CA Aix-en-Provence, 18e ch., 13 mars 2007, n° 05-17249
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Luxottica France (SARL)
Défendeur :
Donadio
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Szalay
Conseillers :
Mmes Jacquemin, Elleouet-Giudicelli
Avocats :
Mes Penard, Renaud
Faits procédure et prétentions des parties
Monsieur Donadio est entré au service de la société Luxottica France le 19 août 1996 en qualité de VRP exclusif, pour assurer la représentation sur un secteur Paca déterminé (04 05 06 07 13 30 34 43 48 83 84 Monaco Corse) des lignes de produits (lunettes) Luxottica Genny.
Par la suite des modifications ont été apportées au contrat concernant les lignes de produits, la clientèle et les conditions de commissionnement, qui ont été acceptées.
En octobre 1999 la représentation des lignes Luxottica Bylos et T3 est retirée à Monsieur Donadio et il lui est attribué la représentation de la ligne Chanel sur un secteur restreint (avenant du 15 octobre 1999)
Soutenant
que son employeur n'exécutait pas de bonne foi son contrat de travail, se retranchant derrière les instructions de son client Chanel
que du fait des décisions prises par ce dernier au cours des années 2002 à 2005, sa rémunération avait subi une baisse déterminante, progressive et durable, Monsieur Donadio a saisi le 2 septembre 2004 le Conseil de prud'hommes de Toulon afin d'obtenir le paiement de rappels de commissions par son employeur, et faire prononcer la résolution judiciaire consécutive du contrat de travail aux torts exclusifs de ce dernier avec toutes conséquences indemnitaires de droit
En cours de procédure et le 26 novembre 2004 l'employeur notifiait au salarié un licenciement pour motif personnel
Par décision rendue le 25 juillet 2005 le conseil de prud'hommes déclarait ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait la société Luxottica à payer à Monsieur Donadio six mois de salaire soit la somme de 118 574 euro
Le VRP était débouté de toutes ses autres demandes
La cour est saisie de l'appel général relevé par Monsieur Donadio, et de l'appel limité formé par la société Luxottica à l'encontre de cette décision
Les deux appelants ont fait développer leur argumentation à la barre et soutenir des moyens auxquels il sera répondu pour demander :
En ce qui concerne Monsieur Donadio
Réformer le jugement
Débouter la société Luxottica de toutes ses demandes
Ordonner qu'elle verse aux débats les pièces sollicitées dans le cadre de la procédure (sommation du 5 octobre 2004 réitérée le 24 janvier 2005) ainsi que le livre du personnel et les contrats des nouveaux commerciaux afin de permettre un procès loyal au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme
Désigner tel expert avec mission de faire les comptes entre les parties en termes de commissions jusqu'en 2007, les retours sur échantillonnage et le calcul de l'incidence des commissions sur les indemnités de rupture dont l'indemnité de clientèle
Annuler le licenciement pour violation des articles L. 321-1 du Code du travail
Condamner la société Luxottica à verser les salaires jusqu'à la date de l'arrêt
Prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail à la date de l'arrêt à intervenir aux torts et griefs de l'employeur avec toutes les conséquences de droit en ce qui concerne le paiement du salaire, le préavis, le retour sur échantillonnage, l'indemnité de clientèle, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Subsidiairement
Voir dire et juger que le licenciement intervenu en cours de procédure est sans cause réelle et sérieuse
En tout état de cause :
Condamner la société Luxottica à payer les sommes suivantes :
* Rappel de commissions sauf à parfaire à dire d'expert de 2001 à 2007 : 500 000 euro
* Rappel de commissions sur Optic 2000 et Gadol : 79 856 euro
* congés payés sur rappel de salaire : 60 000 euro
* rappel de salaire sur préavis et congés payés sur préavis : 15 000 euro
* retour sur échantillonnage : 20 000 euro
* congés payés afférents : 2 000 euro
* indemnité de clientèle (24 mois) : 490 000 euro
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 180 000 euro
Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal et ordonner leur capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil à compter du 31 août 2004
Condamner l'employeur au paiement de la somme de 6 000 euro en application de l'article 700 NCPC
En ce qui concerne la société Luxottica France
Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a débouté l'employeur de ses demandes reconventionnelles
Le confirmer pour le surplus
En tout état de cause :
o dire et juger irrecevable et mal fondée la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail
o dire le licenciement de Monsieur Donadio fondé et justifié
o dire et juger qu'aucune modification unilatérale du contrat de travail de celui-ci n'a té apportée par la société Luxottica
o dire et juger que le salarié a été réglé de l'ensemble des sommes qui lui sont dues au titre du commissionnement
o le débouter de l'ensemble de ses demandes
o le condamner à rembourser les 2 % de sur commission versée au titre de l'indemnité de clientèle soit 236 042 euro ou pour le moins le trop perçu de 187 821 euro
o et à payer la somme de 7 000 euro en application de l'article 700 NCPC
Motifs de l'arrêt
Les deux procédures d'appel enrôlées sous des numéros différents feront l'objet d'une jonction par application de l'article 367 du NCPC
Le dossier ne révèle par ailleurs pas d'éléments conduisant la cour à soulever d'office l'irrecevabilité de l'appel
Monsieur Donadio a demandé que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur en saisissant le conseil de prud'hommes le 2 septembre 2004.
