantielle de comportement dans son évaluation des circonstances atténuantes. Selon les requérantes, l'amende en cause est sans aucune comparaison avec celle infligée aux autres entreprises s'il est tenu compte des contacts anticoncurrentiels entre elles.

99 La Commission conteste les arguments des requérantes.

Appréciation du Tribunal

100 Selon les lignes directrices du 14 janvier 1998 pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices pour le calcul des amendes "), la gravité de l'infraction est établie en fonction d'une variété d'éléments, dont certains doivent être obligatoirement pris en compte par la Commission. Ces lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la conduite à suivre dont l'administration ne peut s'écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec l'égalité de traitement (arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91).

101 Ainsi, le point 1 A, premier et deuxième alinéas, des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit que l'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de celle-ci, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné. Les infractions sont ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

102 Les lignes directrices pour le calcul des amendes définissent notamment la notion d'infraction " très grave " au point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, à savoir, " pour l'essentiel, de[s] restrictions horizontales de type 'cartels de prix' et des quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux, ou [des] abus caractérisés de position dominante d'entreprises en situation de quasi-monopole ".

103 Le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit la possibilité de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés en fonction de la gravité des infractions afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature.

104 En l'espèce, il convient de souligner que, dans leur requête, les requérantes reconnaissent expressément l'existence de réunions infractionnelles auxquelles GQ a participé et, partant, la participation de cette dernière à l'infraction. Celle-ci a pour objet la fixation des prix et l'échange d'informations confidentielles sur certains produits chimiques destinés au traitement du caoutchouc.

105 Une telle infraction au droit de la concurrence est, par sa nature, particulièrement grave dès lors qu'elle comporte une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141-94, Rec. p. II-347, point 675).

106 En outre, il y a lieu d'observer que même une participation marginale peut revêtir un caractère essentiel pour l'infraction, dans la mesure où l'absence d'un des concurrents sur le marché à l'entente perturberait le comportement des autres concurrents parties à l'accord. Dès lors, en l'espèce, la nature de l'infraction commise par GQ est identique à celles commises par Bayer, Flexsys et Crompton.

107 Par conséquent, c'est à bon droit que la Commission a qualifié l'infraction en cause de " très grave ".

108 S'agissant des arguments ayant trait au calcul de l'amende et à la part de marché de GQ, il convient tout d'abord de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331-88, Rec. p. I-4023, point 13, et du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C-180-96, Rec. p. I-2265, point 96).

109 Il s'ensuit que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés, c'est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et que le montant de l'amende infligée à une entreprise au titre d'une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l'infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 532).

110 À cet égard, il convient de rappeler que le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit la possibilité de pondérer, " dans certains cas ", les montants déterminés en fonction de la gravité des infractions afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, " notamment " lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature.

111 Toutefois, il résulte de l'utilisation de l'expression " dans certains cas " et du terme " notamment " qu'une pondération en fonction de la taille individuelle des entreprises n'est pas une étape de calcul systématique que la Commission s'est imposée, mais une faculté de souplesse qu'elle s'est donnée dans les affaires qui le nécessitent (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44-00, Rec. p. II-2223, point 246).

112 En outre, la Commission n'est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction en question, d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires pertinent (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 312).

113 Il convient par ailleurs de relever que la seule référence expresse au chiffre d'affaires contenue dans l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003 L 1, p. 1), concerne la limite que le montant d'une amende ne peut dépasser. Dans le respect de cette limite, la Commission peut, en principe, fixer l'amende à partir du chiffre d'affaires de son choix, en termes d'assiette géographique et de produits concernés, sans être obligée de retenir précisément le chiffre d'affaires global (voir, s'agissant de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, dit " Tokai I ", T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 195, et la jurisprudence citée).

114 En l'espèce, comme indiqué ci-dessus, la Commission a tenu compte dans la décision attaquée de l'impact réel du comportement de GQ sur la concurrence, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes, et notamment du point 1 A, sixième alinéa. Elle a en effet classé les requérantes dans la quatrième catégorie, à laquelle correspond le montant de départ le plus faible des amendes infligées par la décision attaquée, à savoir un montant de 3 millions d'euro.

