CJCE, 1re ch., 22 janvier 2009, n° C-377/07
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Finanzamt Speyer-Germersheim
Défendeur :
STEKO Industriemontage GmbH
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Jann
Avocat général :
M. Ruiz-Jarabo Colomer
Juges :
MM. Ileic, Tizzano, Borg Barthet, Levits
LA COUR (première chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 56 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant le Finanzamt Speyer-Germersheim (ci-après le "Finanzamt") à STEKO Industriemontage GmbH (ci-après "STEKO") au sujet de la détermination de la base imposable à la taxe professionnelle et à l'impôt sur les sociétés de STEKO pour les années 2001 et 2002.
Le cadre juridique national
3 Conformément à l'article 8b, paragraphe 2, première phrase, de la loi de 1999 relative à l'impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz 1999), dans sa version modifiée le 14 septembre 2000 (ci-après le "KStG ancienne version"), pour les sociétés assujetties à titre principal à l'impôt visées à cette disposition qui détenaient une participation dans une société non-résidente, les bénéfices tirés de la cession de cette participation n'entraient pas en compte dans le calcul du revenu imposable. Il résultait de ladite disposition, lue en combinaison avec les articles 8b, paragraphe 5, ou 26, paragraphes 2 et 3, de la même loi, que la condition requise à cet effet était l'exigence d'une participation minimale de 10 %.
4 Sous les mêmes conditions, l'article 8b, paragraphe 2, deuxième phrase, du KStG ancienne version édictait une interdiction de déduire les pertes réalisées lors de la vente de participations. À cet égard, la juridiction de renvoi indique que cette interdiction ne visait pas les réductions de bénéfices afférentes à une inscription de telles participations pour leur valeur partielle inférieure (amortissement partiel).
5 Dans la mesure où une société résidente détenait des participations dans des sociétés résidentes - et ce indépendamment du montant de ces participations - ou des participations dans des sociétés non-résidentes inférieures à 10 %, la détermination des bénéfices relevait des dispositions combinées des articles 8, paragraphe 2, du KStG ancienne version et 4, paragraphe 1, de la loi relative à l'impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz).
6 Il résultait de ces dispositions que les bénéfices tirés de la cession de participations par une société de capitaux résidente étaient imposables et que les pertes sur la cession desdites participations, ainsi que les pertes provenant d'amortissements partiels sur la valeur de ces participations, pouvaient être prises en compte fiscalement.
7 Dans le cadre du passage du régime de l'imputation, applicable antérieurement, à celui de l'abattement de 50 % du revenu aux fins de l'imposition des sociétés, la loi relative à l'impôt sur les sociétés a été modifiée par la loi portant baisse de l'impôt et réforme de la fiscalité des entreprises pour les années 2001-2002 (Gesetz zur Senkung der Steuersätze und zur Reform der Unternehmensbesteuerung 2001/2002), du 23 octobre 2000 (BGBl. 2000 I, p. 1433).
8 Désormais, aux termes de l'article 8b, paragraphe 2, première phrase, de la loi relative à l'impôt sur les sociétés, dans sa version modifiée le 23 octobre 2000 (ci-après le "KStG nouvelle version"), les bénéfices afférents à la cession de participations dans les sociétés et associations ne sont pas pris en considération, qu'il s'agisse de participations dans des sociétés résidentes ou non-résidentes, et ce quel que soit leur montant.
9 L'article 8b, paragraphe 3, du KStG nouvelle version prévoit que les réductions de bénéfices résultant de la prise en considération de la valeur partielle inférieure de ces participations (amortissement partiel) ou de la cession de celles-ci ne sont pas prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable.
10 L'article 34, paragraphe 4, première phrase, point 2, du KStG nouvelle version constitue une disposition transitoire pour l'application de l'article 8b, paragraphes 2 et 3, de la même loi.
11 Conformément à cette disposition, si la participation est prise dans une société résidente, l'article 8b, paragraphes 2 et 3, du KStG nouvelle version est normalement applicable pour la première fois à l'exercice fiscal 2002, son application à l'exercice fiscal 2001 n'étant envisageable que si, au cours de l'année 2001, la société de capitaux a décalé son exercice social de telle sorte qu'il ne coïncide plus avec l'année civile.