Il convient d'examiner d'abord cette demande et les manquements qu'il reproche à son employeur avant éventuellement d'examiner les motifs qui ont été invoqués par ce dernier pour le licencier postérieurement le 26 novembre 2004
Sur la demande en résiliation du contrat de travail
Le 15 octobre 1999 les parties ont signé un avenant au contrat de travail initial de VRP de Monsieur Donadio convenant de supprimer la représentation des lignes Luxottica Byblos et T3 et d'attribuer à celui-ci la représentation de la ligne Chanel sur le secteur géographique suivant :
04 05 06 13 26 30 83 84 Monaco Corse
Et auprès de la clientèle suivante : opticiens du secteur à l'exception des magasins Afflelou, Grand Optical, Solaris et tous autres magasins non référenciés dans le France Optique et n'ayant pas le statut d'opticien
La rémunération prévue " sur les ventes traitées aux prix et conditions générales de vente de la maison sur commandes directes et indirectes ":
Une commission brute de 12 % (avec avance mensuelle sur commission garantie jusqu'au 30 avril 2000)
Une sur-commission brute de 2 % mensuelle constituant un versement anticipé sur indemnité de clientèle
Une prime annuelle de 1 % sur CA si l'objectif prévu est atteint
Monsieur Donadio soutient :
Que dés la fin du premier semestre 2000 et pendant les années suivantes l'employeur a fait une application déloyale du contrat et l'a modifié en refusant des ouvertures de comptes pour des clients prospectés sur le secteur du VRP afin de vendre les produits Chanel ou en fermant unilatéralement des comptes sans motif valable
Que ce comportement a conduit à une limitation de son statut de VRP et à une diminution progressive du montant de sa rémunération
Il réfute l'explication donnée par son employeur qui se dit contraint par les exigences de son client Chanel et fait observer que la société Luxottica se refuse à communiquer les documents contractuels qui la lient à son client pour justifier de ses dires
Monsieur Donadio fait valoir également que l'employeur se refuse à produire les éléments qui permettraient de chiffrer objectivement le montant des commissions qui lui étaient dues et en particulier qu'il a perdues du fait des refus illicites d'ouverture de comptes et des fermetures arbitraires d'autres comptes par son employeur
Qu'à défaut d'expertise il a donc calculé la somme qu'il réclame (500 000 euro) par extrapolation du chiffre d'affaire réalisé au cours des années 1999-2000
Enfin il soutient que son employeur a également limité arbitrairement le commissionnement des comptes Gadol Optic 2000 et des magasins Afflelou, ce qui constitue une atteinte délibérée à ses droits justifiant à elle seule la résiliation du contrat de travail
La société Luxottica soutient que la maison Chanel a mis en place une politique de distribution sélective de ses produits, qui est licite, et qu'elle impose à ses distributeurs
Qu'elle-même devait veiller à faire respecter les critères spécifiques exigés par la marque Chanel pour vendre ses produits, ce qu'elle faisait par le biais de fiches d'évaluation à l'égard de ses représentants
Que contrairement à ce que soutient Monsieur Donadio la fermeture de certains comptes de dépositaires sur le secteur de ce dernier l'a été pour non-respect des critères qualitatifs exigés, ces fermetures n'étant pas de son choix mais conditionnant le maintien par la maison Chanel de la licence dont elle bénéficiait
La société ajoute que quand bien même ces fermetures résulteraient d'une politique commerciale propre à l'entreprise, elles n'entraineraient pas nécessairement une modification du contrat de travail de Monsieur Donadio, la baisse du montant de ses commissions pouvant avoir d'autres raisons
S'agissant de la limitation du taux de commissionnement des clients Gadol Optic 2000 et des magasins Afflelou, elle soutient avoir respecté les clauses contractuelles pour ces clients particuliers
L'avenant signé le 15 octobre 1999 précise sans autre réserve que la clientèle à prospecter pour la représentation de la ligne Chanel est la suivante :
