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Décisions

CA Paris, 22e ch. C, 22 mars 2007, n° 05-00439

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Levy

Défendeur :

Ahlers France (SARL), Ahlers Goldress GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pancrazi

Conseillers :

Mme Chandelon, M. Maitrepierre

Avocats :

Mes Soumeire, Muller

Cons. prud'h. Paris, 4e ch. sect. encadr…

24 mai 2004

Vu l'appel régulièrement formé par Richard Levy contre un jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en date du 24 mai 2004 qui a statué sur le litige qui l'oppose à la société Ahlers France et à la société Ahlers Goldress GmbH sur ses demandes en paiement et remise de pièces relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail,

Vu le jugement déféré, qui a prononcé la jonction des dossiers enregistrés sous les numéros 02-16407 et 03-10534, dit n'y avoir pas lieu de prononcer la résolution judiciaire, condamné la société Ahlers France à payer à Richard Levy la somme de 6 402,90 euro à titre de rappel de salaire outre les intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, ainsi que la somme de 400 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté Richard Levy du surplus de ses demandes,

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :

Richard Levy, appelant, poursuit la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Ahlers France à lui payer le rappel de salaire stock et l'infirmation de ses autres dispositions. Il demande à la cour de dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence sollicite la condamnation in solidum de la société Ahlers France et de la société Ahlers Goldress GmbH à lui payer 84 901,44 euro à titre d'indemnité de clientèle et subsidiairement 10 390,30 euro à titre d'indemnité de licenciement,

Il réclame en outre in solidum aux intimées :

- 10 751,25 euro au titre du salaire stock,

- 20 143,36 euro au titre du rappel de commission marque de 8 %,

- 1 415 euro au titre du rappel de commission stock outre 141,50 euro pour les congés payés afférents,

- 102 926,60 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

- 6 000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il demande que le paiement de ces sommes soit assorti des intérêts au taux légal et que les dépens à la charge des intimées comprennent les frais de traduction selon facture du 18 novembre 2004.

La société Ahlers France et la société Ahlers Goldress GmbH intimées, concluent à la confirmation du jugement, mais qu'il soit dit que Richard Levy n'a eu pour employeur que la société Ahlers France, qu'il soit débouté de ses prétentions, la rupture de son contrat de travail s'analysant en une démission et qu'il soit condamné à leur payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé

Richard Levy a été engagé par la société Ahlers France en 1992 en qualité de représentant multicarte.

Il soutient avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 15 décembre 2004 eu égard aux changements substantiels, résultant de la fermeture du magasin d'exposition de Paris où il était affecté depuis 1999, et entraînant une baisse importante de ses revenus.

Les intimés soutiennent que seule la société Ahlers France était l'employeur de Richard Levy, sa présence au magasin d'exposition de Paris étant très secondaire par rapport à son activité principale, que la baisse de ses revenus n'est pas établie, la conjoncture étant seule responsable de la diminution du chiffre d'affaires.

Sur ce,

Sur la mise en cause de la société Ahlers Goldress GmbH

Considérant que Richard Levy a été engagé en qualité de représentant multicarte par la société Ahlers France par contrat en date du 25 septembre 1992 ; que bien que faxé par la société Ahlers Goldress GmbH, il résulte des propres termes du contrat que c'est la société Ahlers France qui est l'employeur de Richard Levy, que cela résulte encore d'un autre fax du 21 septembre 1992 et d'une attestation du 5 octobre 1992 délivrée en vue de l'obtention de la carte professionnelle de Richard Levy; que l'avenant du 31 août 1999 est établi sur papier à en-tête de la société Ahlers France et que les bulletins de salaire émanent de celle-ci,

Considérant que Richard Levy n'a aucun lien de subordination avec la société Ahlers Goldress GmbH ; que celle-ci doit être mise hors de cause,

Sur la prise d'acte

Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Richard Levy mais que postérieurement celui-ci a pris acte de sa rupture par lettre du 15 décembre 2004,

Considérant que dans ce courrier Richard Levy invoque le non-respect par son employeur de son obligation et la fermeture du " stock " parisien sans son accord, ce qui lui cause un préjudice financier très important ; qu'il lui reproche également l'absence de versement des sommes dues en exécution du jugement du 24 mai 2004 et de celle correspondant au forfait mensuel pour la période de mai à décembre, se considérant victime d'un comportement discriminatoire,

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient ; que si le comportement fautif de l'employeur n'est pas établi, la prise d'acte aura les effets d'une démission,

Considérant qu'il est constant que par avenant du 31 août 1999 Richard Levy s'est engagé à assurer une "présence systématique" au magasin d'exposition de Paris le lundi toute la journée pendant les heures de bureau, pendant toute la durée de la présentation de collections et en dehors de la tournée, deux jours par semaine ; qu'à titre de dédommagement et de participation aux frais, il s'est vu attribuer un forfait mensuel de 3 000 F (457,35 euro) ainsi qu'une prime de 0,20 F (0,03 euro) par pièce vendue, que l'avenant prévoit la possibilité de résiliation moyennant un préavis d'un mois,

Considérant que le contrat liant Richard Levy à la société Ahlers France n'en reste pas moins principalement un contrat de représentant de commerce "multicartes " ; que son statut de VRP implique que Richard Levy a comme mission essentielle la prospection, c'est-à-dire la visite d'une clientèle à l'extérieur de l'entreprise, dans le but de prendre ou de provoquer des ordres ; que la prospection suppose une activité de démarchage personnel du représentant auprès de la clientèle, reposant sur ses propres efforts et ses initiatives, et implique également une représentation de l'entreprise à l'extérieur de celle-ci, ce qui suppose par définition des déplacements et des visites,