12 En revanche, selon la juridiction de renvoi, dans le cas de participations dans une société non-résidente, dès lors que l'exercice social de la société de capitaux coïncide avec l'année civile, l'article 8b, paragraphes 2 et 3, du KStG nouvelle version est applicable à l'exercice fiscal 2001.
Le litige au principal et la question préjudicielle
13 STEKO, une société à responsabilité limitée établie en Allemagne, détenait en 2001 des actions de sociétés non-résidentes dans son actif immobilisé. Ces participations étaient inférieures à 10 %. La juridiction de renvoi indique qu'elle ignore si lesdites participations étaient détenues dans des sociétés établies dans d'autres États membres ou dans des États tiers.
14 STEKO a porté lesdites actions au bilan de son exercice clos au 31 décembre 2001 non plus pour leur valeur comptable antérieure correspondant à un montant de 220 021,09 DEM, mais, en raison d'une baisse des cours, pour une valeur partielle inférieure de 139 775,35 DEM. Il en serait résulté une réduction des bénéfices imposables de 80 245,74 DEM.
15 Le Finanzamt a admis l'inscription de ladite valeur partielle inférieure, la baisse du cours des actions représentant une moins-value durable. Toutefois, selon lui, la réduction des bénéfices ne pouvait pas être prise en compte fiscalement, puisque l'article 8b, paragraphe 3, du KStG nouvelle version et, partant, la non-déductibilité instaurée par cette disposition d'une telle moins-value s'appliquaient dès l'exercice fiscal 2001 aux participations détenues dans des sociétés non-résidentes.
16 Le Finanzgericht Rheinland-Pfalz ayant fait droit, par un jugement du 29 septembre 2005, au recours introduit par STEKO contre les avis d'imposition émis sur cette base par le Finanzamt, ce dernier s'est pourvu en "Revision" contre ledit jugement devant le Bundesfinanzhof.
17 La juridiction de renvoi relève que, s'agissant de l'année 2001, STEKO ne pouvait pas, en vertu de l'article 8b, paragraphe 3, du KStG nouvelle version, déduire une somme correspondant à la réduction des bénéfices afférents à ses participations dans des sociétés non-résidentes. En revanche, s'agissant des participations dans des sociétés résidentes, ladite disposition s'appliquait, en principe, au plus tôt à partir de l'année 2002. Les amortissements partiels opérés par STEKO auraient pu être pris en compte aux fins de réduire le montant des impôts dus s'ils avaient porté sur des participations dans des sociétés résidentes, puisque la déduction de tels amortissements n'était pas interdite.
18 Selon le Bundesfinanzhof, les participations dans des sociétés non-résidentes, dont il est prévisible que la moins-value sera durable, ont fait l'objet, en 2001, d'une imposition désavantageuse par rapport aux participations similaires détenues dans des sociétés résidentes. Toutefois, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, ladite juridiction se demande si cette distinction est constitutive d'une violation de la libre circulation des capitaux.
19 En premier lieu, le Bundesfinanzhof doute qu'une inégalité de traitement d'une durée relativement brève puisse empêcher ou dissuader les contribuables d'investir dans des sociétés non-résidentes.
20 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi estime qu'une éventuelle restriction à la libre circulation des capitaux pourrait être admise à titre transitoire, dans la mesure où le passage du régime de l'imputation, applicable antérieurement, à celui de l'abattement de 50 % du revenu est avantageux en ce qui concerne les participations dans des sociétés non-résidentes.
21 En troisième lieu, ladite juridiction se demande si, s'agissant des participations détenues dans des sociétés établies dans des États tiers, une telle restriction n'est pas justifiée par la nécessité d'assurer le contrôle fiscal, tout en indiquant que cet aspect pourrait être déterminant dans les cas où la réduction des bénéfices en cause repose sur une simple diminution de la valeur des participations détenues dans une société donnée, une telle diminution étant, en règle générale, seulement fonction des conditions régnant dans la société dans laquelle ces participations sont détenues, mais ne jouerait probablement aucun rôle lorsqu'une telle moins-value résulte d'une baisse du cours des actions.
