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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ. B, 8 janvier 2009, n° 07-08055

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

A7B Bohémia AS (Sté)

Défendeur :

Candia (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Flise

Conseillers :

Mme Devalette, M. Maunier

Avoués :

SCP Baufume-Sourbe, SCP Aguiraud-Nouvellet

Avocats :

SELAS Vogel & Vogel, Me Nallet

T. com. Lyon, du 21 sept. 2007

21 septembre 2007

Se plaignant d'une rupture déloyale et brutale de relations contractuelles la société A7B Bohémia a fait assigner la société Candia devant le Tribunal de commerce de Lyon pour obtenir une indemnisation.

Par jugement en date du 21 septembre 2007 le Tribunal de commerce de Lyon a débouté la société A7B Bohémia de l'ensemble de ses demandes et fait application des dispositions de l'article 700 NCPC en faveur de la société Candia.

La société A7B Bohémia a interjeté appel de cette décision le 20 décembre 2007.

Aux termes de ses dernières écritures elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande que la société Candia soit condamnée à lui verser, à titre de dommages et intérêts, une somme de 1 876 163 euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2004. Elle sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle explique:

- que les sociétés A7B ont été successivement depuis la fin de l'année 1992 le distributeur exclusif des produits de la marque Candia (et principalement du lait aromatisé) sur les marchés tchèques et slovaques qu'elles avaient défrichés

- qu'après avoir proposé au mois d'avril 2003 (c'est-à-dire juste avant l'intégration des marchés tchèque et slovaque au marché unique européen) une formalisation écrite de partenariat, la société Candia a mis fin à leur coopération le 31 juillet 2003 avec effet au 31 décembre 2003.

Elle précise:

- qu'à la suite d'un arrêt de la cour de céans en date du 3 novembre 2005 accueillant une exception de litispendance elle s'est désistée de l'instance en concurrence déloyale qu'elle avait introduite devant les juridictions tchèques

- que la société Candia a été déboutée par les juridictions tchèques d'actions en préservation de droits d'auteur et en concurrence déloyale.

Elle reproche au Tribunal de commerce de Lyon d'avoir, pour estimer suffisant le préavis de cinq mois, limité à trois années la durée des relations commerciales entre les parties et d'avoir écarté l'existence d'une situation de dépendance exclusive à l'égard de la société Candia. Elle soutient:

- que suivant contrat en date du 21 novembre 2000 (conforme aux dispositions du Code civil et du Code de commerce tchèques) elle a repris les activités de la société A7B Trading (M. Tobias étant à la fois son gérant et celui de la société A7B Trading) et que les relations commerciales établies depuis 1992 par la société Candia avec la société A7B Trading se sont poursuivies avec elle

- que la société Candia est de particulière mauvaise foi lorsqu'elle prétend qu'elle n'a pas été informée de la reprise du contrat de distribution et que deux contrats de distribution successifs ont été conclus avec deux entités distinctes.

Elle évalue à 40 % (dégageant 50 % de la marge commerciale) la part des produits Candia dans son chiffre d'affaires. Elle se plaint des difficultés auxquelles elle se serait heurtée pour organiser sa reconversion.

Elle estime que la société Candia en formulant au mois d'avril 2003 une proposition dont elle a ensuite modifié les conditions puis en rompant les relations commerciales a mis à exécution la décision, prise de longue date, d'évincer un partenaire devenu encombrant au moment de l'ouverture des marchés tchèque et slovaque. Elle trouve la confirmation de ce comportement déloyal dans les reproches qui lui ont été ultérieurement adressés par la société Candia, reproches dont la pertinence n'est pas établie et qui concernent de surcroît les années pendant lesquelles la société Candia prétend avoir eu pour seul partenaire la société A7B Trading.

Elle évalue à 19 mois la durée supplémentaire de préavis qui aurait dû lui être accordée. Elle obtient la somme de 1 876 163 euro en ajoutant à 19 mois de marge brute moyenne (18 084 euro sur trois années) soit 343 596 euro une perte de fonds de commerce soit 1 532 567 euro.

Aux termes de ses dernières écritures la société Candia conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Elle impute la rupture des relations commerciales aux carences de la société A7B Bohémia qui aurait manqué de dynamisme et d'efficacité.

Pour soutenir que la durée de ses relations commerciales avec la société A7B Bohémia n'a été que de 3 années, elle fait observer que cette société de droit tchèque n'a été immatriculée qu'au cours de l'année 2000 et constitue une personne morale entièrement distincte de la société A7B Trading et qu'aucune fusion ou absorption n'est intervenue. Elle estime que l'existence et la validité du contrat de cession ne peuvent être tenues pour certaines et souligne qu'en toute hypothèse cette cession n'a pas été acceptée par elle.

