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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 18 mars 2008, n° 07-00960

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

TBS Conti (Sté)

Défendeur :

France Boissons Midi-Pyrénées (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Verde de Lisle

Conseillers :

M. Coleno, Mme Salmeron

Avoués :

SCP B. Château, SCP Boyer Lescat Merle

Avocats :

Me Fidal, SCP Bouscatel Candellier Carrière Givanovitch

T. com. Albi, du 24 nov. 2006

24 novembre 2006

Exposé des faits :

Par déclaration du 19 février 2007, la SARL TBS Conti a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce d'Albi du 24 novembre 2006 qui, après avoir constaté la résiliation du contrat d'achat exclusif aux torts exclusifs de la SARL TBS Conti, l'a condamnée à payer à la SNC France Boissons Midi-Pyrénées (FBMP) la somme principale de 16 000 euro augmentée des intérêts de droit à compter du 6 janvier 2006, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le 8 septembre 2004, la SARL Le Continental et la SNC FBMP ont signé un contrat d'achat exclusif de boissons d'une durée de 5 ans. La société FBMP s'est portée caution à hauteur de 50 % dans le cadre du contrat de prêt souscrit par la société Le Continental qui s'engageait en contrepartie à s'approvisionner exclusivement auprès de la société FBMP à hauteur de 20 000 euro par an. En outre, en cas d'inexécution du contrat, la clause pénale stipulait que la société Le Continental devait verser une indemnité de 20 % du montant annuel des achats jusqu'au terme du contrat. Le 1er septembre 2005, la société Le Continental a cédé son fonds de commerce à la SARL TBS Conti représentée par son gérant Monsieur Laviole.

Le 5 septembre 2005, la société TBS Conti a mis fin aux relations commerciales avec la société FBMP.

Par acte d'huissier du 31 mars 2006, la SNC FBMP a fait assigner la SARL TBS Conti aux fins de voir constater la résiliation du contrat du 8 septembre 2004 repris dans l'acte de cession du fonds de commerce du 1er septembre 2005, aux torts exclusifs de cette dernière et de lui voir, au principal, appliquer la clause pénale prévue au contrat du 8 septembre 2004.

Moyens des parties :

La SARL TBS Conti demande à la cour, au principal, de constater l'inopposabilité de la convention d'achat exclusif conclue entre la société FBMP et la société Le Continental à elle-même. Subsidiairement, elle soulève la nullité pour absence de cause de la clause d'achat exclusif souscrite par la société Le Continental le 8 septembre 2004 ainsi que la clause pénale associée, d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société FBMP à payer 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile à la société TBS Conti et les dépens.

Elle soulève l'inopposabilité à elle-même de la convention d'achat exclusif signée en 2004 en ce que l'acte de vente du fonds de commerce du 1er septembre 2005 entre la société Le Continental et elle-même ne fait pas mention de la promesse de vente, passée par Monsieur Laviole le 7 juin 2005 et à régulariser avant le 31 août 2005, ni du contrat d'achat exclusif passé avec la société FBMP. Elle critique le jugement qui considère à tort d'une part que la société TBS Conti s'est substituée à Monsieur Laviole dans le bénéfice de la promesse de vente, d'autre part que les parties ont prorogé le délai de réitération de la promesse de vente au-delà du 31 août 2005 et enfin que l'acte de vente reprend les termes de la promesse de vente du 7 juin.

Subsidiairement, elle soulève la nullité de la convention d'achat exclusif pour absence de cause de cette obligation sur le fondement de l'article 1131 du Code civil. Elle estime que l'engagement de caution à 50 % de la société FBMP dans le contrat de prêt souscrit par la société Le Continental est dérisoire et purement théorique car il ne présente aucun risque compte tenu de la qualité et de la surface financière de la caution principale la brasserie Heineken et du fait que le prêt a été remboursé en un an alors que l'engagement d'exclusivité d'achat portait sur une durée de 5 ans. Elle déduit de la nullité de la convention d'achat exclusif la nullité de la clause pénale qu'elle comprend.