22 Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"L'article 56 CE fait-il obstacle à la disposition d'un État membre aux termes de laquelle une interdiction de déduire les réductions de bénéfices liées à la participation d'une société de capitaux dans une autre société de capitaux entre en vigueur plus tôt pour les participations étrangères que pour les participations dans des sociétés résidentes?"
Sur la question préjudicielle
23 Il convient de rappeler que les mesures interdites par l'article 56, paragraphe 1, CE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d'en faire dans d'autres États (voir arrêts du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513-03, Rec. p. I-1957, point 44; du 25 janvier 2007, Festersen, C-370-05, Rec. p. I-1129, point 24, et du 18 décembre 2007, A, C-101-05, Rec. p. I-11531, point 40).
24 Les mesures nationales pouvant être qualifiées de "restrictions" au sens de l'article 56, paragraphe 1, CE comprennent non seulement des mesures susceptibles d'empêcher ou de limiter l'acquisition d'actions des sociétés établies dans d'autres États (arrêt du 23 octobre 2007, Commission/Allemagne, C-112-05, Rec. p. I-8995, point 19 et jurisprudence citée), mais également des mesures susceptibles de dissuader le maintien de telles participations dans des sociétés établies dans d'autres États (voir, par analogie, arrêts du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst, C-324-00, Rec. p. I-11779, point 32, et du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524-04, Rec. p. I-2107, point 61).
25 S'agissant de l'affaire au principal, il ressort de la décision de renvoi que, en 2001, une société résidente ne pouvait pas déduire de ses revenus imposables les réductions de bénéfices dues à un amortissement partiel des participations détenues dans des sociétés non-résidentes. En revanche, pour la même année et dans des conditions identiques par ailleurs, une société résidente pouvait déduire de ses revenus imposables de telles réductions de bénéfices, lorsqu'elles étaient afférentes aux participations détenues dans des sociétés résidentes.
26 Ainsi que l'a constaté la juridiction de renvoi, les sociétés résidentes détenant des participations ayant subi une dépréciation dans des sociétés non-résidentes se trouvaient, en 2001, dans une situation moins avantageuse que celles détenant de telles participations dans des sociétés résidentes.
27 Or, une telle différence de traitement en fonction du lieu d'investissement des capitaux, introduite par le KStG nouvelle version antérieurement à l'exercice fiscal pendant lequel cette loi est devenue applicable, était susceptible de dissuader un actionnaire d'investir ses capitaux dans une société établie dans un État autre que la République fédérale d'Allemagne et de produire également un effet restrictif à l'égard des sociétés établies dans d'autres États en constituant à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux en Allemagne.
28 En outre, ainsi que l'a relevé la Commission des Communautés européennes, le fait de savoir que la possibilité de réduire le montant des bénéfices imposables par des amortissements partiels expirera plus tôt pour une participation détenue dans une société non-résidente que pour une participation dans une société résidente était susceptible de dissuader la société concernée de conserver des participations dans une société non-résidente et de l'inciter à s'en défaire plus rapidement qu'elle ne l'aurait fait pour des participations détenues dans des sociétés résidentes.
29 Il importe peu, à cet égard, que la différence de traitement n'ait existé que pendant une période limitée dans le temps (arrêt du 18 décembre 2007, Grønfeldt, C-436-06, Rec. p. I-12357, point 15). En effet, cette seule circonstance n'empêche pas que la différence de traitement produise des effets importants, comme le démontrent d'ailleurs les faits au principal, et que, dès lors, la restriction à la libre circulation des capitaux soit réelle.
30 Il ressort de la jurisprudence que, pour qu'une réglementation fiscale nationale opérant une distinction entre les contribuables selon le lieu où leurs capitaux sont investis puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général (voir arrêt du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C-194-06, non encore publié au Recueil, point 59 et jurisprudence citée).
