CJCE, 1re ch., 22 décembre 2008, n° C-161/07
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République de Lituanie, République d'Autriche
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Jann
Avocat général :
M. Poiares Maduro
Juges :
MM. Ileic, Tizzano, Borg Barthet, Kasel
LA COUR (première chambre),
1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en exigeant, pour l'enregistrement de sociétés au registre de commerce à la demande des ressortissants des États membres qui ont adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004 à l'exception de la République de Chypre et de la République de Malte (ci-après les " huit nouveaux États membres "), l'établissement de leur qualité d'indépendant par l'Arbeitsmarktservice (service du marché de l'emploi, ci-après l'" AMS ") ou la production d'une dispense de permis de travail, la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE.
Le cadre juridique
Le droit communautaire
2. L'article 24 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l'" acte d'adhésion ") est libellé comme suit:
" Les mesures énumérées dans la liste figurant aux annexes V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV du présent acte sont applicables en ce qui concerne les nouveaux États membres dans les conditions définies par lesdites annexes. "
3. Ces annexes prévoient en particulier, à leur point 2, premier alinéa, figurant sous le titre " Libre circulation des personnes ", la possibilité pour les États déjà membres de l'Union au moment de cette adhésion de continuer à appliquer jusqu'à la fin de la période de cinq ans suivant la date de celle-ci "des mesures nationales [...] qui réglementent l'accès des ressortissants [des nouveaux États membres] à leur marché du travail ".
Le droit national
4. En vertu des dispositions combinées de ses articles 32a et 1er, paragraphe 2, sous l) et m), la loi sur l'emploi des étrangers (Ausländerbeschäftigungsgesetz), du 20 mars 1975 (BGBl. 218/1975), dans sa version actuellement en vigueur (BGBl. I, 99/2006, ci-après l'" AuslBG "), s'applique aux ressortissants des huit nouveaux États membres.
5. L'article 2, paragraphe 2, de l'AuslBG définit l'emploi comme l'activité exercée "dans le cadre d'une relation de travail" ou " dans le cadre d'une relation assimilable à une relation de travail ".
6. L'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG est libellé comme suit:
" Pour apprécier s'il y a emploi au sens du paragraphe 2, il importe d'avoir égard à la substance économique réelle, et non à l'apparence extérieure des faits. Il y a ainsi emploi au sens du paragraphe 2 lorsque
1. un associé d'une société de personnes, en vue d'atteindre l'objet social commun, ou
2. un associé d'une société à responsabilité limitée détenant une participation inférieure à 25 % accomplit, en faveur de cette société, des prestations qui sont typiquement effectuées dans le cadre d'une relation de travail, à moins que le bureau régional de l'[AMS] ne constate, sur demande et dans un délai de trois mois, qu'une influence substantielle est effectivement exercée personnellement par un associé sur la gestion de la société. La charge de la preuve incombe au demandeur. À l'expiration de ce délai, l'activité peut être entreprise même sans l'attestation requise. Si la demande est rejetée après l'expiration du délai, il doit être mis fin à l'activité déjà entreprise immédiatement ou au plus tard dans la semaine suivant la notification de l'attestation."
7. L'article 15 de l'AuslBG établit les conditions de délivrance d'une dispense de permis de travail dans les termes suivants:
" (1) Un étranger qui ne dispose pas encore d'un permis de travail à durée indéterminée (article 17) peut se voir délivrer, sur demande, une dispense de permis de travail:
1. s'il a exercé, au cours des huit dernières années, une activité autorisée durant au moins cinq ans sur le territoire national [...] et s'il dispose d'une autorisation légale d'établissement, [...]
[...] "
La procédure précontentieuse
8. Considérant que la méthode de distinction entre travailleurs indépendants et travailleurs salariés découlant de l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG constitue une restriction à la liberté d'établissement garantie par l'article 43 CE, la Commission a, le 21 mars 2005, adressé une lettre de mise en demeure à ce sujet aux autorités autrichiennes, lesquelles ont répondu par lettre du 19 mai 2005, contestant toute violation de ce dernier article.
9. Le 6 juillet 2006, la Commission a envoyé à la République d'Autriche un avis motivé, invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci. Les autorités autrichiennes ont répondu audit avis le 7 septembre 2006, réitérant leur position.
10. La Commission a dès lors décidé d'introduire le présent recours.
11. Par ordonnance du président de la Cour du 19 septembre 2007, la République de Lituanie a été admise à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.