115 En ce qui concerne la part de marché de GQ prétendument inférieure dans l'EEE à celle que la décision attaquée lui attribuerait, il suffit de constater, d'une part, que la décision attaquée a pris en considération la part de marché au niveau mondial aux fins du calcul de l'amende et que, d'autre part, la Commission peut en principe fixer le montant de l'amende en fonction du chiffre d'affaires et de l'assiette géographique de son choix. En l'espèce, ce choix n'a pas été préjudiciable aux requérantes, puisque la Commission les a classées dans la catégorie la plus favorable pour l'application du traitement différencié.

116 Dès lors, il y a lieu de conclure que la Commission n'a, en l'espèce, pas méconnu les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement dans le calcul de l'amende en cause.

117 Par ailleurs, s'agissant de l'argument tiré d'une prétendue inégalité de traitement au détriment des requérantes en raison de la prétendue exonération de la responsabilité de certains de leurs concurrents par la Commission, il importe de rappeler que, dès lors qu'une entreprise a, par son comportement, violé l'article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d'autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d'amende, alors même que, comme en l'espèce, le juge communautaire n'est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 197).

118 En outre, aucune disposition du règlement n° 1-2003 n'oblige la Commission - qui ne jouit pas d'une compétence exclusive en la matière - à constater et à sanctionner tout comportement anticoncurrentiel. Ainsi qu'il ressort de l'article 7 du règlement n° 1-2003, elle n'a que la faculté d'agir de la sorte (" peut ") lorsqu'elle estime que le dossier en question le justifie.

119 De surcroît, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué au considérant 169 de la décision attaquée que les deux entreprises concurrentes en question avaient présenté des éléments de preuve les disculpant et que le dossier de la Commission contenait des éléments à décharge de telle sorte qu'il lui était impossible de rassembler les preuves suffisantes pour leur adresser la décision attaquée.

120 Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve dont disposait la Commission s'agissant des requérantes, ne serait-ce que dans la mesure où ces dernières admettaient l'existence de l'infraction et leur participation aux réunions du cartel, étaient d'une valeur probante supérieure à ceux concernant les entreprises concurrentes qui n'ont finalement pas été destinataires de la décision attaquée.

121 En troisième lieu, s'agissant des arguments relatifs à l'application du coefficient multiplicateur, il convient tout d'abord de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes prévoient, au point 1 A, quatrième et cinquième alinéas :

" [Il est] nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.

De manière générale, il pourra également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence. "

122 Dans le même sens, il y a lieu de souligner que, en vertu d'une jurisprudence constante, la Commission, lorsqu'elle calcule l'amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l'entreprise en cause (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. I-1825, point 120, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T-48-98, Rec. p. II-3859, point 89).

123 Ensuite, en ce qui concerne la violation alléguée du principe d'égalité de traitement du fait de l'application aux requérantes du coefficient multiplicateur de 2,5 en dépit d'une gravité prétendument moindre de leur comportement, il suffit de rappeler que les requérantes ont participé à une infraction unique, au même titre que les autres destinataires de la décision attaquée.

124 En outre, le coefficient multiplicateur ne vise pas à adapter le montant de l'amende à la gravité de l'infraction, qui a déjà été prise en compte dans le montant de départ de l'amende, mais à garantir un effet dissuasif suffisant compte tenu notamment de la taille de chaque entreprise.

125 L'argument tiré de la prétendue violation du principe d'égalité de traitement ne saurait donc prospérer.

126 Par ailleurs, s'agissant de l'argument tiré de la violation du principe de proportionnalité eu égard à la pratique de la Commission en matière d'imposition de coefficients correcteurs, il convient de souligner que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 1-2003 et dans les lignes directrices pour le calcul des amendes (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, point 61 supra, point 292).

