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Décisions

CA Colmar, ch. soc. A, 29 mars 2007, n° 04-05240

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Jalston (SARL)

Défendeur :

Morel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Rastegar

Conseillers :

Mme Brodard, Schneider

Avocats :

Mes Lopez, Bertrand

Cons. prud'h. Strasbourg, du 5 oct. 2004

5 octobre 2004

M. Jean-Pierre Morel a été embauché le 2 décembre 1996 en qualité de VRP multicartes par la SARL Jalston. Il bénéficiait d'un secteur exclusif sur les départements du grand Est et du Luxembourg et avait conservé quatre marques énoncées dans son contrat de travail.

Il a fait l'objet d'un avertissement le 12 juillet 2002 en raison du non respect des directives puis a été licencié le 14 août 2002 pour faute lourde après avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

Contestant le bien fondé de ce licenciement il a saisi le Conseil de prud'hommes de Strasbourg d'une demande tendant à l'octroi de différentes sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement rendu le 5 octobre 2004 le conseil a estimé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la société Jalston au paiement de :

- 869,03 euro et 86,90 euro au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents,

- 4 253,67 euro et 425,37 euro au titre du préavis et des congés payés afférents,

- 153,95 euro au titre du rappel de congés payés pour août et septembre 2002,

- 17 602,84 euro au titre de l'indemnité de non-concurrence,

- 8 801,42 euro au titre de l'indemnité de clientèle,

- 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et réservé les droits de M. Morel au titre du solde de commission.

La SARL Jalston a interjeté appel de cette décision.

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les conclusions de la SARL Jalston, appelante, en date du 17 mai 2006 reprises oralement à l'audience tendant à l'infirmation du jugement déféré au rejet de l'intégralité des demandes et à la condamnation de M. Morel aux remboursements des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire et 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions de M. Morel, intimé et appelant incident, en date du 13 septembre 2006 reprises oralement à l'audience tendant à la confirmation du jugement déféré sur le préavis, la mise à pied conservatoire, le rappel de congés et les indemnités de congés payés à son infirmation pour le surplus et à l'octroi de :

- 141,42 euro au titre du remboursement des frais exposés pour assister à l'entretien préalable,

- 2 887,65 euro au titre des commissions dont 2 500 euro à déduire,

- 23 470,42 euro au titre de la clause de non-concurrence avec les intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle,

- 35 205,67 euro au titre de l'indemnité de clientèle,

- 17 602,84 euro à titre de dommages et intérêts,

- 4 000 euro au titre de ses frais irrépétibles.

Vu la procédure et les pièces versées aux débats

Les appels sont recevables en la forme.

Au fond,

La lettre du 14 août 2002 qui fixe les limites du litige énonce que le licenciement est motivé par quatre griefs démontrant la volonté de causer un préjudice à la société et constituant une faute lourde.

1) L'exercice d'une activité concurrente

Le 23 avril 2002 M. Morel a créé une SARL H2G dont il est l'actionnaire majoritaire dont l'objet social est la commercialisation de biens d'équipement pour la maison, de matériel et d'équipement ménager et de pièces détachées, le dépannage de tout matériel et équipement ménager.

Il n'est pas contesté que cette société a une activité concurrente avec celle de la société Jalston et qu'elle distribuait la marque Atag.

M. Morel a été embauché en qualité de VRP multicartes, l'article VII du contrat de travail prévoit qu'il " ne pourra représenter d'autres maisons pour tout article, sauf autorisation expresse et écrite de l'employeur. Les maisons représentées à ce jour par M Morel Jean-Pierre sont Atag-Pedini-Laisne-Pierre & Clément ".

M. Morel a été licencié par la société Atag le 4 septembre 2000 et a signé un accord transactionnel avec celle-ci qui a été homologué par le Conseil de prud'hommes de Strasbourg le 15 mai 2001.

A partir du 4 septembre 2000 M. Morel ne représentait plus la société Atag et devait à partir du mois d'avril 2002 solliciter l'autorisation de son employeur tant pour la marque Atag, dont il importe peu qu'elle a été reprise par une société néerlandaise, que pour la société H2G qui ne figurait pas dans la liste des maisons autorisées.

M. Morel n'ignorait pas l'obligation de recueillir l'autorisation expresse et écrite de la SARL Jalston puisqu'il a sollicité au mois d'avril ou le 11 juin 2002 la modification du contrat de travail, la société Pedini étant remplacée par la société MSA.

Le 20 juin 2002 la société Jalston lui a transmis un avenant au contrat de travail tenant compte de cette modification mais également de la disparition de la société Atag du marché français.

M. Morel ne saurait sérieusement prétendre qu'il n'avait pas l'interdiction de représenter la maison Atag mais seulement la marque Atag qui avait disparu alors qu'il résulte du jugement du Conseil de prud'hommes de Strasbourg du 15 mai 2001 que la société Atag France a été reprise par la société Atag Vastgoed BV, société de droit néerlandais et que le matériel distribué était identique.

Quand bien même la lettre de licenciement ne mentionne pas le nom des deux sociétés concernées le grief énoncé d'exercice d'une activité professionnelle pour le compte d'une société concurrente est précis, l'employeur n'étant pas tenu d'indiquer le nom du concurrent et M. Morel reconnaît que tant la société H2G qu'Atag ont été évoquées lors de l'entretien préalable.

Le fait de représenter des sociétés non autorisées est une violation du contrat de travail non couverte par la prescription, la société Jalston l'ayant découvert par le courrier de la société Amenagine du 12 juillet 2002.

Le premier grief est démontré.

