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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 29 mai 2007, n° 06-01326

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Solytek (SARL)

Défendeur :

Galland (SARL), Scefom (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saint-Arroman

Conseillers :

MM. Ors, Legras

Avoués :

SCP Arsene-Henry, Lancon, SCP Boyreau, Monroux, SCP Gautier, Fonrouge

Avocats :

Mes Dubosc, Picotin, Colas

T. com. Bordeaux, du 9 mars 2006

9 mars 2006

La société Solytek, constituée le 9 décembre 1999 en Monsieur Elie Levy et Monsieur Frédéric Glemet, avec pour objet social de réaliser l'exportation de matériels ferroviaires vers l'Afrique du Nord, le Maroc, la Tunisie et l'Asie, le Japon, la Chine et la Corée, a signé le 3 janvier 2000 avec la société Galland, dont l'activité est la fabrication de pièces de caténaires, un contrat dénommé "contrat d'association à but commercial" en application duquel la société Solytek créerait et développerait le service commercial de Galland, une activité de négoce de matériels ferroviaires en général, et mettrait en place un réseau commercial.

Ce contrat prévoit une avance mensuelle sur commission de 50 000 F et le paiement de commissions comprises entre 5 et 15 % déterminées d'un commun accord.

Le contrat prévoit également que dans les pays nouveaux démarchés, la société Solytek touchera sa commission sur toutes les commandes en provenance de ces pays, et que dans les pays où le matériel de la société Galland est déjà homologué, la société Solytek n'engagera une action commerciale qu'à la demande de la société Galland, et que la société Galland se réserve le droit de travailler en direct avec les clients avec lesquels un courant commercial est déjà établi.

Ce contrat est conclu pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, et qu'il est résiliable par lettre recommandée trois mois avant sa date d'anniversaire.

Dès la première année, ce contrat a été résilié par la société Solytek par lettre recommandée du 29 septembre 2000, soit à échéance du 29 décembre 2000.

Par ailleurs, Monsieur Glemet, cofondateur et directeur de la société Solytek a démissionné de celle-ci le 20 novembre 2002 et fonde conjointement avec la société Galland le 17 avril 2003, une société dénommée Scefom qui a un objet similaire à celui de la société Solytek.

Monsieur Glemet, en qualité de directeur de la société Solytek, devait à celle-ci un préavis de trois mois.

Dès avant même la création de la société Scefom, Monsieur Levy, au nom de la société Solytek, et Monsieur Glemet, au nom de la société Scefom, ont signé le 31 mars 2003 un protocole destiné à régir leurs relations rétroactivement à compter du 1er mars 2003 et leur coopération commerciale dans le futur, notamment en procédant à une répartition géographique de leur zone d'activité respective et en prévoyant une répartition des commissions par moitié pour les affaires en cours, affaires devenues selon la convention " patrimoine commun ".

Ce protocole prévoit notamment que pour les commandes et les contrats en cours, soit le contrat PAC (SNCF), le contrat DMECI (Chine Schengen, isolateur et sectionneur), et le contrat Tunisie (SNCFT. signés par Solytek), il sera procédé à une répartition des marges à 50 %.

Il prévoit que le règlement des sommes revenant à Monsieur Frédéric Glemet et à la société Scefom sera effectué par des paiements enregistrés sur le compte de la société Solytek.

Il prévoit un devoir réciproque d'information par la communication des informations nécessaires à la bonne exécution de la convention.

Or, selon la société Solytek, à partir du début de l'année 2004, la société Scefom aurait cessé de l'informer de l'évolution des affaires courantes et notamment des règlements, ce qui la conduisit à faire délivrer le 14 avril 2004, tant à la société Scefom qu'à la société Galland, une sommation afin d'obtenir d'elle des informations sur les règlements intervenus dans les quatre affaires visées dans le protocole, soit :

- les contrats PAC SNCF

- le contrat Tunisie,

- le contrat Chine,

ainsi que sur un contrat conclu avec le Japon (Mitsubishi), que la société Scefom aurait autorisé la société Solytek à traiter en prévoyant que la commission serait versée à elle-même avant d'être partagée avec la société Solytek, ainsi que sur les matériels d'une société Pouget que la société Solytek commercialisait au Japon en vertu d'un contrat du 3 mars 2001.