"Opticiens de son secteur à l'exception des magasins Afflelou, Grand optical, Solaris et tout autre magasin non référencé dans France Optique et n'ayant pas le statut d'opticien"
Aucun avenant postérieur n'est venu apporter des restrictions à la qualité des clients à prospecter
Il est néanmoins constant que de nombreux clients potentiellement acquéreurs de lunettes Chanel, prospectés par Monsieur Donadio, ont été refusés par l'employeur au motif que leur point de vente ou leur service à la vente ne correspondaient pas aux critères sélectifs exigés par le client
Il est exact que de façon générale la maison Chanel - qui commercialise des produits spécifiques de grand luxe est autorisée à organiser la distribution de ces produits de façon sélective pour préserver la renommée de la marque
Et il est justifié en l'espèce - s'agissant des lunettes - qu'un contrat de détaillant agréé était passé entre l'exploitant opticien et la société Luxottica pour veiller au respect de certains critères
Pour autant la société Luxottica ne justifie pas (et ce malgré des demandes réitérées de la part du salarié de communiquer les pièces justificatives de ses affirmations) :
des exigences contractuelles du client Chanel à son égard (le contrat passé avec Chanel ou même des extraits ne sont pas communiqués)
D'avoir informé, préalablement à la signature de l'avenant du 15 octobre 1999, le VRP, des restrictions qui pouvaient être apportées à la prospection de la clientèle des produits Chanel
Il n'est pas plus justifié par l'employeur du non-respect par les clients apportés par le VRP et refusé par Luxottica, des critères sélectifs exigés par Chanel
Alors que le refus d'ouverture de comptes ou la fermeture d'autres comptes n'est pas discuté, la justification de la situation des exploitants opticiens qui aurait motivé les décisions de la société Luxottica n'est pas apportée
Force est donc de constater que c'est sans raison justifiée que l'employeur a, pendant plusieurs mois, entravé les conditions d'exercice par Monsieur Donadio de son contrat de VRP en refusant une partie de la clientèle apportée par ce dernier
Outre le fait qu'un tel comportement conduit nécessairement à limiter le VRP dans son activité de prospection qui constitue un élément essentiel de son statut, il est également de nature à faire perdre à ce dernier une chance de percevoir une rémunération supérieure constituée par le montant des commissions qu'il aurait pu percevoir sur les commandes passées par les clients refusés
Ces manquements de la part de l'employeur, poursuivis sur plusieurs mois malgré les nombreuses demandes d'explications du salarié, apparaissent suffisamment graves pour justifier la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur qu'il a formulée en septembre 2004
Il convient donc de faire droit à cette demande
Monsieur Donadio demande que la résiliation du contrat soit prononcée à la date de l'arrêt à intervenir
Du fait de son licenciement et du préavis qu'il a effectué, son contrat de travail a cependant pris fin le 28 février 2005, ce qui impose de constater la résiliation du contrat à cette date, Monsieur Donadio n'étant plus au service de la société Luxottica postérieurement
Les conséquences de la résiliation du contrat aux torts de l'employeur sont celles d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Monsieur Donadio est donc fondé à obtenir
Une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Une indemnité de préavis nonobstant le préavis qu'il a effectué dans le cadre d'un licenciement qui doit être déclaré sans effet
Les bulletins de salaires ainsi que la fiche individuelle de Monsieur Donadio qui ont été communiqués permettent de fixer à 36 329 euro brut le montant de l'indemnité de préavis
Il convient par ailleurs de fixer l'indemnité due par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la somme de 100 000 euro qui correspond à environ sept mois de salaire, en l'absence d'éléments justificatifs d'un préjudice supérieur.