Sur le recours
Argumentation des parties
12. La Commission fait valoir que l'obligation prévue par la législation nationale en cause, imposant aux ressortissants des huit nouveaux États membres souhaitant enregistrer une société au registre de commerce d'obtenir soit une attestation de l'AMS établissant leur qualité de travailleur indépendant, soit une dispense de permis de travail, constitue une restriction injustifiée à l'exercice du droit d'établissement.
13. Les arguments de la Commission se concentrent essentiellement sur le grief relatif à l'incompatibilité avec l'article 43 CE de la procédure d'attestation de la qualité d'indépendant prévue à l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG, étant donné que rares seraient les ressortissants de ces États membres pouvant justifier de l'exercice d'une activité autorisée durant cinq ans au cours des huit années précédant la demande, nécessaire pour obtenir une dispense de permis de travail au titre de l'article 15 de l'AuslBG.
14. La Commission relève tout d'abord que, en vertu dudit article 2, paragraphe 4, un ressortissant de l'un desdits États membres est présumé agir comme travailleur salarié lorsqu'il accomplit, en qualité d'associé d'une société de personnes ou d'une société à responsabilité limitée détenant une part du capital social inférieure à 25 %, des "prestations typiquement effectuées dans le cadre d'une relation de travail". En exigeant qu'un tel associé renverse cette présomption en rapportant la preuve de sa qualité d'indépendant, cette disposition non seulement subordonnerait l'accès à une activité non salariée à une condition supplémentaire par rapport à celles applicables aux autres opérateurs, mais empêcherait également l'exercice de cette activité économique pendant la durée de la procédure de délivrance d'attestation. La liberté d'établissement des opérateurs économiques concernés des huit nouveaux États membres serait dès lors entravée.
15. La Commission fait ensuite valoir que la restriction édictée à l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG est de nature discriminatoire en raison du fait que la procédure en cause s'applique aux ressortissants des nouveaux États membres sur la base de leur nationalité.
16. Cette restriction ne saurait, en outre, être justifiée, sur le fondement de l'article 46 CE, pour des raisons d'ordre public au sens de la jurisprudence communautaire, dès lors que la République d'Autriche n'aurait pas prouvé l'existence d'une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.
17. En tout état de cause, l'obligation de se soumettre à la procédure d'attestation litigieuse ne serait ni nécessaire ni proportionnée au regard de l'objectif, invoqué par cet État membre, de lutte contre les éventuels abus de la liberté d'établissement en prévenant tout détournement de celle-ci en vue de déjouer les restrictions à la libre circulation des travailleurs.
18. En particulier, le renversement de la charge de la preuve opéré par la disposition en cause afin d'obtenir d'un associé les informations permettant de vérifier la nature réellement indépendante de l'activité économique exercée ne serait pas la seule solution possible pour inciter tout intéressé à collaborer, contrairement à ce qu'affirme ledit État membre. En effet, selon la Commission, ce résultat pourrait également être atteint par d'autres mesures moins restrictives, telles que des obligations de collaboration prescrites par la loi, éventuellement assorties de sanctions.
19. En outre, la procédure d'autorisation préalable pourrait être remplacée par un contrôle effectué a posteriori, après l'enregistrement de la société. De cette manière, les travailleurs indépendants concernés pourraient commencer à exercer leur activité et les autorités compétentes pourraient, quant à elles, en ordonner la cessation dans les cas où un contrôle aurait révélé un abus.
20. Dans sa défense, la République d'Autriche part du principe que la Commission fonde erronément son recours sur une violation de la liberté d'établissement garantie par l'article 43 CE. Elle estime en effet que la procédure d'attestation prévue à l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG relève du domaine de la libre circulation des travailleurs et est couverte par la possibilité dont disposent les États membres, sur la base de l'article 24 de l'acte d'adhésion, de restreindre, durant la période transitoire, l'accès des ressortissants des nouveaux États membres au marché du travail.
21. Seuls les travailleurs salariés et les "faux indépendants", à savoir les associés se trouvant de " manière atypique " dans une situation semblable à celle d'un travailleur salarié, seraient soumis à la procédure d'autorisation préalable. En revanche, les travailleurs indépendants tels que les associés ne fournissant pas à la société des prestations de travail caractéristiques d'une activité salariée, mais se limitant à des actes de gestion et de disposition de leurs parts sociales, ne relèveraient pas, contrairement à ce qu'affirme la Commission, du domaine d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG.