31 Le Gouvernement allemand fait valoir que pendant l'exercice fiscal 2001 était en vigueur non pas un seul régime fiscal, dont les sociétés détenant des participations dans des sociétés non-résidentes étaient exclues, mais bien deux régimes d'allégements fiscaux différents. En effet, les sociétés détenant des participations dans des sociétés résidentes étaient encore soumises à l'ancien système d'allégements fiscaux, tandis que les sociétés détenant des participations dans des sociétés non-résidentes étaient soumises à un nouveau régime, à savoir celui de l'abattement de 50 %.
32 Par conséquent, selon ledit gouvernement, la situation d'une société détenant des participations dans une société résidente et celle d'une société détenant des participations dans une société non-résidente ne sauraient être objectivement comparables.
33 Une telle argumentation ne saurait être accueillie. L'application de régimes fiscaux différents à une société résidente selon qu'elle détient des participations dans des sociétés résidentes ou non-résidentes ne saurait constituer un critère valable pour apprécier la comparabilité objective des situations et, par conséquent, pour établir une différence objective entre celles-ci. En effet, l'application de régimes fiscaux différents est précisément à l'origine de la différence de traitement dont il convient d'apprécier si elle est justifiée ou non.
34 Il importe en outre de rappeler que la Cour a déjà constaté, en ce qui concerne les pertes exposées par les sociétés-mères résidant en Allemagne au titre des amortissements réalisés sur la valeur de leurs participations dans des filiales, que ces sociétés se trouvent dans une situation comparable, qu'il s'agisse de participations détenues dans des filiales établies en Allemagne ou dans d'autres États membres. La Cour a indiqué que, dans ces deux cas, d'une part, les pertes dont la déduction est demandée sont supportées par les sociétés-mères et, d'autre part, les bénéfices de ces filiales, qu'ils proviennent de filiales imposables en Allemagne ou de celles qui le sont dans d'autres États membres, ne sont pas imposables dans le chef des sociétés-mères (arrêt du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C-347-04, Rec. p. I-2647, point 34).
35 Le passage au régime de l'abattement de 50 % en ce qui concerne les sociétés résidentes détenant des participations dans des sociétés non-résidentes n'a pas modifié ces caractéristiques. Il y a lieu, dès lors, de considérer que, s'agissant de la possibilité pour une société résidente de déduire de ses revenus imposables les réductions de bénéfices dues à un amortissement partiel de ses participations, selon que celles-ci sont détenues dans une société résidente ou une société non-résidente, la différence de traitement ne repose pas sur une différence de situations objective.
36 Il convient par conséquent d'examiner si une différence de traitement telle que celle en cause au principal est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.
37 En premier lieu, à l'instar de la juridiction de renvoi, le Gouvernement allemand estime que ladite différence de traitement doit être admise en tant qu'elle constitue un élément d'un régime transitoire, applicable pendant une durée limitée, l'entrée en vigueur décalée dans le temps du nouveau régime étant liée au remplacement progressif du régime de la déduction intégrale par celui de l'abattement de 50 %, lequel a été effectué afin d'assurer la compatibilité du régime de l'impôt sur les sociétés avec le droit communautaire.
38 Le Gouvernement allemand explique que, conformément au régime de la déduction intégrale, une société de capitaux était en principe imposée au taux de 40 %. Le bénéfice qu'elle distribuait à ses actionnaires n'était imposé qu'à 30 %. L'actionnaire devait une nouvelle fois acquitter l'impôt sur le revenu sur les bénéfices distribués, en fonction de son taux d'imposition personnel. Il pouvait cependant déduire en totalité de sa dette d'impôt personnelle l'impôt sur les sociétés déjà acquitté en Allemagne par la société de capitaux. Une double imposition des bénéfices était ainsi évitée.
39 Pour ce qui concerne, en revanche, le régime de l'abattement de 50 % des revenus, selon ce même gouvernement, la société de capitaux n'est plus imposée sur ses bénéfices qu'au taux uniforme de 25 %, indépendamment de la question de savoir si elle distribue ou non le bénéfice réalisé à ses actionnaires. La double imposition des dividendes distribués est évitée en n'intégrant que la moitié des dividendes dans l'assiette de l'impôt sur le revenu de l'actionnaire, tandis que les distributions de bénéfices d'une société à une autre société bénéficient en principe d'une exonération générale des dividendes. On évite ainsi que les bénéfices d'une société qui ont déjà été soumis à un impôt sur les sociétés uniforme de 25 % soient de nouveau assujettis à l'impôt sur les sociétés en cas de redistribution à une autre société.
