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Décisions

TPICE, 2e ch., 13 mai 2008, n° T-327/04

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Syndicat national de l'industrie des viandes

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, République française

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pelikánová

Juges :

Mme Jürimäe, M. Soldevila Fragoso

Avocats :

Mes Coutrelis, Henneresse

TPICE n° T-327/04

13 mai 2008

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

Faits à l'origine du litige

1 Le 7 novembre 2003, la République française a notifié à la Commission, au titre de l'article 88, paragraphe 3, CE, des mesures d'aides destinées au financement du service public de l'équarrissage en France, certaines ayant été exécutées en 2003 et d'autres envisagées à partir de 2004.

2 Les 12 février et 19 mars 2004, le requérant, le Syndicat national de l'industrie des viandes (SNIV), ainsi que quatre autres groupements du secteur des viandes ont attiré l'attention de la Commission sur la nécessité d'ouvrir la procédure formelle d'examen des mesures d'aides en cause prévue par l'article 88, paragraphe 2, CE. Une réunion s'est tenue à Bruxelles à ce sujet le 23 février 2004.

3 Le 30 mars 2004, la Commission a, en application de l'article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] (JO L 83, p. 1), adopté la décision C (2004) 936 final (ci-après la " décision attaquée "), qui ne concerne que les mesures envisagées à partir de l'année 2004. Elle a considéré, d'une part, que la mesure de prise en charge des déchets à l'abattoir ne constituait pas une aide d'État et, d'autre part, que la mesure de prise en charge des animaux trouvés morts en dehors des abattoirs était une aide compatible avec le marché commun en application de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

4 Par lettres des 7 et 13 avril 2004, la Commission a informé le requérant qu'elle n'avait pas " décelé d'éléments d'incompatibilité au regard des dispositions de concurrence applicables en matière d'aides d'État ", tout en précisant " que certains aspects du système pourraient encore faire l'objet d'un examen postérieur ". Dans ces mêmes lettres, la Commission a invité le requérant " à prendre connaissance du texte [de la décision attaquée sur] le site http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/state_aids/agriculture.htm, où il sera accessible prochainement ".

5 Par lettre du 30 avril 2004, le requérant a accusé réception de la lettre de la Commission du 7 avril 2004 et a noté que la Commission l'avait invité à prendre connaissance du texte de la décision attaquée sur son site Internet. À ce titre, il a demandé à la Commission, d'une part, de lui communiquer la date à laquelle la décision attaquée serait effectivement disponible et, d'autre part, dans l'attente de cette date, de lui en transmettre une copie afin de s'assurer que les autorités françaises avaient respecté les limites posées par ladite décision.

6 Le 30 avril 2004, la Commission a publié au Journal officiel de l'Union européenne une communication succincte informant les tiers, sous la forme d'un résumé des données essentielles des mesures d'aides notifiées, qu'elle ne soulevait pas d'objection à l'encontre desdites mesures (JO C 115, p. 36). Dans cette communication, la Commission a précisé :

" Le texte de la décision dans la ou les langues faisant foi, expurgé des données confidentielles, est disponible sur le site :

http://europa.eu.int/comm/sg/sgb/state_aids. "

7 Par lettre du 24 mai 2004, la Commission a adressé au conseil du requérant une copie de la décision attaquée. Ladite lettre est parvenue à son destinataire le 3 juin 2004.

Procédure et conclusions des parties

8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2004, le requérant a introduit le présent recours.

9 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 6 octobre 2004, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

10 Le 15 décembre 2004, le requérant a déposé ses observations sur cette exception.

11 Par ordonnance du 3 février 2005, le président de la cinquième chambre du Tribunal, les parties entendues, a admis l'intervention de la République française au soutien des conclusions de la Commission.

12 Le 29 mars 2005, la République française a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en intervention limité à la question de la recevabilité.

13 La Commission et le requérant ont déposé, respectivement le 25 avril et le 24 juin 2005, leurs observations sur le mémoire en intervention de la République française.

14 Par lettre du 7 décembre 2007, le Tribunal a, conformément aux dispositions de l'article 113 du règlement de procédure, invité les parties à déposer leurs observations sur le respect du délai de recours dans la présente affaire.

15 En réponse à cette invitation du Tribunal, le requérant a déposé ses observations le 19 décembre et la Commission le 20 décembre 2007.

16 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours recevable ;

- annuler la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

17 La Commission, soutenue par la République française, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours irrecevable ;

- condamner le requérant aux dépens.

En droit

18 En vertu de l'article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d'office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d'ordre public. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces produites et les explications fournies par les parties pendant la procédure écrite, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure orale.

19 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours ne sont à la disposition ni du juge ni des parties et présentent un caractère d'ordre public (arrêts du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T-514-93, Rec. p. II-621, point 40 ; du 14 juillet 1998, Hauer/Conseil et Commission, T-119-95, Rec. p. II-2713, point 22, et ordonnance du Tribunal du 25 juin 2003, AIT/Commission, T-287-02, Rec. p. II-2179, point 20). Il ressort également de la jurisprudence qu'il appartient au Tribunal d'examiner d'office si le délai de recours a été respecté (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T-121-96 et T-151-96, Rec. p. II-1355, point 39).