La société France Boissons Midi-Pyrénées (FBMP) demande la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, la condamnation de la SARL TBS Conti à lui verser 2 000 euro à titre de dommages-intérêts et 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle confirme que la convention d'achat exclusif était bien opposable à la SARL TBS Conti puisqu'elle était annexée à la promesse de vente du 7 juin 2005 signée par Monsieur Laviole prévoyant que le bénéficiaire serait subrogé dans tous les droits et obligations du promettant et que par ailleurs le contrat est clairement établi dans l'acte authentique du 1er septembre 2005.

Elle conteste ensuite le moyen fondé sur l'absence de cause du contrat d'achat exclusif en insistant sur le fait d'une part que, sans l'intervention des deux brasseurs, le prêt n'aurait pas été accordé à la société Le Continental et d'autre part qu'il s'agissait d'une caution conjointe et solidaire et non d'une caution simple. Elle fait observer que le remboursement du prêt une année après sa souscription et avant la date de cession du fonds de commerce n'est pas démontrée. Elle réaffirme l'engagement et les fonctions de Monsieur Laviole au sein de la société TBS Conti et le fait que la clause prévoyant que la promesse de vente devait être régularisée avant le 31 août 2005 n'était assortie d'aucune sanction. Elle indique qu'ainsi la promesse de vente a été régularisée par l'acte authentique du 1er septembre 2005. Enfin, elle dénonce la mauvaise foi de la société TBS Conti et son attitude dilatoire pour justifier de sa demande de dommages-intérêts.

Motifs de la décision :

Sur l'inopposabilité de la convention d'achat exclusif souscrite par la société Le Continental avec la société FBMP à la société TBS Conti :

Il ressort de la promesse de vente signée par Bernard Laviole le 7 juin 2005 qu'il s'est engagé à acheter le fonds de commerce de la société Le Continental, sise au 14,16 place de la Libération à Gaillac, en se réservant la faculté de se substituer toute personne morale de son choix avec transfert de propriété au jour de la signature de l'acte authentique et entrée en jouissance au plus tard le 1er septembre 2005. Il est également mentionné au chapitre " contrat de fournitures " : " le promettant déclare qu'il existe pour le fonds sus désigné le ou les contrats d'exclusivité suivants : brasseries Heineken, Midi-Pyrénées Boissons et Cie ". Enfin, est annexé à la promesse de vente le contrat d'achat exclusif de boissons entre la SNC Midi-Pyrénées Boissons et Cie et la SARL Le Continental représentée par Roger Julien en date du 8 septembre 2004 ; chaque page de la copie dudit contrat est paraphée par Bernard Laviole.

Dans l'acte authentique signé le 1er septembre 2005, Bernard Laviole est le représentant de la société TBS Conti cessionnaire du fonds de commerce et il convient de relever que les stipulations de la vente sont similaires à celles de la promesse de vente signée le 7 juin 2005. Il est notamment mentionné, en page 18 de l'acte authentique, au chapitre " commandes-marchés et contrats " : contrat de brasseur Brasserie Heineken Midi-Pyrénées Boissons et Cie.

Enfin, dans un courrier recommandé avec accusé de réception du 5 septembre 2005, soit 4 jours après la signature de l'acte de vente, la SARL TBS Conti informe la société France Boissons de sa décision de rompre les relations commerciales et " par conséquent de ne pas arriver au terme de l'engagement signé par Monsieur Julien Roger " et précise : " en conséquence, veuillez nous indiquer le montant des indemnités de rupture ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SARL TBS Conti, cessionnaire du fonds de commerce de la société Le Continental, était engagée auprès de la SNC France Boissons Midi-Pyrénées et devait des indemnités de rupture après sa décision de rompre le contrat d'achat exclusif de bière en cours d'exécution conformément aux mentions de la promesse de vente et rappelé au chapitre " commandes-marchés et contrats " dans l'acte de vente. Le courrier de la SARL TBS Conti du 5 septembre 2005 atteste de sa parfaite connaissance de ses engagements en tant que cessionnaire et de la volonté des cocontractants de ne tirer aucune conséquence juridique de la signature de l'acte de vente le lendemain de la date de régularisation fixée au 31 août par la promesse de vente du 7 juin 2005.