La demande en résiliation judiciaire du contrat de travail ayant été satisfaite, il n'y a pas lieu d'examiner les motifs qui ont été invoqués par l'employeur au soutien d'un licenciement postérieur qui est sans effet, ni la demande en nullité de ce licenciement présentée, sans aucune justification au demeurant, par le salarié devant la cour au motif que l'employeur aurait procédé en fait à un licenciement collectif de plus de 10 salariés sans respecter des articles L. 321-1 et suivants du Code du travail l'obligeant à mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi
Sur les demandes en paiement de rappels de commissions
Monsieur Donadio formule une demande d'expertise qui serait destinée à déterminer s'il a bien perçu l'ensemble des commissions auxquelles il avait droit et en particulier à chiffrer la perte du chiffre d'affaire qu'il a subi du fait " de la politique malthusienne et illicite imposée par la société Luxottica " et le montant des commissions qu'il a perdues de ce fait
A défaut il demande que le montant de ces commissions soit fixé à 500 000 euro pour les exercices 2002 à 2005
Il demande également le paiement, sous réserve d'expertise, de la somme de 79 856 euro correspondant au complément de commissions qui lui serait dû sur les commandes Optic 2000 et Gadol, calculées sur un taux contractuel de commissionnement de 12 % limité arbitrairement par l'employeur à 10 %
Enfin il fait valoir qu'il a droit à des commissions de retour sur échantillonnage pendant les six mois suivant la rupture du contrat de travail
Par ailleurs le tableau des chiffres d'affaires Gadol Optic 2000 réalisés par Monsieur Donadio de 1999 à 2005 révèle qu'en 1999 2000 et 2001 le représentant était commissionné au taux de 12 % (outre 2 % de sur-commission)
Ce taux est passé à partir de 2002 à 8 % sans explication. A l'explication réclamée par Monsieur Donadio le 4 mars 2002 l'employeur a répondu le 28 octobre 2002 par simple référence à la disposition contractuelle sus-visée
Il ne justifie cependant pas de la différence de traitement intervenue à partir de 2002 par rapport au traitement antérieur dans les commandes de ces clients, qui justifierait de la baisse du taux de commissionnement
Monsieur Donadio est donc bien fondé à réclamer le complément de commissions sur l'indirect au taux de 12 % auquel il avait été réglé jusqu'en 2002
Au vu des éléments dont elle dispose et en particulier du tableau des chiffres d'affaires Gadol Optic 2000 réalisés par le représentant entre 1999 et 2005, le complément de commissions sur les commandes de ces clients auquel Monsieur Donadio peut prétendre doit être évalué à 42 148 euro pour la période 2002-2005
L'employeur sera condamné au paiement de cette somme outre les congés payés afférents
Concernant les retours sur échantillonnage, le représentant et l'employeur sont d'accord pour dire que le dernier trimestre de l'année concentre le plus important volume d'activité en matière de ventes suite au salon international qui s'y tient avec les nouvelles collections.
Compte tenu de ce fait, les commandes qui ont pu être passées postérieurement à la date de cessation des relations professionnelles (28 février 2005) de la part de clients prospectés par Monsieur Donadio, doivent être limitées aux réassorts habituels
Sans ordonner une expertise, et à défaut des éléments que l'employeur devait produire sur le chiffre d'affaire réalisé sur le secteur de Monsieur Donadio, il sera fait droit à la demande de ce dernier en paiement d'une somme de 20 000 euro correspondant aux retours sur échantillonnage sur une période de six mois outre les congés payés afférents
Sur la demande en paiement d'une indemnité de clientèle
Monsieur Donadio réclame 490 000 euro qui correspondraient à 24 mois de salaire "réactualisé après rétablissement des commissions détournées par l'employeur" en soutenant que la sur-commission de 2 % prévue à son contrat de travail a la nature d'un salaire et ne peut être déduite du montant de l'indemnité de clientèle qui lui est due
La société Luxottica fait valoir que ce montant est de toutes façons excessif car correspondant à quatre années de salaire
Qu'en admettant que Monsieur Donadio ait développé une clientèle, la participation de la société dans le développement de la clientèle Chanel a été très importante et ce développement ne résulte pas entièrement du travail du représentant mais du prestige de la marque Chanel