2) S'est adressé à certains des fournisseurs, notamment la société Gutmann pour obtenir la distribution exclusive de leurs produits en France

Excepté un courrier de Gutmann, par ailleurs rédigé en allemand et non traduit, daté du 24 août 2001 et donc faisant état de faits très largement prescrits, la SARL Jalston ne démontre pas ce grief.

La société Depanest n'est pas un fournisseur mais une société créé par Jalston pour assurer le service après vente, elle ne peut dès lors pas avoir fait l'objet d'une tentative de détournement.

Le reproche de déstabilisation de la société Depanest n'étant pas visé dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la SARL Jalston ne peut l'invoquer comme grief.

3) Déstabilisation du personnel

Ce grief concerne les relations avec M. Strodijk, responsable commercial.

Si M. Morel a fait l'objet d'un avertissement le 12 juillet 2002, cette sanction ne se rapportait pas exactement aux mêmes faits qui sont reprochés dans la lettre de licenciement consistant en des appels téléphoniques insultants ou peu respectueux de la hiérarchie postérieurs à l'avertissement.

M. Morel ne conteste pas sérieusement les termes utilisés les 16, 17 et 18 juillet 2002 et relatés par M. Strodijk.

Quelque soit le contexte dans lequel ils ont été dits M. Morel, qui a souligné le manque d'expérience de M. Strodijk dans son courrier du 20 juillet 2002, il ne permettait pas au salarié de s'affranchir de tout respect envers son supérieur hiérarchique quand bien ce dernier était inexpérimenté alors que les reproches d'incompétence n'étaient pas fondés et que M. Strodijk n'employait pas le même ton dans sa correspondance avec Monsieur Morel.

4) Atteinte à l'autorité du gérant

Contrairement à l'opinion des premiers juges ce grief est démontré par le courrier adressé le 15 juillet 2002 par M. Morel à M. Riedinger dans lequel il l'accuse d'avoir volontairement endommagé des appareils en exposition ce qui a entraîné une perte de clients, de mauvaise gestion et d'une attitude sournoise vis-à-vis des commerciaux et des clients, reproches au demeurant non démontrés et qui dénotent l'insubordination du salarié envers le gérant de la société.

Par contre le non paiement d'une facture concernant des achats personnels ne constitue pas une faute, comme l'a souligné le conseil, aucune relance n'avait été adressée à Monsieur Morel.

Ce dernier avait une obligation de loyauté envers son employeur, en exerçant une activité concurrente en violation de son contrat de travail et en faisant preuve d'insubordination envers ses supérieurs hiérarchiques M. Morel a commis des fautes rendant impossible le maintien de travail pendant le préavis, ses derniers courriers démontrant qu'il s'était affranchi de tout lien de subordination mais non une faute lourde, l'intention de nuire n'étant pas démontrée.

Le jugement sera infirmé et M. Morel débouté de ses demandes au titre du licenciement et du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire.

Le licenciement pour faute grave n'est pas privatif de l'indemnité de congés payés acquis et non pris au moment du licenciement, la somme de 153,95 euro sera confirmée, par contre il exclut le versement d'une indemnité de clientèle, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

5) Les frais

Le jugement déféré sera confirmé sur les frais de déplacement que M. Morel ne démontre pas sinon par une note établie par lui même qui est insuffisante. En outre, il n'est pas contesté que l'entretien préalable a eu lieu pendant le temps de travail et que le contrat signé par les parties ne prévoyait pas un remboursement quelconque des frais professionnels.

6) Les commissions

M. Morel demande de manière contradictoire qu'il soit enjoint à la SARL Jalston de produire l'état des commissions sous astreinte alors qu'il chiffre le montant de ce qui lui est dû, ce qui démontre que sa demande sous astreinte, non chiffrée, est sans objet.

La SARL Jalston s'oppose à cette demande sans toutefois établir qu'elle a versé l'intégralité de ce qui était dû au salarié.

Il convient de la condamner au paiement de 387,65 euro brut.

7) La clause de non-concurrence

L'article XVII du contrat de travail prévoit que " le représentant s'engage à ne prendre aucun accord ou contrat direct avec les fabricants ou maisons distribuées par l'employeur, en outre il s'interdit de représenter ces maisons en direct après la rupture du présent contrat pour quelque raison que ce soit ".

La clause de non-concurrence a pour effet de limiter la liberté du salarié dans l'exercice de sa profession. En l'espèce, il n'était pas interdit à M. Morel d'exercer son activité de VRP ni même de visiter les clients qu'il démarchait au profit de la société Jalston, seul le contact direct avec les fournisseurs de cette société lui était interdit tant au cours du contrat de travail qu'après la rupture de celui-ci ce qui implique qu'il pouvait être salarié d'une société distributeur de ces produits et que seuls des actes de concurrence déloyale lui étaient interdits.

En conséquence aucune indemnisation n'est due.

Chaque partie succombant supportera ses propres dépens d'appel et ne peut prétendre à une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

L'infirmation partielle du jugement entraîne nécessairement le remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare les appels recevables et partiellement fondé. Infirme le jugement déféré sur le licenciement, l'indemnité de clientèle, la clause de non-concurrence, et statuant à nouveau, Dit le licenciement fondé sur une faute grave. Déboute M. Morel de ses demandes au titre du préavis et du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire ainsi que des congés payés afférents. Le déboute de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle et de sa demande au titre de l'indemnité de non-concurrence. Confirme pour le surplus. Y ajoutant, Condamne la SARL Jalston à payer à M. Morel la somme de 387,65 euro (trois cent quatre-vingt-sept euro et soixante-cinq centimes) au titre des commissions avec les intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2006 date de la demande. Condamne M. Morel à rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré. Condamne chaque partie à ses propres dépens d'appel. Rejette leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.