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Décisions

CA Riom, 4e ch. soc., 4 novembre 2008, n° 07-02351

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gourden

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Payard

Conseillers :

Mme Sonokpon, M. Thomas

Avocats :

Mes Michel, Cledat

Cons. prud'h. Clermont-Ferrand, du 10 se…

10 septembre 2007

Faits et procédure

La société RTC, dont Monsieur Patrick Gourden est le gérant majoritaire, exploitait depuis 1983 un fonds de commerce spécialisé dans la commercialisation de matériel électronique et son service après-vente.

En 1996, la SARL RTC a conclu un contrat de distribution avec la Société Française de Radiotéléphone (SFR) qui lui permettait de distribuer les produits et offres d'abonnement de SFR ainsi que de faire figurer l'enseigne "Espace SFR" sur son magasin.

Ce contrat a été conclu pour une durée de deux ans, renouvelable par tacite reconduction par périodes annuelles, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de trois mois.

Les relations entre RTC et SFR se sont dégradées à compter de 2001.

En 2001, la société RTC a saisi le Président du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, statuant en référé, d'une demande de condamnation de la société SFR au versement d'une provision de 250 000 F au titre de créances prétendument non sérieusement contestable ainsi que de nomination d'expert.

Par ordonnance du 29 janvier 2002, le juge des référés a considéré que les éléments du dossier ne permettaient pas d'allouer la provision demandée par RTC, mais a cependant ordonné une expertise comptable.

Dans le courant de l'année 2002, la société RTC a engagé à l'encontre de SFR une procédure devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de distribution aux torts de SFR ainsi que la requalification en contrat d'agent commercial, RTC sollicitant également l'octroi d'une importante indemnité compensatrice de fin de contrat, outre le versement par SFR de sommes correspondant à de prétendus arriérés de rémunération.

En cours de procédure, le 26 juin 2004, le contrat partenaire conclu entre SFR et RTC a pris fin, la société SFR ayant notifié à la SARL RTC le 29 septembre 2003 son intention de ne pas le renouveler.

Par jugement du 29 novembre 2006, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société RTC de ses demandes tendant à bénéficier du statut des agents commerciaux et d'une indemnité de fin de contrat. La société RTC a interjeté appel de cette décision et l'instance est actuellement pendante devant la Cour d'appel de Paris.

Soutenant qu'il doit bénéficier du statut de salarié de la société SFR, Monsieur Patrick Gourden a saisi le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand pour lui demander:

- de dire et juger que les quatre conditions de l'article L. 781-1-2 du Code du travail sont réunies

- de dire et juger qu'il est salarié de la société SFR

- de dire et juger que la procédure de licenciement n'a pas été respectée

- de condamner SFR au paiement de:

- 211 074 euro au titre du non-respect de la procédure de licenciement

- 422 148 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 88 655 euro au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue à l'article 4-4-1-2 de la convention collective des télécommunications

- 42 216 euro au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2002 et 2003

- 211 084 euro au titre de l'indemnité forfaitaire liée à la clause de non-concurrence

- de requalifier le contrat de distribution en contrat de travail

- de faire droit aux indemnités de rupture du contrat de travail

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement

- de condamner SFR au paiement de 5 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

La juridiction prud'homale, par jugement du 10 septembre 2007, a débouté Monsieur Patrick Gourden de l'intégralité de ses demandes.

Le 13 septembre 2007, Monsieur Patrick Gourden a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 septembre 2007.

Prétentions des parties

Monsieur Patrick Gourden dans ses conclusions développées oralement à l'audience, sollicite la réformation du jugement et demande à la cour:

- de dire et juger que Monsieur Patrick Gourden à titre personnel et individuel est recevable en ses demandes

- de dire et juger que les quatre conditions de l'article L. 781-1-2 du Code du travail sont réunies

- de dire et juger que Monsieur Patrick Gourden est salarié de la société SFR

- de fixer le salaire de Monsieur Patrick Gourden à 6 000 euro brut mensuel

- de condamner SFR au paiement de :

- 180 000 euro au titre des salaires de janvier 2002 à juin 2004

- 120 000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 17 280 euro au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue à l'article 4-4-1-2 de la convention collective des télécommunications

- 18 000 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1 800 euro au titre des congés payés sur préavis

- 14 400 euro au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2002 et 2003

- 36 000 euro au titre de l'indemnité forfaitaire liée à la clause de non-concurrence

- 144 000 euro au titre du préjudice lié à la non remise de l'attestation ASSEDIC

- 36 000 euro au titre du travail dissimulé

- 60 427,50 euro au titre des heures supplémentaires de janvier 2002 à mai 2004

- de condamner SFR à verser des dommages et intérêts pour un montant équivalant à 20 % du montant total des rémunérations de salaire brut pour la période de juin 1996 à juin 2004 pour non cotisation des caisses de retraites et retraites complémentaires

- d'ordonner à SFR de produire ses bulletins de salaire pour la période de juin 1996 à juin 2004 sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt

- de condamner SFR au paiement de 5 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC

Il soutient que l'article L. 781-1 ancien du Code du travail autorise un mandataire social à solliciter le statut de salarié.

Il rappelle que le contrat partenaire a été conclu intuitu personae en fonction des critères de sélection visés au préambule du contrat.