22. La République d'Autriche fait ensuite valoir que l'objectif de cette disposition est de réprimer une pratique consistant à contourner l'obligation d'autorisation préalable pour l'accès à une activité salariée au moyen de la création de sociétés, selon les deux cas de figure visés par ladite disposition. Or, contrairement à ce qu'estime la Commission, il n'existerait pas de moyens moins restrictifs pour lutter contre une telle pratique. En particulier, un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement et ne permettrait pas d'éviter des perturbations du marché du travail, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C-390-99, Rec. p. I-607). De même, la règle relative à la charge de la preuve, critiquée par la Commission, constituerait le seul moyen adéquat pour vérifier si l'activité exercée par un associé est effectivement de nature indépendante, une simple obligation de coopération ne suffisant pas pour contrôler le respect de cette condition. Les intéressés n'auraient en effet aucun intérêt à coopérer dans des cas de contournement de la loi.
23. Enfin, ledit État membre fait valoir que le délai maximal de trois mois est raisonnable, car, dans la pratique, la procédure d'attestation se clôturerait souvent avec un temps d'attente insignifiant pour l'intéressé, en particulier lorsque sa qualité d'indépendant est prouvée de manière évidente.
Appréciation de la Cour
24. À titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d'établissement au sens du traité CE est une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d'un État membre autre que son État d'origine, et d'en tirer profit, favorisant ainsi l'interpénétration économique et sociale à l'intérieur de la Communauté européenne dans le domaine des activités non salariées (voir arrêt du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C-386-04, Rec. p. I-8203, point 18 et jurisprudence citée).
25. À la lumière de cette notion ainsi circonscrite, il y a lieu, tout d'abord, de rejeter l'argument de la République d'Autriche selon lequel la législation nationale litigieuse relève exclusivement du domaine de la libre circulation des travailleurs, et plus spécifiquement de la dérogation transitoire prévue au point 2, premier alinéa, des annexes V à XIV de l'acte d'adhésion.
26. En effet, il ressort du dossier, et plus particulièrement de l'argumentation développée par cet État membre, que ladite législation soumet à des formalités administratives, sous certaines conditions, l'ensemble des ressortissants des huit nouveaux États membres souhaitant exercer une activité économique en Autriche en tant qu'associé d'une société de personnes ou d'une société à responsabilité limitée, afin de distinguer, parmi ces ressortissants, ceux qui exercent réellement une activité non salariée de ceux qui ont, en fait, la qualité de travailleur salarié. Il s'ensuit que la Commission est fondée à contester la compatibilité des articles 2 et 15 de l'AuslBG avec l'article 43 CE, dans la mesure où ces dispositions nationales s'appliquent notamment à des travailleurs non salariés et régissent l'exercice de leur liberté d'établissement.
27. Il importe ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la liberté d'établissement reconnue par l'article 43 CE aux ressortissants communautaires comporte pour ces derniers le droit d'accéder aux activités non salariées et de les exercer ainsi que celui de gérer et de constituer des entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 1999, Centros, C-212-97, Rec. p. I-1459, point 19, ainsi que du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France, C-170-05, Rec. p. I-11949, point 20).
28. En d'autres termes, l'article 43 CE interdit à chaque État membre de prévoir dans sa législation, pour les personnes qui font usage de la liberté de s'y établir, des conditions d'exercice de leurs activités différentes de celles définies pour ses propres ressortissants (arrêt du 28 janvier 1986, Commission/France, 270-83, Rec. p. 273, point 24).
29. Or, en l'espèce, la législation nationale litigieuse enfreint précisément cette interdiction en ce qu'elle soumet uniquement les ressortissants des huit nouveaux États membres à l'exigence de prouver l'absence d'exercice d'une activité salariée par la production de l'attestation prévue à l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG ou d'une dispense de permis de travail visée à l'article 15, paragraphe 1, de cette même loi.
30. Ainsi, d'une part, l'accès de ces ressortissants communautaires à l'exercice d'une activité économique en tant qu'associés d'une société de personnes ou d'une société à responsabilité limitée dans laquelle ils détiennent moins de 25 % du capital est soumis à des conditions et à des formalités supplémentaires par rapport à celles applicables aux ressortissants nationaux. D'autre part, en cas d'application de la procédure d'attestation visée à l'article 2, paragraphe 4, de l'AuslBG, l'exercice même, par les ressortissants des huit nouveaux États membres, de leur activité économique est suspendu pendant la durée de ladite procédure, à savoir pendant une durée de trois mois au maximum.
31. La législation nationale litigieuse consacre donc une différence de traitement en raison de la nationalité prohibée, en principe, par l'article 43 CE.
32. Il convient dès lors d'examiner si cette différence de traitement relève de la dérogation prévue à l'article 46 CE, aux termes duquel des mesures discriminatoires ne peuvent être justifiées que par des motifs d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.