127 S'agissant de l'argument tiré de ce que la Commission a pris en considération, en l'absence de motivation, le chiffre d'affaires de RYPF et non celui de GQ, ou à défaut celui de RQ, pour calculer le coefficient multiplicateur, il y a lieu de rappeler que la Commission a estimé à bon droit que GQ, RQ et RYPF constituaient, au regard de l'article 81 CE, une entreprise unique. C'est dès lors à juste titre que la Commission s'est fondée sur le chiffre d'affaires global de RYPF afin de fixer l'amende à un niveau suffisamment dissuasif.

128 S'agissant de l'argument relatif à l'absence de prise en compte par la Commission, au titre des circonstances atténuantes, du fait que les requérantes n'avaient pas, via GQ, participé à tous les éléments de l'infraction, il suffit de relever que la Commission a fait bénéficier les requérantes d'une réduction de 50 % du montant de l'amende eu égard au rôle passif et mineur de GQ.

129 Par ailleurs, si tant est que les requérantes invoquent la violation d'une pratique antérieure de la Commission consistant à réduire systématiquement l'amende d'un pourcentage supérieur à 50 % compte tenu du rôle passif d'une entreprise, cet argument serait également mal fondé. En effet, interrogée à l'audience sur l'existence de décisions admettant une réduction du montant de l'amende supérieure à 50 % au titre du rôle passif de l'entreprise concernée, la Commission a fait valoir, sans être contredite, que ce pourcentage était au contraire souvent inférieur à 50 %. En outre, comme il a déjà été indiqué ci-dessus, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 1-2003 et dans les lignes directrices pour le calcul des amendes.

130 Au vu de l'ensemble de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le troisième moyen, tiré d'une erreur d'appréciation, d'un défaut de motivation et d'une violation du principe d'égalité de traitement dans l'application de la communication sur la coopération

Arguments des parties

131 Les requérantes rappellent que GQ a coopéré avec la Commission conformément aux règles prévues par la communication sur la coopération.

132 Elles indiquent que, par lettre du 3 novembre 2004, la Commission a déclaré avoir reçu de GQ des éléments de preuve de l'infraction qui représentaient une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en sa possession. La Commission aurait donc manifesté son intention de lui accorder une réduction allant jusqu'à 20 % du montant de l'amende, à condition que GQ mette fin à sa participation à l'infraction.

133 Ainsi, GQ aurait mis fin à l'infraction avant la remise d'informations au titre de la communication sur la coopération. De même, GQ aurait constamment indiqué qu'elle se tenait à la disposition de la Commission pour apporter tous les éclaircissements nécessaires.

134 Or, la Commission, d'une part, se contredirait sur la nature et le niveau de détail de la contribution fournie par GQ, commettant ainsi une erreur manifeste d'appréciation, et, d'autre part, ne préciserait ni n'examinerait les circonstances qui l'amènent à affirmer que la coopération de GQ est tardive, violant ainsi son obligation de motivation.

135 Ainsi, les requérantes soutiennent que la Commission fait une analyse contradictoire de la signification de la contribution de GQ. D'une part, la Commission indiquerait que cette contribution se borne à des détails et comporte peu de preuves permettant de démontrer la violation des règles de concurrence. D'autre part, la Commission soulignerait le caractère crucial de la principale preuve écrite apportée, à savoir la télécopie. Sans la contribution de GQ, la Commission n'aurait pas pu conclure à l'existence, en ce qui la concerne, de l'infraction, étant donné qu'aucune autre entreprise ne lui avait fourni d'éléments suffisants pour incriminer GQ.

136 La contribution de GQ serait donc significative, puisqu'elle aurait permis à la Commission de disposer de preuves afin de déterminer la structure formelle de l'accord de hausse de prix et d'étayer ses griefs. La contribution de GQ serait d'autant plus significative qu'elle émanerait d'un concurrent mineur et que sa participation à l'entente revêtirait un caractère sporadique.

137 Les requérantes soutiennent par conséquent que la Commission n'a pas apprécié à sa juste valeur la contribution de GQ, qu'elle n'a pas examiné de façon cohérente la valeur ajoutée que présentaient les éléments de preuve fournis et qu'elle a en outre sous-évalué la coopération de l'entreprise en lui attribuant une réduction comparable à celle accordée au titre de la communication du 18 juillet 1996 de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4) pour le simple fait d'avoir reconnu et corroboré les faits qui ont conduit à l'infraction.