40 Puisque, selon le Gouvernement allemand, la cession de participations correspond, du point de vue économique, à une distribution intégrale, cette cession est traitée comme une distribution de bénéfices. Par conséquent, de même que pour l'exonération des dividendes prévue à l'article 8b, paragraphe 1, du KStG nouvelle version, l'exonération des plus-values de cession de participations au titre du paragraphe 2 du même article vise elle aussi à éviter une double imposition économique lorsqu'il s'agit des participations en cascade. En revanche, les pertes afférentes à la cession de participations et les moins-values résultant de la dépréciation de celles-ci ne peuvent plus, aux termes du paragraphe 3 dudit article, être prises en compte fiscalement.
41 Le Gouvernement allemand précise que le régime de l'abattement de 50 % est, en principe, entré en vigueur à partir de l'année 2001 en ce qui concerne une société distribuant des bénéfices.
42 Toutefois, afin de garantir que les bénéfices qui avaient été imposés au niveau d'une société de capitaux selon le régime de la déduction soient encore imposés selon ce même régime au niveau du détenteur de participations et pour permettre à ce dernier de déduire pour la dernière fois de sa dette fiscale personnelle l'impôt acquitté par cette société, il a été décidé de maintenir au niveau de détenteur de participations un tel régime pour l'année 2001, lorsque les dividendes reposaient sur des distributions ordinaires d'une société résidente pour l'année 2000.
43 Or, puisque le régime de la déduction n'était pas applicable aux dividendes distribués par des sociétés de capitaux non-résidentes, le nouveau régime de l'abattement de 50 % du revenu pouvait s'appliquer au niveau du détenteur de participations dès l'année 2001.
44 Le Gouvernement allemand ajoute qu'un État membre doit disposer d'une certaine marge de manœuvre lorsqu'il vise à établir un régime d'imposition compatible avec le droit communautaire, ce qui implique l'absence d'obligation d'aménager le régime transitoire autrement qu'il ne l'a fait et, notamment, d'étendre, pour sa dernière année d'application, aux participations détenues dans des sociétés non-résidentes le régime appliqué aux participations dans des sociétés résidentes.
45 En deuxième lieu, le Gouvernement allemand estime que les dispositions en vigueur pour l'exercice fiscal 2001 sont justifiées par des motifs tirés de la cohérence du régime fiscal envisagé dans son ensemble. Selon lui, la réglementation fiscale nationale serait aménagée de telle sorte qu'elle offre des avantages et des désavantages absolument symétriques aux sociétés de capitaux, que les participations de ces dernières soient détenues dans des sociétés non-résidentes ou dans des sociétés résidentes.
46 En effet, selon ledit gouvernement, si une société de capitaux avait cédé, au cours de l'exercice fiscal 2001, une participation dans une société de capitaux non-résidente en réalisant un bénéfice, elle pouvait encaisser ce bénéfice en vertu de l'article 8b, paragraphe 2, du KStG nouvelle version en étant exonérée de l'impôt sur les sociétés, mais elle devait en retour accepter qu'une perte correspondante - soit directement lors de la cession de ses participations, soit par l'inscription de la valeur partielle inférieure de celles-ci - ne soit pas non plus prise en compte aux fins de cet impôt. Selon la même logique, si une société de capitaux réalisait un bénéfice à l'occasion de la cession de participations dans des sociétés résidentes, celui-ci était imposable, mais cette imposition était compensée par le fait qu'une perte afférente à ces participations pouvait être imputée aux fins de réduire l'assiette de l'impôt. Ledit régime fiscal serait ainsi aménagé de manière cohérente.
47 En troisième lieu, le Gouvernement allemand estime que, si les participations sont détenues dans des sociétés établies dans des États tiers, la différence de traitement peut être justifiée par la nécessité d'assurer un contrôle fiscal effectif.