20 Selon l'article 230, cinquième alinéa, CE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

21 Il découle du libellé même de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l'acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à celui de la publication ou de la notification de l'acte (voir arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122-95, Rec. p. I-973, point 35, et arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T-190/00, Rec. p. II-5015, point 30, et la jurisprudence citée).

22 Il résulte également de la jurisprudence que, s'agissant des actes qui, selon une pratique constante de l'institution concernée, font l'objet d'une publication au Journal officiel, bien que cette publication ne soit pas une condition de leur applicabilité, la Cour et le Tribunal ont admis que le critère de la date de prise de connaissance n'était pas applicable et que c'était la date de la publication qui faisait courir le délai de recours (voir, s'agissant des actes du Conseil portant conclusion d'accords internationaux au nom de la Communauté, arrêt Allemagne/Conseil, point 21 supra, points 37 à 39, et, s'agissant des décisions de la Commission de clore une procédure préliminaire d'examen au titre de l'article 88, paragraphe 3, CE, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T-17-02, Rec. p. II-2031, point 77, et ordonnance du Tribunal du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission, T-426-04, Rec. p. II-4765, point 49). Dans de telles circonstances, en effet, le tiers concerné peut légitimement escompter que l'acte en question sera publié.

23 En l'espèce, le requérant fait valoir, dans ses observations adressées au Tribunal le 19 décembre 2007, que la décision attaquée n'a pas fait l'objet d'une publication intégrale au Journal officiel et ne lui a pas été notifiée, de sorte qu'en l'espèce la date de la réception par le requérant de la lettre de la Commission du 24 mai 2004, à savoir le 3 juin 2004, constitue le point de départ du calcul du délai de recours. Il fait également observer qu'à ce jour le registre des aides d'État, accessible sur le site Internet de la Commission, comporte toujours un simple renvoi au Journal officiel C 115, du 30 avril 2004, mais pas le texte de la décision attaquée.

24 Toutefois, le Tribunal relève que la décision attaquée a fait l'objet d'une communication succincte au Journal officiel, en application de l'article 26, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999.

25 Conformément à la disposition susvisée, les décisions par lesquelles la Commission constate, après un examen préliminaire, soit que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, soit que la mesure notifiée, pour autant qu'elle entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun et estime que cette mesure est compatible avec ce dernier, font l'objet d'une communication succincte au Journal officiel, mentionnant la possibilité de se procurer un exemplaire de la décision dans la ou les versions linguistiques faisant foi. Une telle communication a pour objet de fournir aux tiers intéressés les éléments essentiels de la décision (voir, en ce sens, arrêt Olsen/Commission, point 22 supra, point 78, et ordonnance Tramarin/Commission, point 22 supra, point 51).

26 Selon une pratique constante de la Commission, développée depuis le mois de mai 1999, à la suite de l'entrée en vigueur du règlement nº 659-1999, la communication succincte visée au point précédent comporte un renvoi au site Internet du secrétariat général de la Commission, avec la mention que le texte intégral de la décision en question, expurgé des données confidentielles, y est disponible, dans la ou les versions linguistiques faisant foi (arrêt Olsen/Commission, point 22 supra, point 79, et ordonnance Tramarin/Commission, point 22 supra, point 52).

27 Or, il est de jurisprudence constante, que le fait pour la Commission de donner aux tiers un accès intégral au texte d'une décision placée sur son site Internet, combiné avec la publication d'une communication succincte au Journal officiel permettant aux intéressés d'identifier la décision en question et les avisant de cette possibilité d'accès par Internet, doit être considéré comme une publication au sens de l'article 230, cinquième alinéa, CE (arrêts du Tribunal Olsen/Commission, point 22 supra, point 80, et du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T-375-03, non publié au Recueil, point 73 ; ordonnances du Tribunal du 19 septembre 2005, Air Bourbon/Commission, T-321-04, Rec. p. II-3469, point 34, et Tramarin/Commission, point 22 supra, point 53).

28 En l'espèce, il ressort du dossier que la Commission a publié au Journal officiel C 115, du 30 avril 2004, une communication succincte relative à la décision attaquée, indiquant la date d'adoption de celle-ci, l'État membre concerné, le numéro de l'aide, son titre, son objectif, sa base juridique, le budget qui lui est consacré et sa durée. Cette communication indique également que le texte de la décision attaquée, dans la ou les langues faisant foi, expurgé des données confidentielles, est disponible sur le site Internet de la Commission et mentionne l'adresse électronique permettant d'accéder à ce texte.