N'ayant pas obtenu de réponse à ces sommations. la société Solytek a assigné la société Galland et la société Scefom en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui fournir des informations sur ces contrats et à titre subsidiaire, à ce que soit ordonné une expertise sur les comptes à faire entre les parties.

Le Président du tribunal s'est déclaré incompétent en raison d'une difficulté sérieuse constituée par la nullité du protocole du 31 mars invoquée par la société Scefom.

La société Solytek a assigné au fond les sociétés Galland et Scefom afin d'obtenir leur condamnation à lui verser diverses sommes au titre du contrat Tunisie, du contrat PAC, du contrat Chine-Schengen et du contrat Japon-MHI, ainsi qu'une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Par le jugement entrepris, le tribunal l'a déboutée de ses demandes au titre du contrat Tunisie et du contrat Japon et a condamné la société Galland à lui verser des sommes au titre du contrat PAC (31 975,04 euro) et Chine (35 234,28 équivalent USD).

La société Solytek a interjeté appel et déposé ses dernières conclusions le 15 février 2007.

La société Scefom a déposé ses dernières conclusions le 30 mars 2007.

La société Galland a déposé ses dernières conclusions le 10 novembre 2006.

Vu lesdites conclusions.

Motifs

Sur le contrat dit Tunisie conclu avec la société nationale des chemins de fer tunisiens : SNCFT.

Attendu qu'il convient en premier lieu de constater que la lettre du 29 septembre 2000 par laquelle la société Solytek fait connaître à la société Galland qu'elle résilie le contrat du 3 janvier 2000, est parfaitement claire et constitue bien contrairement à ce que soutient la société Solytek une lettre de résiliation pure et simple.

Attendu que par suite de cette résiliation toute collaboration entre les deux sociétés n'était possible qu'en vertu d'un accord préalable particulier.

Attendu que tant la société Solytek et que la société Galland reconnaissent qu'un tel accord est intervenu entre elles le 27 novembre 2001 dans le but de donner suite à un appel d'offre par la SNCFT n° AO 1 121.034.

Attendu que la société Solytek fait état et justifie des démarches qu'elle a réalisées auprès de la SNCFT dès le mois de janvier 2000, afin de lui faire connaître son existence et son objet, ainsi que d'une lettre du 12 février 2001 à la même SNCFT par laquelle elle lui offre ses services, afin de lui faire connaître les offres des fournisseurs mondiaux, et enfin d'une lettre du 29 mars 2001 dans laquelle elle cite la société Galland, parmi d'autres, comme pouvant répondre à cette offre, ce qu'elle lui confirme dans une lettre du 16 octobre 2001.

Attendu qu'il peut être ainsi admis que la société Solytek avait engagé une action commerciale en vertu de l'accord du 3 janvier 2000 et l'avait poursuivi par la suite.

Attendu que cependant la SNCFT ayant par une lettre du 23 août 2002 déclaré son appel d'offre infructueux, il n'apparaît pas que la société Solytek puisse prétendre à une rémunération pour les démarches correspondant à cet appel d'offre.

Attendu que par la même lettre du 23 août 2002 adressée à la société Galland, la SNCFT propose à cette société de répondre à une consultation n° 221 028 ayant le même objet que son appel d'offre précédant.

Attendu que la société Solytek fait valoir que la possibilité de résiliation prévue par l'article 5 du contrat du 3 janvier 2000 ne s'applique pas aux marchés pour lesquels la société Solytek aurait engagé une action avec des clients potentiels pendant la période du contrat.

Attendu qu'elle verse aux débats diverses pièces et correspondances destinées à établir selon elle qu'elle a participé à la réponse à la consultation notamment en établissant le descriptif de l'offre sur son matériel informatique, la preuve de ce fait résidant dans les constatations faites par un huissier qui a découvert ces informations sur son matériel informatique.

Attendu que la société Solytek fait également valoir que Monsieur Glemet est resté son salarié jusqu'au 20 février 2003, qu'il a fait des déplacements en Tunisie, encore au début du mois de février 2003, en vue de dernières négociations avec la Tunisie, et que ses frais des déplacements ont été réglés par la société Solytek.

Attendu que la société Galland réplique que Monsieur Glemet a en réalité agi pendant cette période pour le compte de la société Scefom, en prenant des heures et les regroupant pendant son préavis afin de développer son emploi personnel.