138 De même, la Commission n'examinerait pas les circonstances l'amenant à considérer la contribution des requérantes comme tardive. Ainsi, il ne serait pas tenu compte du fait que le caractère tardif de la coopération de GQ a pu avoir un rapport avec les caractéristiques de la participation de GQ ou avec la circonstance que cette dernière était la seule société à avoir cessé de participer aux faits longtemps auparavant.

139 Selon les requérantes, l'application par la Commission de la communication sur la coopération revient à pénaliser les entreprises qui coopèrent tardivement sans prendre en compte le caractère signifiant ou non de leur contribution. La contribution devrait conserver son caractère significatif indépendamment du stade auquel elle intervient.

140 Enfin, la Commission aurait pris en compte le fait que la société Crompton avait fourni des preuves significatives tardivement, sans que cette dernière explique pourquoi elle n'avait pas pu les produire auparavant. Crompton aurait donc été avantagée pour la même raison que celle pour laquelle GQ a été pénalisée. La coopération fournie par les requérantes serait par ailleurs semblable à celle fournie par d'autres entreprises comme Bayer et Flexsys.

141 La Commission conteste les arguments des requérantes.

Appréciation du Tribunal

142 À titre liminaire, il convient de relever que, dans la communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente peuvent être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter.

143 Ainsi, la communication sur la coopération dispose, en son point 20, que " [l]es entreprises qui ne remplissent pas les conditions [d'exemption de l'amende] prévues au titre A peuvent toutefois bénéficier d'une réduction de l'amende qui à défaut leur aurait été infligée " et, en son point 21, qu'" [a]fin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l'infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l'activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ".

144 En outre, il est prévu au point 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération une classification en trois catégories des réductions d'amendes :

" - première entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 : réduction comprise entre 30 et 50 % ;

- deuxième entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 : réduction comprise entre 20 et 30 % ;

- autres entreprises remplissant la condition énoncée au point 21 : réduction maximale de 20 %. "

145 Enfin, la communication sur la coopération dispose au point 23, sous b), deuxième alinéa :

" [P]our définir le niveau de réduction à l'intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au point 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu'ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l'étendue et la continuité de la coopération dont l'entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution. "

146 En l'espèce, s'agissant de l'argument tiré de la prétendue erreur d'appréciation commise par la Commission, il suffit de rappeler que les requérantes ont bénéficié d'une réduction de l'amende à hauteur de 10 % en vertu du point 21 de la communication sur la coopération. Or, il y a lieu de constater que la Commission a classé à bon droit les requérantes dans la catégorie des entreprises pouvant bénéficier d'une réduction d'amende allant jusqu'à 20 %. En effet, les requérantes n'ont été que la troisième entreprise à produire des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative à la Commission. Il s'ensuit que les prétendues contradictions de la décision attaquée quant au caractère significatif de la valeur ajoutée sont sans effet sur ce classement. En effet, les requérantes n'auraient pas pu, en tout état de cause, être classées dans une catégorie supérieure. L'argument ayant trait à une prétendue erreur d'appréciation de la part de la Commission est par conséquent dépourvu de fondement.

147 Par ailleurs, en ce qui concerne la réduction du montant de l'amende à l'intérieur de la fourchette retenue, il y a lieu d'observer que ce n'est pas uniquement le degré de valeur ajoutée des éléments de preuve produits qui est pris en compte par la Commission, mais également la date à laquelle lesdits éléments de preuve, remplissant la condition énoncée au point 21 de la communication sur la coopération, ont été communiqués. À cet égard, il convient de rappeler que GQ a produit les éléments de preuve en cause plus d'un an et demi après que la Commission a procédé à des inspections dans ses locaux et, en tout état de cause, longtemps après que les autres destinataires de la décision attaquée ont soumis des éléments de preuve présentant une valeur ajoutée significative à la Commission. La Commission n'a donc pas méconnu l'importance de la coopération des requérantes en ne leur attribuant pas la réduction maximale dans la fourchette applicable, dans la mesure où leur contribution a été, à juste titre, considérée comme tardive au regard des circonstances de l'espèce.