29 Certes, il y a lieu de relever que cette dernière adresse ne permettait pas d'accéder de manière immédiate audit texte, ce qui est regrettable. Toutefois, il ressort de la jurisprudence que l'absence d'un tel accès immédiat n'est pas de nature à infirmer la conclusion mentionnée au point 27 ci-dessus (ordonnance Tramarin/Commission, point 22 supra, point 55).

30 En l'espèce, il n'est pas contesté que le texte intégral de la décision était disponible sur le site Internet de la Commission le 30 avril 2004, jour de la publication de la communication succincte. Au demeurant, le requérant n'a nullement soutenu avoir été dans l'impossibilité, pour des raisons techniques ou autres, d'accéder, par ce moyen, au texte intégral de la décision attaquée (voir, en ce sens, Air Bourbon/Commission, point 27 supra, points 37).

31 Tout au plus a-t-il fait valoir, dans ses observations adressées au Tribunal le 19 décembre 2007, que la décision attaquée n'était pas disponible dans le registre des aides d'État sur le site Internet de la Commission. Or, le Tribunal constate que l'adresse électronique figurant dans la communication succincte publiée au Journal officiel permettait d'accéder à la page Internet du secrétariat général de la Commission portant sur les aides d'État et recensant les décisions de l'institution en matière d'aides d'État, et notamment celles de ne pas soulever d'objections, classées par secteur d'activité, dont celui en cause en l'espèce, à savoir l'agriculture, et numéro d'aide. Partant, cette adresse électronique figurant dans la communication succincte publiée au Journal officiel permettait d'accéder à une page précise du site Internet du secrétariat général de la Commission et non pas, comme semble l'avoir considéré à tort le requérant, audit registre des aides d'État. Il résulte des développements qui précèdent que, compte tenu des renseignements figurant dans la communication succincte, tels que rappelés au point 28 ci-dessus, il était aisé pour toute personne intéressée d'accéder au texte de la décision concernée (voir, en ce sens, ordonnance Tramarin/Commission, point 22 supra, point 55).

32 Le fait que, par lettre du 24 mai 2004, la Commission a communiqué au conseil du requérant une copie de la décision attaquée n'est pas non plus de nature à infirmer la conclusion mentionnée au point 27 ci-dessus.

33 En effet, une telle lettre ne saurait constituer une notification, au sens de l'article 230 CE. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il ressort de la jurisprudence que la notification est l'opération par laquelle l'auteur d'un acte de portée individuelle communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure d'en prendre connaissance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6-72, Rec. p. 215, point 10, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T-338-94, Rec. p. II-1617, point 70). Cette interprétation découle également de l'article 254, paragraphe 3, CE, aux termes duquel les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification (arrêt Olsen/Commission, point 22 supra, point 74). Or, en vertu de l'article 25 du règlement n° 659-1999, les décisions adoptées par la Commission à la fin de la procédure administrative d'examen des aides d'État ont pour destinataires les États membres concernés. Partant, en l'espèce, la République française était l'unique destinataire de la décision attaquée.

34 De même, à supposer que la demande du requérant, par lettre du 30 avril 2004, visant à obtenir la communication du texte de la décision attaquée ait été formulée sur le fondement de l'article 20, paragraphe 3, du règlement n° 659-1999, il convient de relever qu'il a déjà été jugé que la possibilité pour l'intéressé d'obtenir une copie d'une telle décision n'infirme pas la conclusion mentionnée au point 27 ci-dessus (arrêt Air Bourbon/Commission, point 27 supra, points 35 et 36). Au demeurant, ainsi que cela ressort des termes mêmes de cette lettre du 30 avril 2004, la communication du texte de la décision attaquée que sollicitait le requérant était destinée à lui permettre d'en prendre connaissance, dans l'attente de sa mise à disposition sur le site Internet de la Commission.

35 Il suffit à cet égard de rappeler que, selon la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus, le critère de la date de prise de connaissance de l'acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à celui de la publication de l'acte.

36 Or, force est de constater qu'il ressort des termes de la lettre du requérant du 30 avril 2004 qu'il n'est pas contestable que la Commission l'avait informé, dans sa lettre du 7 avril 2004, que la décision attaquée serait disponible sur le site Internet de la Commission.

37 Il résulte de ce qui précède que le délai de recours de deux mois a commencé à courir, conformément à l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, quatorze jours après la publication du 30 avril 2004 et qu'il est arrivé à expiration le 26 juillet 2004, compte tenu du délai de distance de dix jours et, conformément à l'article 101, paragraphe 2, du règlement de procédure, du report d'expiration d'un délai lorsqu'il prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, soit huit jours avant l'introduction du recours le 3 août 2004.

38 Il s'ensuit que le présent recours, en ce qu'il vise à l'annulation de la décision attaquée, doit être qualifié de tardif et doit donc être rejeté comme étant irrecevable, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission.

39 Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité comme irrecevable.

Sur les dépens

40 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

41 Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Il s'ensuit que la République française supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Le Syndicat national de l'industrie des viandes (SNIV) supportera ses propres dépens et ceux de la Commission.

3) La République française supportera ses propres dépens.