Qu'au regard de ces éléments et du nombre de clients réellement créés ou développés par Monsieur Donadio, il ne pourrait prétendre qu'à une indemnité de clientèle limitée à 48 221 euro, de laquelle il conviendrait au surplus de déduire le montant de la sur-commission de 2 % constituant un versement anticipé sur l'indemnité de clientèle licite
Que la différence fait apparaître un trop perçu par le représentant de 187 821 euro dont elle demande le remboursement
Aux termes de l'article L. 751-9 du Code du travail, la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur entraîne pour le représentant l'attribution d'une indemnité de clientèle ayant pour objet de réparer le préjudice qu'il subit en perdant pour l'avenir le bénéfice de la clientèle qu'il a créée, apportée ou développée
Le représentant a droit à cette indemnité même si, comme cela est soutenu en l'espèce, le développement de la clientèle a été facilité par le prestige de la marque des produits vendus ou par l'action conjointe de l'employeur et du VRP
De tels éléments ne peuvent que pondérer le calcul du montant de cette indemnité
En l'espèce il est établi et non utilement discuté par l'employeur que le nombre de clients et le chiffre d'affaire réalisé par Monsieur Donadio sur son secteur a considérablement augmenté entre 1996 et 2005
Il doit être au surplus tenu compte des clients qui ont été refusés par l'employeur
L'apport personnel de Monsieur Donadio dans le développement en nombre et en valeur de la clientèle est donc établi
Ceci étant, la notoriété de la marque Chanel représentée à partir de 1999 doit être prise en compte ainsi que les investissement que la société Luxottica a effectivement réalisés pour promouvoir la marque et dont elle justifie (matériel publicitaire, stands, salons, show room )
La sur-commission versée à Monsieur Donadio " en versement anticipé sur l'indemnité de clientèle future " n'est par ailleurs pas illicite
Il est de jurisprudence acquise que ces commissions ont la nature de salaire et à ce titre restent acquises au VRP
Il doit cependant en être tenu compte dans le calcul de l'indemnité de clientèle qui est déterminée à la rupture du contrat de travail
Compte tenu de ces éléments, des bulletins de salaire justifiant de la rémunération du VRP pendant les deux dernières années et des soldes de commissions qui viennent de lui être attribués Monsieur Donadio est fondé à percevoir une indemnité de clientèle ainsi calculée
Deux ans de commissions nettes : 354 000 euro
Pondération : 300 000 euro
Sur-commissions à valoir sur indemnité de clientèle entre 1996 et 2005 : 236 000 euro
solde d'indemnité de clientèle : 64 000 euro
L'employeur devra lui payer cette somme. La demande en remboursement par le salarié d'un trop perçu sur indemnité de clientèle sera rejetée
Les sommes ayant la nature de salaire porteront intérêts à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes
Ces intérêts dus depuis plus d'une année seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil
La société Luxottica qui succombe sur l'appel et reste condamnée supportera la charge des dépens et celle des frais non répétibles de Monsieur Thierry Donadio
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement contradictoirement et en matière prud'homale Prononce la jonction des dossiers 05-17249 et 05-17252 Reçoit l'appel, Réforme le jugement, Prononce la résiliation du contrat de travail à la date du 28 février 2005, Condamne la société Luxottica France à payer à Monsieur Donadio les sommes suivantes : Indemnité compensatrice de préavis 36 329 euro (trente six mille trois cent vingt neuf), Congés payés sur préavis 3 632, 90 euro (trois mille six cent trente deux euro et 90 centimes), Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 100 000 euro (cent mille euro), Solde commissions Gadol Optic 2000 42 148 euro (quarante deux mille cent quarante huit euro), Congés payés afférents 4 214, 80 euro (quatre mille deux cent quatorze euro et 80 centimes, Retour sur échantillonnage 20 000 euro (vingt mille euro), Dommages et intérêts pour préjudice résultant du refus d'une partie de clientèle 50 000 euro (cinquante mille euro), Indemnité de clientèle 64 000 euro (soixante quatre mille euro), Article 700 NCPC 3 000 euro, Dit que les sommes ayant la nature de salaire porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, Dit qu'il sera fait application de l'article 1154 du Code civile, Déboute Monsieur Donadio de toutes autres demandes, Condamne la société Luxottica France aux entiers dépens.