Considérant par suite que l'avenant ne constitue pas une nouvelle modalité d'exécution du contrat de travail mais simplement une facilité offerte à Richard Levy de développer sa clientèle en disposant d'un local de stockage des modèles d'habillement vendu par la marque, l'astreinte consistant en la présence sur place durant certaines heures par semaine étant compensée tant par un supplément de salaire fixe que par une commission à la pièce,

Considérant que la société Ahlers France produit au débat l'évolution "du stock et saison en pièce" duquel il ressort que Richard Levy a vendu moins de pièces en 1999 qu'en 1998 alors qu'il disposait à partir du 1er septembre 1999 du magasin d'exposition et que cette baisse s'est même confirmée en 2000 en dépit d'un volume exceptionnel de 1 350 pièces commandées par un client ; que si l'année 2001 a été meilleure notamment grâce à un autre volume exceptionnel de 1 479 pièces vendues, l'année 2002 s'est achevée par un stock similaire à celui de 2000 ; que pour 2003 et 2004 la baisse est effectivement de près de 50 % par rapport à 2002,

Considérant en outre qu'il résulte d'un autre tableau produit par la société Ahlers France que le nombre de clients actifs de Richard Levy est passé de 78 en 1998 à 41 en 2005, 16 cessations de commerce intervenant entre 2001 et 2005,

Considérant qu'il résulte de ces éléments, d'une part que l'utilisation du magasin d'exposition tenu par Richard Levy à partir de septembre 1999 n'a pas eu d'impact significatif sur ses ventes et qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre sa fermeture et la baisse des commandes, d'autre part que celle-ci s'explique par la disparition de sa clientèle,

Considérant au surplus que s'il peut être fait grief à la société Ahlers France de ne pas avoir dénoncé l'avenant comme l'article trois lui en faisait l'obligation moyennant un préavis d'un mois, il n'en reste pas moins vrai qu'elle a cherché à mettre en œuvre une solution de nature à compenser les inconvénients résultant de la disparition du magasin d'exposition ; que, postérieurement à l'annonce de la fermeture de celui-ci pour cause d'expiration du bail et de l'absence d'ouverture d'un autre en remplacement prévue à l'origine pour septembre 2002, la situation particulière de Richard Levy a été prise en considération puisque par lettre du 18 novembre 2002 la société Ahlers France lui a proposé une compensation à hauteur de 3 491,28 euro composée d'un montant annuel de primes de 747,18 euro et de 50 % de son fixe forfaitaire annuel soit 2 744,10 euro ; que cette proposition, rejetée par Richard Levy a été suivie par une autre, le 18 décembre 2002, à hauteur de la somme de 5 000 euro, également rejetée par l'appelant,

Considérant, sur le deuxième grief de la prise d'acte tiré du motif de l'exécution tardive du jugement querellé, que celui-ci n'a été notifié à la société Ahlers France par le greffier en chef du Conseil des prud'hommes de Paris que le 25 novembre 2004, comme l'a rappelé celle-ci dans un courrier à Richard Levy en date du 25 décembre 2004 ; que ce dernier ne peut en conséquence fonder sa prise d'acte du 15 décembre 2004 sur le retard pris dans le versement des sommes qui étaient dues en exécution de la décision judiciaire,

Considérant ainsi que le comportement fautif de l'employeur n'étant pas établi, la prise d'acte de Richard Levy a les effets d'une démission,

Sur les indemnités, les dommages et intérêts et les rappels de salaire

Considérant que l'indemnité de clientèle ne saurait être réclamée par Richard Levy dès lors que sa prise d'acte est analysée comme une démission,

Que ne sont pas davantage dus, pour les mêmes motifs, l'indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour rupture abusive,

Considérant, s'agissant du forfait mensuel fixe et le la prime par pièce vendue prévue à l'avenant, que postérieurement à la fermeture du magasin d'exposition, la société Ahlers France a continué à payer la prime fixe jusqu'au mois de février 2003 inclus; que, faute d'avoir été remise en cause par l'employeur, cette prime s'analyse en un accessoire du salaire; qu'il est constant que Richard Levy a quitté l'entreprise le 15 mars 2005 à l'issue de son préavis ; que la société Ahlers France reste donc redevable de 23,5 mois à 457,35 euro, soit un total de 10 747,72 euro ; que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement,

Considérant en revanche que la cessation de la vente de pièces au magasin d'exposition a rendu caduque la prime de 0,03 euro,

Considérant que Richard Levy percevait une commission de marque de 8 % sur la totalité des ventes réalisées dans son secteur; qu'il impute à la fermeture du magasin d'exposition la baisse de ses ventes avec pour conséquence celle de ses commissions ; que toutefois la cour ayant considéré pour apprécier la portée de la prise d'acte qu'il n'existait pas de lien de cause à effet entre les ventes et la fermeture des magasins, Richard Levy n'est pas fondé à réclamer un rappel de commission,

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que Richard Levy, la société Ahlers France et la société Ahlers Goldress GmbH demandent à être indemnisés pour les frais exposés dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens,

Considérant que l'équité commande de les débouter de leurs demandes.

Par ces motifs, LA COUR, Confirmant pour partie le jugement déféré, l'infirmant pour partie et le réformant, Met hors de cause la société Ahlers Goldress GmbH, Dit que la prise d'acte du 15 décembre 2004 s'analyse en une démission de Richard Levy, Condamne la société Ahlers France à payer à Richard Levy la somme de 10 747,72 euro (dix mille sept cent quarante sept euro soixante douze centimes) au titre de rappel d 'indemnité forfaitaire, Confirme pour le surplus les dispositions du jugement qui ne sont pas contraires au présent arrêt. Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Ahlers France aux dépens.