148 En ce qui concerne l'argument tiré d'un prétendu défaut de motivation de la décision attaquée, il y a lieu de relever que, d'une part, la décision attaquée fait référence, au considérant 351, à l'application de la communication sur la coopération avant de procéder à l'examen des situations individuelles des entreprises et que, d'autre part, le point 23, sous b), de la communication sur la coopération prévoit explicitement comme critère déterminant, aux fins du calcul de la réduction d'amende, la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au point 21 de ladite communication ont été communiqués. Dans la mesure où, comme il l'a été précédemment exposé, il est constant que les requérantes se sont prévalues de la communication sur la coopération plus d'un an et demi après les inspections et après toutes les autres destinataires de la décision attaquée, la référence, au considérant 377 de la décision attaquée, au caractère tardif de la production des éléments de preuve constitue une motivation suffisante.

149 S'agissant de l'argument tiré de la pratique décisionnelle de la Commission, il suffit de rappeler que le seul fait que celle-ci a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n'implique pas qu'elle est tenue d'accorder la même réduction proportionnelle lors de l'appréciation d'un comportement similaire dans le cadre d'une procédure administrative ultérieure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 458).

150 Enfin, s'agissant de la prétendue violation du principe d'égalité de traitement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d'une entente, méconnaître le principe d'égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt Tokai I, point 113 supra, point 394, et la jurisprudence citée). Toutefois, il convient de reconnaître à la Commission une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité des coopérations fournies par les différents membres d'une entente, seul un excès manifeste de cette marge étant susceptible d'être censuré (voir arrêt Tokai II, point 59 supra, point 371).

151 En l'espèce, il y a lieu de constater que non seulement le dossier ne fait pas ressortir un excès manifeste de la marge d'appréciation de la part de la Commission, mais qu'en outre la coopération fournie par Crompton, Bayer et Flexsys différait très nettement de celle apportée par les requérantes.

152 En effet, Crompton a été la première entreprise à satisfaire aux conditions posées par le point 21 de la communication sur la coopération (considérant 364 de la décision attaquée). Pour sa part, Flexsys a été la première entreprise à fournir des éléments de preuve suffisants pour que la Commission puisse ordonner des vérifications, remplissant ainsi les conditions énoncées aux points 8, sous a), et 9 de la communication sur la coopération pour l'octroi de l'immunité conditionnelle d'amendes (considérant 352 de la décision attaquée). Enfin, Bayer a été la deuxième entreprise à satisfaire aux conditions posées par le point 21 de la communication sur la coopération et a donc précédé GQ (considérant 371 de la décision attaquée).

153 S'agissant de l'argument des requérantes selon lequel Crompton a produit des éléments de preuve tardifs, il convient de relever que lesdits éléments ont été fournis après que les déclarations précédentes de Crompton avaient déjà pleinement satisfait les conditions posées par le point 21 de la communication sur la coopération. Ces éléments supplémentaires témoignaient ainsi d'une coopération étendue et constante, ce qui a permis à Crompton de bénéficier d'une réduction maximale d'amende au titre du point 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication sur la coopération.

154 La situation des requérantes n'est pas comparable, dans la mesure où, contrairement à Crompton, elles n'ont satisfait que tardivement à la condition du point 21 de la communication sur la coopération relative à la production d'éléments de preuve présentant une valeur ajoutée significative à la Commission.

155 Au vu de ces considérations, la Commission était en droit d'accorder des réductions d'amendes différentes aux destinataires de la décision attaquée et à ne pas faire bénéficier les requérantes de la réduction d'amende maximale à laquelle elles pouvaient prétendre.

156 Il s'ensuit que le troisième moyen doit être écarté.

157 Le recours dans son ensemble doit par conséquent être rejeté comme étant non fondé.

Sur les dépens

158 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

159 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) General Química, SA, Repsol Química, SA et Repsol YPF, SA supporteront leurs propres dépens et les dépens exposés par la Commission.