La cour adopte les motifs précis et pertinents des premiers juges et confirme l'opposabilité du contrat d'achat exclusif signé entre la société FBMP et la société Le Continental le 5 septembre 2004 à la SARL TBS Conti.

Sur la nullité de la convention d'achat exclusif par absence de cause :

La société TBS Conti fonde l'absence de cause alléguée du contrat d'achat exclusif de bière sur le caractère disproportionné des engagements réciproques de la société Le Continental qui s'est obligée à un achat exclusif de fourniture sur 5 ans et de la société FBMP qui s'est portée caution à hauteur de 50 % de la caution consentie par la société Heineken concernant un prêt d'un montant de 50 150 euro.

L'engagement de la société FBMP n'était pas dérisoire puisqu'elle se portait caution conjointe et solidaire à hauteur de 50 % du montant d'un prêt consenti à la société Le Continental de plus de 50 000 euro.

Pour apprécier la portée de l'engagement à la date de la signature de la caution, il importe peu de savoir que la caution principale la société Heineken s'était engagée à 100 % du prêt ni qu'elle a remboursé le prêt l'année suivante, dès lors que la société FBMP était caution conjointe et solidaire à hauteur de 50 % du montant du prêt pour une durée de 5 années et prenait donc le risque de se voir réclamer par le préteur le remboursement du montant de la somme correspondant à cet engagement pendant 5 ans. Il convient de noter, en outre, que le contrat d'achat exclusif mentionne in fine de l'article 1 " engagement du fournisseur " : " le revendeur (la SARL Le Continental) reconnaît que cette contrepartie est un avantage économique et financier réel, déterminant son consentement ".

L'engagement de caution de la société FBMP a donc bien procuré un avantage à la société Le Continental qui a pu obtenir le prêt demandé, ce dernier représentant en outre plus du double du montant du marché annuel réalisé par la société FBMP auprès de la société Le Continental. L'engagement de la société FBMP ne peut donc être qualifié de dérisoire au regard de l'engagement d'achat exclusif de la société Le Continental. Il convient de rejeter le moyen de droit fondé sur l'absence de cause du contrat d'achat exclusif et par voie de conséquence le moyen de droit fondé sur la nullité de la clause pénale prévue à l'article 7 du dit contrat.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a constaté la résiliation du contrat d'achat du 8 septembre 2004 aux torts exclusifs de la société TBS Conti et de la condamner à verser à la société FBMP 16 000 euro en application de l'article 7 du contrat avec intérêts de droit à compter du 6 janvier 2006.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SNC FBMP pour procédure abusive :

En l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation des intérêts de retard, il n'y a pas lieu, conformément à l'article 1153 alinéa 1 et 4 du Code civil, d'allouer à la société FBMP des dommages-intérêts complémentaires.

Sur les demandes annexes :

La société TBS Conti qui succombe supportera la charge des dépens ; elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties de laisser à la charge de la société FBMP les frais occasionnés par la procédure et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer la somme de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, - Confirme le jugement et, y ajoutant, - Déboute la SNC France Boissons Midi-Pyrénées de sa demande de dommages-intérêts, - Déboute la SARL TBS Conti de sa demande d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne la SARL TBS Conti à payer à la SNC France Boissons Midi-Pyrénées la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne la SARL TBS Conti aux dépens, - Dit qu'ils seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Boyer Lescat Merle avoués.