Attendu que par ailleurs la société Solytek verse aux débats un compte rendu d'une réunion du 2 décembre 2003 entre la société Galland et la société Solytek, compte rendu selon lequel Monsieur d'Huy, au nom de la société Galland, aurait dit que la société Solytek serait payée pour l'affaire de Tunisie.

Attendu cependant que la société Galland conteste la valeur de ce document établi par Monsieur Levy, dirigeant la société Solytek, et signé par lui seul.

Attendu que la société Solytek verse encore aux débats un fax de la société Scefom à elle-même du 27 août 2003, par laquelle cette société paraît lui annoncer des paiements au titre du contrat " Tunisie ".

Attendu qu'enfin la société Solytek répond à l'argumentation de la société Galland selon laquelle si elle n'a pas participé à l'exécution de ce contrat, il en a été ainsi parce que la société Galland l'a écartée au profit de sa filiale Scefom.

Attendu que d'autre part la société Solytek soutient que la société Scefom n'a aucun droit sur le marché SCNFT dès que le protocole du 31 mars 2003, qui prévoit un partage à 50 %, n'est pas valable selon la société Scefom elle-même et qu'en tout cas il prévoit le versement des commissions sur le compte de la société Solytek à charge pour celle-ci de reverser sa part à la société Scefom.

Attendu que la société Galland réplique à l'ensemble de cette argumentation en substance, en faisant valoir :

- que le contrat d'association ayant pris fin le 31 décembre 2000, il n'a pu régir que l'appel d'offre initial déclaré infructueux le 23 août 2002,

- que la société Solytek ne peut par suite prétendre avoir ultérieurement agi en qualité d'agent commercial de la société Galland en l'absence d'un accord particulier intervenu entre elle et cette société, en vue de répondre à la consultation du 28 août 2002 n° 221.028.

- que Monsieur Glemet ayant démissionné de la société Solytek le 20 novembre 2002, il a pu à partir de ce moment là développer une activité propre, notamment lors de son voyage en Tunisie le 2 janvier 2003 alors que c'est Monsieur D'Huy de la société Galland qui devait négocier à Tunis à la suite de l'acception d'un principe donné par la Tunisie le 30 décembre 2002 ;

- que la Société Solytek n'avait reçu aucun mandat d'elle-même pour mener cette négociation.

- que la preuve que la société Solytek est restée étrangère à cette négociation résulte du fait qu'elle ne connaît même pas le montant total du marché,

- que pour ce qui concerne l'exécution ultérieure du marché, c'est la société Scefom seule qui en a assuré la charge après le 12 décembre 2003.

Attendu qu'il y a lieu de constater qu'il découle de la résiliation du contrat du 3 janvier 2000 d'une part, et de la décision de la SNCFT du 23 août 2002 de déclarer infructueux l'appel d'offre pour lequel la société Galland et la société Solytek avaient collaboré en vertu d'un accord particulier, que la société Solytek n'a disposé d'aucun titre pour participer à la réponse à la consultation n° 221.028.

Attendu que la société Solytek se fonde sur l'alinéa 2 de l'article 5 du contrat du 3 janvier 2000 pour soutenir que ledit contrat n'a pu être résilié et qu'il a continué à régir son activité au service de la société Galland au titre de cette consultation, dès lors que le marché avait été engagé pendant la durée de l'accord.

Attendu cependant qu'il y a lieu de considérer que la consultation lancée le 28 août 2002 a été un marché différent de celui correspondant à l'appel d'offre précédent de sorte que l'alinéa 2 de l'article 5 susvisé ne peut recevoir application.

Attendu d'autre part et enfin que la société Solytek ne justifie pas de ce que les démarches qu'elle prétend avoir effectuées au titre de cette consultation l'ont été en vertu d'un nouvel accord conclu avec la société Galland.

Attendu que le compte rendu de réunion selon lequel Monsieur D'Huy, au nom de la société Galland se serait engagé à rémunérer la société Solytek ne peut servir de preuve dès lors qu'il n'est signé que par Monsieur Levy.

Attendu que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Solytek à l'égard de la société Galland au titre du contrat avec la SNCFT.

Sur la demande de la société Solytek à l'égard de la société Galland au titre du contrat PAC (invalide champ de Mars)

Attendu que dans un courrier du 28 janvier 2004, la société Galland reconnaît devoir à titre de commission une somme totale de 96 606,04 euro, indique avoir déjà versé 32 656 euro à la société Solytek et 15 000 euro à la société Scefom, de sorte qu'il reste dû à la société Solytek 48 950,04 euro et à la société Scefom 16 975,04 euro.