48 Les justifications ainsi invoquées par le Gouvernement allemand ne sauraient être retenues.
49 S'agissant de l'argument selon lequel un État membre, ayant pour objectif d'instaurer la compatibilité du régime national de l'impôt sur les sociétés avec le droit communautaire et de supprimer d'éventuelles discriminations, doit pouvoir disposer d'une certaine marge de manœuvre pour la mise en place d'un régime transitoire, il suffit de répondre que la Cour a déjà jugé que cette marge de manœuvre trouve toujours ses limites dans le respect des libertés fondamentales et, notamment, dans celui de la libre circulation des capitaux (voir arrêt Grønfeldt, précité, point 32).
50 Or, même si un régime transitoire, tel que celui en cause au principal, peut se comprendre par un souci légitime d'assurer une transition sans rupture du régime antérieur vers le nouveau régime et alors même que les arguments du Gouvernement allemand permettent d'expliquer la raison pour laquelle le nouveau régime de l'abattement de 50 % des revenus n'a été introduit qu'à compter de l'année 2002 pour les sociétés détenant des participations dans des sociétés résidentes, ces arguments ne sauraient justifier une différence de traitement au détriment des sociétés détenant des participations dans des sociétés non-résidentes, telle que celle en cause au principal.
51 En effet, si les sociétés détenant des participations dans des sociétés non-résidentes n'étaient pas soumises, ainsi que l'affirme le Gouvernement allemand, au régime de la déduction intégrale, il résulte cependant des observations de ce gouvernement lui-même que, jusqu'à l'année fiscale 2001, une société résidente dont les participations dans une société non-résidente étaient inférieures à 10 % était soumise au même traitement qu'une société résidente détenant des participations dans une société résidente en ce qui concerne la déduction de la valeur partielle de celles-ci qui pouvait être prise en compte fiscalement.
52 S'agissant de l'argument relatif à la nécessité de préserver la cohérence d'ensemble du régime fiscal, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, pour qu'un tel argument justificatif puisse prospérer, il faut que soit établie l'existence d'un lien direct entre l'avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (voir arrêt du 28 février 2008, Deutsche Shell, C-293-06, Rec. p. I-1129, point 38 et jurisprudence citée).
53 En outre, le caractère direct d'un tel lien doit être établi, au regard de l'objectif poursuivi par la réglementation fiscale en cause, au niveau des contribuables concernés par une corrélation rigoureuse entre l'élément de déductibilité et celui afférent à l'imposition (arrêt Deutsche Shell, précité, point 39).
54 Or, en ce qui concerne la détermination du revenu imposable des sociétés résidentes détenant des participations dans des sociétés non-résidentes, la Cour a déjà jugé que le fait qu'il serait possible, ultérieurement, d'obtenir une exonération des plus-values réalisées en cas de cession, dans l'hypothèse où un bénéfice d'un niveau suffisant est réalisé, ne constitue pas une considération de cohérence fiscale susceptible de justifier un refus de déduction immédiate des pertes subies par les sociétés détenant des participations dans des sociétés non-résidentes (voir, par analogie, arrêt Rewe Zentralfinanz, précité, point 67).
55 Enfin, s'agissant de l'argument relatif à la nécessité de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux, à supposer qu'il constitue une raison impérieuse d'intérêt général susceptible d'être invoquée pour justifier les restrictions à la libre circulation des capitaux en provenance ou à destination d'États tiers, il y a lieu de constater qu'une telle raison impérieuse d'intérêt général est en tout état de cause dépourvue de pertinence lorsque la dépréciation de la valeur des participations détenues dans des sociétés non résidentes résulte, comme dans l'affaire au principal, de la baisse des cours en Bourse.
56 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles une société de capitaux résidente détient dans une autre société de capitaux une participation inférieure à 10 %, l'article 56 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une interdiction de déduire les réductions de bénéfices liées à une telle participation entre en vigueur plus tôt pour la participation dans une société non-résidente que pour la participation dans une société résidente.
Sur les dépens
57 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (première chambre), dit pour droit:
Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles une société de capitaux résidente détient dans une autre société de capitaux une participation inférieure à 10 %, l'article 56 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une interdiction de déduire les réductions de bénéfices liées à une telle participation entre en vigueur plus tôt pour la participation dans une société non-résidente que pour la participation dans une société résidente.