Se prévalant du fait qu'aucun contrat écrit n'a été conclu entre les parties elle conteste que la société A7B Bohémia ait eu le statut de distributeur exclusif des produits Candia. Elle soutient que toute exclusivité temporaire dont a pu jouir la société A7B Bohémia était révocable discrétionnairement.

Elle considère comme non probants les documents comptables et les tableaux produits par la société A7B Bohémia. Elle ne trouve par ailleurs pas dans les pièces adverses (au nombre desquelles ne figure pas le chiffre d'affaires 2004) la preuve des difficultés de reconversion alléguées par la société A7B Bohémia qui, selon, se serait en réalité reconvertie en commercialisant des contrefaçons des produits Candia.

Elle se plaint d'avoir été évincée du marché tchèque par les pratiques déloyales de la société A7B Bohémia.

Elle soutient qu'en toute hypothèse la marge brute mensuelle de la société A7B ne peut être évaluée à plus de 12 250 euro et que la perte, au demeurant non établie, d'un fonds de commerce ne peut être de surcroît réparée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2008.

Sur ce :

Attendu que, dans le courrier adressé le 14 avril 2003 à la société A7B Bohémia, la société Candia s'est plainte de la décroissance permanente des volumes de ventes depuis 1999, de l'entrée de deux nouveaux concurrents et de l'absence de respect par son cocontractant du délai normal de paiement des factures et a fait part de son souhait de développer une stratégie plus agressive sur le marché tchèque avant l'élargissement de l'Union européenne;

Qu'elle a ainsi loyalement averti la société A7B Bohémia à la fois de l'insatisfaction que lui procurait la situation actuelle et des recherches qu'elle entreprenait pour trouver le distributeur qui serait capable d'appliquer sa politique et qui pourrait être soit la société A7B Bohémia soit un tiers;

Que sa décision ultérieure de choisir un autre distributeur que la société A73 Bohémia, avec laquelle se poursuivait une relation commerciale à durée indéterminée, n'est pas en elle-même constitutive d'une faute;

Attendu que, pour vérifier si la rupture de cette relation commerciale a été brutale, il convient de rechercher quelles avaient été la durée et l'importance de cette relation;

Attendu que le contrat de "cession d'activités de vente" conclu le 21 novembre 2000 entre la société A7B Trading et la société A7B Bohémia et versé aux débats vise expressément la distribution en République tchèque et en République slovaque des produits Candia;

Attendu qu'à supposer même que la validité et l'opposabilité aux tiers de cet acte juridique puissent être contestées il n'en demeurerait pas moins que la société Candia a, de fait, poursuivi avec ces deux sociétés une relation commerciale n'ayant connu aucune autre modification que celle tenant à la dénomination de deux personnes morales qui étaient certes distinctes mais qui possédaient le même actionnaire principal et dont la seconde ne constituait que le prolongement de la première;

Attendu qu'il apparaît, en tenant compte de la durée totale de cette relation (soit une dizaine d'années) et de l'exclusivité dont les sociétés A7B bénéficiaient en pratique, ainsi que le confirme notamment le mail adressé le 30 avril 2001 par un représentant de la société Candia et précisant que "A7B est notre seul distributeur" (en République tchèque), que la durée du préavis accordé à la société A7B Bohémia aurait dû être de 10 mois;

Attendu que pour établir la part de son chiffre d'affaires résultant de la distribution des produits Candia ainsi que le montant de la marge brute correspondant à cette part de chiffre d'affaires la société A7B Bohémia se contente de produire une attestation établie par son propre conseil fiscal, dont l'objectivité est incertaine, ainsi que des documents comptables globaux qui ne permettent pas de vérifier l'exactitude des chiffres qu'elle avance;

Que la société A7B Bohémia succombant, sur ces deux points, dans l'administration de la preuve, il convient de retenir le montant de marge brute proposé par la société Candia et d'allouer, en réparation de la rupture brutale de la relation commerciale, une indemnité d'un montant de 60 000 euro;

Attendu que la rupture brutale de sa relation commerciale n'a entraîné pour la société AB7 Bohémia, qui perdait un fournisseur libre d'établir des liens avec d'autres co-contractants et qui conservait sa propre clientèle en ayant la possibilité de lui vendre d'autres produits, aucune disparition de fonds de commerce;

Que la demande de dommages et intérêts présentée de ce chef doit, par conséquent, être rejetée;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Condamne la société Candia à payer à la société A7B Bohémia une somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Candia aux dépens de première instance et aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Baufumé Sourbé, avoué.