Attendu que le tribunal a jugé que les paiements effectués à la société Scefom étaient inopposables à la société Solytek.

Attendu que le protocole du 31 mars 2003 était inopposable à la société Galland qui n'en est pas signataire.

Attendu qu'il y a lieu de considérer que cette société s'est reconnue débitrice de la société Solytek et de la société Scefom en fonction des prestations effectives de l'une et de l'autre de ces sociétés, et de constater que ni l'une ni l'autre ne rapporte la preuve contraire.

Attendu enfin que le protocole du 31 mars 2003 signé par Monsieur Glemet avant la création de la société Scefom n'est pas opposable à celle-ci qui ne l'a pas repris à son compte.

Attendu qu'il convient par suite de retenir les chiffres exposés par la société Galland et de dire que celle-ci est redevable envers la société Solytek de la somme totale de 32 656 euro + (48 950,04-16 975,04 = 31 975 euro), soit 64 631 euro et de dire qu'elle est redevable envers la société Scefom de la somme de 15 000 euro + 16 975,04 euro, soit 31 975,04 euro.

Attendu qu'il convient de réformer le jugement en ce sens.

Sur le contrat Chine Schengen métro

Attendu que la société Solytek verse aux débats de nombreuses correspondances tendant à établir qu'elle a bien été l'intermédiaire de la société Galland pour la conclusion de ce marché.

Attendu que la société Scefom soutient que faute pour la société Solytek de démontrer qu'elle aurait participé à l'exécution de ce contrat, elle n'aurait pas droit à des commissions au titre de cette exécution.

Attendu que cependant la société Galland elle-même reconnaissant devoir des commissions à la société Solytek au titre de ce contrat, il convient de confirmer le jugement.

Sur le contrat Japon : MHI

Attendu que la société Solytek verse aux débats de nombreuses pièces établissant qu'elle a participé à la conclusion de ce contrat.

Attendu qu'elle affirme qu'un accord est ensuite intervenu entre elle et la société Scefom, qui a repris le contrat, pour le partage des commissions qui seraient perçues par la société Scefom.

Attendu que le tribunal a considéré que la preuve de ce dernier accord n'était pas rapportée.

Attendu que la cour ne peut que constater que n'est produit aux débats ni un accord entre la société Galland et la société Solytek pour la préparation de ce marché et qui préciserait les conditions de la rémunération de la société Solytek, ni un accord entre la société Solytek et la société Scefom pour le partage de la rémunération due par la société Galland.

Attendu que le jugement ne petit donc qu'être confirmé.

Sur la concurrence déloyale

Attendu que pas plus que devant le tribunal, la société Solytek ne rapporte devant la cour la preuve de ce que les sociétés Galland et Scefom se seraient livrées à son détriment à des actes de concurrence déloyale.

Attendu en effet que les reproches faits à Monsieur Glemet en qualité d'agent de la société Scefom de faire état de ses anciennes fonctions dans la société Solytek ne peut, à lui seul et alors qu'il n'était tenu par aucune clause de non concurrence, être assimilé à un acte de concurrence déloyale que le jugement doit être confirmé.

Attendu que l'équité justifie l'allocation à la société Scefom d'une indemnité de 2 000 euro et à la société Galland d'une indemnité de 1 200 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Solytek de sa demande en paiement de la somme de 319 490,68 euro au titre du contrat conclu entre la société Galland et la société SNCFT, Le confirme en ce qu'il a débouté la société Solytek de sa demande de condamnation de la société Scefom à lui verser 5 447,75 euro au titre du contrat Japon MHI, Le confirme en ce qu'il a condamné la société Galland à lui verser la somme de 35 234,28 USD en contre valeur en euros au titre du contrat Chine Schengen avec intérêts de droit à compter de l'assignation en référé, Le réforme en ce qu'il a dit, sur le contrat PAC invalide champ de Mars, que les paiements effectués à la société Scefom étaient inopposables à la société Solytek dit que la société Galland est redevable envers la société Solytek de 64 631 euro et envers la société Scefom 31 975,04 euro, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Solytek de ses demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, Condamne la société Solytek à verser à la société Scefom une indemnité de 2 000 euro et à la société Galland une indemnité de 1 200 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens dont distraction en faveur de la SCP Boyreau et Monroux et la SCP Gautier-Fonrouge, avoués.