Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-19.922
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Société réunionnaise de produits pétroliers (SA)
Défendeur :
Gonneau, Société commerciale du Butor (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
SCP Laugier, Caston, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 27 juin 2007), que par contrat du 7 décembre 2001, la Société réunionnaise de produits pétroliers (la société SRPP) a donné en location-gérance à la Société commerciale du Butor (la société SCB ) son fonds de commerce de station-service pour une durée maximale de dix ans ; que le 4 juillet 2003, la société SRPP a résilié ce contrat ; que prétendant avoir alors appris que la société SRPP ne disposait que d'une convention d'occupation précaire du domaine public sur lequel la station-service était implantée, la société SCB et son gérant, M. Gonneau, ont assigné la société SRPP en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que la société SRPP fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société SCB la somme de 120 000 euro à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que le locataire détient à titre précaire la chose louée appartenant au propriétaire ; qu'en relevant que le contrat de location-gérance indiquait sous le titre "origine du fonds de commerce" que le fonds objet du contrat était exploité dans des locaux "édifiés sur un terrain loué, en vertu d'un bail l'autorisant à le louer", tout en jugeant pourtant que cette clause serait "de nature à faire envisager au locataire-gérant des perspectives de durée et de stabilité pour son propre contrat" exclusives de sa précarité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1116, 1382 et 2236 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) qu'en jugeant que la société SRPP ne prouverait pas qu'elle avait informé la société SCB du caractère précaire de l'occupation du site d'exploitation de la station-service avant ou au moment de la conclusion du contrat, bien qu'ayant relevé que celui-ci indiquait expressément qu'il était seulement "loué" par la société SRPP sans rechercher comme il lui était demandé si le fait que l'article 3.13 du contrat de location-gérance signé le 7 décembre 2001, dont le projet avait été transmis à la société SCB deux mois auparavant, indiquait que la locataire-gérante devrait supporter "soit directement soit en remboursant à la SRPP si celle-ci en a fait l'avance, (...) les droits d'occupation temporaire du domaine public..." n'établissait pas que la société SCB ne pouvait ignorer le caractère précaire de l'occupation du terrain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 3°) qu'en jugeant qu'en faisant figurer dans le contrat de location-gérance une clause "lui prédisant une durée de vie maximale de 10 ans, il apparaît que la SRPP a volontairement voulu induire en erreur son cocontractant pour l'amener à signer un contrat qui ne pouvait durer plus de deux ans" dès lors que "la faculté de résiliation unilatérale serait inéluctablement exercée par la SRPP au terme de la convention d'occupation précaire, soit le 15 décembre 2002" sans prendre en considération, ainsi qu'il lui était demandé, ni le fait que l'occupation "précaire" en question avait commencé en 1974 et avait été ininterrompue depuis parce que systématiquement reconduite pendant trente ans, ni le fait que l'occupation précaire avait d'ailleurs été reconduite jusqu'en octobre 2004, soit bien après le terme du 15 décembre 2002 jugé "inéluctable" par la cour d'appel, celle-ci a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 4°) qu'en jugeant que la société SCB aurait subi un préjudice du fait du dol allégué sans répondre aux conclusions de la société SRPP rappelant qu'alors que la locataire-gérante était toujours dans les lieux, celle-ci avait refusé l'offre faite par lettre du 28 octobre 2003 produite aux débats de prolonger le contrat de location-gérance une année de plus, après que la commune eut informé la société SRPP d'une nouvelle prolongation de l'occupation précaire jusqu'au 31 octobre 2004, et que "ce refus ne peut s'expliquer que par la conscience des appelants que l'activité était déficitaire et qu'il était peut-être plus judicieux de ne pas la continuer", la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) qu'en jugeant que le préjudice de la société SCB serait évalué sur la base d'une durée de contrat "prévisible de 10 ans" après avoir elle-même constaté que le contrat réservait "la faculté pour chacune des parties de résilier le contrat à tout moment après un préavis de 3 mois donné par lettre recommandée avec accusé de réception", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1134 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient souverainement que la rétention par la société SRPP d'une information aussi importante et déterminante pour la société SCB, que la détention précaire du site sur lequel était exploité le fonds de commerce donné en location-gérance, constitue une manœuvre dolosive ; qu'ainsi la cour d'appel qui n'était pas tenue de suivre la société SRPP dans le détail de son argumentation, ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes a pu statuer comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que le préjudice subi par la société SCB résulte d'avoir escompté des gains de l'exécution de bonne foi d'un contrat de location-gérance d'une durée prévisible de dix ans ; qu'ainsi, sous le couvert du grief non fondé de la violation des articles 1134 et 1382 du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en question l'appréciation souveraine par la cour d'appel de ce préjudice ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.