Il fait valoir que le contrat partenaire conclu à l'origine entre RTC et SFR a débouché sur une relation de travail, établissant un lien direct entre lui et SFR dès lors qu'il ressort de l'examen des clauses et conditions du contrat que les conditions visées par l'article L. 781-1 alinéa 2 du Code du travail sont réunies.

Il prétend que les quatre conditions de l'article précité sont remplies dans la mesure où il exerçait une activité de distributeur dans un local agréé par SFR et que les prix et conditions d'abonnement étaient imposés par SFR dans les clauses du contrat.

Il rappelle que l'article L. 781-1 ancien du Code du travail est applicable sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination (Cass. soc. 04/12/01).

Il souligne également que les conditions imposées par l'opérateur dans ce contrat partenaire établissent l'existence d'un lien de subordination entre lui et SFR dans la mesure où s'il ne respecte pas les conditions du contrat celui-ci prévoit la faculté pour l'opérateur de le résilier sans indemnisation.

La Société Française de Radiotéléphonie (SFR), sollicite dans ses conclusions reprises à l'audience, la confirmation du jugement et demande à la cour de constater que Monsieur Patrick Gourden n'était pas partie au contrat partenaire conclu par la société RTC et SFR et qu'il ne peut donc en demander la requalification, mais aussi de le débouter de l'ensemble de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre lui et SFR.

Elle soutient que Monsieur Patrick Gourden n'a, à titre personnel, jamais été le cocontractant de SFR et que le contrat partenaire, dont il sollicitait la requalification en première instance, a été conclu entre la société RTC, dont il est le gérant, et SFR.

Elle fait valoir également qu'aucun des critères d'application de l'article L. 781-1-2° du Code du travail n'est rempli et qu'en l'absence du moindre élément concret permettant de conclure que le cocontractant réel de SFR était Monsieur Patrick Gourden plutôt que RTC, il n'y a pas lieu d'écarter l'existence de la personnalité morale de la société RTC et de considérer que l'activité de distributeur SFR aurait, dans les faits, été exercée par Monsieur Patrick Gourden seul ni qu'il existait un lien direct entre SFR et ce dernier.

Elle demande la condamnation de M. Gourden au paiement de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité

La décision contestée ayant été notifiée le 12 septembre 2007, l'appel, régularisé le 13 septembre 2007 apparaît recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Code de procédure civile et R. 1461-1 du Code du travail.

Sur le fond

M. Patrick Gourden gérant de la société RTC revendique le statut de salarié par application des dispositions de l'article L. 781-1-2° du Code du travail (article L. 7321-2 nouveau) lequel vise : " les personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toutes sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir des commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lors que ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise. "

Afin de démontrer le bien-fondé de sa demande, M. Patrick Gourden se livre à une analyse de l'activité qu'il prétend être la sienne, au travers des dispositions du contrat de partenaire dont il convient de rappeler qu'il a été conclu entre la société Cellcorp mandataire de la société SFR et la société RTC dont il est gérant.

Si à l'issue de cette analyse on peut admettre que l'activité considérée remplit bien les conditions édictées par l'article de L. 781-1-2° du Code du travail, à savoir :

- soit vente de marchandises, soit recueil de commande ou réception d'objets à traiter fournis exclusivement ou presque par une seule entreprise.

- vente effectuée dans un local agréé par le fournisseur

- conditions de vente et prix imposés

cette analyse peut aussi bien s'appliquer à l'activité de la société RTC personne morale qu'à celle de M. Patrick Gourden.

De même si le contrat partenaire précise dans son article 18 qu'il est conclu intuitu personae, condition rappelée par la société SFR dans une note du 7 mai 1997 destinée à l'association des espaces SFR, cette condition s'applique tout autant aux personnes morales qu'aux personnes physiques.

En effet, comme le rappelle opportunément M. Patrick Gourden, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur. Or force est de constater en l'espèce que M. Gourden est particulièrement peu prolixe sur les conditions concrètes d'exploitation et de fonctionnement de l'espace SFR objet du contrat partenaire conclu par la société RTD.

Si le bénéfice du statut de salarié, prévue par l'article L. 781-1 du Code du travail n'implique pas nécessairement pour un dirigeant de personne morale, que soit démontré le caractère fictif de la dite personne morale, il est par contre nécessaire que le dirigeant, personne physique qui revendique ce statut, établisse un exercice effectif et personnel de l'activité professionnelle revendiquée et l'instauration d'un lien direct avec l'entreprise pour le compte de laquelle est exercée cette activité.

Faute pour l'appelant de démontrer d'une part qu'il assurait de manière effective et personnelle la direction de l'espace SFR exploité par la société RTC dont il était le gérant et participait à son activité et d'autre part qu'il entretenait un lien direct et personnel avec la société SFR c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand dont le jugement sera confirmé a considéré que M. Gourden ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail pour bénéficier du statut de salarié et solliciter les indemnités en résultant.

Il serait inéquitable de laisser la société SFR supporter l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Une indemnité de 1 500 euro lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Gourden qui succombe en son appel devra supporter les dépens et ne saurait quant à lui prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement : En la forme, Déclare l'appel recevable, Au fond, Confirme le jugement rendu le 10 septembre 2007 par le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand. Condamne M. Patrick Gourden à payer à la société SFR une indemnité de 1 500 euro (mille cinq cents euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Le condamne en outre aux dépens.