CA Rennes, 2e ch. com., 15 mai 2007, n° 06-01089
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Roux
Défendeur :
Balac, Constructions Georges Le May (SARL), Cosquer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Boisselet, Serrin
Avoués :
SCP d'Aboville, de Moncuit Saint-Hilaire & Le Callonnec, SCP Castres, Colleu, Perot & Le Couls-Bouvet, SCP Gauvain & Demidoff
Avocats :
Me Postic, SCP Kermarrec-Moalic
Faits et procédure :
Christophe Balac et Isabelle Cosquer, qui envisageaient de faire construire leur maison d'habitation, ont sollicité la SAS Constructions Georges Le May, qui a établi trois projets successifs comportant un chiffrage du coût de la construction et des plans. Les consorts Balac Cosquer n'ont cependant pas donné suite, et ont finalement trouvé accord avec Alain Le Roux.
Constatant que la maison correspondait aux projets qu'elle avait établis, la société Constructions Georges Le May a assigné les consorts Balac Cosquer et Alain Le Roux devant le Tribunal de grande instance de Quimper en paiement de diverses sommes au titre de l'atteinte à sa propriété intellectuelle, consistant en l'utilisation des plans établis par ses sons.
Par jugement du 3 janvier 2006, le tribunal a:
débouté la société Constructions Georges Le May de ses demandes en ce qu'elles sont fondées sur l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle,
sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, condamné Alain Le Roux à payer à la société Constructions Georges Le May la somme de 4 000 euro à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi qu'une indemnité de procédure de 1 200 euro.
Alain Le Roux en a relevé appel le 16 février 2006.
Par conclusions du 15 mars 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, il demande que:
il soit jugé qu'il n'a commis aucun fait de parasitisme à l'encontre de la société Constructions Georges Le May,
subsidiairement, les consorts Balac Cosquer soient condamnés à le garantir de toutes condamnations prononcées contre lui,
la société Constructions Georges Le May soit condamnée aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 20 avril 2006, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, la société Constructions Georges Le May demande que:
les consorts Balac Cosquer et Alain Le Roux soient condamnés à lui payer la somme de 22 199,25 euro, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, sur le double fondement des articles L. 112-1 et L. 112- 2 du Code de la propriété intellectuelle, et de l'article 1382 du Code civil,
les mêmes soient condamnés à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 13 mars 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, les consorts Balac Cosquer demandent que:
le jugement soit confirmé,
leur soit donné acte qu'ils s'inscrivent en faux contre la pièce intitulée projet Balac du 28 mars 2002, produite par la société Constructions Georges Le May selon bordereau du 18 février 2003,
soit ordonnée un examen de cet écrit conformément aux articles 287 à 295 du Code civil, ainsi que son rejet des débats,
subsidiairement, la demande de garantie formée par Alain Le Roux soit rejetée, et, au contraire ce dernier soit condamné à les garantir de toute condamnation,
la société Constructions Georges Le May ou à défaut Alain Le Roux soit condamné à leur payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi, LA COUR,
Sur les demandes formées contre les consorts Balac Cosquer:
Si rien ne s'oppose en soi à ce que des plans d'architecture soient protégés au titre des articles L. 112-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, c'est à la condition qu'ils présentent une originalité, c'est-à-dire la manifestation d'un apport intellectuel créatif reflétant la personnalité et le talent de son auteur.
En l'espèce les plans versés aux débats ne se distinguent pas de façon évidente de plans types couramment proposés par les constructeurs de maisons individuelles, étant observé que la société Le May, qui n'a pas la qualité d'architecte, n'avance, comme l'ajustement observé le tribunal, aucun élément pertinent permettant de caractériser cette originalité, la circonstance que trois projets successifs aient été établis, afin de cerner les souhaits des consorts Balac Cosquer, n'y suffisant pas.
Par ailleurs, en l'absence de production de l'original des plans prétendument signés par les consorts Balac et Cosquer, qui contestent leur signature, l'existence d'un engagement de leur part de ne pas les utiliser n'est pas démontrée. La vérification de l'authenticité des signatures figurant sur le document produit par la société Le May est sans objet, s'agissant d'une simple photocopie.
Doit en outre être rappelé que la société Le May ne conteste pas afficher sur la vitrine de ses bureaux, qu'elle offre une "documentation gratuite et plus de 200 plans personnalisés" ainsi qu'un "avant-projet et devis gratuit pour construction neuve". Ainsi, la remise de ces plans aux consorts Balac Cosquer alors qu'il n'est pas démontré qu'ils ont été avertis de ce que la société Le May, avec laquelle ils n'ont signé aucun contrat, s'estimait propriétaire d'un droit d'auteur sur les plans remis dans ces circonstances, a pu leur laisser croire de bonne foi qu'ils étaient en droit d'en disposer librement.
Dès lors, n'est démontrée à l'encontre des consorts Balac Cosquer aucune atteinte à la propriété intellectuelle de la société Le May, et aucune faute susceptible d'engager leur responsabilité, et le jugement sera confirmé en ce que la société Georges Le May a été débouté de ses demandes contre les consorts Balac Cosquer.
Sur les demandes à l'encontre d'Alain Le Roux:
Constitue un comportement parasitaire engageant la responsabilité de son auteur le fait, pour un agent économique, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
La comparaison entre les plans établis par la société Le May et ceux déposés par Alain Le Roux lors de la demande de permis de construire fait en effet ressortir une grande similitude tant dans les dimensions que dans la disposition intérieure des pièces.
Il résulte des déclarations des parties lors de leur comparution personnelle devant les premiers juges que les plans Le May ont constitué une base de discussion entre les consorts Balac Cosquer et Alain Le Roux puisqu'ils correspondaient parfaitement aux souhaits des consorts Balac Cosquer. Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que les plans proposés par Main Leroux leur soient similaires, puisque la demande des clients était identique et précise. Ceci ne peut être reproché à ce dernier, tenu d'exécuter les demandes de ses clients, et également tenu par le genre de construction à réaliser, qui, très courant, ne laissait pas place à des différences autres que de détail.
Par ailleurs, l'absence d'originalité de ces plans ôte toute consistance au préjudice allégué de ce chef par la société Le May, qui ne justifie pas des efforts qu'elle a personnellement mis en œuvre pour les élaborer, et qui ne subit en réalité que le préjudice résultant de l'échec de sa propre démarche commerciale auprès des clients Balac Cosquer, qui étaient libres de rompre les pourparlers, et dont rien n'établit qu'il ait été causé par des manœuvres déloyales de la part d'Alain Le Roux.
Dès lors, la preuve d'aucun acte de parasitisme n'étant rapportée, la société Georges Le May sera également déboutée de ses demandes contre Alain Le Roux.
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
La société Georges Le May qui succombe supportera les dépens, et les frais de procédure exposés par les consorts Balac Cosquer et Alain Le Roux à hauteur de 800 euro pour chacun d'eux.
Par ces motifs, Confirme le jugement en ce que la société Constructions Georges Le May a été déboutée de ses demandes contre les consorts Balac Cosquer, L'infirmant sur le surplus, Déboute la société Constructions Georges Le May de ses demandes contre Alain Le Roux, La condamne aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Maîtres d'Aboville, de Moncuit-Saint Hilaire et Le Callonec, et Castres, Colleu, Perot, Le Couls-Bouvet, avoués, La condamne également à payer les sommes de 800 euro à Alain Le Roux et 800 euro aux consorts Balac Cosquer, Rejette le surplus des demandes.