33. À cet égard, la République d'Autriche, invoquant un motif tenant à la protection de l'ordre public, fait valoir que les mesures en cause visent essentiellement à lutter contre de possibles abus de la liberté d'établissement en prévenant tout contournement des règles transitoires applicables à la libre circulation des travailleurs, afin de sauvegarder l'intérêt de la société autrichienne au bon fonctionnement du marché du travail et à l'égalité des conditions de concurrence sur ledit marché.
34. Cette argumentation ne saurait être accueillie.
35. En effet, ainsi que la Cour l'a précisé à de nombreuses reprises, la notion d'ordre public, d'une part, suppose une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société et, d'autre part, doit, en tant que justification d'une dérogation à un principe fondamental du traité, être interprétée de manière restrictive (voir en ce sens, notamment, arrêts du 9 mars 2000, Commission/Belgique, C-355-98, Rec. p. I-1221, point 28; du 13 décembre 2007, Commission/Italie, C-465-05, Rec. I-11091, point 49, et du 19 juin 2008, Commission/Luxembourg, C-319-06, non encore publié au Recueil, point 50).
36. Il résulte également de la jurisprudence que les raisons susceptibles d'être invoquées par un État membre afin de justifier une dérogation au principe de la liberté d'établissement doivent être accompagnées d'une analyse de l'opportunité et de la proportionnalité de la mesure restrictive adoptée par cet État membre ainsi que des éléments précis permettant d'étayer son argumentation (voir, par analogie, arrêt Commission/Luxembourg, précité, point 51 et jurisprudence citée).
37. En l'occurrence, force est toutefois de constater que la République d'Autriche s'est bornée à invoquer de manière générale un risque de contournement par de présumés "faux indépendants" des règles transitoires régissant la libre circulation des travailleurs provenant des huit nouveaux États membres, sans avancer aucun élément précis permettant d'établir que l'éventualité de telles infractions à ces règles représente une atteinte réelle et suffisamment grave à un intérêt fondamental de la société.
38. En outre, à supposer même que ce risque de contournement desdites règles soit de nature à causer un tel trouble à l'ordre public, il convient de constater que l'État membre défendeur n'a démontré à suffisance de droit ni que l'objectif tenant au bon fonctionnement du marché du travail qui est visé par la législation litigieuse rend nécessaire la mise en place d'un système d'autorisation générale et préalable s'appliquant à tous les opérateurs concernés des huit nouveaux États membres, ni que cet objectif ne pourrait pas être atteint par des mesures moins restrictives de la liberté d'établissement.
39. En réalité, ainsi que le suggèrent la Commission et la République de Lituanie, des mesures moins restrictives que celles mises en œuvre par la législation nationale litigieuse, telles que l'instauration de contrôles administratifs réguliers éventuellement couplée à des obligations en matière de communication d'informations de la part des opérateurs économiques potentiellement concernés, pourraient assurer un résultat similaire en permettant de vérifier si certaines activités économiques sont effectivement exercées à titre indépendant ou bien dans le cadre d'une relation de travail salarié.
40. Un tel système apparaît d'autant plus envisageable que, comme la République d'Autriche l'a confirmé lors de l'audience, les dispositions nationales en cause visent essentiellement le secteur de la construction et, dès lors, la création de sociétés exerçant des activités d'une certaine durée. Contrairement à ce qu'affirme cet État membre, un contrôle effectué a posteriori, après l'enregistrement d'une société, n'interviendrait donc pas nécessairement tardivement, mais permettrait à la fois aux travailleurs indépendants concernés de commencer à exercer leur activité et aux autorités compétentes d'en ordonner la cessation dans les cas où une vérification aurait révélé un abus.
41. En conséquence, la restriction à la liberté d'établissement qui résulte de la législation nationale litigieuse n'est pas justifiée.
42. Dans ces conditions, il convient de constater que, en exigeant, pour l'enregistrement de sociétés au registre de commerce à la demande de ressortissants des huit nouveaux États membres associés d'une société de personnes ou associés minoritaires d'une société à responsabilité limitée, l'établissement de leur qualité d'indépendant par l'AMS ou la production d'une dispense de permis de travail, la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE.
Sur les dépens
43. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République d'Autriche et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, LA COUR (première chambre) déclare et arrête:
1) En exigeant, pour l'enregistrement de sociétés au registre de commerce à la demande de ressortissants des États membres qui ont adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004 à l'exception de la République de Chypre et de la République de Malte associés d'une société de personnes ou associés minoritaires d'une société à responsabilité limitée, l'établissement de leur qualité d'indépendant par l'Arbeitsmarktservice ou la production d'une dispense de permis de travail, la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE.
2) La République d'Autriche est condamnée aux dépens.